Co emploi non

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 9 octobre 2019

N° de pourvoi : 17-28150 17-28151 17-28152 17-28153 17-28154 17-28155 17-28156 17-28157 17-28158 17-28159 17-28160 17-28161 17-28162 17-28163 17-28164 17-28165 17-28166 17-28167 17-28168 17-28169 17-28170 17-28171 17-28172 17-28173 17-28174

ECLI:FR:CCASS:2019:SO01394

Publié au bulletin

Cassation

M. Cathala, président

SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP de Nervo et Poupet, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° 17-28.150 à 17-28.174 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que la totalité du capital social de la société Imprimerie Georges Frère, spécialisée dans le domaine de l’impression industrielle de labeur publicitaire, était détenue par la société Mercator Press NV, dont le capital social était lui-même détenu à 99 % par la société holding Mercator Press Sales NV, ces deux dernières sociétés, de droit belge, composant le groupe Mercator Press ; qu’une procédure de redressement judiciaire a été ouverte le 21 mars 2011 à l’égard de la société Imprimerie Georges Frère, ensuite convertie le 14 avril 2011 en liquidation judiciaire, M. HO... étant nommé en qualité de liquidateur ; que ce dernier a licencié pour motif économique le 28 avril 2011 les trente huit salariés de l’entreprise ; que certains salariés ont saisi la juridiction prud’homale de demandes formées à l’encontre des sociétés Mercator Press NV et Mercator Press Sales NV en se prévalant à titre principal de la qualité de co-employeurs des dites sociétés et, subsidiairement, de fautes délictuelles commises par celles-ci ; qu’ils ont sollicité en outre la fixation de leur créance au passif de la liquidation de la société Imprimerie Georges Frère ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal des sociétés Mercator Press NV et Mercator Press Sales NV :

Vu l’article L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu que, pour déclarer les sociétés Mercator Press NV et Mercator Press Sales NV coemployeurs des salariés, les condamner in solidum à payer à ceux-ci des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et dire que dans les rapports entre les sociétés Mercator Press NV et Mercator Press Sales NV et l’AGS, tenue à garantie, la contribution à la dette incombera entièrement aux dites sociétés, les arrêts, par motifs propres et adoptés, retiennent que la société Mercator Press Sales NV regroupe les services administratifs et commerciaux du groupe et gère notamment les achats de papier ; que les sociétés Mercator Press NV et Mercator Press Sales NV ont toujours été redevables de sommes très conséquentes à l’égard de leur filiale et se sont refusées à honorer les factures présentées par celle-ci, la conduisant à une situation d’asphyxie financière ; que selon une convention de compensation du 11 décembre 2008, la créance de 2 650 000 euros détenue par la société Imprimerie Georges Frère envers la société mère a été réduite à hauteur de 1 954 670 euros au titre de dividendes décidés par l’assemblée générale des actionnaires sans justification particulière ; que le groupe Mercator Press a également imposé à la société Imprimerie Georges Frère dans le courant de l’année 2010 l’achat d’une machine d’une valeur contestée, dont le paiement a été opéré par compensation et diminution du compte courant débiteur de la société mère, ladite machine n’ayant jamais fonctionné en l’absence des cartes mères ; que la convention de trésorerie signée le 1er juin 2010 entre les trois sociétés est venue inclure « les flux entre les sociétés et opérations financières telles que les avances de trésorerie, facturations et prestations entre sociétés », ce qui a permis de déposséder la filiale de la maîtrise de sa comptabilité ; que la facturation des commandes réalisées par la société Imprimerie Georges Frère était effectuée, depuis le 1er janvier 2011, directement aux clients par la société Mercator Press Sales NV, laquelle percevait 85 % du montant de la facturation mobilisée tandis que la filiale, qui facturait à la société mère les travaux qui lui avaient été confiés selon le principe « prix pour prix », n’avait perçu qu’un paiement partiel des sommes dues ; que la société Mercator Press Sales avait refacturé à la filiale la totalité de la rémunération annuelle de ses techniciens s’agissant pourtant d’interventions ponctuelles ; que pour mettre un terme à un conflit social, le dirigeant des sociétés Mercator Press NV et Mercator Press Sales NV a décidé d’octroyer le 11 mars 2011 une prime exceptionnelle de 4 000 euros à tous les salariés de la société Imprimerie Georges Frère, le montant cumulé de ces primes n’ayant pas été refacturé à la filiale ; qu’il ressort de l’ensemble de ces éléments, d’une part, que les conventions conclues entre les parties ont favorisé une imbrication des comptes et mis directement en cause les prérogatives comptables de la société Imprimerie Georges Frère laquelle ne disposait plus, au regard de cette immixtion dans sa gestion économique, de la moindre autonomie en la matière, et d’autre part, qu’il existait entre les patrimoines des sociétés du groupe Mercator Press des relations financières anormales caractérisées par des mouvements financiers sans contrepartie, dans le dessein ou avec l’effet d’avantager les patrimoines des sociétés mère et grand-mère au détriment du patrimoine de la filiale et constitutives d’une confusion des patrimoines ;

