Présentation d’une fausse pèce d’identité française non

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 1 octobre 1987

N° de pourvoi : 87-80766

Publié au bulletin

Irrecevabilité et Cassation partielle

Président :M. Bonneau, conseiller le plus ancien faisant fonction, président

Rapporteur :M. Maron, conseiller apporteur

Avocat général :M. Robert, avocat général

Avocat :Mme Luc-Thaler, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

IRRECEVABILITE et CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
"-" X... Jean-Pierre,
"-" la société Carrefour, civilement responsable,
contre un arrêt de la cour d’appel de Paris, 11e chambre, en date du 28 octobre 1986 qui, pour emploi d’étrangers non munis de titre les autorisant à exercer une activité salariée, a condamné le premier à deux amendes de 5 000 francs.
LA COUR,
Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;
Sur la recevabilité du pourvoi en ce qu’il est formé par la société Carrefour :
Attendu que par l’arrêt attaqué la société Carrefour a été déclarée civilement responsable de son préposé Jean-Pierre X... ; que, dans son acte de pourvoi, elle a expressément limité la portée de celui-ci aux seules dispositions sur les deux amendes de 5 000 francs auquelles celui-ci a été condamné ;
Attendu que les peines étant individuelles, le civilement responsable d’un condamné à l’amende ne saurait, sauf disposition légale dérogatoire, être tenu à son paiement ; qu’il est irrecevable à se pourvoir contre les seules dispositions d’un arrêt condamnant celui-ci à une amende ;
D’où il suit que le pourvoi est irrecevable en ce qu’il est formé par la société Carrefour ;
Sur le pourvoi, en ce qu’il émane de X... :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation du principe du contradictoire et des droits de la défense, des articles 427 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
” en ce que l’arrêt attaqué a condamné X... d’avoir employé deux étrangers non munis d’un titre régulier les autorisant à exercer une activité salariée et déclaré la société Carrefour civilement responsable ;
” aux motifs que la procédure est régulière ; que c’est vainement que le prévenu soutient que le procès-verbal de l’inspecteur du Travail aurait dû lui être notifié ou communiqué ; que la remise d’un exemplaire de ce document au contrevenant n’est en effet prescrit aux termes de l’article L. 611-10 du Code du travail qu’en cas d’infraction aux dispositions relatives à la durée du travail ;
” alors que le juge ne peut fonder sa décision que sur des documents soumis au débat contradictoire ; qu’il en est ainsi notamment, même en l’absence de disposition particulière, du procès-verbal de l’inspecteur du Travail dressé à la suite d’une visite dans l’entreprise ;
” qu’ainsi les juges d’appel ont violé le principe du contradictoire et du respect des droits de la défense “ ;
Attendu que, pour répondre aux conclusions de X... qui faisait valoir que le procès-verbal de constatation des infractions ne lui avait pas été notifié et dire que la procédure pénale était régulière, la cour d’appel rappelle, à bon droit, que “ la remise d’un exemplaire de ce document au contrevenant n’est... prescrite, aux termes de l’article L. 611-10 du Code du travail, qu’en cas d’infraction aux dispositions relatives à la durée du travail “ ;
Et attendu qu’il résulte de l’arrêt et des pièces de procédure que ledit procès-verbal figurait bien au dossier auquel, par l’intermédiaire de son conseil, le prévenu a eu accès ;
Que le moyen qui repose sur une affirmation de fait inexacte, doit dès lors être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l’article L. 341-6 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
” en ce que l’arrêt attaqué a condamné X... et la société Carrefour au paiement de deux amendes de 5 000 francs chacune pour avoir employé deux étrangers Saïd Y... de nationalité comorienne et Soloha Z... de nationalité malgache, non munis d’un titre régulier les autorisant à exercer une activité salariée en France ;
” aux motifs, d’une part, que Saïd Y... de nationalité comorienne a été engagé le 1er août 1983 en qualité de caissier dans l’entreprise Carrefour d’Ivry-sur-Seine ; qu’il n’a pu justifier d’aucun titre régulier l’autorisant à exercer une activité salariée en France ; que l’employeur avait l’obligation de vérifier l’existence d’un titre de travail en règle ; que le fait que ce salarié ait pu induire l’employeur en erreur en lui présentant une carte d’identité délivrée avant l’indépendance des Comores, ne peut l’exonérer de sa responsabilité pénale et ne constitue tout au plus qu’une circonstance atténuante ;
” alors que pour apprécier le caractère volontaire des agissements reprochés aux demandeurs, il était au contraire déterminant de rechercher si X... savait que Saïd Y... était un étranger ; qu’ainsi les juges du fond n’ont pas légalement justifié leur décision ;
” et aux motifs, d’autre part, qu’il ressort des éléments de la procédure que Soloha Z..., épouse A..., de nationalité malgache, avait produit lors de son embauche une autorisation provisoire de travail expirant le 8 septembre 1983 ; que cette autorisation provisoire de travail a été prolongée jusqu’au 30 juin 1984, puis n’a plus été reconduite de telle sorte que l’intéressée était en situation irrégulière lors du contrôle de l’inspection du Travail en septembre 1984 ; qu’il incombait à l’employeur de s’assurer que Soloha Z..., épouse A..., était titulaire d’un titre de travail en règle pendant tout le temps où il la conservait à son service ;
” alors que les juges du fond qui constataient que Mme Z... avait vu son autorisation provisoire régulièrement renouvelée ne pouvaient faire grief à la société de n’avoir pas vérifié au fur et à mesure les périodes de validité “ ;
Sur la première branche du moyen :
Vu les articles L. 341-6, L. 364-2-1 du Code du travail et 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance de motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que le fait d’engager ou de conserver à son service un étranger non muni de titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France est une infraction intentionnelle qui requiert, pour être constituée, la connaissance, par l’employeur, de la qualité d’étranger du salarié ;
Attendu que, pour déclarer X... coupable de ce délit, pour avoir engagé Saïd Y..., de nationalité comorienne, les juges du second degré, qui au surplus précisent que ce dernier a pu “ induire l’employeur en erreur en lui présentant une carte d’identité délivrée avant l’indépendance des Comores “ ne relèvent pas que X... savait que son employé était étranger ; que dès lors, faute d’avoir caractérisé l’élément intentionnel du délit poursuivi, ils n’ont pas légalement justifié leur décision ;
Et attendu qu’en raison des principes d’indivisibilité des peines et d’indivisibilité entre la déclaration de culpabilité et le prononcé de la peine, la cassation encourue de ce chef doit s’étendre aux dispositions de l’arrêt relatives à l’infraction qu’aurait commise le demandeur à l’égard de l’autre salarié étranger ;
Par ces motifs :
DECLARE la société Carrefour IRRECEVABLE en son pourvoi ;
CASSE ET ANNULE l’arrêt rendu le 28 octobre 1986 par la cour d’appel de Paris, mais en ses seules dispositions relatives à X... ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel d’Amiens.
Publication : Bulletin criminel 1987 N° 327 p. 878

