Contribution spéciale - relaxe non opposable

Conseil d’État

N° 313519
ECLI:FR:CESSR:2009:313519.20090323
Mentionné au tables du recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Vigouroux, président
M. Pascal Trouilly, rapporteur
Mlle Courrèges Anne, rapporteur public
SCP BACHELLIER, POTIER DE LA VARDE ; SCP DEFRENOIS, LEVIS, avocats

Lecture du lundi 23 mars 2009
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 février et 16 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Alexander A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 13 décembre 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Nice rejetant sa demande tendant, d’une part, à l’annulation des décisions du 22 décembre 2000 et du 31 janvier 2001 par lesquelles le directeur de l’Office des migrations internationales a confirmé, sur recours gracieux, sa décision du 21 novembre 2000 mettant à sa charge la contribution prévue à l’article L. 341-7 du code du travail et, d’autre part, à la décharge de cette contribution ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

 le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,

 les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. A et de la SCP Defrenois, Levis, avocat de l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations,

 les conclusions de Mlle Anne Courrèges, Commissaire du gouvernement ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. A et à la SCP Defrenois, Levis, avocat de l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations ;

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 341-6 du code du travail alors en vigueur : Nul ne peut, directement ou par personne interposée, engager, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France ; qu’aux termes de l’article L. 341-7 du même code : Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être intentées à son encontre, l’employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l’article L. 341-6, premier alinéa, sera tenu d’acquitter une contribution spéciale au bénéfice de l’Office des migrations internationales... ; que selon l’article R. 341-34 : Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l’article R. 341-33, le directeur de l’Office des migrations internationales décide de l’application de la contribution spéciale prévue à l’article L. 341-7 et notifie sa décision à l’employeur ainsi que le titre de recouvrement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à la suite d’un procès-verbal d’infraction dressé par les services de gendarmerie le 24 janvier 1998 et constatant que deux ressortissants polonais dépourvus d’autorisation de travail effectuaient des travaux de rénovation dans une villa appartenant à la SARL La Karaya, le directeur de l’Office des migrations internationales a, sur le fondement des dispositions précitées du code du travail, émis un état exécutoire à l’encontre de M. A, associé et gérant de cette société, le 21 novembre 2000, en vue du versement par celui-ci d’une contribution spéciale de 36 340 F, soit 5 540 euros ; que, par l’arrêt attaqué, la cour administrative d’appel de Marseille a confirmé le jugement du 3 mars 2006 du tribunal administratif de Nice rejetant la demande de M. A dirigée contre les refus du directeur de l’Office des migrations internationales de le décharger du paiement de cette somme ;

Considérant, en premier lieu, que si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d’un jugement ayant acquis force de chose jugée s’imposent à l’administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s’attacher aux motifs d’un jugement de relaxe tiré de ce que les faits reprochés à l’accusé ne sont pas établis ou qu’un doute subsiste sur leur réalité ; qu’il appartient, dans ce cas, à l’autorité administrative d’apprécier si la matérialité de ces faits est avérée et, dans l’affirmative, s’ils justifient l’application d’une sanction administrative ; que, dès lors, en relevant que la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait relaxé M. A du délit d’emploi de travailleur étranger non muni d’une autorisation de travail au motif que l’existence d’un lien de subordination entre le prévenu et les deux travailleurs polonais n’était pas établi, puis en estimant, pour écarter le moyen tiré de l’autorité de la chose jugée au pénal, que les décisions administratives litigieuses n’étaient pas fondées sur des faits en contradiction avec ceux constatés par le juge répressif, la cour administrative d’appel n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit ni de contradiction de motifs ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il appartient au juge du fond saisi d’un recours contre un état exécutoire dressé en application de l’article L. 341-6 du code du travail de vérifier la matérialité des faits reprochés à l’employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions ; qu’en appréciant, d’une part, la valeur des éléments produits par l’administration pour établir l’infraction, notamment le procès-verbal dressé par les services de gendarmerie et, d’autre part, celle des éléments produits par le requérant, pour en déduire l’existence d’un lien salarial entre M. A et les deux ressortissants polonais dépourvus d’autorisation de travail, la cour administrative d’appel n’a pas méconnu les règles de dévolution de la preuve et n’a pas commis d’erreur de droit ; qu’elle s’est prononcée par un arrêt suffisamment motivé et a porté une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, sur les pièces du dossier relatives à la matérialité des éléments constitutifs de l’infraction ; qu’enfin, en jugeant que la réunion de ces éléments justifiait la mise à la charge de M. A de la contribution prévue par l’article L. 341-6 du code du travail, elle n’a pas inexactement qualifié les faits de l’espèce ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. A doit être rejeté ; que ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également, par voie de conséquence, être rejetées ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. A le versement à l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations, qui s’est substituée à l’Office des migrations internationales, d’une somme de 3 000 euros au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :


Article1er : Le pourvoi de M. A est rejeté.
Article 2 : M. A versera à l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Alexander A et à l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations.