Calcul délai prescription - action judiciaire accident du travail

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 9 mars 2017

N° de pourvoi : 16-11955

ECLI:FR:CCASS:2017:C200327

Non publié au bulletin

Cassation

Mme Flise (président), président

SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l’article L. 431-2 du code de la sécurité sociale ;

Attendu que si, en principe, l’interruption de la prescription en matière civile ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que Mario X... est décédé le 5 juin 2009 après avoir chuté d’un échafaudage sur lequel il travaillait pour M. Y... qui faisait exécuter des travaux de maçonnerie dans sa maison ; que par jugement définitif du 31 août 2010, un tribunal correctionnel qui a déclaré M. Y... coupable des délits d’homicide involontaire et de travail dissimulé par dissimulation de salarié, a rejeté la demande de Mme A..., veuve X... au titre de l’action civile ; que la caisse primaire d’assurance maladie du Var ayant opposé en refus de prise en charge en raison de la prescription, Mme A..., veuve X... a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour rejeter la demande en reconnaissance d’accident du travail, l’arrêt retient que l’’interruption du délai par une action pénale n’est prévue que lorsque l’accident du travail est susceptible d’entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ; que Mme X... devait présenter sa demande à la caisse avant le 5 juin 2011 sans qu’elle ne soit tenue d’attendre la fin de la procédure pénale pour le faire ; qu’il n’est allégué d’aucun cas de force majeure susceptible d’avoir suspendu ou interrompu le cours de la prescription ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’action civile engagée par Mme A..., veuve X... devant la juridiction répressive avait eu pour effet d’interrompre la prescription biennale applicable en matière d’accident du travail, même si cette juridiction était incompétente pour statuer sur ce litige, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 9 décembre 2015, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la caisse primaire d’assurance maladie du Var aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et de la caisse primaire d’assurance maladie du Var et condamne la caisse primaire d’assurance maladie du Var à payer à Mme A..., veuve X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour Mme A..., veuve X....

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir déclaré irrecevables les demandes de Mme Ana A... veuve X... tendant à voir reconnaître le caractère professionnel de l’accident mortel dont avait été victime son mari ;

AUX MOTIFS QUE M. X..., âgé de 62 ans, est décédé le 5 juin 2009 après avoir chuté, la veille, d’un échafaudage sur lequel il travaillait pour M. Y... qui faisait exécuter des travaux de maçonnerie dans sa maison. Par jugement du 31 août 2010, le tribunal correctionnel de Marseille a condamné M. Y... du chef d’homicide involontaire et l’a relaxé des délits de travail dissimulé et de non-respect des règles de sécurité et l’a condamné à 18 mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 10.000 € pour homicide involontaire et travail dissimulé. Ce jugement tel que prononcé le 31 août 2010 a été frappé d’appel et il est devenu définitif après désistement d’appel de M. Y... le 10 octobre 2011. La demande de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident et du décès a été déposée par sa veuve auprès de la CPAM le 22 septembre 2011. La Caisse lui a opposé un refus daté du 18 10 2011 et motivé par le fait que la demande avait été faite après l’expiration du délai prévu par l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale. Mme X... a contesté ce refus. L’article L. 431-2 du code de la sécurité sociale prévoit que les droits de la victime ou de ses ayants droits aux prestations et indemnités prévues en cas d’accident du travail (ou de maladie professionnelle) se prescrivent par deux ans à compter du jour de l’accident ou de la cessation du paiement de l’indemnité journalière. L’interruption du délai par une action pénale n’est prévue que lorsque l’accident du travail est susceptible d’entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur. L’action aux fins de reconnaissance d’une faute inexcusable n’est donc recevable que si la Caisse a d’abord reconnu le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie. Aucune interruption du délai de deux ans ne peut être invoquée si le caractère professionnel n’est pas établi. Mme X... devait présenter sa demande à la Caisse avant le 5 juin 2011. Contrairement à ce qu’elle prétend, elle n’était pas tenue d’attendre la fin de la procédure pénale pour le faire. De plus, la victime ou ses représentants tiennent de l’article L. 441-2 du code de la sécurité sociale le droit de procéder à la déclaration d’accident du travail « jusqu’à l’expiration de la deuxième année qui suit l’accident », soit dans ce même délai de deux ans. Il n’est allégué d’aucun cas de force majeure susceptible d’avoir suspendu ou interrompu le cours de la prescription. Sa demande est donc irrecevable ;

1) ALORS QUE si en principe l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu’en l’espèce, il est constant que Mme Ana A... veuve X... s’est constituée partie civile devant le tribunal correctionnel de Marseille et a demandé que M. Rachid Y... soit condamné à lui payer des dommages-intérêts en réparation du manque à gagner et de son préjudice moral et que le jugement du tribunal correctionnel de Marseille du 30 août 2010, qui a notamment déclaré M. Rachid Y... coupable du chef d’homicide involontaire, est devenu définitif ; que l’action civile engagée devant la juridiction répressive a eu pour effet d’interrompre la prescription biennale applicable en matière d’accident du travail, même si cette juridiction était incompétente pour statuer sur le litige, et que par conséquent la demande de prise en charge de l’accident du travail déposée par Mme Ana A... veuve X... auprès de la CRCAM le 22 septembre 2011 n’était pas prescrite ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles L. 431-2 du code de la sécurité sociale et 2241 du code civil ;

2) ALORS QU’en tout état de cause, en se bornant à considérer pour déclarer irrecevable la demande de Mme Ana A... veuve X... en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident dont était décédé son mari le 5 juin 2009, que l’action pénale n’avait pas interrompu le délai de prescription biennal, sans rechercher si l’action civile engagée devant la juridiction répressive par la veuve du salarié n’avait pas interrompu ce délai, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 431-2 du code de la sécurité sociale et 2241 du code civil ;

3) ALORS QUE, subsidiairement, si elle ne peut être retenue que pour autant que l’accident survenu à la victime a le caractère d’un accident du travail, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur n’implique pas que l’accident ait été pris en charge comme tel par l’organisme social ; qu’en considérant pourtant que l’action aux fins de reconnaissance d’une faute inexcusable n’est recevable que si la caisse a d’abord reconnu le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, pour en déduire que la demande de Mme Ana A... veuve X... de prise en charge de l’accident, dont avait été victime son mari, était prescrite, la cour d’appel a violé les articles L. 431-2 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale.

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence , du 9 décembre 2015