Conseil aux entreprises

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 17 décembre 2013

N° de pourvoi : 12-87347

ECLI:FR:CCASS:2013:CR05923

Non publié au bulletin

Rejet

M. Louvel (président), président

SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" M. Christian X...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de NÎMES, chambre correctionnelle, en date du 19 octobre 2012, qui, pour travail dissimulé, faux et usage et détention d’arme prohibée, l’a condamné à un an d’emprisonnement, 6 000 euros d’amende et cinq ans l’interdiction d’exercer toute profession industrielle ou commerciale ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 5 novembre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Maziau conseiller rapporteur, Mme Guirimand, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire MAZIAU, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général BERKANI ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 et 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 8221-3 et L. 8221-4 du code du travail, 121-3, alinéa 1er, du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X...coupable de travail dissimulé ;
” aux motifs que, sur le travail dissimulé, devant la cour, le prévenu soutient qu’il existait un contrat de travail avec la société Le Recours et que c’est dans ce cadre là qu’il a procédé à des consultations et a donné des conseils ; qu’or, par-devant le juge d’instruction, le prévenu a déclaré qu’il n’y avait jamais eu de contrat de travail avec cette société mais qu’il avait seulement perçu des honoraires, qu’encore il ne communique à la cour qu’un unique bulletin de salaire, mais surtout il a indiqué, lors de son audition du 25 février 2005 devant les gendarmes, que de manière parallèle à cette société il percevait des honoraires en qualité de conseil et qu’il encaissait les chèques de règlement sur son compte bancaire personnel voire celui de sa famille afin de soustraire aux poursuites de l’administration fiscale ; qu’il poursuivait en reconnaissant n’avoir déclaré aucune activité pour les cotisations sociales et indiquait percevoir de ces activités 5 000 euros par an et estimait qu’il n’était pas nécessaire de déclarer ce travail comme une activité professionnelle et admettait ainsi n’avoir fait aucune démarche ; que M. X...persistait devant le magistrat instructeur lors de son audition du 9 mars 2005 et indiquait que s’il n’avait fait aucune déclaration, c’était, en outre, qu’il pensait être selon son expression « dans la fourchette de tolérance des impôts puisque je ne gagnais pas beaucoup d’argent » ; qu’il est ainsi précisément établi que, sans s’arrêter afin de savoir si un lien salarial unissait la société Le Recours au prévenu, ce qui est un autre sujet, M. X...a dans une activité parallèle exercé une activité régulière et lucrative de conseils aux entreprises et particulier sans n’avoir fait aucune déclaration administrative de quelque nature qu’elle soit ; que l’élément matériel est ainsi établi et la volonté de violer la loi est établie par les conceptions du prévenu quant aux tolérances de l’administration et sa conception personnelle que ses revenus ainsi tirés ne lui apparaissaient pas être suffisants pour faire de telles démarches ;
” 1) alors qu’il résulte de l’article L. 8221-4 du code du travail que les tribunaux correctionnels ne peuvent entrer en voie de condamnation du chef de travail dissimulé pour omission des formalités prévues à l’article L. 8221-3 du même code qu’autant qu’ils ont préalablement constaté qu’est rapportée la preuve que les activités concernées par l’application de ces textes ont été exercées-soit lorsque leur réalisation a eu lieu avec recours à la publicité sous une forme quelconque en vue de la recherche de la clientèle-soit lorsque leur fréquence ou leur importance est établie-soit lorsque la facturation est absente ou frauduleuse, circonstances impliquant leur caractère lucratif et que la cour d’appel, qui n’a pas constaté que la preuve ait été rapportée de ce que l’une ou plusieurs de ces conditions aient été remplies, n’a pas légalement justifié sa décision au regard de ces textes ;
” 2) alors en particulier que la cour d’appel, qui n’a aucunement contesté les données économiques avancées par M. X...faisant état d’un chiffre d’affaires de 5 000 euros annuel ne pouvait, sans se contredire et méconnaître ce faisant le sens et la portée de l’article L. 8221-4 du code du travail, faire état dans sa décision d’une prétendue activité régulière et lucrative de conseil aux entreprises ;
