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Conseil d’État

N° 420259

ECLI:FR:CEORD:2018:420259.20180515

Inédit au recueil Lebon

lecture du mardi 15 mai 2018

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée La Maison de Pigalle a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de l’arrêté du 6 avril 2018 par lequel le préfet de police a prononcé la fermeture administrative de son établissement “ O’Tacos “ pour une durée de soixante-quinze jours. Par une ordonnance n° 1806511/9 du 28 avril 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par une requête enregistrée le 4 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société La Maison de Pigalle demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d’annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

"-" la condition d’urgence est remplie, dès lors que la fermeture décidée par le préfet de police compromet gravement la pérennité de son établissement “ O’Tacos “, risque d’entraîner à court terme le licenciement de huit salariés, la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers ainsi que la résiliation du contrat de franchise qui la lie à l’enseigne “ O’Tacos “, et l’expose au dépôt d’une déclaration de cessation de paiement et à la liquidation judiciaire ;

"-" la décision contestée porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l’industrie ;

"-" cette décision est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dès lors que, d’une part, M. A...disposait d’un titre de séjour l’autorisant à travailler et, d’autre part, sa déclaration annuelle des données sociales pour l’année 2017 et sa déclaration sociale nominative ont été déposées en préfecture le 26 mars 2018 ;

"-" elle est entachée d’une erreur de qualification juridique des faits dès lors que le préfet de police a retenu l’infraction de travail dissimulé au sens de l’article L. 8211-1 du code du travail en se fondant uniquement sur l’absence de déclaration annuelle des données sociales et de déclaration sociale nominative ;

"-" la durée de la fermeture administrative prononcée est manifestement disproportionnée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

"-" le code du travail ;

"-" le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : “ Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures “. En vertu de l’article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut rejeter une requête par une ordonnance motivée, sans instruction contradictoire ni audience publique, lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée. A cet égard, il appartient au juge d’appel de prendre en considération les éléments recueillis par le juge du premier degré dans le cadre de la procédure écrite et orale qu’il a diligentée.

2. Aux termes de l’article L. 8272-2 du code du travail : “ Lorsque l’autorité administrative a connaissance d’un procès-verbal relevant une infraction prévue aux 1° à 4° de l’article L. 8211-1 ou d’un rapport établi par l’un des agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 constatant un manquement prévu aux mêmes 1° à 4°, elle peut, si la proportion de salariés concernés le justifie, eu égard à la répétition ou à la gravité des faits constatés, ordonner par décision motivée la fermeture de l’établissement ayant servi à commettre l’infraction, à titre temporaire et pour une durée ne pouvant excéder trois mois “. Aux termes de l’article L. 8211-1 du même code : “ Sont constitutives de travail illégal, dans les conditions prévues par le présent livre, les infractions suivantes : (...) / 1° Travail dissimulé ; (...) / 4° Emploi d’étranger non autorisé à travailler “. Aux termes de l’article L. 8221-5 du même code : “ Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : (...) / 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales “. Il résulte de ces dispositions combinées que le travail dissimulé et l’emploi d’un étranger non autorisé à travailler constituent des infractions de nature à justifier le prononcé de la sanction administrative de fermeture provisoire de l’établissement où l’une de ces infractions a été relevée.

3. Il ressort des pièces du dossier qu’à l’occasion d’un contrôle effectué conjointement le 6 mars 2018 par les services de la direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne et de l’URSSAF dans les locaux de l’établissement de restauration rapide que la société La Maison de Pigalle exploite sous l’enseigne “ O’Tacos “ au 56, boulevard de Clichy à Paris 18ème, l’administration a constaté qu’au moins huit salariés étaient en situation de travail illégal, aucun salarié n’ayant fait l’objet pour l’année 2017 ni de la déclaration annuelle des données sociales, ni de la déclaration sociale nominative, et l’un d’entre eux n’étant pas titulaire d’un titre de séjour l’autorisant à travailler. Au vu de ces éléments, le préfet de police a, par un arrêté pris le 6 avril 2018 sur le fondement de l’article L. 8272-2 du code du travail, prononcé la fermeture de l’établissement pour une durée de soixante-quinze jours. Pour les motifs relevés par le juge des référés du tribunal administratif de Paris, cet arrêté de fermeture ne porte à l’évidence à la liberté du commerce et de l’industrie aucune atteinte grave et manifestement illégale, seule susceptible de justifier le prononcé par le juge des référés d’une mesure sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. En particulier, la société n’établit pas que le préfet de police s’est fondé sur des faits erronés pour retenir l’infraction de travail dissimulé découlant de sa soustraction intentionnelle à ses obligations déclaratives, mentionnée au 3° de l’article L. 8221-5 du code du travail, en alléguant avoir régularisé sa situation postérieurement aux opérations de contrôle. Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la requête de la société La Maison de Pigalle, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, par application de la procédure prévue par l’article L. 522-3 de ce code.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société La Maison de Pigalle est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société par actions simplifiée La Maison de Pigalle.

Copie en sera adressée pour information au Préfet de police.