Faux auto entrepreneur de nationalité étrangère - btp

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 24 mai 2016

N° de pourvoi : 14-85665

ECLI:FR:CCASS:2016:CR02130

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Guérin (président), président

Me Balat, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" M. Youssef X...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 30 juin 2014, qui, pour travail dissimulé, emploi d’un étranger sans titre, omission de procéder aux déclarations préalables à l’embauche, recel et exécution de travaux sans permis de construire, l’a condamné à un an et six mois d’emprisonnement avec sursis, à 20 000 euros d’amende, à cinq ans d’interdiction de gérer, a ordonné sous astreinte la remise en état des lieux, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 30 mars 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Buisson, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller BUISSON, les observations de Me BALAT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général CUNY ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’à la suite du contrôle d’un chantier de construction situé sur la propriété de M. X..., gérant de la SARL JS RENOVATION, ayant permis le constat d’une construction sans permis, des investigations ultérieures ont révélé, sur d’autres chantiers de cette société, la commission objectivement vraisemblable de faits constitutifs, notamment, d’une part, du délit de travail dissimulé par omission d’une déclaration préalable à l’embauche ou par mention, sur le bulletin de salaire, d’un nombre d’heures inférieur à celui qui a été réellement effectué, d’autre part, du délit d’emploi d’un étranger sans autorisation, enfin, de recel commis au préjudice de l’entreprise « Electricité Réseau Distribution France » ; que cité devant le tribunal correctionnel, notamment, de ces chefs, M. X... a été condamné par un jugement dont le procureur de la République et lui-même ont interjeté appel ;
En cet état :
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8221-5 du code du travail, L. 8224-1, L. 8224-3 et L. 8224-4 du même code, 121-1 et 121-3 du code pénal, défaut de motifs, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, a déclaré M. Youssef X... coupable de l’infraction d’emploi de salarié en ayant omis intentionnellement de procéder à la déclaration préalable à l’embauche de M. Gérard Y... ;
” aux motifs qu’un contrôle effectué le 7 octobre 2011 du chantier de construction sur la propriété de M. X... à Châteauneuf-sur-Isère a permis de constater que M. Y..., agent ERDF, effectuait des travaux d’électricité générale sur ce chantier, alors qu’il n’avait pas fait l’objet d’une déclaration nominative préalable à l’embauche ; que M. Y... a déclaré dans un premier temps qu’il effectuait ce travail pour rendre service à M. X... qui l’avait fait bénéficier gracieusement de la pose chez lui d’un carrelage sur un escalier puis qu’il accomplissait ce travail dans le cadre de son activité indépendante d’auto-entrepreneur débutée en mars 2011 et qu’il avait prévu d’établir une facture ; que confronté aux témoignages attestant de son activité sur plusieurs autres chantiers de la société JS Rénovation, il admettait avoir effectué des travaux d’électricité générale sur le chantier de M. Z... à Châteauneuf et sur le chantier de M. A... à Bourg-les-Valence, qui avaient l’un et l’autre contracté avec la société JS Rénovation ; que bien qu’il s’en soit défendu, il résulte des témoignages concordants de MM. Yohan B... et Jérôme C... qu’il a effectué des travaux de modification d’un raccordement électrique sur le chantier de M. D... à Valence, confié à la société JS Rénovation ; qu’avant les contrôles effectués, ces travaux n’avaient pas donné lieu à l’établissement d’un contrat de sous-traitance ou d’un devis et n’avaient pas donné lieu à facturation ; qu’ils n’étaient pas comptabilisés au nombre des recettes de l’auto-entreprise ; que contrairement à ce qui a été jugé en première instance, l’existence d’un rapport contractuel de sous-traitance n’est pas établie ; que M. Y... opérant avec des équipements et matériaux fournis par la société JS Rénovation pour réaliser des tâches d’exécution dans le cadre d’un travail organisé par cette société, se trouvait dans une relation de travail subordonnée, exclusive d’une activité indépendante et caractérisant l’exercice d’un travail salarié ; que pour avoir employé M. Y..., en omettant délibérément de procéder à la déclaration nominative préalable à son embauche, M. X... a commis l’infraction qui est reprochée d’exécution de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié ;
