Fausse prestation de services internationale - faux travailleur indépendant - travail dissimulé - accident du travail mortel

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 9 décembre 2014

N° de pourvoi : 13-87667

ECLI:FR:CCASS:2014:CR06854

Non publié au bulletin

Rejet

M. Guérin (président), président

SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" M. Manuel X...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 30 octobre 2013, qui, pour travail dissimulé et homicide involontaire, l’a condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis, 5 000 euros d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 12 novembre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Beauvais, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BARBIER, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et BOUCARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général BOCCON-GIBOD ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 8221-6, L. 8221-1, L. 8221-5, L. 8224-1, R. 4534-10, R. 4534-11 et R. 4534-1 du code du travail, 121-3 et 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
” en ce que l’arrêt partiellement confirmatif attaqué a déclaré M. X...coupable de travail dissimulé par omission intentionnelle de procéder à la déclaration nominative préalable à l’embauche ainsi que d’homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité imposée par la loi ou le règlement, et, en répression, l’a condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis et au paiement d’une amende de 5 000 euros ;
” aux motifs propres que sur la culpabilité, le 6 avril 2009, à 11 heures 10, sur un chantier de construction d’un hall de stockage de pneumatiques (maître d’oeuvre société Coréal) sur le site de l’usine Continental à Sarreguemines (maître d’ouvrage), M. Z..., né le 24 décembre 1966, de nationalité portugaise, et demeurant au Portugal, travaillant pour le compte de la société Intersol, décédait, renversé par un camion toupie à béton qui redémarrait, camion utilisé pour la réalisation du dallage de l’entrepôt et conduit par M. Uwe Y..., salarié de la société allemande Conrad ; que la SARL Intersol, 50, rue Rondeau à 57070 Vany a pour activité des travaux de maçonnerie générale dans le bâtiment et plus spécifiquement le revêtement de sol industriel ; que sur le chantier, elle était chargée du lot de dallage ; qu’elle emploie une dizaine de salariés et son gérant est M. X... ; que celui-ci présent sur le chantier au moment de l’accident, a déclaré à l’inspecteur du travail qu’il était également chef de travaux sur ce chantier notamment pour répartir le travail et assurer la manoeuvre arrière des camions ; que l’enquête de la gendarmerie et de l’inspection du travail a démontré que la victime, M. Z..., juste avant l’accident, travaillait sur un poste de préparation du treillis à souder, opération effectuée avant le dallage en béton ; qu’une fois terminée son opération, il a voulu traverser le hall de stockage pour se rendre de l’autre côté de la zone et pour aider à la préparation d’une autre zone de dallage ; qu’il est passé devant le camion toupie à béton lorsque le chauffeur de celui-ci, qui n’avait aucune visibilité à l’avant, à redémarré ; que la victime a été heurtée par le camion qui lui a roulé sur une partie du corps ; que bien que les documents concernant ce point soient en langue portugaise et n’aient pas été traduits, il apparaît que M. Z...seraient inscrit au Portugal comme travailleur indépendant en bâtiment ; qu’il n’emploie pas de salariés ; que le prévenu a expliqué à l’inspection du travail que M. Z..., connaissance de longue date, était venu en renfort de son équipe de travail pour les besoins du chantier ; que le prévenu, indiquant que la victime n’était pas son salarié, a produit un contrat de sous-traitance pour l’année 2009, passé entre Intersol représentée par lui-même gérant et M. Z...aux termes duquel il était convenu ce qui suit : (étant précisé qu’un précédent contrat de même nature avait été passé pour toute l’année précédente 2008) : nature des travaux : préparation de chantiers, mise en oeuvre sol de béton et surfaçage de béton, lieu des travaux : toute la France, délais d’exécution : du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008, prix : le sous-traitant s’engage à exécuter les travaux qui feront ultérieurement l’objet de commandes sur lesquelles seront précises par chantier la prestation, le prix hors taxes, la surface, les dates de réalisation, paiement : règlement par virement à réception de facture, matériel : le sous-traitant fait son affaire de la fourniture sur le lieu de travail de l’outillage individuel afférent au travail de l’équipe affectée à l’exécution des travaux objet de ce contrat, exécution de la mission : le sous-traitant et l’interlocuteur unique vis-à-vis du représentant accrédité de la société, il est sous les ordres du chef d’équipe présent de l’entreprise à personne, il reçoit les ordres de travail par commande, il rend compte de l’opération réalisée et doit une obligation de résultat et de qualité, il est responsable de la bonne exécution des travaux et du respect par le personnel placé sous ses ordres des règles de sécurité d’hygiène et de discipline en vigueur sur le site, horaires de travail : les horaires du sous-traitant seront déterminés d’un commun accord pour chaque mission ; que le prévenu a produit un bon de commande en date du 1er avril 2009 aux termes duquel Intersol confirmait sa commande pour la réalisation des travaux sur le chantier de Continental à Sarreguemines, l’objet du contrat étant le renforcement d’équipe pour la mise en oeuvre seule du béton fourni par nos soins sous les ordres du chef d’équipe présent de l’entreprise Intersol, la date d’intervention étant du 3 avril 2009 au 10 avril 2009 pour une surface de 5139 m ², le montant de la prestation étant de 2 730, 00 euros ; qu’aucune procédure d’agrément par le maître d’ouvrage n’avait été mise en place concernant M. Z... ; que le plan particulier de sécurité et de protection de la santé de l’entreprise Intersol n’évoque aucun recours à la sous-traitance ni à un travailleur indépendant ; que la sous-traitance implique une prestation effectuée en toute autonomie par rapport à l’entreprise principale donneur d’ordre, une absence de lien de subordination ; qu’en l’espèce, il résulte du contrat de sous-traitance que la victime est venue non pas pour effectuer une prestation en toute autonomie mais en renforcement de l’équipe de Intersol pour la mise en oeuvre seule de béton fourni par ses soins sous les ordres du chef d’équipe de cette société ; qu’aux termes des déclarations du prévenu à l’inspection du travail, c’est lui qui gérait et organisait le travail sur le chantier et donc qui gérait et organisait le travail de la victime ; que M. Z...n’encadrait aucun salarié, sur le chantier, qu’il n’avait aucun matériel propre, la cisaille qu’il employait appartenant à Intersol ; qu’il ne mettait en oeuvre aucun matériau propre, qu’il n’avait donc aucune tâche précise mais sa prestation se limitait à une simple fourniture de main-d’oeuvre, sans technicité particulière, aux côtés d’autres personnels employés par la société qui témoignent d’ailleurs en ce sens ; qu’il résulte dès lors clairement de l’ensemble de ces éléments que, quelque soit la dénomination des conventions passées entre les parties, M. Z...exécutait un travail salarié pour le compte de la société Intersol qui avait le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements et qui avait donc l’obligation d’assurer sa sécurité au travail ; que l’infraction d’omission intentionnelle de procéder à la déclaration nominative préalable à l’embauche de M. Z...est parfaitement caractérisée, le jugement étant confirmé en ce qu’il a statué sur ce point ; que lors de l’accident du travail, l’enquête a établi que la société Intersol employait outre cinq salariés, deux intérimaires de la société Lorraine Services et trois intérimaires de la société Interface ; que l’enquête de l’inspection du travail a établi qu’il y avait une rotation régulière d’au moins trois camions à l’intérieur du hall de stockage ; que sur le chantier, ne figurait aucune signalisation ni balisage de la zone d’évolution des camions et des voies de circulation pour les piétons ; que le prévenu, gérant de la société, était le chef des travaux organisant le travail et supervisant l’avancement des travaux ; qu’il répartissait le travail et gérait notamment le flux de circulation des camions dans le hall de stockage mais a-t-il dit uniquement la marche arrière des camions toupie à béton qui devaient verser le produit dans la pompe à béton, ce qui était manifestement insuffisant au regard de l’absence de visibilité et de zones délimitées ; que le plan particulier de sécurité et de protection de la santé de l’entreprise Intersol, qui ne signale donc pas l’existence d’un quelconque sous-traitant ou travailleur indépendant, indique que des consignes particulières seront données pour empêcher les ouvriers de travailler dans la zone d’évolution du matériel mobile sans plus de précisions ; que le prévenu a indiqué que si la victime, à qui il faisait appel de temps en temps lorsqu’il avait du travail, ne figurait pas dans le plan particulier de sécurité, c’est que ce dernier avait été fait un mois auparavant et qu’il n’avait décidé de faire appel à la victime que récemment, ce qui ne justifie en rien la carence ; qu’il a aussi expliqué que le 5 avril au matin, il avait fait un briefing car il savait qu’il y avait déjà eu un accident mortel de travail sur ce chantier et il avait demandé aux ouvriers de faire attention, de porter des vêtements de sécurité car un inspecteur pouvait venir faire un contrôle, ce qui, à supposer que ces consignes aient été données, ne vient pas compenser l’absence de signalisation ou de balisage ; que l’infraction d’homicide involontaire sur la personne de M. Z...par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité imposée par la loi ou le règlement est ainsi parfaitement caractérisé, le jugement étant confirmé en ce qu’il a statué sur ce point ;
” et aux motifs reputés adoptés que sur l’action publique, le 6 avril 2009 M. Z... a été heurté et mortellement blessé par un camion toupie qui venait de décharger, dans un entrepôt en construction sur le site de l’usine Continental à Sarreguemines ; que dans le cadre de l’enquête il est apparu que la société Intersol, dirigée par M. X..., avait été missionnée par la société Coreal (maître d’oeuvre de la société Continental) pour effectuer le dallage de l’entrepôt ; qu’un contrat de soustraitance avait été conclu entre la société Inersol et M. Z... ; que la livraison de béton était effectuée par des rotations de camions appartenant à la société Conrad entre l’entrepôt et la centrale de béton ; que l’accident s’est produit alors que le chauffeur venait de vider la toupie et redémarrait, la victime ayant traversé devant la cabine du camion ; que le chauffeur n’avait aucune visibilité à l’avant ; que sur la qualification des relations contractuelles entre la société Intersol et M. Z... et les délits de marchandage et travail dissimulé, l’article L. 8221-6-1 du code du travail a renforcé la présomption de travailleur indépendant et dispose qu’ : « est présumé travailleur indépendant celui dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur d’ordre » ; qu’en l’espèce M. Z... était immatriculé en qualité de travailleur indépendant auprès des autorités portugaises, qu’il était assuré à ce titre et disposait de la sécurité sociale portugaise des travailleurs indépendants ; qu’en outre il établissait des déclarations fiscales à ce titre ; que toutefois, la présomption de non salariat édictée par le texte susrepris est une présomption simple ; que les éléments de fait de l’espèce permettent malgré les données ci-dessus de déduire l’existence d’une relation de contrat de travail et non de sous-traitance ; qu’en effet, la convention conclue par M. Z... avec la société Intersol indique en son objet : « nature des travaux : préparation de chantier, mise en oeuvre seule du béton et surfaçage de béton : lieu des travaux : toute la France, délais d’exécution : du 01. 01. 2009 au 31. 12. 2009, Obligations du sous-traitant : Matériel, le sous-traitant fait son affaire de la fourniture sur les lieux de travail de l’outillage individuel afférent au travail de l’équipe affectée à l’exécution des travaux objet de ce contrat. Le sous-traitant maintient en bon état et assure la conservation en qualité et en quantité du matériel que la société peut être amenée à mettre à sa disposition ; Exécution de la mission : le sous-traitant est l’interlocuteur unique vis-à-vis du représentant accrédité de la société : il est sous les ordres du chef d’équipe présent de l’entreprise Intersol, il reçoit les ordres de travail par commande ; Horaires de travail : les horaires de travail seront déterminés d’un commun accord pour chaque mission ¿ » ; que les prestations sont faites dans le cadre d’une subordination juridique permanente dans le cadre de chaque mission ; qu’ainsi le degré de dépendance se déduit des horaires de travail que M. Z... ne déterminait pas, des directives données quant à l’accomplissement des tâches confiées, de la fourniture du matériel, M. X...ayant lui-même indiqué à l’audience que le matériel ne consistait qu’en une tenaille, tous les matériaux mis en oeuvre étant fournis par sa société ; qu’il ressort de l’audition du prévenu par les services de police que M. Z... venait compléter les équipes ce qui induit un travail très large et pas uniquement du ferraillage ; que le prévenue évoque « le même travail que les intérimaires » ; que les bons de commande comportent comme objet : « préparation de chantier, mise en oeuvre béton, renforcement d’équipe, mise en oeuvre seule du béton fourni par nos soins sous les ordres du chef d’équipe présent de l’entreprise Intersol ; que ces termes démontrent qu’il ne s’agit pas d’une fonction spécifique et de prestations autonomies ; que ce faisceau d’indices s’ajoute celui d’une dépendance économique de fait ; qu’en effet au vu des factures, M. Z... gagnait pour son activité auprès de la société Intersol une somme de 3 000 euros par mois ; que sa déclaration fiscale fait apparaître un gain annuel de 30 000 euros et au vu des factures produites travaillait quasi exclusivement pour la société Intersol ; que dans le PPSPS, M. Z... n’était pas déclaré comme sous-traitant alors qu’il travaillait pour la société Intersol depuis plus d’un an (un contrat identique avait été établi pour l’année 2008) ; qu’en outre la procédure d’agrément du sous-traitant par le maître d’ouvrage n’a pas été mise en oeuvre ; que sur le délit d’homicide involontaire, l’article R. 4534-10 du code du travail dispose que : « lorsqu’un chantier comporte habituellement un important mouvement de camions ou de tous autres engins de transport, des pistes spécialement réservées à la circulation de ces véhicules et convenablement balisées sont aménagées » ; qu’il ressort du constat effectué par l’inspection du travail qu’aucun balisage de la zone d’évolution des camions et des axes de circulation des piétons n’avait été mis en place celui-ci ayant été disposé après l’accident ; que l’article R. 4534-11 du code du travail énonce que « lorsque le conducteur d’un camion exécute une manoeuvre, notamment de recul, dans des conditions de visibilité insuffisantes, un ou plusieurs travailleurs dirigent le conducteur et avertissent par la voix ou par des signaux conventionnels, les personnes survenant dans la zone où évolue le véhicule ; que les mêmes mesures sont prises lors du déchargement d’une benne de camion ; que ce texte dispose que les opérations de guidage des camions se font pour les manoeuvres de recul mais le terme « notamment » employé détermine que cette obligation s’applique également pour les autres manoeuvres ; qu’à l’audience, le prévenu a expliqué qu’il guidait les camions jusqu’au déchargement mais qu’après celui-ci rien n’était prévu ; qu’en omettant de mettre en oeuvre les mesures spécifiques de prévention quant au risque de collision entre un piéton et les camions X...Manuel s’est rendu coupable du délit d’homicide involontaire ; qu’il résulte des éléments du dossier que les faits reprochés à M. X...Manuel Augusto sont établis ; qu’il convient de l’en déclarer coupable et d’entrer en voie de condamnation ; que M. X...Manuel Augusto n’a pas été condamné au cours des cinq années précédent les faits pour crime ou délit de droit commun aux peines prévues par els articles 132-30, 132-31 et 132-33 du code pénal ; qu’il peut, en conséquence, bénéficier du sursis simple dans les conditions prévues par les articles 132-29 à 132-34 de ce même code ;
” 1°) alors qu’il y a sous-traitance, et non pas contrat de travail, lorsque le sous-traitant est libre d’exécuter sa prestation comme bon lui semble sans encourir de sanction disciplinaire ni se voir unilatéralement imposer des horaires par le donneur d’ordre, peu important qu’il soit intégré dans une équipe de salariés de ce dernier, que lui soit fourni le matériau sur lequel il doit oeuvrer ou que lui soient adressées des directives ou des spécifications s’agissant du résultat à atteindre ; qu’excluent la subordination, a fortiori permanente, et caractérisent au contraire la liberté d’accomplissement de sa prestation la circonstance que le sous-traitant réponde de la bonne exécution de son ouvrage et soit tenu d’une obligation de résultat et de qualité, de même que la circonstance que les horaires soit arrêtés d’un commun accord avec le donneur d’ordre ; que l’arrêt attaqué a jugé que la présomption de travailleur indépendant édictée par l’article L. 8221-6 du code du travail était renversée au prétexte que l’objet du contrat selon, le bon de commande du 1er avril 2009, était le renforcement d’équipe pour la mise en oeuvre de béton fourni par la société Intersol sous les ordres de son chef d’équipe, que M. X...organisait le travail sur le chantier, qu’Antonio Z...n’exécutait pas une prestation en toute autonomie, qu’il n’avait ni matériel ni matériau propres, qu’il n’avait donc aucune tache précise, qu’il fournissait sa main-d’oeuvre, qu’il n’avait pas été agréé par le maître de l’ouvrage, et que le plan particulier de sécurité et de protection de la santé de la société Intersol n’évoquait pas de recours à la sous-traitance ni à un travailleur indépendant ; qu’en statuant ainsi, sans relever le moindre fait précis propre à caractériser un pouvoir de direction de la société Intersol sur l’exécution même de sa prestation par Antonio Z..., ni un pouvoir de sanction pour cause de non-respect de la discipline de l’entreprise, ni un pouvoir de fixer unilatéralement ses horaires de travail, de sorte que n’était établi aucun lien de subordination et moins encore permanente, et tout en constatant au contraire que selon le contrat de sous-traitance conclu pour l’année 2009 Antonio Z...était responsable de la bonne exécution des travaux, qu’il était tenu d’une obligation de résultat et de qualité et que ses horaires étaient déterminés d’un commun accord avec la société Intersol, ce qui caractérisait l’indépendance d’Antonio Z..., la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et les principes sus rappelés ;