Attendu cependant que hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur, à l’égard du personnel employé par une autre, que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ;

Qu’en statuant comme elle l’a fait, alors que la centralisation de services supports, des remontées de dividendes, des conventions de trésorerie et de compensation, des dettes non réglées à la filiale, des facturations de prestations de services partiellement sans contrepartie pour ladite filiale, la maîtrise de la facturation de celle-ci durant une période limitée dans le temps et l’octroi d’une prime exceptionnelle aux salariés de la filiale ne pouvaient caractériser une situation de co-emploi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu que, par application des dispositions de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif critiqué par le second moyen relatif à la condamnation des sociétés Mercator Press NV et Mercator Press Sales NV à rembourser à l’AGS les avances consenties aux salariés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel du liquidateur judiciaire de la société imprimerie Georges Frère :

Vu l’article L. 1233-4-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010 ;

Attendu que, pour fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Imprimerie Georges Frère la créance de chacun des salariés à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les arrêts relèvent que si les salariés ont été interrogés par le liquidateur quant à leur volonté de recevoir des offres de reclassement en Belgique, toutefois, le questionnaire qui leur a été soumis ne comportait aucun élément concernant le délai de réflexion dont ils disposaient pour manifester leur accord assorti le cas échéant de restrictions ; que l’article L. 1233-4-1 du code du travail prévoit que le salarié doit manifester son accord pour recevoir des offres de reclassement à l’étranger dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition, l’absence de réponse valant refus ; qu’il convient en conséquence de retenir qu’il n’a pas été satisfait à l’obligation de reclassement interne, ce qui prive les licenciements de cause réelle et sérieuse ;

Attendu cependant, que selon l’article L. 1233-4-1 du code du travail, lorsque l’entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l’employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s’il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation ; que le salarié manifeste son accord, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l’employeur, l’absence de réponse valant refus ; que les offres de reclassement hors du territoire national, qui sont écrites et précises, ne sont adressées qu’au salarié ayant accepté d’en recevoir et compte tenu des restrictions qu’il a pu exprimer ; qu’il résulte de ce texte que l’employeur, qui n’a pas informé le salarié de ce qu’il disposait d’un délai de six jours ouvrables pour manifester son accord et que l’absence de réponse vaudrait refus, ne peut se prévaloir du silence du salarié et reste tenu de formuler des offres de reclassement hors du territoire national ;

Qu’en statuant comme elle l’a fait, en déduisant l’absence de cause réelle et sérieuse des licenciements du défaut, dans le questionnaire de mobilité, de mentions relatives au délai de réflexion et à la portée d’une absence de réponse, alors qu’il lui appartenait d’apprécier le caractère sérieux des recherches de reclassement menées par le liquidateur, sur et hors le territoire national, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 29 septembre 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;

