Faux travailleur indépendant

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 30 novembre 2011

N° de pourvoi : 11-10688 11-11173

Non publié au bulletin

Rejet

M. Lacabarats (président), président

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Didier et Pinet, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° V 11-10.688 et X 11-11.173 ;

Sur le moyen unique des pourvois de la société Nouvelle groupement de taxi et du syndicat professionnel des centraux radio de taxi de Paris et de la région parisienne :

Attendu, selon l’arrêt attaqué ( Versailles, 30 novembre 2010), que M. X... chauffeur de taxi a conclu, le 8 févier 1999, avec la société Nouvelle groupement de taxi (SNGT) qui exploite un central de radio taxi sous la marque Taxis G7, un contrat de location d’un matériel de radio-transmission permettant de le localiser et de lui transmettre des informations relatives à la prise en charge de clients, d’une durée de trois mois, renouvelable par tacite reconduction ; que le 15 mars 2004, la société SNGT a résilié ce contrat et repris possession du matériel ; que soutenant que sous couvert d’un contrat de location de matériel de radio, il travaillait en réalité sous la subordination de la société SNGT, M. X... a saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir la requalification du contrat de location en un contrat de travail, et le paiement de rappels de salaire et de congés payés afférents, d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ; que le syndicat professionnel des centraux de radio de taxi de Paris et de la région parisienne est intervenu volontairement à l’instance ;

Attendu que la société SNGT et le syndicat professionnel font grief à l’arrêt de dire que le conseil de prud’hommes était compétent et d’ordonner la transmission du dossier à cette juridiction, alors, selon les moyens :

1°/ que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; qu’en se bornant, pour estimer que M. X... avait été lié à la société SNGT par un contrat de travail, à analyser certaines clauses du contrat de location liant les deux parties, sans établir que dans les faits, la société SNGT avait le pouvoir de donner des ordres et des directives portant sur l’exercice de l’activité professionnelle elle-même - c’est-à-dire sur l’exercice de l’activité de taxi, sur les horaires de travail, sur les lieux de travail, sur le choix de la clientèle - de contrôler l’exécution et le respect de ces directives et d’en sanctionner les manquements, la cour d’appel a violé l’article L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que l’existence d’une relation de travail dépend exclusivement des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; qu’en omettant de rechercher si le central radio taxi ayant loué à un chauffeur un matériel permettant de le localiser afin de le mettre en relation avec des clients, avait, indépendamment des obligations liées à l’utilisation du matériel radio et à la clientèle présentée au chauffeur, le pouvoir de donner des ordres et de contrôler l’exécution du travail du chauffeur de taxi resté libre de déterminer seul ses horaires de travail et la zone géographique dans laquelle il travaillait ainsi que, de façon permanente, d’exercer sa profession de taxi sans utiliser ce matériel et en contractant directement avec sa propre clientèle, la cour d’appel n’a pas caractérisé le lien de subordination et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

3°/ que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail ; qu’en se bornant à constater que le contrat de location mettait M. X... dans une situation d’extrême précarité sur la durée de la location et sur son coût, qu’il le contraignait à utiliser lui-même le matériel loué, prévoyait que la société SNGT pouvait reprendre le matériel sans motifs préalables aux fins d’entretien ou de réparation, imposait la seule intervention des services techniques du loueur en cas de défaillance constatée du matériel, faisait apparaître une prétendue situation d’exclusivité apparente du loueur et que le principe de la location du matériel était de permettre en réalité au loueur de donner des instructions relatives à la prise en charge de ses propres clients, sans établir l’existence d’ordres et de directives se rapportant à l’exercice du travail de M. X... consistant dans l’exercice de l’activité de taxi, que l’exécution de ce travail était contrôlée par la société SNGT et la possibilité pour celle-ci de sanctionner les éventuels manquements à ces ordres et directives, la cour d’appel n’a pas caractérisé de lien de subordination juridique et n’a donc pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

4°/ que la cour d’appel n’a pas recherché, comme le soutenait la société SNGT dans ses écritures de contredit, si M. X... n’était en aucune façon tenu - contractuellement et dans les faits - de solliciter le Central Radio dirigé par la société SNGT pour être mis en relation avec des clients potentiels, celui-ci pouvant choisir de trouver par ses propres moyens ses clients ; qu’en ne procédant pas à une telle recherche, permettant de vérifier si M. X... pouvait être considéré comme se tenant à la disposition de la société SNGT, et dès lors comme étant dans un état de subordination à l’égard de cette dernière, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

