Loi pénale pénale plus douce - disparition de l’infraction oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 11 décembre 2012

N° de pourvoi : 11-86415

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Louvel (président), président

SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

"-" M. Jan-Peter Z...,

"-" Mme Bozéna Y... ,

contre l’arrêt de la cour d’appel de DIJON, chambre correctionnelle, en date du 22 juin 2011, qui a condamné le premier à un an d’emprisonnement, 2 000 euros d’amende, cinq ans d’interdiction professionnelle et huit amendes de 200 euros pour exécution d’un travail dissimulé, emploi irrégulier d’étrangers et non inscription de salariés sur le registre unique du personnel, et la seconde à six mois d’emprisonnement avec sursis pour exécution d’un travail dissimulé ainsi que pour emploi irrégulier d’étrangers et complicité ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l’arrêté du 24 juin 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l’emploi, des autorisations de travail aux ressortissants des Etats de l’Union européenne soumis à des dispositions transitoires et des articles 112-1 du code pénal, L. 5221-1, L. 5221-2 et L. 8256-2 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. Z... coupable d’avoir commis le délit d’emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail courant 2002 jusqu’au 28 février 2007 et Mme Y... coupable d’avoir commis ce même délit en qualité d’auteur entre le 1er juin 2003 et le 31 mai 2005 et en qualité de complice du 1er janvier 2005 au 28 février 2007 ;

” aux motifs adoptés que les ressortissants polonais recrutés par Mme Y... afin de travailler pour M. Z... ne disposaient pas de titre de travail ; que la réglementation du travail française prévoit que pour les situations d’emploi, conformément aux actes d’adhésion signés avec la Lettonie, la Lituanie, l’Estonie, la Hongrie, la République Tchèque, la Slovaque, la Slovénie et la Pologne, la France a instauré depuis le 1er mai 2004 une période transitoire de sept ans (1er mai 2011) en matière de libre circulation des travailleurs ; que les ressortissants polonais doivent donc demander et obtenir une autorisation de travail pour pouvoir être embauchés ; qu’en tout état de cause et avant le 1er mai 2004, l’autorisation de travail était strictement obligatoire ; qu’il convient de relever que les prévenus n’ont pas respecté ces obligations ;

” alors qu’une loi nouvelle s’applique aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elle est moins sévère que la loi ancienne ; qu’en levant la totalité des restrictions à l’accès au marché du travail pour les ressortissants polonais à compter du 1er juillet 2008, l’arrêté du 24 juin 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l’emploi, des autorisations de travail aux ressortissants des Etats de l’Union européenne soumis à des dispositions transitoires a retiré aux faits poursuivis du chef d’emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail leur caractère punissable, de sorte qu’en entrant en voie de condamnation de ce chef à l’encontre Mme Y... et M. Z..., la cour d’appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés “ ;

Vu l’article 112-1 du code pénal ;

Attendu qu’il résulte de ce texte que, sauf dispositions expresses contraires, une loi nouvelle s’applique aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elle est moins sévère que la loi ancienne ;

Attendu que, consécutivement à une information anonyme, selon laquelle, pratiquant la restauration de maisons d’habitation, M. Z... aurait recours à l’emploi de travailleurs clandestins, et à la plainte de cinq ressortissants polonais déposée pour cette même raison contre l’intéressé et sa compagne, Mme Y... , le procureur de la République a, après qu’une enquête eut établi la vraisemblance de ces accusations, requis l’ouverture de deux informations qui ont abouti au renvoi des mis en cause, des chefs susvisés, devant le tribunal compétent ; que cette juridiction a ordonné la jonction de ces deux procédures ;

Attendu que, pour déclarer M. Z... et Mme Y... coupables, respectivement comme auteur et complice, d’emploi de ressortissants polonais non munis d’une autorisation de travail, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que la Pologne étant devenue membre de l’Union européenne le 1er mai 2004, la totalité des restrictions à l’accès au marché du travail a été levée pour les ressortissants de cet Etat à compter du 1er juillet 2008, de sorte que l’infraction poursuivie avait perdu son caractère punissable, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le troisième moyen pris de la violation des articles L. 1221-13 et R. 1227-7 du code du travail, 591 et 593 du code du travail, défaut de motifs, manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt attaqué a condamné M. Z... à huit amendes contraventionnelles de 200 euros chacune pour les faits d’omission de tenue d’un registre du personnel ;

” aux motifs que l’information a permis d’établir qu’aucun registre du personnel n’était tenu par la société Building service 71, gérée de fait par M. Z... , qui a confirmé l’emploi des cinq travailleurs polonais qui avaient porté plainte auprès de la gendarmerie ; qu’il convient de condamner M. Z... à huit amendes de 200 euros chacune pour la contravention de non-inscription de salariés sur le registre du personnel ;

” alors que le nombre d’amendes encourues en cas d’omission de tenue d’un registre du personnel correspond au nombre de salariés employés, ni plus, ni moins ; qu’en condamnant M. Z... à huit amendes contraventionnelles de 200 euros chacune pour les faits de non tenue d’un registre du personnel après avoir pourtant seulement fait état de l’emploi de cinq salariés, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision “ ;

Vu l’article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour condamner M. Z... à huit amendes de 200 euros chacune pour non-inscription sur le registre unique du personnel, l’arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, sans caractériser le nombre de salariés embauchés auxquels s’appliquait la non-inscription sur ledit registre, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;

D’où il suit que la cassation est encore encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu d’examiner le deuxième moyen de cassation proposé :

CASSE et ANNULE, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Dijon, en date du 22 juin 2011, en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité du chef d’emploi d’étrangers sans autorisation et aux peines prononcées contre Mme Y... et M. Z... , ainsi que, pour ce dernier, à la condamnation pour non-inscription sur le registre unique du personnel, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Besançon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Dijon et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Buisson conseiller rapporteur, Mme Guirimand conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Dijon , du 22 juin 201