Condamne MM. X..., E..., D..., V..., H..., Q..., T..., F..., MC... et HY... C..., S..., K..., G..., O..., A..., N..., W..., I..., M..., P..., L..., U..., Y..., J..., MZ... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal n° Z 17-28.150 à A 17-28.174 par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Mercator Press NV et la société Mercator Press Sales NV.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Ce moyen reproche à l’arrêt confirmatif attaqué, qui a déclaré les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales coemployeurs des salariés, d’avoir dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de ces derniers, d’avoir condamné in solidum les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales à payer aux salariés des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, fixé à ce titre la créance des salariés à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société Imprimerie Georges Frère, dit que dans les rapports entre les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales et l’AGS, tenue à garantie, la contribution à la dette incombera entièrement auxdites sociétés et condamné solidairement ces sociétés à rembourser les sommes correspondant au montant des avances consenties par l’AGS dans le cadre de la procédure collective de la société Imprimerie Georges Frère, outre au paiement d’une indemnité en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur l’existence d’un co-emploi, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur à l’égard du personnel employé par une autre, hors l’existence d’un lien de subordination, que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu’au soutien de la démonstration d’une telle ingérence des sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales dans la gestion économique et sociale de la société Imprimerie Georges Frère, le salarié invoque un ensemble d’indices caractérisant selon lui l’existence de relations financières anormales constitutives d’une confusion des patrimoines ; qu’en l’espèce, il résulte des pièces produites et notamment du bilan économique et social de la société Imprimerie Georges Frère, dressé par Maître VS... désigné en qualité de liquidateur judiciaire avec mission d’assistance, lors de l’ouverture de la procédure collective que les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales ont toujours été redevables de sommes très conséquentes à l’égard de leur filiale en se refusant d’honorer les factures présentées par celle-ci ; que l’administrateur judiciaire a également relevé que, selon une convention de compensation signée le 11 décembre 2008 entre la société Mercator Press et la société Imprimerie Georges Frère, alors que celle-ci détenait une créance de « 2 65O K euros » envers la société mère, il a été décidé, le même jour, par l’assemblée générale des actionnaires que la filiale devait payer, sans justification particulière une somme de 1 954 670 euros à titre de dividendes, l’objet de cette convention ayant manifestement été de réduire la créance détenue par la société Imprimerie Georges Frère sur la société ; que si, comme le soulignent ajuste titre les sociétés Mercator Press, les contrats de gestion de trésorerie et de prestations de services entre sociétés correspondent à un système d’organisation fréquent au sein d’un groupe, Maître VS... a toutefois constaté diverses anomalies dans les conventions signées successivement entre les » entités du groupe Mercator ; qu’il apparaît que, le 1er juin 2007, a été signée, entre les sociétés Imprimerie Georges Frère et Mercator Press, une convention de trésorerie modifiée par un avenant du 15 janvier 2008 destinée à réglementer, les avances de trésorerie et les paiements de dividendes entre les deux entités ; que cette convention prévoyait expressément l’exclusion de tous les flux commerciaux ou opérations pouvant découler de l’activité propre des parties et des prestations, livraisons intragroupes et de tous paiements comptabilisés dans les comptes clients et fournisseurs de chacune des parties ; qu’or une ultime convention de trésorerie signée le 1er juin 2010 entre les sociétés Georges Frère, Mercator Press et Mercator Press Sales est venue inclure « les flux entre les sociétés et opérations financières telles que les avances de trésorerie, facturations et prestations entre sociétés », ce qui a permis de déposséder la filiale de la maîtrise de sa comptabilité ; que de fait, le rapprochement des comptes clients/fournisseurs intragroupe effectué par Maître VS... a révélé que la facturation des commandes réalisées par la société Imprimerie Georges Frère était effectuée, depuis le 31 janvier 2011, directement aux clients par la société Mercator Press Sales, laquelle procédait à la mobilisation de ces créances et percevait à J+1, 85% du montant de la facturation mobilisée, tandis que la société Imprimerie Georges Frère facturait à la société mère les travaux qui lui avaient été confiés selon le principe « prix pour prix » ; que l’administrateur judiciaire a indiqué dans son rapport que depuis le mois de janvier 2011, la société Georges Frère n’avait perçu de Mercator Press Sales qu’un paiement partiel des sommes dues alors même qu’au titre du solde de refacturation arrêtée en février cette société était débitrice de la somme de 1 312 660 euros, montant auquel devaient s’ajouter les dernières factures de mars, privant ainsi la filiale de liquidités ; qu’il a également été souligné que la société Mercator Press Sales avait refacturé à la filiale la totalité de la rémunération annuelle de ses techniciens, s’agissant pourtant d’interventions ponctuelles, faisant ainsi supporter à la société imprimerie Georges Frère, des sommes sans aucune contrepartie ; que l’examen du compte Mercator Press/Georges Frère a mis en évidence la créance de la seconde à l’égard de la première d’un montant de 913 587 euros au titre de prestations et fournitures de matériel ; que l’administrateur a également souligné que les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales se sont obstinées à n’honorer aucune des factures présentées par leur filiale conduisant celle-ci à une situation d’asphyxie financière ; qu’il résulte également des pièces produites que fin 2009, le groupe Mercator Press a proposé à la société Imprimerie Georges Frère d’acheter pour la somme de 1 400 000 euros, une machine Offset Rothoman S24 pages appartenant à la société Mercator Press et provenant d’une autre filiale du groupe Mercator basée à Charleroi et qui avait fait l’objet d’une fermeture définitive au cours du mois de juin 2009 ; que le paiement devait s’effectuer par compensation en diminution du compte-courant débiteur de la société mère chez la société Imprimerie Georges Frère qui détenait une créance de 1 500 000 euros ; qu’or, les circonstances ayant entouré cette vente, traduisent une immixtion anormale du groupe Mercator Press dans la gestion économique de sa filiale ; que les déclarations de M. TE..., imprimeur au sein de la société Imprimerie Georges Frère et qui en sa qualité de délégué du personnel a déposé plainte devant les services de police, le 1er avril 2011, contre le dirigeant de cette société pour des faits de banqueroute, révèlent que cette rotative Rothoman a été livrée en pièces détachées et n’a jamais fonctionné en l’absence des cartes mères ; qu’il apparaît également que les membres du comité d’entreprise intrigués par ce projet d’acquisition qui risquait selon eux de compromettre l’avenir de la société Imprimerie Georges Frère, ont fait estimer la machine par la société COCI, spécialiste français de la vente d’occasion de la machine d’imprimerie, qui l’a évaluée entre 500 3 000 et 700 000 euros ; que le comité d’entreprise a alors fait usage de son droit d’alerte pour désigner le cabinet Secafi et a saisi, le 21 mai 2010, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lille, lequel, par ordonnance du 28 mai 2010 a constaté que l’employeur n’avait pas consulté régulièrement le comité d’entreprise sur le projet d’acquisition de la rotative Rothoman et a fait interdiction à la société Imprimerie Georges Frère d’acquérir cette machine avant le 28 mai 2010 ; que le cabinet Secafi a finalement conclu, le 25 mai 2010, que le prix de vente avait été fixé par le groupe Mercator en fonction de l’évaluation faite par une société PQ... qui travaille surtout pour les assureurs, et que « la notion de valeur vénale s’entendait pour une machine installée, et valorisée dans le cas d’une reprise de site de production » de sorte que « l’évaluation ne tient pas compte du remontage périlleux de ce type de machine » ; que le cabinet Secafi ajoutait aux termes de son rapport : « A tout le moins, il nous semble qu’entre l’évaluation faite par COCI (qui est le meilleur spécialiste français de la vente d’occasion de machines d’imprimerie) et celle faite par Galtier et les chiffres apportés par la direction, une autre base sera à retenir ; qu’une estimation sous vente forcée après installation et fonctionnement de la machine pourrait être retenue ou bien au travers d’une expertise mécanique approfondie que savent faire des entreprises comme COCI. Compte tenu des enjeux financiers pour Georges Frère un montant de valorisation discutable est indispensable » ; qu’or, malgré ces objections, le groupe Mercator Press a poursuivi la vente au prix de 1 400 000 euros et a opéré la compensation ; que de l’ensemble de ces éléments, il ressort, d’une part, que les conventions conclues entre les parties ont favorisé une imbrication des comptes et mis directement en cause les prérogatives comptable de la société Imprimerie Georges Frère laquelle ne disposait plus, au regard de cette immixtion dans sa gestion économique, de la moindre autonomie en la matière et, d’autre part, qu’il existait entre les patrimoines des sociétés du groupe Mercator Press des relations financières anormales caractérisées par des mouvements financiers sans contrepartie, dans le dessein ou avec l’effet d’avantager les patrimoines des sociétés mère et grand-mère au détriment du patrimoine de la filiale et constitutives d’une confusion des patrimoines ; qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il retient que les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales doivent être considérées comme coemployeurs au même titre que la société Imprimerie Georges Frère ;

