Condamnation au pénal de l’employeur - instance prud’homale

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 27 mars 2001

N° de pourvoi : 98-45429

Publié au bulletin

Rejet.

Président : M. Gélineau-Larrivet ., président

Rapporteur : M. Brissier., conseiller apporteur

Avocat général : M. Lyon-Caen., avocat général

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur les deux moyens réunis :

Attendu que Mme Y..., soutenant avoir été employée en qualité de couturière au service de la société X... du 14 mai au 6 juillet 1996, a saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir notamment le paiement d’un solde de salaire, d’une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ainsi que de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la société X..., prétendant que Mme Y... ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un contrat de travail, a sollicité un sursis à statuer jusqu’à décision définitive de la juridiction pénale sur la poursuite engagée à son encontre du chef de travail clandestin ;

Attendu que la société X... fait grief au jugement attaqué (conseil de prud’hommes de Metz, 7 septembre 1998) d’avoir rejeté sa demande de sursis à statuer et d’avoir accueilli les demandes précitées de Mme Y..., alors, selon le premier moyen, que l’incidence de la décision pénale est fondamentale pour l’issue du litige opposant les parties devant le conseil de prud’hommes ; qu’en effet, si la juridiction pénale retient la culpabilité de M. Z..., dirigeant de la société, pour avoir employé de façon clandestine Mme Y..., le conseil de prud’hommes ne pourra qu’en tirer toutes les conséquences liées à l’existence d’un contrat de travail ; que, par contre, si la cour d’appel saisie par M. Z... aux fins d’infirmation du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Metz, le 12 février 1998, prononce la relaxe de M. Z..., alors le conseil de prud’hommes ne pourra que constater l’absence de tout lien de subordination et de tout contrat de travail entre les parties compte tenu du principe :

” le criminel tient le civil en l’état “ ; que, par voie de conséquence, le fait que le conseil de prud’hommes ait jugé utile de statuer sur l’existence d’un contrat de travail liant les parties et est entré en voie de condamnation à l’encontre de la société X..., constitue une violation flagrante de ce principe ; que le juge du fond est tenu de surseoir à statuer jusqu’au prononcé du jugement pénal lorsque l’issue de la demande est susceptible d’être influencée par une procédure pénale ; qu’en l’état et compte tenu de l’incidence fondamentale de la procédure pénale sur la procédure prud’homale, le conseil de prud’hommes, alors qu’aucune décision pénale définitive n’avait été rendue, a violé le principe : “ le criminel tient le civil en l’état “, alors, selon le second moyen, que le jugement attaqué fonde l’existence d’un contrat de travail liant les parties sur le simple fait que Mme Y... a produit aux débats le courrier qui lui a été adressé par le contrôleur du Travail le 21 août 1996 et dans le cadre duquel ledit contrôleur du Travail expose avoir constaté que Mme Y... a été employée dans la société X... sans être déclaré par le responsable auprès des services de l’URSSAF, ce qui suffirait à fonder l’existence d’un contrat de travail liant les parties, que si le contrôleur du Travail a jugé utile de dresser procès-verbal et de faire envoyer M. Z... devant le tribunal correctionnel aux fins qu’il soit statué sur l’existence ou non du délit d’emploi de travailleur clandestin, c’est la démonstration que l’existence d’un contrat de travail liant les parties repose uniquement sur la procédure pénale diligentée à l’encontre de M. Z... ; qu’il appartient aux juridictions répressives de statuer sur l’existence ou non de ce délit, et non au conseil de prud’hommes de se fonder sur une pareille lettre non contradictoire et non détaillée relevant de l’avis d’un contrôleur du Travail, pour prétendre caractériser l’existence d’une relation de travail liant les parties ;

Mais attendu, d’une part, que, par arrêt rendu le 8 avril 1999, devenu définitif, la chambre des appels de la Cour de Metz a condamné le dirigeant de la société X... pour avoir exercé une activité de couture, en employant une salariée, Mme Y..., sans déclaration préalable à l’embauche, ni inscription au registre unique du personnel, sans délivrance de bulletin de paie et sans tenue de registre de paie et d’avoir ainsi exercé un travail clandestin ; que le moyen tiré de l’obligation de surseoir à statuer sur le fondement de la règle : “ le criminel tient le civil en état “, est, dès lors, devenu sans objet ;

Attendu, d’autre part, que cette décision, qui a autorité de la chose jugée à l’égard de tous, implique l’existence d’un contrat de travail liant la société X... à Mme Y... ; que, par ce motif substitué, le jugement attaqué se trouve, sur ce point, légalement justifié ;

Qu’il s’ensuit que les moyens ne peuvent être accueillis ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

Publication : Bulletin 2001 V N° 105 p. 81

Décision attaquée : Conseil de prud’Hommes de Metz, du 7 septembre 1998

Titrages et résumés : CHOSE JUGEE - Autorité du pénal - Infractions diverses - Travail dissimulé - Condamnation - Portée . La décision de la juridiction pénale, devenue définitive, qui a condamné une société pour travail clandestin de la partie civile, a autorité de la chose jugée à l’égard de tous et implique l’existence d’un contrat de travail entre la société et la partie civile.

CONTRAT DE TRAVAIL, FORMATION - Preuve - Condamnation pénale - Travail dissimulé CHOSE JUGEE - Autorité du pénal - Etendue - Autorité à l’égard de tous

Précédents jurisprudentiels : A RAPPROCHER : Chambre sociale, 1991-12-10, Bulletin 1991, V, n° 562, p. 350 (cassation).