” alors que l’existence d’un contrat de travail suppose l’existence d’un lien de subordination entre l’employeur et le salarié ; que les juges du fond ne peuvent trouver dans les contraintes liées à la nature même de l’activité exercée l’indice d’un lien de subordination ; qu’en estimant que M. Y... exerçait une activité salariée sur les chantiers de la société JS Rénovation, au seul motif que l’intéressé opérait « avec des équipements et matériaux fournis par la société JS Rénovation pour réaliser des tâches d’exécution dans le cadre d’un travail organisé par cette société », sans rechercher si les contraintes imposées à M. Y..., qui avait le statut d’auto-entrepreneur, n’étaient pas liées à la nature même de l’activité de la société JS Rénovation, qui géraient plusieurs corps de métiers, plutôt qu’à la nature de la relation entre la société JS Rénovation et M. Y..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen “ ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 5221-2, L. 8256-2, L. 8251-1, R. 5221-1 du code du travail, L. 8256-2, L. 8256-3, L. 8256-4 et L. 8256-6 du même code, de l’article R. 742-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, des articles 121-1 et 121-3 du code pénal, défaut de motifs, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit d’emploi d’un étranger non muni d’un titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France ;
” aux motifs que M. X... a embauché, le 16 septembre 2008, M. Hassan E..., ressortissant libanais, titulaire d’un récépissé de demande de statut de réfugié politique, qui ne l’autorisait pas à exercer une activité salariée en France ; qu’il n’ignorait pas cette situation pour avoir pris connaissance du document ouvrant droit au séjour, dont la copie a été retrouvée dans le registre du personnel de la société JS Rénovation ; qu’il ne prétend pas s’être informé auprès du service compétent de la préfecture pour s’assurer qu’une autorisation de travail pourrait être délivrée et ne peut invoquer de ce fait une erreur invincible de droit ;
” alors que le délit d’emploi d’un étranger non muni d’un titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France est une infraction intentionnelle qui requiert, pour être constituée, la connaissance par l’employeur, d’une part, de la qualité d’étranger de l’intéressé, d’autre part, de l’irrégularité de sa situation au regard de la législation du travail ; qu’en déclarant le demandeur coupable du délit prévu à l’article L. 8256-2 du code du travail, sans préciser si le prévenu savait que M. E... n’était pas autorisé à travailler régulièrement en France, au regard notamment du fait qu’un étranger ayant le statut de réfugié politique a le droit d’exercer une activité professionnelle en France si sa demande n’est pas traitée dans un délai d’un an, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen “ ;
Sur le cinquième moyen de cassation pris de la violation des articles 321-1, 321-3, 321-9, 321-10, 311-1 et 311-14 du code pénal, 121-1 et 121-3 du code pénal, défaut de motifs, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit de recel de vol ;
” aux motifs que la perquisition effectuée le 24 janvier 2012 dans l’entrepôt de la Sarl JS Rénovation à Alixan a donné lieu à la découverte de câbles haute tension siglés ERDF, étant précisé que M. Y... a reconnu avoir volé à l’établissement ERDF qui l’employait divers équipements qu’il utilisait dans le cadre de son activité ; que M. X... prétend avoir ignoré que les câbles trouvés dans l’entrepôt de la société JS Rénovation provenaient d’un vol ; que cependant, Mme Mireille F... a témoigné avoir constaté en une circonstance que M. Y... avait apporté à M. X... une grosse bobine en bois avec un câble de 5 cm de diamètre enroulé autour et que cette bobine n’avait jamais été facturée à la société JS Rénovation ; qu’au vu de ce témoignage et s’agissant d’équipements signés ERDF, M. X... ne pouvait ignorer que ces équipements entreposés dans les locaux de la société JS Rénovation provenaient de vols commis au préjudice d’ERDF et s’est ainsi rendu coupable du délit de recel qui lui est reproché ;