QUE sur le bien-fondé du licenciement, lorsqu’un salarié est lié à des coemployeurs par un contrat de travail unique, le licenciement prononcé par l’un d’eux, qui met fin au contrat de travail, est réputé prononcé par tous, de sorte qu’il doit être justifié par chacun des employeurs et vérifié à l’égard de chacun d’entre eux au regard du motif économique et de l’obligation de reclassement ; qu’en outre le licenciement économique prononcé par l’un des coemployeurs mettant fin au contrat de travail, chacun d’eux doit en supporter les conséquences.

Que sur la motivation de la lettre de licenciement et le motif économique : il résulte de l’article L.641-4 du code de commerce, qu’en cas de liquidation judiciaire, le liquidateur procède aux licenciements en application de la décision prononçant la liquidation ; que la lettre de licenciement pour motif économique émanant du mandataire judiciaire liquidateur est suffisamment motivée dès lors qu’elle vise le jugement de liquidation en application duquel il est procédé au licenciement, sans qu’il soit nécessaire qu’elle précise le niveau d’appréciation de la cause économique quand l’entreprise appartient à un groupe ; qu’en effet, ce n’est qu’en cas de litige qu’il appartient à l’employeur de démontrer, dans le périmètre pertinent, la réalité et le sérieux du motif invoqué ; que le moyen tiré du défaut de motif de la lettre de licenciement sera donc écarté.

Que toutefois, si l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire au bénéficie de la société Imprimerie Georges Frère démontre que cette entreprise connaissait des difficultés économiques sérieuses, la réalité de la situation irrémédiablement compromise de l’employeur n’a été contrôlée par le tribunal de commerce, qu’à l’égard de cette seule société qui a cessé toute activité et a supprimé tous ses postes, à l’exclusion des autres coemployeurs, de sorte que le salarie est recevable à contester, devant la juridiction prud’homale, la réalité du motif économique au regard de la situation du groupe et du comportement des sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales ; que la cessation d’activité de la société Imprimerie Georges Frère ne peut donc constituer, une cause économique de licenciement qu’à la condition d’être justifiée par des difficultés économiques, par une mutation technologique ou par la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité du groupe dont relèvent les entités du groupe Mercator Press ; qu’or, il a été relevé l’état d’imbrication des comptes et de confusion des patrimoines entre les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales d’une part, et la société Imprimerie Georges Frère, d’autre part, les unes s’étant immiscées de façon anormale dans la gestion économique de l’autre ; que cette immixtion a ainsi permis aux sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales, en exploitant l’état de dépendance de leur filiale, de prendre dans leur intérêt exclusif, des décisions dommageables pour celle-ci qui ont aggravé sa situation économique et l’ont privée de toute capacité d’agir conformément à son intérêt social ; que comme l’ont justement souligné les premiers juges, alors que les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales auraient dû tenter de trouver des solutions face aux difficultés financières de leur filiale, à commencer par régler les factures émises par cette dernière, elles l’ont abandonnée tant sur le plan économique que sur le plan social, sans justifier de l’existence de difficultés économiques, ou d’une mutation technologique ou encore de la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité du groupe dont relevaient les entités du groupe ; qu’en conséquence, en l’absence d’un motif économique justifiant la cessation d’activité de la société Imprimerie Georges Frère, le licenciement se trouve privé de cause réelle et sérieuse ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Que sur la contestation relative à l’obligation de reclassement, aux termes de l’article L.1233-4 du code du travail : « le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts déformation et d’adaptation ont réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient » ; que selon l’article L.1233-4-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : « lorsque l’entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l’employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s’il accepte de recevoir les offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment. Le salarié manifeste son accord, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l’employeur. L’absence de réponse vaut refus. Les offres de reclassement hors du territoire national, qui sont écrites et précises, ne sont adressées qu’au salarié ayant accepté d’en recevoir et compte tenu des restrictions qu’il a pu exprimer. Le salarié reste libre de refuser ces offres, le salarié auquel aucune offre n’est adressée est informé de l’absence d’offre correspondant à celles qu’il a acceptée de recevoir. » ; qu’en l’espèce, le salarié a été interrogé par le liquidateur de la société Imprimerie Georges Frère quant à sa volonté de recevoir des offres de reclassement en Belgique ; que toutefois, il apparaît que le questionnaire qui lui ; a été soumis ne comportait aucun élément concernant le délai de réflexion dont il disposait pour manifester son accord assorti le cas échéant de restriction éventuelles, alors que le texte susvisé prévoit que le salarié doit manifester son accord pour recevoir des offres de reclassement à l’étranger dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition, l’absence de réponse valant refus ; qu’il convient en conséquence de-retenir qu’il n’a pas été satisfait à l’obligation de reclassement interne, ce qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ;

QUE sur les conséquences financières, le salarié sollicite la condamnation in solidum des sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales au paiement de dommages et intérêts ; que ces deux sociétés comportant un effectif d’au moins 11 personnes, de même que la société Imprimerie Georges Frère, et le salarié ayant une ancienneté d’au moins deux ans, il sera fait application des dispositions de l’article L. 1235-3, alinéa 2 du code du travail selon lesquelles le juge octroie au salarié ayant fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois ; qu’en considération de l’ancienneté du salarié (14 ans), de sa rémunération brute mensuelle (3700 euros), de son âge, de sa formation et de sa capacité à retrouver un nouvel emploi, de la durée de sa période de recherche d’emploi ou de reconversion professionnelle, des aides dont il a pu bénéficier, il convient de lui allouer la somme de (52 000) euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au paiement de laquelle seront solidairement condamnées les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales ;

Que chacun des coemployeurs devant supporter les conséquences du licenciement économique prononcé par l’un d’entre eux, il y a lieu également de fixer la créance du salarié à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société Imprimerie Georges Frère à hauteur de cette somme de (52 000 euros) ; qu’en revanche, la créance de frais résultant de l’application de l’article 700 du Code de procédure civile mise à la charge du débiteur, trouve son origine dans la décision et entre dans les prévisions de l’article 621-32 du Code de commerce lorsque cette décision est postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective, de sorte que la condamnation au remboursement des frais irrépétibles intervenue après le jugement d’ouverture n’a pas à être déclarée ; qu’il ne peut donc être fait droit à la demande tendant à inscrire la somme de 900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au passif de la liquidation de la société Imprimerie Georges Frère.