” 2°) alors que en s’abstenant de rechercher, comme l’y invitait M. X..., si Antonio Z...n’était pas personnellement assuré, ce qui, à le supposer avéré, concourait à établir que ce dernier travaillait sur les chantiers sous sa propre responsabilité et non pas dans un lien de subordination, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale ;
” 3°) alors que, en relevant, par motifs propres et réputés adoptés, que selon le contrat de sous-traitance pour l’année 2009 les horaires étaient fixés d’un commun accord entre la société Intersol et Antonio Z...et que celui-ci ne déterminait pas ses horaires de travail, la cour d’appel s’est contredite et a ainsi privé sa décision de motifs ;
” 4°) alors que la cassation à intervenir sur les trois premières branches, en raison de l’absence de contrat de travail légalement retenu entre la société Intersol et Antonio Z..., emportera par voie de conséquence la censure de l’arrêt attaqué en ce qu’il a reconnu coupable et condamné M. X...du chef d’homicide involontaire pour violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité imposée par la loi ou le règlement, à savoir les articles R. 4534-10 et R. 4534-11 du code du travail, lesquels, en vertu de l’article R. 4534-1 du même code, ne s’appliquent qu’aux employeurs du bâtiment et des travaux publics à l’égard de leurs salariés ; “
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il confirme et des pièces de procédure que la société Intersol, entreprise de bâtiment, ayant pour activité plus spécifique le revêtement de sol industriel, s’est vu confier les travaux de dallage d’un entrepôt ; que, le 6 avril 2009, Antonio Z..., qui travaillait sur le chantier est décédé après avoir été heurté par un camion toupie à béton ; qu’il est apparu qu’il intervenait sur ledit chantier en qualité de travailleur indépendant après avoir conclu un contrat de sous-traitance avec la société Intersol ; qu’à la suite de ces faits, M. Manuel X..., gérant de cette société, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel des chefs de marchandage, travail dissimulé, pour avoir omis de procéder à la déclaration nominative préalable à l’embauche d’Antonio Z..., et homicide involontaire, faute de signalisation ou de balisage de la zone d’évolution des camions et des voies de circulation pour les piétons en violation des articles R. 4534-10 et R. 4534-11 du code du travail ; que le tribunal a retenu la culpabilité du prévenu de ces deux derniers chefs ; que M. X...et le ministère public ont relevé appel du jugement ;
Attendu que, pour déclarer le délit de travail dissimulé établi et écarter l’argumentation du prévenu faisant valoir qu’Antonio Z...était un artisan qui devait être présumé indépendant, en application de l’article L. 8221-6 du code du travail, et par voie de conséquence, responsable de sa propre sécurité, l’arrêt relève qu’Antonio Z...travaillait exclusivement pour l’entreprise Intersol, qu’il ne mettait en oeuvre aucun matériau propre, qu’il n’avait aucune tache précise, qu’il se bornait à fournir sa main-d’oeuvre, sans technicité particulière, aux côtés d’autres personnels employés par la société, qu’il était placé sous les ordres du chef d’équipe de cette société, lequel gérait et organisait son travail sur le chantier et lui fournissait son matériel, notamment sa cisaille ; que les juges ajoutent que quelle que soit la dénomination des conventions passées entre les parties, la victime exécutait un travail salarié pour le compte de la société Intersol qui avait le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements et qui avait donc l’obligation d’assurer sa sécurité au travail ;
Attendu qu’en l’état de ces motifs, exempt d’insuffisance comme de contradiction, établissant l’état de subordination juridique d’Antonio Z...par rapport au donneur d’ordre, la cour d’appel, qui a à bon droit requalifié en contrat de travail le contrat de sous-traitance conclu entre les parties, a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf décembre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Metz , du 30 octobre 2013