Arrêt de principe - travail dissimulé - accident du travail mortel - faute inexcusable

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 23 janvier 2020

N° de pourvoi : 18-19080

ECLI:FR:CCASS:2020:C200085

Publié au bulletin

Rejet

M. Pireyre (président), président

SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Foussard et Froger, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION


Audience publique du 23 janvier 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 85 F-P+B+I

Pourvoi n° M 18-19.080

Aide juridictionnelle totale en défense

au profit de Mme T... A....

Admission du bureau d’aide juridictionnelle

près la Cour de cassation

en date du 22 novembre 2018.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JANVIER 2020

M. C... Y..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° M 18-19.080 contre l’arrêt rendu le 7 décembre 2017 par la cour d’appel de Metz (chambre sociale), dans le litige l’opposant :

1°/ à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Moselle, dont le siège est [...] ,

2°/ à Mme T... A..., domiciliée [...] ,

3°/ à Mme H... R..., domiciliée [...] , pris en qualité de mandataire ad’hoc de la société Bati général,

4°/ à la société Mutuelles du Mans assurance IARD, dont le siège est [...] ,

5°/ à M. B... J..., domicilié [...] ,

6°/ au ministre des affaires sociales et de la santé, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Palle, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. Y..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle, de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de Mme A..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Mutuelles du Mans assurance Iard, et l’avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l’audience publique du 11 décembre 2019 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Palle, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Metz, 7 décembre 2017), que chargée d’un chantier de réfection de bâtiments, la société Bati général, dont le gérant était M. Y..., avait sous-traité les travaux de couverture à M. J... ; que, le 27 novembre 2008, M... A... a été victime d’un accident mortel causé par sa chute de la toiture du bâtiment sur laquelle il effectuait ces travaux ; que, le 22 février 2012, Mme A..., mère de la victime, a saisi une juridiction de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l’arrêt de dire que l’action en reconnaissance de la faute inexcusable n’est pas prescrite et de le condamner, solidairement avec M. J..., à rembourser à la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle la somme qu’elle est tenue de verser à la mère de la victime, en indemnisation de son préjudice moral, alors, selon le moyen, que l’absence de déclaration auprès de la caisse de sécurité sociale d’un accident du travail dans le délai de deux ans suivant la date de l’accident prive la victime ou ses ayants droits des droits aux prestations et indemnités découlant de cet accident ; qu’à défaut d’accident susceptible d’être indemnisable au titre de la législation professionnelle, l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et en paiement des indemnités complémentaires découlant de cette action est irrecevable ; qu’en l’espèce, il est constant que Mme A..., ayant droit de M. A... victime d’un accident mortel, n’a effectué aucune déclaration d’accident du travail auprès de la caisse dans le délai légal de deux ans suivant l’accident de son fils ; qu’en déclarant néanmoins l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et en paiement du préjudice moral subi par l’ayant droit recevable au motif inopérant que l’action en reconnaissance de la faute inexcusable a été suspendue en raison de la citation directe devant le tribunal correctionnel intervenue dans le délai légal de deux ans suivant la date de l’accident, cependant que faute de déclaration de cet accident auprès de caisse dans le délai légal de deux ans, l’action en reconnaissance de la faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail était privée de tout fondement juridique, la cour d’appel a violé les articles L. 441-2, L. 431-2 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu, d’une part, qu’il résulte de l’article L. 431-2 du code de la sécurité sociale qu’en cas d’accident susceptible d’entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, la prescription biennale opposable aux demandes d’indemnisation complémentaire de la victime ou de ses ayants droit commence à courir à compter de la date de l’accident et se trouve interrompue par l’exercice de l’action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l’action en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident, d’autre part, que si elle ne peut être retenue que pour autant que l’accident survenu à la victime revêt le caractère d’un accident du travail, la reconnaissance de la faute inexcusable, qui est indépendante de la prise en charge au titre de la législation professionnelle, n’implique pas que l’accident ait été préalablement déclaré à la caisse par la victime ou ses représentants dans le délai de deux ans prévu au second alinéa de l’article L. 441-2 du même code.