Que la créance de dommages et intérêts bénéficie de la garantie de l’AGS laquelle est toutefois subsidiaire de sorte que dans les rapports entre l’AGS et les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales qui sont in bonis, la contribution à la dette solidaire incombera entièrement à ces dernières ; qu’au regard de cette contribution à la dette, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il condamne in solidum les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales à rembourser les sommes correspondant au montant des avances consenties par l’AGS dans le cadre de la procédure collective de la société Imprimerie Georges Frère ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE sur le statut de co-employeur, la notion de co-emploi permet au salarié de diriger ses demandes contre un autre employeur que celui avec lequel il a contracté ; que selon l’interprétation, faite par la Cour de justice de l’Union européenne, des dispositions de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 : « l’employeur est défini comme la personne, physique ou morale, pour le compte de laquelle le travailleur accomplit pendant un certain temps, en sa faveur et sous sa direction, des prestations en contrepartie desquelles elle verse une rémunération » ; que le véritable employeur est donc celui qui détient les pouvoirs ; que lorsque le groupe est organisé de telle sorte que les filiales sont dépourvues de toute autonomie, c’est la société dominante qui doit être considérée comme l’employeur ; qu’une confusion d’intérêts, d’activité et de direction entre deux sociétés suffit à leur conférer la qualité de co-employeurs, sans qu’il soit, dorénavant, nécessaire de constater l’existence d’un lien de subordination de chacun des salariés à l’égard de la société mise en cause ; que la preuve de l’existence de cette triple confusion repose sur une appréciation factuelle des relations entre les deux sociétés ; que la démonstration de la dépendance d’une filiale à l’égard de la société-mère se fait à partir d’un faisceau d’indices tels que, entre autres : le contrôle financier, la détention de la totalité ou quasi-totalité du capital, la présence de dirigeants de la société-mère dans le conseil d’administration de la filiale, une activité économique sous la dépendance du groupe, l’absence d’indépendance dans la définition de la stratégie et de la fixation des prix, la centralisation de la gestion des ressources humaines, l’accomplissement du travail par les salariés, indistinctement pour plusieurs sociétés du groupe, l’absence d’autonomie dans la gestion opérationnelle et administrative ; qu’il n’est pas nécessaire que la totalité de ces éléments soient réunis ; qu’après audition des parties et examen des pièces justificatives, notamment le « bilan économique et social » rapporté par Maître VS..., administrateur judiciaire, force est de constater : - Mercator Press détient 100% du capital de Georges Frère, - selon le rapport financier établi en mai 2010 à la demande du comité d’entreprise par le cabinet SOCAFI, Mercator Press et Mercator Press Sales sont redevables de sommes conséquentes à leur filiale SAS Georges Frère, - Mercator Press a imposé une rotative offset ROTOMAN 24 pages à la SAS Geroges Frère, d’une valeur contestée, mais surtout avec paiement par compensation et diminution du compte courant débiteur de la société mère chez SAS Georges Frère sans que celle-ci ne puisse s’y opposer, - que les mouvements de trésorerie sont régis dans le cadre de conventions de trésorerie, - que la convention de trésorerie du 1er juin 2010 signée entre Mercator Press et SAS Georges Frère n’aurait pas été transmise au comptable de SAS Georges Frère, ce dernier affirmant que le bilan comptable de 2010 déposé au greffe du Tribunal de Commerce à l’appui de la déclaration de cessation de paiements a été préparé avec la convention de 2007 ; que cette convention de 2010 , contrairement à la précédente, comprend les flux entre les sociétés et les conventions financières telles que les avances de trésorerie, facturation et prestations entre les sociétés (Maître VS... émet les plus extrêmes réserves quant à la date de signature de celle-ci qui semble avoir été établie pour les besoins de la cause) ; que ces indices présument d’un contrôle financier de Mercator Press et Mercator Press Sales sur la SAS Georges Frère ; - que lors d’un conflit social chez Georges Frère, le dirigeant de Mercator Press et Mercator Press Sales décident d’octroyer, le 11 mars 2011 à 23 heures, une prime exceptionnelle de 4000 € à tous les salariés de SAS Georges Frère ; que le conflit prendra fin ; que cette prime ne figure sur aucun bulletin de paye, aucune trace d’une refacturation du montant cumulé de ces primes à SAS Georges Frère ; que ceci présume d’une immixtion de Mercator Press et Mercator Press Sales dans les ressources humaines de la SAS Georges Frère ; - que depuis janvier 2011, la facturation des commandes réalisées par la SAS Georges Frère est effectuée directement aux clients par Mercator Press Sales ; que cette dernière procède à la mobilisation de ces créances et perçoit 85% du montant à J+l, par contre en avril 2011, date du rapport de Maître VS..., la SAS Georges Frère n’avait reçu de Mercator Press Sales qu’un paiement partiel des sommes dues ; que la société SAS Georges Frère facture Mercator Press Sales selon le principe du prix pour prix ce qui n’est pas de nature à aider à lui permettre de dégager de la marge ; qu’il a été constaté que Mercator Press imprimait des documents en les signant « imprimerie Georges Frère » ; que ces indices présument d’un contrôle de l’activité économique et commerciale de la SAS Georges Frère ; - que Mercator Press Sales regroupe les services administratifs et commerciaux du groupe et gère, entre autres les achats de papier et les prestations qu’elle fournit à SAS Georges Frère ; qu’or depuis février 2011, le papier consommé par la SAS Georges Frère n’est plus refacturé à prix coûtant conformément aux accords intragroupe ; - que les interventions sont maintenant refacturées ; que Maître VS... note que pour des interventions ponctuelles des techniciens Mercator Press chez Georges Frère, Mercator Press Sales refacture la totalité du salaire annuel ainsi que la location de voitures de fonction de trois salariés à la SAS Georges Frère ; - que la recentralisation des services administratifs a servi de motif à Mercator Press Sales pour justifier la facturation à la SAS Georges Frère d’une commission représentant 2% de son chiffre d’affaires avant de la porter à 5% en mars 2011 et de la réduire sur intervention du mandataire administrateur judiciaire ; que la gestion opérationnelle et administrative est manifestement assurée par le groupe Mercator ; que la SAS Georges Frère a perdu son autonomie, elle est totalement sous le contrôle du groupe Mercator qui décide de la stratégie commerciale, qui facture à son prix les travaux réalisés par l’imprimerie Georges Frère, qui décide de facturer des services à sa convenance, qui revend le papier d’impression avec de la marge en violation des accords de groupe, qui abuse de facturation de services ; qu’il est clair que la direction de la SAS Georges Frère est assurée par le groupe Mercator, la conclusion de Me VS... étant sans équivoque : « Les stés MERCATOR PRESS et MERCATOR PRESS SALES s’obstinent, sauf élément nouveau, à n’entendre honorer aucune des factures présentées par GEORGES FRERE pourtant acceptées par elles tant en leur principe qu’en leur montant, et conduisant à une situation d’asphyxie financière. La situation de trésorerie extrêmement tendue ne permet pas à la SAS GEORGES FRERE de faire face à ses échéances immédiates et notamment le paiement des salaires afin avril » ; que le conseil dispose donc de suffisamment d’indices pour pouvoir déclarer que les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales étaient co-employeurs du demandeur ;