5°/ que les conditions d’exécution du travail imposées par les nécessités de police administrative ne peuvent suffire à établir l’existence d’un lien de subordination juridique ; que pour dire qu’il existait un contrat de travail entre M. X... et la société SNGT, la cour d’appel a retenu qu’il existait dans le règlement intérieur, auquel faisait référence le contrat de location, une clause de sanction en cas de refus par le chauffeur taxi ayant déclaré ponctuellement être disponible pour la prise de clients mis en relation dans une zone géographique choisie par lui ; qu’en statuant de la sorte, sans rechercher si cette clause ne faisait que reprendre une règle de police administrative interdisant au chauffeur taxi de refuser une course sauf motifs exceptionnels, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

Mais que la cour d’appel retient à bon droit que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ;

Et attendu qu’ayant relevé que le chauffeur locataire devait, dans l’exercice de sa profession, respecter les consignes et procédures relatives à l’exécution des courses radio qui lui étaient attribuées par le central, répondre à toute convocation de la direction générale, de son responsable de réseau ou de ses collaborateurs et accepter de la part des clients tout mode de règlement agréé par le loueur et mis à la disposition de ceux-ci ; qu’il avait également l’obligation d’apposer distinctement sur le taxi le logo de la société loueuse ; qu’il n’avait pas la maîtrise de son outil de travail, la société SNGT se réservant le droit de reprendre le matériel à n’importe quel moment pour entretien ou réparation, exerçant un véritable pouvoir de contrôle unilatéral de ce matériel sans avoir à justifier de motifs préalables à cette intervention, privant ainsi le locataire du bénéfice de l’usage de ce matériel pendant toute la durée de l’entretien ou de la réparation, et donc de la possibilité de réaliser un chiffre d’affaires à l’origine de son revenu ; qu’il n’avait pas non plus la maîtrise des clients puisque le règlement intérieur prévoyait une sanction en cas de non utilisation du matériel loué ou de refus de prendre en charge les clients, ce dont il résultait que la société SNGT avait, en fait, le pouvoir de donner des ordres et des directives, relatifs non pas au seul matériel objet du contrat de location, mais à l’exercice du travail lui-même, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements, la cour d’appel a par ces seuls motifs légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Nouvelle groupement taxi et le syndicat professionnel des centraux radio de taxi de Paris et de la région parisienne aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Nouvelle groupement taxi et le syndicat professionnel des centraux radio de taxi de Paris et de la région parisienne à payer à M. X... et au syndicat de défense des conducteurs du taxi parisien la somme globale de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi n° V 11-10.688 par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Nouvelle groupement de taxi.

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit les contredits formés par Monsieur X... et le SYNDICAT de DEFENSE DES CONDUCTEURS DU TAXI PARISIEN bien fondés, d’AVOIR dit le conseil de prud’hommes de NANTERRE compétent sur les demandes de Monsieur X... et d’AVOIR ordonné la transmission du dossier à cette juridiction pour que l’affaire soit instruite à la plus proche audience ;