Et attendu qu’ayant constaté que Mme A... avait saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, le 22 février 2012, d’une demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur moins de deux ans après le jugement correctionnel du 16 décembre 2010 ayant définitivement condamné MM. Y... et J..., la cour d’appel en a exactement déduit que l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur n’était pas prescrite ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que M. Y... fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation à intervenir du chef du dispositif de l’arrêt attaqué ayant jugé l’action en reconnaissance de la faute inexcusable intentée par Mme A... non-prescrite, entraînera par voie de conséquence, en application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs du dispositif de l’arrêt attaqué ayant reconnu la faute inexcusable de M. Y... et l’ayant condamné à rembourser solidairement à la caisse les sommes avancées à raison du préjudice moral subi par l’ayant droit de la victime ;

2°/ que l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne s’attache qu’à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge répressif sur l’existence du fait qui forme la base commune de l’action civile et de l’action publique, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé ; qu’en l’espèce, par jugement du 16 novembre 2011, le tribunal correctionnel de Metz a indiqué que M. Y... est réputé employeur de M. A..., sans autre motivation que cette affirmation et sans pour autant reconnaître quelque lien de subordination entre ces derniers, uniquement pour débouter Mme A... de son action civile tendant à la réparation du préjudice subi par la victime d’un accident du travail, de sorte que ce jugement ne pouvait s’imposer au juge de la sécurité sociale chargé de vérifier, dans le cadre d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable, la qualité d’employeur de l’auteur prétendu de la faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé l’article 1351 du code civil, dans sa version applicable au litige, et le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.

Mais attendu que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l’action publique ont au civil autorité absolue, à l’égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l’existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l’innocence de ceux auxquels le fait est imputé ;

Et attendu qu’ayant relevé que le jugement du tribunal correctionnel de Metz du 16 décembre 2010 devenu définitif avait condamné pénalement tant M. J... que M. Y..., pour le délit de travail dissimulé, pour avoir, étant employeurs de la victime, omis intentionnellement de procéder à la déclaration préalable à l’embauche et que tous deux ont, en outre, été déclarés coupables du délit de prêt illégal de main d’oeuvre concernant notamment M... A..., la cour d’appel a exactement déduit que l’autorité de la chose jugée au pénal ne permettait pas à M. Y... de remettre en cause sa qualité d’employeur retenue par la juridiction pénale, de sorte que l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur dirigée à l’encontre de celui-ci était recevable ;