” alors que le délit de recel atteint tous ceux qui, en connaissance de cause, ont, par un moyen quelconque, bénéficié du produit d’un crime ou d’un délit ; qu’en estimant que M. X... s’était rendu coupable du délit de recel d’un bobine de câble qu’il savait provenir d’un vol commis au préjudice de la société ERDF, en l’absence de toute constatation de nature établir que M. X... aurait bénéficié par un moyen quelconque de cette bobine de câble, qui se trouvait simplement entreposée dans les locaux de la société JS Rénovation, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision “ ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé, en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnels, les délits de travail dissimulé par omission de déclaration préalable à l’embauche, d’emploi d’un étranger sans titre de travail et de recel de vol dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D’où il suit que les moyens, qui reviennent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;
Sur le sixième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 421-1, R. 421-1, R. 421-14 du code de l’urbanisme, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-7 du même code, 121-1 et 121-3 du code pénal, défaut de motifs, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit d’exécution de travaux sans permis ;
” aux motifs qu’il résulte des constatations opérées par les services de gendarmerie le 14 juin 2010 que des travaux de construction étaient effectués sur la propriété des époux X..., situé dans le... à Châteauneuf-sur-Isère, sans que les références d’un permis de construire soient affichées sur le chantier ;

que les travaux consistaient dans l’ouverture de deux baies vitrées, la construction de deux balcons, d’un escalier extérieur, la création d’un loft de 130 m ² au second étage du bâtiment principal et celle de trois studios et d’un local technique dans un bâtiment à usage de dépendances en fond de parcelle ; que le 21 mai 2010, un agent de la police municipale avait constaté l’exécution de ces travaux sans permis de construire et le même jour, le maire de Châteauneuf-sur-Isère avait pris un arrêté interruptif de travaux notifiés à M. X... ; qu’une demande de permis de construire avait été déposée par M. X... mais que celui-ci avait entrepris les travaux de construction objet de la demande d’autorisation dès avant le dépôt de cette demande et avant obtention du permis de construire, qui devait en définitive donner lieu à un arrêté de refus ; qu’il est en outre établi que M. X... a poursuivi l’exécution des travaux en dépit de l’arrêté du maire prescrivant leur interruption, ce qui manifeste particulièrement sa mauvaise foi et sa volonté de placer l’autorité municipale sous la pression du fait accompli ; que le délit qui est reproché d’exécution de travaux sans permis de construire est établi et caractérisé en tous ses éléments “ ;
” alors que le changement de destination visé à l’article L. 421-1 du code de l’urbanisme doit s’apprécier au regard de la destination de la construction telle qu’elle était, en réalité, avant la réalisation des travaux ; que ne constitue pas un changement de destination soumis à permis de construire des travaux de modernisation d’un « bâtiment à usage de dépendance », de surcroît lorsqu’il est constaté que ledit bâtiment se trouvait en fond de parcelle ; qu’en décidant que de simples travaux de confort qui ne modifiaient pas la superficie des lieux en changeaient cependant la destination et nécessitaient un permis de construire, sans procéder aux recherches utiles à la solution du litige, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations “ ;
Attendu que la cour a caractérisé le changement de destination, au sens de l’article L. 421-1 précité, de l’immeuble dans lequel ont été constatées les constructions en cause ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 8221-4, L. 8221-5, L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8224-1, et L. 8224-4 du code du travail, 121-1 et 121-3 du code pénal, 2, 3, 388, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, défaut de motifs, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, a déclaré M. X... coupable des infractions d’emploi sa salariés en ayant omis de procéder aux déclarations préalables à l’embauche de MM. Zakari K..., Thierry G... et Sylvain H... ;
” aux motifs qu’il est établi par les témoignages de MM. Jean I... et Choucri J... et n’est pas contesté par les intéressés que MM. K..., G... et H... ont été employés par la société JS Rénovation sur divers chantiers au cours de l’année 2010 ; qu’aucune déclaration préalable à l’embauche n’a été effectuée en ce qui les concerne et qu’ils ne figurent pas sur le registre unique du personnel ; que dans la mesure où ils ont été employés sur ces chantiers pour l’accomplissement d’une activité exercée à titre lucratif d’entreprise du bâtiment, la notion d’aide bénévole ne peut trouver à s’appliquer ; qu’aucun d’entre eux n’a prétendu à un exercice indépendant de son activité et que M. X... ne prétend pas avoir procédé à cet égard à une quelconque vérification ; qu’en ce qui concerne ces trois salariés, les faits reprochés à M. X... sont en réalité constitutifs de l’infraction d’avoir, étant employeur, omis intentionnellement de procéder à la déclaration nominative préalable à leur embauche ; que la cour, infirmant la décision de relaxe des premiers juges, le déclarera coupable des infractions ainsi qualifiées ;
” 1°) alors que les juridictions correctionnelles ne peuvent ajouter aux faits de la prévention, lesquels doivent rester tels qu’ils ont été retenus dans l’acte de saisine, à moins que le prévenu ait accepté d’être jugé sur des faits nouveaux ; qu’en l’espèce, aux termes de la convocation, qui seule fixe les limites de la prévention, il était reproché à M. X..., prévenu, s’agissant de MM. K..., G... et H..., d’avoir commis le délit de travail dissimulé en mentionnant sur le bulletin de paie de ces salariés un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; que les éléments constitutifs de cette infraction, prévue à l’article L. 8221-5-2° du code du travail, sont distincts de ceux du délit de travail dissimulé par omission volontaire de déclaration préalable à l’embauche, prévu à l’article L. 8221-5-1° du même code ; qu’ainsi, en se déterminant par la seule circonstance qu’aucune déclaration préalable à l’embauche n’a été effectuée en ce qui concerne les trois personnes susvisées, pour en déduire que M. X..., de ce chef, s’était rendu coupable de travail dissimulé, la cour d’appel qui a relevé à la charge du prévenu des faits non visés à la prévention et à propos desquels il ne résulte pas de l’arrêt que celui-ci ait accepté d’être jugé, a violé l’article 388 du code de procédure pénale ;
” 2°) alors qu’en tout état de cause, tout accusé ayant, conformément aux dispositions de l’article 6, § 3, a), de la Convention européenne des droits de l’homme, le droit d’être informé des faits matériels qui lui sont imputés et de la qualification juridique donnée à ces faits, ainsi que le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, la juridiction pénale qui opère une requalification des faits poursuivis doit en informer préalablement le prévenu et le mettre en mesure de présenter utilement sa défense sur la nouvelle qualification envisagée ; qu’ainsi, l’éventualité d’une requalification des faits doit être portée à la connaissance du prévenu au plus tard au cours des débats devant la juridiction correctionnelle ; qu’en l’espèce, dès lors, en se bornant, pour requalifier les faits initialement qualifiés de travail dissimulé par indication, sur le bulletin de paie, d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué, délit prévu à l’article L. 8221-5-2° du code du travail, en travail dissimulé par omission de procéder à la déclaration nominative préalable à l’embauche, délit prévu par l’article L. 8221-5-1° du même code, à énoncer qu’aucune déclaration préalable à l’embauche n’avait été effectuée en ce qui concerne MM. K..., G... et H..., quoiqu’il ne résulte d’aucune mention de l’arrêt attaqué que la requalification des faits ait été envisagée au cours des débats devant la cour d’appel ni, partant, que le prévenu ait pu présenter ses observations en temps utile sur la nouvelle qualification pénale ainsi retenue à son encontre, la cour d’appel a violé l’article 388 du code de procédure pénale, ensemble le principe de l’égalité des armes et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme “ ;
Et sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8221-5, L. 8224-1 et L. 8224-4 du code du travail, 121-1 et 121-3 du code pénal, 2, 3, 388, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, défaut de motifs, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, a déclaré M. X... coupable de travail dissimulé par dissimulation des heures de travail salarié de M. Oualid L... ;