AUX MOTIFS QUE « que l’existence d’une relation de travail ne dépend en effet ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leu convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; le contrat de travail est celui par lequel une personne accepte de fournir une prestation de travail au profit d’une autre, en se plaçant dans un état de subordination juridique vis-à-vis de cette dernière, moyennant une rémunération ; le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail ; qu’en l’espèce, il ressort de l’examen de l’unique contrat initial du 8 février 1999, préétabli en sa quasi-totalité, que : « Article 1 : la durée de la location du matériel est de trois mois, pour se renouveler ensuite par tacite reconduction par périodes d’un mois, faute de dénonciation par l’une ou l’autre des parties un mois avant la fin de la période, et à peine pour le locataire qui ne respecterait pas le délai de préavis, de voir son dépôt de garantie demeurer acquis au loueur (dépôt révisable en son montant, notamment « au choix de loueur » - article 5) ; Article 2 : le loueur facture une redevance mensuelle, non précisée en son montant dans le contrat, qui vise « les tarifs pratiqués en fonction de l’appartenance du locataire à tel ou le réseau et des options choisies par lui », et ce montant peut être modifié à tout moment par le loueur, sous réserve d’information un mois à l’avance, sans possibilité de refus par le locataire ; en cas de retard de paiement par ce dernier, le loueur peut suspendre sans préavis l’usage du terminal et du poste radio jusqu’à règlement, et sans réduction de la redevance pendant la période de suspension ; Article 3 : la publicité obéit à un ensemble de règles : engagement de coller sur le véhicule les numéros utiles du central radio, l’indicatif radio du locataire, de manière visible, tout macaron indiquant l’appartenance à un service spécifique du loueur, mettre en évidence toute publicité concernant les différents services proposés, pour notamment accroître la clientèle de celui-ci,… n’apposer aucune publicité sous quelque forme que ce soit sans l’accord exprès et écrit du loueur, et le locataire doit accepter toute modification du matériel, ainsi que d’autre part « signaler à son responsable de réseau tout changement pouvant intervenir le concernant pendant la durée du contrat, notamment quant à son statut professionnel : salarié ou artisan » ; Article 4 : un règlement intérieur s’impose au locataire, pouvant être modifié, sans remise en cause possible par lui, à la convenance du loueur, et le locataire doit plus particulièrement : « respecter les consignes et procédures relatives à l’exécution des courses radio qui lui seront attribuées par le central », « répondre à toute convocation de la direction générale, de son responsable de réseau ou de ses collaborateurs », « accepter de la part des clients tout mode de règlement agréé par le loueur et mis à la disposition de ceux-ci » ; Article 6 : les conditions d’entretien du matériel s’imposent au locataire, qui doit exclusivement faire appel aux techniciens des services du loueur, répondre à toute convocation de ces services, se conformer aux instructions données par leurs responsables,… ne pas utiliser d’autre émetteur-récepteur… sauf autorisation écrite du loueur, toutes obligations sanctionnées en cas de non-respect, sans déduction des jours du mois restant à courir, sans indemnité quelconque et en perdant le dépôt de garantie ; Article 7 – discipline : le loueur a le pouvoir de résiliation sans préavis ni indemnité du contrat, en cas d’inexécution des obligations contractuelles, d’inobservation du règlement intérieur, et d’absence sans motif connu supérieure à trente jours ; Article 8 : diverses stipulations concernent la maladie éventuelle du locataire et l’encadrement par le loueur de ses conséquences, notamment quant au bénéfice d’un arrêt de facturation de la redevance : dépôt du matériel pendant au moins huit jours, arrêt de facturation sous franchise de dix jours ; Article 10 : en cas de sinistre affectant l’intégrité du matériel, le locataire doit supporter diverses franchies de coût ; qu’il résulte de ces stipulations que monsieur X..., locataire, se trouvait placé dans une situation d’extrême précarité sur la durée de la location, sur son coût, exposé à de nombreuses facultés de résiliation réservées au loueur, soumis au risque de pertes financières à divers titres, en tout cas obligé d’utiliser lui-même le matériel loué, et contraint de respecter toutes directives du loueur qui ne se bornaient nullement aux conditions d’usage et d’entretien du matériel, mais s’étendaient aux conditions d’exécution de son activité professionnelle ; que sur le plan matériel, la société SNGT se réserve le droit de reprendre le matériel à n’importe quel moment pour entretien ou réparation, exerçant un véritable pouvoir de contrôle unilatéral de ce matériel, sans avoir à justifier de motifs préalables à cette intervention, qui prive le locataire du bénéfice de l’usage de ce matériel pendant toute la durée de l’entretien ou de la réparation, et donc de la possibilité de réaliser un chiffre d’affaire à l’origine de son revenu ; il y a, en l’absence de toute stipulation sur la mise à disposition d’un matériel de remplacement, ingérence dans la liberté de tirer profit de l’activité professionnelle, pouvoir sans rapport avec les seules nécessités de la location du matériel ; imposer au demeurant la seule intervention des services techniques du loueur si le locataire constate une défaillance du matériel dépasse ce qui résulte normalement d’un contrat de location de matériel ; par ailleurs, il ne peut être sérieusement soutenu qu’il existerait un libre choix de la clientèle, de la durée et des horaires de travail, spécialement au regard des sanctions prévues en cas de non utilisation du matériel, dont pour « absence supérieure à trente jours » ; la situation d’exclusivité du loueur est caractérisée par les diverses interdictions relatives à d’autres choix de matériel et plus encore par l’obligation d’apposer sur le véhicule un ensemble de publicités et références du loueur, de sorte que l’appartenance aux seuls services de ce dernier s’en déduit pour les tiers, lesquels peuvent ainsi faire choix, pour des raisons propres, de ne pas utiliser ce taxi ; que de même la rémunération de la prestation de transport est manifestement centralisée par le loueur, qui devrait pourtant y être totalement étranger ; le principe même de la location du matériel est de permettre en réalité au loueur de donner au locataire des instructions relatives à la prise en charge des transports de ses propres clients, et il n’est pas contesté qu’il existe, dans le règlement intérieur, une clause de sanction en cas de refus de prendre en charge ces clients (« retrait de points ») ; qu’il y a en outre d’une part violation de la vie privée du fait des obligations en cas de maladie, d’autre part pouvoir disciplinaire manifeste exercé à travers l’obligation de respecter un règlement et même de répondre à toute convocation de représentants de la société SNGT ; que dès lors il est constant que les relations contractuelles des parties s’inscrivaient dans un contrat de travail, et les contredits sont bien fondés ; il y a lieu de le déclarer en revoyant le dossier devant le conseil de prud’hommes de Nanterre » ;

ALORS, DE PREMIERE PART, QUE l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; qu’en se bornant, pour estimer que Monsieur X... avait été lié à la Société S.N.G.T. par un contrat de travail, à analyser certaines clauses du contrat de location liant les deux parties, sans établir que dans les faits, la société S.N.G.T avait le pouvoir de donner des ordres et des directives portant sur l’exercice de l’activité professionnelle de Monsieur X... elle-même -c’est-à-dire sur l’exercice de l’activité de taxi, sur les horaires de travail, sur les lieux de travail, sur le choix de la clientèle- de contrôler l’exécution et le respect de ces directives et d’en sanctionner les manquements, la cour d’appel a violé l’article L. 1221-1 du Code du travail ;

ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail ; qu’en se bornant à constater que le contrat de location mettait Monsieur X... dans une situation d’extrême précarité sur la durée de la location et sur son coût, qu’il le contraignait à utiliser lui-même le matériel loué, prévoyait que la Société S.N.G.T pouvait reprendre le matériel sans motifs préalables aux fins d’entretien ou de réparation, imposait la seule intervention des services techniques du loueur en cas de défaillance constatée du matériel, faisait apparaître une prétendue situation d’exclusivité apparente du loueur et que le principe de la location du matériel était de permettre en réalité au loueur de donner des instructions relatives à la prise en charge de ses propres clients, sans établir l’existence d’ordres et de directives se rapportant à l’exercice du travail de Monsieur X... consistant dans l’exercice de l’activité de taxi, que l’exécution de ce travail était contrôlée par la Société S.N.G.T et la possibilité pour celle-ci de sanctionner les éventuels manquements à ces ordres et directives, la cour d’appel n’a pas caractérisé de lien de subordination juridique et n’a donc pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L. 1221-1 du Code du travail ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la cour d’appel n’a pas recherché, comme le soutenait la Société S.N.G.T. dans ses écritures de contredit, si Monsieur X... n’était en aucune façon tenu -contractuellement et dans les faits- de solliciter le Central Radio dirigé par la Société S.N.G.T. pour être mis en relation avec des clients potentiels, celui-ci pouvant choisir de trouver par ses propres moyens ses clients ; qu’en ne procédant pas à une telle recherche, permettant de vérifier si Monsieur X... pouvait être considéré comme se tenant à la disposition de la Société S.N.G.T., et dès lors comme étant dans un état de subordination à l’égard de cette dernière, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE les conditions d’exécution du travail imposées par les nécessités de police administrative ne peuvent suffire à établir l’existence d’un lien de subordination juridique ; que pour dire qu’il existait un contrat de travail entre Monsieur X... et la Société S.N.G.T., la cour d’appel a retenu qu’il existait dans le règlement intérieur, auquel faisait référence le contrat de location, une clause de sanction en cas de refus par le chauffeur taxi ayant déclaré ponctuellement être disponible pour la prise de clients mis en relation dans une zone géographique choisie par lui ; qu’en statuant de la sorte, sans rechercher si cette clause ne faisait que reprendre une règle de police administrative interdisant au chauffeur taxi de refuser une course sauf motifs exceptionnels, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail.Moyen produit au pourvoi n° X 11-11.173 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour syndicat professionnel des centraux radio de taxi de Paris et de la région parisienne.