D’où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, n’est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Dit n’y avoir lieu à la mise hors de cause de la société Mutuelles du Mans assurances ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et le condamne à payer à la SCP Garreau Bauer-Violas Feschotte-Desbois et à la société Mutuelles du Mans assurances Iard, la somme de 3 000 euros chacune, ainsi que la somme de 2 000 euros à la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR dit que l’action en reconnaissance de la faute inexcusable intentée par Mme A... n’est pas prescrite et d’AVOIR, en conséquence, condamné M. Y... solidairement avec M. J... à rembourser à la caisse de la Moselle la somme qu’elle est tenue de verser en application du préjudice moral subi par Mme A... ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l’arrêt attaqué, « Monsieur C... Y... soutient que l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur est prescrite ; qu’aucune déclaration d’accident n’a été établie ; qu’il appartenait à Madame T... A... de saisir le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale dans tes deux ans à compter de l’accident afin de faire reconnaître le caractère professionnel de l’accident ; que Madame T... A... n’est plus dans les délais pour faire constater le caractère professionnel de l’accident ; qu’il s’ensuit que son action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur est prescrite ; que les citations devant le Tribunal correctionnel ne sauraient valoir demande en justice interrompant la prescription dans la mesure où lesdites citations tendent à une condamnation pénale et non à une reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ; La CPAM de Moselle fait valoir que Madame T... A... ne lui a pas adressé de déclaration d’accident du travail dans le délai légal ; que l’action pénale engagée ne peut constituer une cause interruptive de prescription qu’en matière de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et non en matière de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ; que le délai de prescription est soumis aux règles de droit commun ; les sociétés MUTUELLES DU MANS et BATI GENERAL font valoir que l’accident s’est produit le 27 novembre 2008 et qu’il appartenait à Madame T... A... de faire constater le caractère professionnel de l’accident avant le 28 novembre 2010 ; que Madame T... A... n’a effectué aucune déclaration d’accident ni saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale avant le délai légal ; que la difficulté porte sur la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident alors que l’article L. 43 1-2 ne vise que l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ; Madame T... A... soutient que l’action pénale ayant pour objet les fautes commises par Monsieur C... Y... et Monsieur B... J... à l’origine desquelles Monsieur M... A... est décédé a interrompu la prescription conformément à l’article L. 431-2 du code de la sécurité sociale ; que le nouveau délai commençait à courir à compter du 16 décembre 2010, date du jugement au pénal reconnaissant la qualité d’employeur de Monsieur B... J... et Monsieur C... Y... ; il résulte de l’article L 431-2 du Code de la Sécurité Sociale que les droits de la victime d’un accident du travail ou de ses ayants droit se prescrivent par deux ans à dater du jour de l’accident ou de la cessation du paiement de l’indemnité journalière ; toutefois, en cas d’accident susceptible d’entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la prescription de deux ans opposable aux demandes d’indemnisation complémentaire visée aux articles L. 452-1 et suivants est interrompue par l’exercice de l’action pénale pour les mêmes faits ; dès lors c’est à tort que Monsieur Y... et la CPAM sollicitent que soit jugée irrecevable comme prescrite l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur introduite par Madame A... faute de déclaration de l’accident dans les deux ans et de prise en charge préalable de celui-ci par la caisse au titre des accidents du travail que si la faute inexcusable de l’employeur ne peut être retenue que pour autant que l’accident survenu à la victime revêt le caractère d’un accident du travail, la reconnaissance de la faute inexcusable n’implique pas que l’accident ait été pris en charge comme tel par l’organisme social ; Madame A... ayant saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Moselle, le 22 février 2012, d’une demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur moins de deux ans après le jugement correctionnel du 16 décembre 2010 ayant condamné Messieurs Y... et J..., son action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur n’est pas prescrite » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, aux termes de l’arrêt attaqué, « Il est vrai que, selon l’article L 431-2 du CSS, les droits de la victime se prescrivent par deux ans à compter du jour de l’accident. L’accident ayant eu lieu le 27 novembre 2008, l’action de madame A... devant ce tribunal, formée le 22 février 2012, plus de treize mois après la date limite du 27 novembre 2010 serait donc prescrite. Selon la Caisse, l’employeur Y... et la société MMA, le dernier alinéa de cet article selon lequel l’action pénale interrompt cette prescription serait inapplicable parce que l’action pénale tendait à la condamnation de l’employeur et non à la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident. Selon le dernier alinéa de l’article L 43 1-2 « en cas d’accident susceptible d’entraîner la faute inexcusable de 1’employeur ou de ceux qu’il s ‘est substitués dans la direction, la prescription de deux ans... est interrompue par 1’exercice de 1’action pénale engagée pour les mêmes faits ou de 1’action en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ». Dans l’alternative de l’article L 431-2 : reconnaissance du caractère professionnel ou action pénale engagée pour les mêmes faits, c’est l’action pénale ayant pour objet les fautes commises par MM Y... et J... à l’origine desquelles M. M... A... avait trouvé la mort qui a interrompu la prescription. Un nouveau délai commençant à courir, au plus tôt, le 16 décembre 2010, date du jugement du tribunal correctionnel de Metz, venait à expiration le 16 décembre 2012. L’action engagée par Mme A... le 22 février 2012 n’est pas prescrite » ;