QUE sur les conséquences de cette situation, en leur qualité de co-employeurs, les sociétés Mercator et Mercator Press Sales se devaient de tenter de trouver des solutions face aux difficultés financières de leur filiale SAS Georges Frère (à commencer par régler les factures émises par cette dernière) que tel n’a pas été le cas, comme démontré ci-dessus ; qu’il n’y a pas eu de plan social ni de volonté de tenter de minimiser la casse sociale représentée par une cessation d’activité d’une de ses unités ; qu’aucun effort n’a été fait pour tenter de reclasser les salariés avant de les licencier ; que les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales ont laissé leur filiale s’éteindre naturellement en laissant le soin à la justice commerciale de mettre fin à l’activité de l’imprimerie Georges Frère ; que dès lors le licenciement du demandeur devient sans cause réelle et sérieuse ; qu’en conséquence, Monsieur X... est en droit de prétendre à des dommages et intérêts, sur le fondement de l’article L.1235-3 du Code du travail, dont le montant ne peut être inférieur à 6 mois de salaire ; que Monsieur X... expose son préjudice ; que vu la situation économique du demandeur, ses charges de famille, son âge, son ancienneté, le conseil fixe cette indemnité à 43.600 euros ; que les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales seront condamnées, solidairement, à rembourser au CGEA de Lille le montant des avances consenties à Monsieur X... dans le cadre de la cessation d’activité due à la fermeture de la SAS Georges Frère, fermeture qui aurait dû intervenir au terme d’un plan social initié par le groupe Mercator et non au terme d’une procédure judiciaire contraignant le CGEA de Lille à garantir, de facto, les créances salariales sur défaillance des co-employeurs ; que ces sommes étant détaillées, pour chaque salarié, dans un relevé fourni par cette association pour un montant global non contesté de 1.179.417,94 euros ;

ALORS D’UNE PART QUE la reconnaissance de la qualité de coemployeur de deux sociétés distinctes suppose que soit établie l’existence d’un lien de subordination entre le salarié et chacune des sociétés en cause, se déduisant de l’accomplissement d’un travail sous la direction, l’autorité et le contrôle de l’une ou de l’autre de ces sociétés ; qu’en décidant que les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales devaient être considérés comme coemployeurs des salariés de la société Imprimerie Georges Frère, motif pris d’une immixtion des deux premières dans la gestion économique de la troisième et de l’existence de relations financières prétendument anormales entre ces trois sociétés du même groupe qui seraient constitutives d’une confusion de patrimoines, sans avoir constaté l’existence d’un lien de subordination entre le salarié demandeur, d’une part, et les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales d’autre part, la Cour d’appel a violé l’article L.1221-1 du Code du travail ;

ALORS D’AUTRE PART, et subsidiairement, QUE hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur à l’égard du personnel employé par une autre que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activité et de direction se manifestant pas une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; que pour considérer que les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales étaient coemployeurs au même titre que la société Imprimerie Georges Frère, la Cour d’appel a retenu que la totalité du capital social de la société Imprimerie Georges Frère est détenue par la société Mercator Press, que les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales étaient redevables de sommes conséquentes envers la société Imprimerie Georges Frère en se refusant d’honorer les factures présentées par celle-ci, que la société Mercator Press et l’Imprimerie Georges Frère ont conclu une convention, le 11 décembre 2008, aux termes de laquelle une compensation était opérée entre une somme de 2 650 000 euros due par la première et celle de 1 954 670 euros due par la seconde au titre de remontée de dividendes, qu’une convention de trésorerie signée le 1er juin 2010 entre les trois sociétés, qui réglementait les « flux entre les sociétés et opérations financières telles que les avances de trésorerie, facturations et prestations entre sociétés », aurait permis de déposséder la filiale de la maîtrise de sa comptabilité, que la société Mercator Press facturait directement aux clients des commandes réalisées par la société Imprimerie Georges Frère, que dans le cadre de la centralisation des services administratifs et commerciaux du groupe, les achats de papier et des interventions de techniciens fournis par la société Mercator Press Sales étaient refacturés à la société Imprimerie Georges et que le groupe Mercator Press avait vendu à la société Imprimerie Georges Frère à la fin de l’année 2009 une machine rotative offset Rothoman 24 pages d’une valeur contestée et dont le paiement avait été effectué par compensation et diminution du compte courant débiteur de la société mère chez la société Imprimerie Georges Frère qui détenait une créance de 1 500 000 euros ; qu’en déduisant l’existence d’une situation de coemploi de ces éléments tendant seulement à démontrer l’existence d’une étroite coordination économique et financière entre les sociétés du groupe ainsi qu’une dépendance économique de la société Imprimerie Georges Frère mais qui n’établissaient pas l’existence d’une ingérence anormale des sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales dans la gestion économique de la société Imprimerie Georges Frère ayant pour effet de priver cette dernière de toute autonomie financière, administrative et commerciale, la Cour d’appel a statué par des motifs insuffisants à caractériser une confusion d’intérêts, d’activités et de direction et a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.1221-1 du Code du travail ;