Il est reproché à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit que le conseil de prud’hommes de Nanterre était compétent pour connaître du litige opposant M. X... à la société SNGT et d’avoir ordonné le renvoi de l’affaire à cette juridiction ;

AUX MOTIFS QUE l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; QUE le contrat de travail est celui par lequel une personne accepte de fournir une prestation de travail au profit d’une autre, en se plaçant dans un état de subordination juridique vis-à-vis de cette dernière, moyennant une rémunération ; QUE le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; QUE le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail ; QU’en l’espèce, il ressort de l’examen de l’unique contrat initial du 8 février 1999, préétabli en sa quasi-totalité, que : “Article 1” : la durée de la location du matériel est de trois mois, pour se renouveler ensuite par tacite reconduction par périodes d’un mois, faute de dénonciation par l’une ou l’autre des parties un mois avant la fin de la période, et à peine pour le locataire qui ne respecterait pas le délai de préavis, de voir son dépôt de garantie demeurer acquis au loueur (dépôt révisable en son montant, notamment “au choix de loueur” - article 5) - Article 2” : le loueur facture une redevance mensuelle, non précisée en son montant dans le contrat, qui vise “les tarifs pratiqués en fonction de l’appartenance du locataire à tel ou tel réseau et des options choisies par lui”, et ce montant peut être modifié à tout moment par le loueur, sous réserve d’information un mois à l’avance, sans possibilité de refus par le locataire ; en cas de retard de paiement par ce dernier, le loueur peut suspendre sans préavis l’usage du terminal et du poste radio jusqu’à règlement, et sans réduction de la redevance pendant la période de suspension ; “ Article 3” ; la publicité obéit à un ensemble de règles : engagement de coller sur le véhicule les numéros utiles du central radio, l’indicatif radio du locataire, de manière visible, tout macaron indiquant l’appartenance à un service spécifique du loueur, mettre en évidence toute publicité concernant les différents services proposés, pour notamment accroître la clientèle de celui-ci, n’apposer aucune publicité sous quelque forme que ce soit sans l’accord exprès et écrit du loueur, et le locataire doit accepter toute modification du matériel, ainsi que d’autre part “signaler à son responsable de réseau tout changement pouvant intervenir le concernant pendant la durée du contrat, notamment quant à son statut professionnel : “salarié ou artisan” - “Article 4” : un règlement intérieur s’impose au locataire, pouvant être modifié, sans remise en cause possible par lui, à la convenance du loueur, et le locataire doit plus particulièrement : “respecter les consignes et procédures relatives à l’exécution des courses radio qui lui seront attribuées par le central”, “répondre à toute convocation de la direction générale, de son responsable de réseau ou de ses collaborateurs”, “accepter de la part des clients tout mode de règlement agréé par le loueur et mis à la disposition de ceux-ci” - “Article 6” : les conditions d’entretien du matériel s’imposent au locataire, qui doit exclusivement faire appel aux techniciens des services du loueur, répondre à toute convocation de ces services, se conformer aux instructions données par leurs responsables, ne pas utiliser d’autre émetteur -récepteur .... sauf autorisation écrite du loueur, toutes obligations sanctionnées en cas de non-respect par le pouvoir du loueur de prononcer une rupture immédiate du contrat, sans déduction des jours du mois restant à courir, sans indemnité quelconque et en perdant le dépôt de garantie “article 7 ‘ Discipline” : le loueur a le pouvoir de résiliation sans préavis ni indemnité du contrat, en cas d’inexécution des obligations contractuelles, d’inobservation du “ règlement intérieur, et d’absence sans motif connu supérieure à trente jours “Article 8” : diverses stipulations concernent la maladie éventuelle du locataire et l’encadrement par le loueur de ses conséquences, notamment quant au bénéfice d’un arrêt de facturation de la redevance : dépôt du matériel pendant au moins huit jours, arrêt de facturation sous franchise de