” 3) alors que le délit de travail dissimulé n’est constitué qu’autant que le prévenu a violé en connaissance de cause les dispositions de l’article L. 8221-3 du code du travail et que la cour d’appel, qui constatait expressément que M. X...croyait, compte tenu de la modicité de son chiffre d’affaires annuel, ne pas exercer une activité à but lucratif lui imposant de respecter les obligations prescrites par ce texte, ne pouvait, sans se contredire et méconnaître ce faisant les dispositions combinées des articles L. 8221-4 du code du travail et 121-3, alinéa 1er, du code pénal, déclarer que le prévenu avait eu la volonté de violer la loi “ ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué et du jugement qu’il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit de travail dissimulé dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 et 6 § 3 d de la Convention européenne des droits de l’homme, 441-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X...coupable de faux et usage de faux au préjudice de M. Y... ;
” aux motifs qu’en ce qui concerne l’imitation de la signature de M. Y..., si le prévenu estime qu’il y a un défaut d’élément intentionnel, il faut une audace hors du commun pour soutenir avec une telle conviction ce fait devant la cour ; qu’en effet, le prévenu ne peut subitement oublier son ancienne activité d’avocat ; que le fait de signer pour quelqu’un, fût-ce s’il y a un accord verbal ce qui n’est en aucune manière établi et nié par M. Y..., ne peut en aucune manière faire disparaître l’infraction faute de procuration dûment annexée à l’acte signé ; que M. X...a reconnu avoir signé ce document et ce, tant devant les enquêteurs que devant le juge d’instruction et enfin devant la cour ; que, dès lors, en signant pour quelqu’un des statuts de société sans son accord exprès et en utilisant ledit acte, le prévenu a commis les infractions qui lui étaient reprochées ;
” 1) alors que dans ses conclusions régulièrement déposées, M. X...faisait valoir que pendant la durée de l’enquête et de l’instruction, il n’avait jamais été confronté avec qui que ce soit impliquant par conséquent qu’il n’a pas été confronté avec M. Y...et qu’en ne s’expliquant pas sur ce chef péremptoire de conclusions, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
” 2) alors que la cour d’appel, qui constatait expressément dans sa décision que M. Y...avait déclaré que courant 2004- c’est-à-dire à l’époque de la création de la SARL « Le Recours »- M. X..., ami de longue date, lui avait proposé de s’associer dans le cadre d’une société basée sur le conseil aux entreprises et qu’ayant accepté, il lui avait fourni, à sa demande, une copie de sa carte nationale d’identité et lui avait fait signer des feuilles blanches, ne pouvait, sans se contredire ou mieux s’expliquer, faire état pour entrer en voie de condamnation à l’encontre de M. X...des chefs de faux et usage de faux, de ce que M. Y...n’avait pas donné son accord exprès pour que M. X...signe en ses lieu et place les statuts de la SARL « Le Recours », ce qui exclut d’évidence toute altération de la vérité ;
” 3° alors que les juges correctionnels ne peuvent entrer en voie de condamnation des chefs de faux et usage de faux qu’autant qu’ils ont préalablement constaté dans leur décision l’existence au moins potentielle d’un préjudice et que, faute pour la cour d’appel d’avoir constaté que le prétendu faux était de nature à causer un préjudice à M. Y..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l’article 441-1 du code pénal “ ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt que, prétextant faire l’objet d’un fichage à la Banque de France et ne pouvoir, de ce fait, prendre part à la création de la sociéte en conseil d’entreprises “ Le Recours “ avec son associé M. Z..., M. X...a, lors de la constitution de la société porté le nom de M. Y..., dont il a reproduit la signature, dans les statuts de cette personne morale, qui ont été enregistrés au tribunal de commerce ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de faux et usage de faux à raison de ces faits, les juges du second degré retiennent qu’en signant pour un tiers et sans son accord exprès des statuts de société et en utilisant un tel acte, le prévenu s’est rendu coupable des infractions reprochées ;
Attendu qu’en l’état de ces motifs, d’où il résulte l’éventualité d’un préjudice découlant de la falsification matérielle d’un document valant titre, la cour d’appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept décembre deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Nîmes , du 19 octobre 2012