ALORS QUE l’absence de déclaration auprès de la caisse de sécurité sociale d’un accident du travail dans le délai de deux suivant la date de l’accident prive la victime ou ses ayants droits des droits aux prestations et indemnités découlant de cet accident ; qu’à défaut d’accident susceptible d’être indemnisable au titre de la législation professionnelle, l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et en paiement des indemnités complémentaires découlant de cette action est irrecevable ; qu’en l’espèce, il est constant que Mme A..., ayant droit de M. A... victime d’un accident mortel, n’a effectué aucune déclaration d’accident du travail auprès de la caisse dans le délai légal de deux ans suivant l’accident de son fils ; qu’en déclarant néanmoins l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et en paiement du préjudice moral subi par l’ayant droit recevable au motif inopérant que l’action en reconnaissance de la faute inexcusable a été suspendue en raison de la citation directe devant le tribunal correctionnel intervenue dans le délai légal de deux ans suivant la date de l’accident, cependant que faute de déclaration de cet accident auprès de caisse dans le délai légal de deux ans, l’action en reconnaissance de la faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail était privée de tout fondement juridique, la cour d’appel a violé les articles L. 441-2, L. 431-2 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR reconnu la faute inexcusable de M. Y... à l’origine de l’accident de M. A... et de l’AVOIR, par conséquent, solidairement condamné à rembourser à l’organisme de sécurité sociale l’indemnisation du préjudice moral subi par l’ayant droit de la victime ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l’arrêt attaqué, « Madame A... ne remet pas en cause le jugement entrepris en tant qu’il a mis hors de cause la société BATI GENERAL et expose que la responsabilité de Messieurs Y... et J... a été reconnue par la juridiction pénale qui a retenu à l’encontre de chacun d’eux l’infraction de prêt illégal de main d’oeuvre ; la CPAM dirige son action récursoire, à titre principal contre la société BATI GENERAL et son assureur les MMA ; Monsieur C... Y... soutient que l’action en reconnaissance de la faute inexcusable est irrecevable en tant qu’elle est dirigée contre lui dès lors qu’il n’a pas la qualité d’employeur de Monsieur A... ; qu’il ne saurait être déduit du jugement du Tribunal correctionnel qu’il avait cette qualité ; que s’il a été cité devant le tribunal correctionnel, c’est uniquement en sa qualité de gérant de la société BATI GENERAL , laquelle s’était vue confiée par la société CARGLASS, le chantier sur lequel était employé M. A... dont elle avait sous-traité les travaux de couverture à l’entreprise [...] ; qu’il n’a jamais été l’employeur juridique de Monsieur M... A... et que c’est la société dont il était gérant qui a fait appel aux services de Monsieur B... J... dans le cadre d’un contrat de sous-traitance ; que l’employeur de Monsieur M... A... était en conséquence Monsieur B... J... ; Monsieur J... n’a pas émis d’observations de nature à remettre en cause le jugement entrepris dans ses dispositions le concernant ; le jugement du Tribunal correctionnel de Metz du 20 janvier 2011 devenu définitif a condamné pénalement tant Monsieur J... que Monsieur C... Y..., pour le délit de travail dissimulé, pour avoir, étant employeurs de la victime, omis intentionnellement de procéder à la déclaration préalable à l’embauche ; tous deux ont, en outre, été déclarés coupables du délit de prêt illégal de main d’oeuvre concernant notamment Monsieur M... A... ; que l’autorité de la chose jugée au pénal ne permet pas à Monsieur Y... de remettre en cause sa qualité d’employeur retenue par la juridiction pénale ; l’action dirigée contre lui en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur est par conséquent recevable ; Aucun élément du dossier ne vient établir la qualité d’employeur de la société BATI GENERAL ; l’accident dont a été victime Monsieur M... A... a le caractère d’accident du travail puisqu’ayant eu lieu au temps et au lieu de travail ; que ces circonstances ne sont d’ailleurs contestées par aucune des parties au litige ; la faute inexcusable de Messieurs Y... et J... est établie au vu du jugement du tribunal correctionnel de Metz du 20 janvier 2011 ; du procès- verbal établi le jour de l’accident par les services de police, chargés de l’enquête, il résulte que Monsieur M... A... qui se trouvait sur la toiture du bâtiment dont il était occupé à retirer des plaques de fibrociment, ne bénéficiait d’aucune protection individuelle ou collective contre les risques de chute de sorte que ses employeurs qui ne pouvaient ignorer la dangerosité de ses conditions de travail, n’ont pas pris les mesures de protection nécessaires pour le protéger ; l’accident mortel du travail dont il a été victime est par conséquent dû à leur faute inexcusable ; le jugement entrepris est, à ce titre confirmé ; Sur les conséquences financières de la faute inexcusable : Madame T... A... sollicite la confirmation du jugement entrepris qui lui a alloué un montant de 30.000 euros de dommages intérêts pour préjudice moral ; Monsieur Y... sollicite la réduction de ce chef de dommage ; compte tenu des circonstances tragiques de cet accident, Madame A..., mère de la victime laquelle était âgée de 35 ans à la date du sinistre, est fondée à solliciter réparation de son préjudice moral sur le fondement de l’article L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale, le montant alloué de 30.000 euros constituant une juste réparation de son préjudice d’affection ; le jugement entrepris est confirmé sur ce point ; Sur l’action récursoire de la caisse : l’action récursoire dirigée par la Caisse contre la société BATI GENERAL et contre les MMA, a, à juste titre été rejetée par le Tribunal des affaires de sécurité sociale ; l’action récursoire de la Caisse dirigée contre Messieurs J... et Y... est bien fondée, l’organisme de sécurité sociale étant fondé à récupérer directement auprès des employeurs de la victime, le montant qu’elle est tenue de verser en réparation de son préjudice moral à Madame A... » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, aux termes de l’arrêt attaqué, « Le jugement du 16 décembre 2010, qui a acquis l’autorité de la chose jugée a notamment déclaré M. J... coupable d’homicide involontaire par la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence, et d’exécution d’un travail dissimulé. Ce même jugement a déclaré M. Y... coupable des mêmes délits. En vertu de ce jugement MM J... et Y... doivent être considérés comme les employeurs de M. M... A.... La société BATI GENERAL a bénéficié d’un jugement de relaxe. Au surplus, il n’est ni démontré ni allégué qu’elle fut l’employeur de la victime. Il convient en conséquence de mettre hors de cause cette société (dont on ignore d’ailleurs, si celle-ci a fait l’objet d’une déclaration de créance de la part de la Caisse). Sur la faute inexcusable : Le fait que Mme A... ait évoqué l’existence d’une faute « lourde » aux lieu et place d’une faute « inexcusable » ne porte pas atteinte au bien-fondé de sa demande, dès lors que les conditions d’une faute inexcusable sont établies par l’enquête diligentée par la police de Sarrebourg et le jugement du 16 décembre 2010 : MM J... et Y... avaient conscience du danger auquel M. A... était exposé et avaient privé ce dernier de toute mesure de protection. En conséquence, il sera dit et jugé que MM J... et Y..., à l’exclusion de la société BATI GENERAL, ont commis une faute inexcusable à l’origine de l’accident mortel dont fut victime M. A... le 27 novembre 2008. Sur les conséquences : Aucune rente, et a fortiori, aucune majoration de celle-ci n’est sollicitée par Mme A... ; En ce qui concerne les frais funéraires, l’article L 435-1 du CSS rappelle qu’en cas d’accident suivi de mort ceux-ci sont payés par la Caisse sans que leur montant puisse excéder le maximum fixé par l’arrêté interministériel (art D 435-l). Il appartiendra donc à la Caisse de rembourser à Mme A..., dans la limite du maximum fixé par cet arrêté les frais funéraires exposés étant précisé que le coût de construction d’un monument funéraire est à exclure. Enfin, il convient d’évaluer à 30.000 euros le montant de l’indemnité représentative du préjudice moral subi par Mme A... du fait du décès de son fils » ;