” aux motifs que M. L... a déclaré avoir été employé par la société JS Rénovation sans contrat de travail du 4 au 8 janvier 2010 ; que M. X... l’avait embauché à l’essai comme plaquiste et l’avait envoyé travailler sur un chantier à Lyon à compter du 4 janvier 2010 ; qu’il avait été rémunéré pour cette semaine de travail par la remise d’une somme en espèces de 300 euros, contenue dans une enveloppe qui lui avait été remise par Mme F... ; que le contrat de travail entre la société JS Rénovation et M. L... a en définitive était conclu le 11 janvier 2010 avec une déclaration préalable à l’embauche effectuée le même jour ; que les déclarations précises et circonstanciées de M. L... reliées au témoignage de Mme F... établissent la dissimulation délibérée de son emploi du 4 au 8 janvier 2010 ;
” 1°) alors que les juridictions correctionnelles ne peuvent ajouter aux faits de la prévention, lesquels doivent rester tels qu’ils ont été retenus dans l’acte de saisine, à moins que le prévenu ait accepté d’être jugé sur des faits nouveaux ; qu’en l’espèce, aux termes de la convocation, qui seule fixe les limites de la prévention, il était à M. X..., prévenu, s’agissant de M. L..., d’avoir commis le délit de travail dissimulé en mentionnant sur le bulletin de paie de ce salarié un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; que les éléments constitutifs de cette infraction, prévue à l’article L. 8221-5-2° du code du travail, sont distincts de ceux du délit de travail dissimulé par la non délivrance d’un bulletin de paie, prévu par le même texte ; qu’ainsi, en se déterminant par la seule circonstance que M. L..., pour la période du 4 au 8 janvier 2010, avait été rémunéré en espèces et sans contrat de travail ni bulletin de paie, pour en déduire que M. X... avait commis le délit de travail dissimulé, quand il lui était seulement reproché, de ce chef, d’avoir mentionné sur les bulletins de paie du salarié en cause un nombre d’heures inférieur à celui réellement accompli, la cour d’appel qui a relevé à la charge du prévenu des faits non visés à la prévention et à propos desquels il ne résulte pas de l’arrêt que celui-ci ait accepté d’être jugé, a violé l’article 388 du code de procédure pénale ;
” 2°) alors que, ni le fait de ne pas délivrer de bulletin de paie ni le fait de régler le salaire en espèces sans contrat de travail ne sauraient caractériser le délit de travail dissimulé par mention sur le bulletin de salaire d’un nombre d’heures inférieur à celui réellement accompli ; que, dès lors, en se déterminant par la seule circonstance que M. L..., pour la période du 4 au 8 janvier 2010, avait été rémunéré en espèces et sans contrat de travail ni bulletin de paie, pour en déduire que M. X... s’était rendu coupable du délit de travail dissimulé visé à la prévention, quand les faits ainsi retenus à la charge du prévenu ne pouvaient caractériser le délit de travail dissimulé par indication sur les bulletins de paie de l’intéressé d’un nombre d’heures inférieur à celui réellement accompli, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L. 8221-5 du code du travail “ ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, 388 et préliminaire du code de procédure pénale ;
Attendu que s’il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c’est à la condition de n’y rien ajouter ou de ne pas substituer des faits distincts à ceux de la prévention, sauf acceptation expresse par le prévenu d’être jugé sur des faits ou circonstances aggravantes non compris dans la poursuite ;
Attendu que M. X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir, étant employeur de MM. K..., H..., G... et L..., commis le délit de travail dissimulé par mention, sur les bulletins de paie des intéressés, d’un nombre d’heures inférieur à celui qui a été réellement effectué ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de travail dissimulé pour l’emploi de ces quatre salariés, l’arrêt retient, s’agissant des trois premiers salariés, qu’il a omis de procéder à la déclaration nominative préalable à l’embauche et, s’agissant du quatrième salarié, qu’il a délibérément dissimulé son emploi ;
Mais attendu qu’il ne résulte d’aucune mention de l’arrêt attaqué, ni des pièces de procédure, que M. X... ait accepté d’être jugé pour les délits ainsi retenus, alors qu’ils n’entraient pas dans la saisine des juges ;
Que, dès lors, en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D’où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Grenoble, en date du 30 juin 2014, mais en ses seules dispositions ayant trait au travail dissimulé concernant MM. K..., H..., G... et L..., aux peines et aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Grenoble autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre mai deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Décision attaquée : Cour d’appel de Grenoble , du 30 juin 2014