1er arrêt requalification en salarié

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 6 mai 2015

N° de pourvoi : 13-27535

ECLI:FR:CCASS:2015:SO00751

Non publié au bulletin

Cassation

M. Lacabarats (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

Me Haas, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l’article L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, statuant sur contredit, que M. X... exerçait une activité commerciale en qualité d’auto-entrepreneur à compter du 1er mars 2009 au service de la société Languedoc géothermie ; que le 16 mai 2011, la société était placée en liquidation judiciaire et M. Y... désigné en qualité de mandataire-liquidateur ; que M. X... saisissait la juridiction prud’homale aux fins de requalification de sa relation avec la société en relation salariale ;

Attendu que pour rejeter son contredit et le renvoyer devant le tribunal de commerce, l’arrêt retient, d’une part, que les pièces qu’il produisait n’établissaient pas l’existence d’un lien de subordination et d’autre part, que l’intéressé avait refusé d’assister à une foire exposition du vendredi 15 octobre et qu’un tel refus ainsi que les factures de services adressées à la société établissaient qu’il n’était en aucun cas lié par un contrat de travail ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que l’intéressé avait travaillé dans le respect d’un planning quotidien précis établi par la société Languedoc géothermie, qu’il était tenu d’assister à des entretiens individuels et à des réunions commerciales, que la société Languedoc géothermie lui avait assigné des objectifs de chiffre d’affaires annuel et qu’il lui était imposé, en des termes acerbes et critiques, de passer les ventes selon une procédure déterminée sous peine que celles-ci soient refusées, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 9 octobre 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier, autrement composée ;