dix jours - “Article 10” : en cas de sinistre affectant l’intégrité du matériel, le locataire doit supporter diverses franchises de coût ; QU’iI résulte de ces stipulations que monsieur X..., locataire, se trouvait placé dans une situation d’extrême précarité sur la durée de la location, sur son coût, exposé à de nombreuses facultés de résiliation réservées au loueur, soumis au risque de pertes financières à divers titres, en tout cas obligé d’utiliser lui-même le matériel loué, et contraint de respecter toutes directives du loueur qui ne se bornaient nullement aux conditions d’usage et d’entretien du matériel, mais s’étendaient aux conditions d’exécution de son activité professionnelle ; QUE sur le plan matériel, la société SNGT se réserve le droit de reprendre le matériel à n’importe quel moment pour entretien ou réparation, exerçant un véritable pouvoir de contrôle unilatéral de ce matériel sans avoir à justifier de motifs préalables à cette intervention, qui prive le locataire du bénéfice de l’usage de ce matériel pendant toute la durée de l’entretien ou de la réparation, et donc de la possibilité de réaliser un chiffre d’affaire à l’origine de son revenu ; QU’il y a, en l’absence de toute stipulation sur la mise à disposition d’un matériel de remplacement, ingérence dans la liberté de tirer profit de l’activité professionnelle, pouvoir sans rapport avec les seules nécessités de la location du matériel ; imposer au demeurant la seule intervention des services techniques du loueur si le locataire constate une défaillance du matériel dépasse ce qui résulte normalement d’un contrat de location de matériel ; QUE par ailleurs, il ne peut être sérieusement soutenu qu’il existerait un libre choix de la clientèle, de la durée et des horaires de travail, spécialement au regard des sanctions prévues en cas de non utilisation du matériel, dont pour “absence supérieure à trente jours” ; QUE la situation d’exclusivité du loueur est caractérisée par les diverses interdictions relatives à d’autres choix de matériel et plus encore par l’obligation d’apposer sur le véhicule un ensemble de publicités et références du loueur, de sorte que l’appartenance aux seuls services de ce dernier s’en déduit pour les tiers, lesquels peuvent ainsi faire le choix, pour des raisons propres, de ne pas utiliser ce taxi ; QUE de même la rémunération de la prestation de transport est manifestement centralisée par le loueur, qui devrait pourtant y être totalement étranger ; QUE le principe même de la location du matériel est de permettre en réalité au loueur de donner au locataire des instructions relatives à la prise en charge des transports de ses propres clients, et il n’est pas contesté qu’il existe, dans le règlement intérieur, une clause de sanction en cas de refus de prendre en charge ces clients (”retrait de points”) ; QU’il y a en outre d’une part violation de la vie privée du fait des obligations en cas de maladie, d’autre part pouvoir disciplinaire manifeste exercé à travers l’obligation de respecter un règlement et même de répondre à toute convocation de représentants de la société SNGT ; QUE dès lors il est constant que les relations contractuelles des parties s’inscrivaient dans un contrat de travail, et les contredits sont bien fondés ;

ALORS QUE le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que l’existence d’une relation de travail dépend exclusivement des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; qu’en omettant de rechercher si le central radio taxi ayant loué à un chauffeur un matériel permettant de le localiser afin de le mettre en relation avec des clients, avait, indépendamment des obligations liées à l’utilisation du matériel radio et à la clientèle présentée au chauffeur, le pouvoir de donner des ordres et de contrôler l’exécution du travail du chauffeur de taxi resté libre de déterminer seul ses horaires de travail et la zone géographique dans laquelle il travaillait ainsi que, de façon permanente, d’exercer sa profession de taxi sans utiliser ce matériel et en contractant directement avec sa propre clientèle, la cour d’appel n’a pas caractérisé le lien de subordination et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail.
Décision attaquée : Cour d’appel de Versailles du 30 novembre 2010