Administration preuve - requalification par stagiaire

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 26 septembre 2012

N° de pourvoi : 10-25742

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Blanc et Rousseau, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X... a effectué à compter du 16 août 2006 un stage au sein de l’agence immobilière ECF IMMO, exploitée par M. Y... ; qu’elle a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir, notamment, le paiement d’un salaire ;

Sur le second moyen :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l’article 1315 du code civil ;

Attendu que pour accueillir cette demande, l’arrêt retient que le contrat de stage conclu entre les parties, prévoyant que Mme X... effectuerait toutes les démarches afin de développer la clientèle du cabinet en assistant les collaborateurs dans leurs démarches de qualité et en assurant une permanence au sein du bureau et la gestion quotidienne des différentes activités en contrepartie de la perception, auprès des collaborateurs de l’agence, d’un pourcentage de leurs commissions, présentait les caractéristiques d’un contrat de travail apparent puisqu’il prévoyait la réalisation par la stagiaire d’activités dans le cadre d’un service organisé moyennant la perception d’une rémunération ; que M. Y... ne soutenait ni ne prouvait que Mme X... n’avait pas effectué son stage dans le cadre d’un lien de subordination envers lui ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’un contrat de stage ne constitue pas un contrat de travail apparent et que c’est à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en établir l’existence, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne M. Y... à payer à Mme X... une somme au titre de la rémunération de son activité pendant la durée de son stage, l’arrêt rendu le 29 janvier 2010, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Douai, autrement composée ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir condamné M. Y... à payer à Mme X... 869 € au titre de la rémunération de son activité pendant la durée de son stage ;

Aux motifs que le contrat de stage liant les parties, prévoyant que Mme X... effectuerait toutes les démarches afin de développer la clientèle du cabinet en assistant les collaborateurs dans leurs démarches de qualité et en assurant une permanence au sein du bureau et la gestion quotidienne des différentes activités en contrepartie de la perception auprès des collaborateurs de l’agence d’un pourcentage de leurs commissions, présentait les caractéristiques d’un contrat de travail apparent puisqu’il prévoyait la réalisation par la stagiaire d’activités dans le cadre d’un service organisé moyennant la perception d’une rémunération ; que M. Y... ne soutenait ni ne prouvait que Melle X... n’avait pas effectué son stage dans le cadre d’un lien de subordination envers lui ;

Alors 1°), qu’en s’étant fondée sur la circonstance que le contrat de stage prévoyait que Melle X... assisterait les collaborateurs de l’agence en contrepartie de la perception auprès des collaborateurs d’un pourcentage de leurs commissions, inopérante pour caractériser en quoi ce contrat prévoyant la réalisation par la stagiaire d’activités moyennant la perception d’une rémunération, créait une apparence de contrat de travail entre Melle X... et M. Y..., d’autant que la convention précisait « qu’en aucun cas l’agence n’aura de relation pécuniaire avec ladite stagiaire car il s’agit d’une période de stage afin de déterminer les capacités et compétences à évoluer au sein d’une structure » et ne mentionnait aucun pouvoir disciplinaire de M. Y..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale l’article L. 1221-1 du code du travail ;

Alors 2°), qu’en présence d’une convention de stage, il appartient au stagiaire qui invoque l’existence d’un contrat de travail de rapporter la preuve du caractère fictif de la convention et l’existence d’un contrat de travail ; qu’en ayant décidé qu’en présence d’une convention de stage liant les parties, il appartenait à M. Y... de prouver que Mme X... n’avait pas effectué son stage dans le cadre d’un lien de subordination envers lui, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé ainsi l’article 1315 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir condamné M. Y... à payer à Mme X... 18.480 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L. 122-3-8 alinéa 3 devenu L. 1243-4 du code du travail en réparation de la rupture illicite du contrat de professionnalisation liant les parties ;

Aux motifs que M. Y... avait par courrier du 2 janvier 2007 résilié le contrat de Mme X... pour des motifs dont le bien fondé n’était pas prouvé, le quantum de la réclamation indemnitaire n’étant pas contesté ;

Alors 1°) qu’il est constant et il résulte des mentions de l’arrêt que le lendemain de la rupture du contrat de professionnalisation, Mme X... signait avec la société ECF Immo un contrat d’agent commercial la mandatant pour vendre des produits immobiliers à titre de profession indépendante auprès de la clientèle ; qu’en n’ayant pas recherché, ainsi qu’elle y était tenue, si la signature de ce contrat d’agent commercial, dont la cour d’appel a reconnu la validité et la qualification, n’impliquait l’acceptation par Mme X... de la rupture du contrat de professionnalisation, excluant toute indemnisation au titre d’une rupture illicite de celui-ci, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 1243-8 du code du travail ;

Alors 2°) que la rupture anticipée du contrat à durée déterminée intervenant à l’initiative de l’employeur en dehors des cas de faute grave ou de force majeure ouvre droit à des dommages-intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations que le salarié aurait perçues jusqu’au terme du contrat ; qu’en s’étant bornée à constater que le quantum de la réclamation indemnitaire n’était pas contestée, pour en déduire qu’elle était justifiée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1243-8 du code du travail.
Décision attaquée : Cour d’appel de Douai du 29 janvier 2010