Condamne M. Y..., en qualité de mandataire-liquidateur de la société Languedoc géothermie aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y..., ès qualités, à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué D’AVOIR rejeté le contredit formé par M. X... et D’AVOIR renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Montpellier ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE M. X..., qui soutient avoir exercé au-delà de ses fonctions d’autoentrepreneur, verse aux débats notamment : - une fiche d’objectifs fixés à 539.000 euros par la société pour la période du 1er janvier au 31 janvier 2010 sic signée le 15 février 2010, ainsi que par M. Z... pour la société ; - une copie de son planning de travail rédigé comme suit : Tous les deuxièmes mardis du mois : 9 h à 12 h 30 : réunion commerciale, de 15 h à 16 h : entretien individuel et de 18 h à 20 h : phoning ; tous les quatrièmes lundis du mois de 9 h à 20 h : tournée ; tous les quatrièmes mardis du mois 16 h à 17 h : entretien individuel 18 h à 20 h : phoning, outre la visite de nouveaux chantiers un mois sur deux de 9 h à 12 h 30 à compter du 26 septembre 2009 tous les quatrièmes samedis du mois ; - sa fiche de secteur pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2010 et une fiche mentionnant les numéros de téléphone du personnel qui l’inclut dans la catégorie des commerciaux ; qu’il produit également : - deux factures émises par l’hôtel « Sous les Pins » attestant de sa présence à deux formations commerciales d’intégration niveau 1 et 2, du 22 février 2010 au 26 février 2010 puis du 17 mai 2010 au 21 mai 2010 ; - une attestation de Mme A... datée du 4 avril 2011 rédigée en ces termes : « Je soussignée Mme Bénédicte A..., présidente du conseil de surveillance de la société Languedoc Géothermie, donne procuration à M. Philippe X... pour l’achat de bons cadeaux d’une valeur de 100 euros » ; - une fiche intitulée « matériel rendu par le personnel le vendredi 6 mai 2011 », mettant en évidence le rendu à la société d’un badge de porte d’entrée ; - plusieurs copies de mails envoyés par M. Benjamin B..., directeur commercial de la société, lui demandant d’assister à des entretiens individuels, à des réunions commerciales ou tendant à démontrer qu’il recevait des directives ; que sont ainsi versées à titre d’exemple des courriels en date des 18 octobre et 20 décembre 2010 qui précisent en substance et respectivement : « Messieurs, je viens de transmettre les dernières infos de la foire de Montpellier ce soir. Merci de finir de prendre vos rendez-vous demain. Je vous appellerez (...) » ; « Messieurs, lors de la réunion commerciale j’ai pris soin de vous montrer comment passer les ventes !!! J’ai pu constater ce jour là que le monde avait compris !!! Malheureusement, j’ai traité quelques dossiers et j’ai pu constater qu’AUCUNE VENTE n’était complète !!! Dorénavant, vous passerez les ventes avec moi, et si une vente n’est pas correctement passée elle sera refusée. » ; - ma liste des foires et salons auxquels il lui était demandé d’assister en 2010 ; qu’en tout état de cause, ces pièces ne démontrent pas que M. X... aurait exercé ses fonctions de commercial sous la subordination de la société ; que, par ailleurs, il émet le 9 octobre 2010 un mail à M. B... dans lequel il précise : « (...) Lors de la réunion commerciale du lundi 13 septembre courant, je me suis porté volontaire pour assurer la foire exposition de Montpellier pour les jours suivants (...). Comme précisé lors de cette réunion, j’ai pris de longues dates, des obligations et engagement personnels non révocables concernant le vendredi 15 à Arles et le samedi 16 à Marseille. Je ne comprends donc pas la demande de présence à la foire exposition qui m’est parvenue ce jour, par email pour le vendredi 15. Demande que j’ai donc refusé (...) » ; qu’un tel refus ainsi que les factures de services adressées à la société par le demandeur au contredit pour les années 2009 à 2011 établissent qu’il n’était en aucun cas lié par un contrat de travail ; qu’il ressort de l’ensemble des pièces versées aux débats par M. X... qu’il ne rapporte pas la preuve qu’il a exercé ses fonctions dans des conditions qui le plaçaient dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de la société Languedoc Géothermie ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE M. X... exerçait en qualité d’auto-entrepreneur au moment de sa relation avec la société Languedoc Géothermie ; que les auto-entrepreneurs sont par définition des travailleurs indépendants qui est une activité indépendante se caractérisant essentiellement par le fait que son auteur ait pris librement l’initiative de la créer ou de la reprendre qu’il conserve pour son exercice la maîtrise des tâches à effectuer et du matériel nécessaire, ainsi que la recherche de la clientèle et des fournisseurs ; que le statut d’auto-entrepreneur n’empêche pas d’avoir plusieurs clients ; que M. X..., comme l’indique les déclarations trimestrielles de recettes à l’URSSAF, était autoentrepreneur en service de courtage de travaux ; que M. X... présente des factures hors taxes de ses services d’agent commercial pour la société Languedoc Géothermie pendant les années 2009, 2010 et 2011 ; que M. X... apporte pour sa défense des objectifs de chiffre d’affaires donnés par la société Languedoc Géothermie ; que ces objectifs pouvaient être donnés à M. X... en tant qu’agent commercial de courtage ; que le fait d’assister à des réunions chez son client ne démontre pas le lien de subordination ; que M. X... gérait son emploi du temps et n’hésitait pas à refuser de se rendre à des foires ce que n’aurait pas pu faire un simple salarié sous peine de sanction disciplinaire ;que M. X... ne démontre pas que ce n’est pas volontairement qu’il a privilégié la relation commerciale qu’il entretenait avec la société Languedoc Géothermie au détriment de ses autres clients ; que le litige est de nature commerciale :

ALORS, 1°), QUE le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en écartant l’existence d’un tel lien cependant qu’il ressortait de ses propres constatations que M. X... travaillait dans le respect d’un planning quotidien précis établi par la société Languedoc Géothermie, qu’il était tenu d’assister à des entretiens individuels et à des réunions commerciales, que la société Languedoc Géothermie lui assignait des objectifs de chiffre d’affaires annuel et qu’il lui était imposé de passer les ventes selon une procédure déterminée sous peine qu’elles soient refusées, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 8221-6 du code du travail ;

ALORS, 2°), QU’en écartant l’existence d’un lien de subordination juridique sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si M. X... n’exerçait pas ses fonctions pour le compte de la société Languedoc Géothermie sans locaux ni moyens propres, dans les mêmes conditions exactement que les commerciaux salariés de cette entreprise et dans la dépendance économique de celle-ci, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1221-1 et L. 8221-6 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Montpellier , du 9 octobre 2013