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris, du 28 octobre 1986

Titrages et résumés : 1° PEINES - Personnalité des peines - Effet - Civilement responsable - Cassation - Pourvoi - Recevabilité - Pourvoi limité à la peine

1° Le civilement responsable d’un condamné à l’amende ne saurait, sauf disposition légale dérogatoire, être tenu au paiement de celle-ci ; il est dès lors irrecevable à se pourvoir contre les seules dispositions d’un arrêt condamnant le prévenu à une amende.

* CASSATION - Pourvoi - Pourvoi du civilement responsable - Recevabilité - Pourvoi limité à la peine (non) 2° TRAVAIL - Ouvriers étrangers - Emploi d’un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France - Eléments constitutifs - Elément intentionnel

2° Le fait d’engager ou de conserver à son service un étranger non muni de titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France est une infraction intentionnelle qui requiert, pour être constituée, la connaissance, par l’employeur, de la qualité d’étranger du salarié.

* ETRANGER - Travail en France - Emploi d’un travailleur étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France - Eléments constitutifs - Elément intentionnel 3° CASSATION - Cassation totale - Peines - Fausse application - Indivisibilité des peines

3° Voir le sommaire suivant.

* PEINES - Indivisibilité - Effet * TRAVAIL - Ouvriers étrangers - Emploi d’un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France - Peines - Indivisibilité - Effet 4° CASSATION - Cassation totale - Peines - Fausse application - Indivisibilité entre la déclaration de culpabilité et les peines

4° Lorsque l’arrêt condamnant un employeur pour pluralité d’infractions aux dispositions de l’article L. 341-6 du Code du travail est cassé pour avoir insuffisamment caractérisé l’un de ces délits, la cassation doit, en raison des principes d’indivisibilité des peines et d’indivisibilité entre la déclaration de culpabilité et le prononcé de la peine, porter sur l’ensemble des condamnations