ALORS, premièrement, QUE la cassation à intervenir du chef du dispositif de l’arrêt attaqué ayant jugé l’action en reconnaissance de la faute inexcusable intentée par Mme A... non-prescrite, entraînera par voie de conséquence, en application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs du dispositif de l’arrêt attaqué ayant reconnu la faute inexcusable de M. Y... et l’ayant condamné à rembourser solidairement à la caisse les sommes avancées à raison du préjudice moral subi par l’ayant droit de la victime ;

ALORS, secondement, QUE l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne s’attache qu’à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge répressif sur l’existence du fait qui forme la base commune de l’action civile et de l’action publique, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé ; qu’en l’espèce, par jugement du 16 novembre 2011, le tribunal correctionnel de Metz a indiqué que M. Y... est réputé employeur de M. A..., sans autre motivation que cette affirmation et sans pour autant reconnaître quelque lien de subordination entre ces derniers, uniquement pour débouter Mme A... de son action civile tendant à la réparation du préjudice subi par la victime d’un accident du travail, de sorte que ce jugement ne pouvait s’imposer au juge de la sécurité sociale chargé de vérifier, dans le cadre d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable, la qualité d’employeur de l’auteur prétendu de la faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé l’article 1351 du code civil, dans sa version applicable au litige, et le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil. Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Metz , du 7 décembre 2017