ALORS DE TROISIEME PART, subsidiairement à la première branche, QUE la qualité de coemployeur de plusieurs sociétés juridiquement distinctes appartenant à un même groupe ne peut être reconnue que s’il est caractérisé entre ces sociétés une confusion d’intérêts, d’activité et de direction se manifestant par une immixtion de l’une dans la gestion économique et sociale de l’autre, critère qui se distingue de celui de la confusion des patrimoines de nature à justifier, en vertu de l’article L.621-2, alinéa 2 du Code de commerce, l’extension de procédure collective ; qu’en retenant que les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales devaient être considérées comme coemployeurs des salariés de la société Imprimerie Georges Frère au motif qu’il existerait entre les patrimoines des sociétés du groupe Mercator Press des relations financières anormales constitutives d’une confusion des patrimoines, la Cour d’appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l’article L.1221-1 du Code du travail, ensemble l’article L.621-2 du Code de commerce ;

ALORS DE QUATRIEME PART, subsidiairement à la première branche, QUE la reconnaissance d’une situation de coemploi suppose que soit démontrée également une immixtion de la société mère dans la gestion sociale de la filiale devant se manifester par une intervention permanente et constante dans la gestion du personnel de cette dernière ; que le seul fait de la part d’une société mère de s’engager à verser une prime afin de mettre fin au blocage du site de la société filiale provoqué par un mouvement de grève ne permet pas de caractériser une situation de coemploi ; qu’en déduisant la qualité de coemployeur de la société Mercator Press et de la société Mercator Press Sales uniquement de ce que lors d’un conflit social se déroulant au sein de la société Imprimerie Georges Frère, concomitamment au dépôt de bilan de cette dernière, la première société avait octroyé le 11 mars 2011 une prime exceptionnelle de 4000 euros à tous les salariés, ce qui avait mis fin au conflit, quand l’unique intervention auprès du personnel ainsi relevée, constituant un simple acte de soutien d’une société mère à sa filiale, ne caractérise pas l’existence d’une immixtion de la société Mercator Press dans la gestion sociale de la société Imprimerie Georges Frère, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.1221-1 du Code du travail ;

ALORS DE CINQUIEME PART, et en tout état de cause, QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter une demande sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis ; que pour affirmer l’existence d’un contrôle de l’activité commerciale et comptable de la société Imprimerie Georges Frère par la société Mercator Press Sales, la Cour d’appel a relevé que selon le bilan économique et social dressé par l’administrateur judiciaire de la société Imprimerie Georges Frère, Maître VS..., le rapprochement des comptes clients/fournisseurs effectué par ce dernier avait révélé que depuis le mois de janvier 2011, la facturation des commandes réalisées par la société Imprimerie Georges Frère était effectuée directement aux clients par la société Mercator Press Sales ; qu’en se déterminant ainsi sur ce seul document, dont se prévalait le salarié, sans examiner la pièce comptable produite par la société Mercator Press Sales pour établir que, contrairement au constat erroné de l’administrateur judiciaire, la société Imprimerie Georges Frère avait continué jusqu’à sa cessation d’activité à gérer les commandes de ses clients et à émettre ses propres factures, seules les commandes qu’il arrivait à la société Mercator Press de sous-traiter à la société Imprimerie Georges Frère en raison de la complémentarité de leurs activités distinctes donnant lieu à une facturation au niveau du groupe, la Cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS DE SIXIEME PART, et en tout état de cause, QU’en tenant pour un élément révélateur de l’existence de prétendues relations financières anormales la circonstance que les sociétés mère et grand-mère du groupe aient été redevables de sommes conséquentes à l’égard de la société Imprimerie Georges Frère sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si les importants flux financiers existant entre les sociétés du groupe ne se caractérisaient depuis toujours par des créances et dettes réciproques ayant justifié la mise en oeuvre de mécanismes de compensation et si les créances de la société Imprimerie Georges Frère à l’égard des sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales n’étaient pas, d’une part, très inférieures aux sommes dont elle était encore redevable envers ces mêmes sociétés, aussi bien antérieurement qu’à l’époque de la procédure collective, et d’autre part, très limitées en comparaison des abandons de créances consentis antérieurement par la société Mercator Press pour tenter de résorber les pertes de sa filiale, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.1221-1 du Code du travail ;

ALORS DE SEPTIEME PART, et en tout état de cause, QUE les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales faisaient valoir devant la Cour d’appel que la raison pour laquelle elles n’avaient pu honorer immédiatement les factures correspondant à des fournitures et prestations de matériel que présentait la société Imprimerie Georges Frère tenait aux graves difficultés économiques qu’elles-mêmes rencontraient depuis la fin des années 2000 ainsi qu’au fait que la société Imprimerie Georges Frère avait de son côté cessé de régler ses propres dettes à leur égard ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen déterminant des conclusions des sociétés exposantes, la Cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS DE HUITIEME PART, et en tout état de cause, QUE tenus de motiver leur décision, les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation sans indiquer l’origine de leurs constatations ; que les Mercator Press et Mercator Presse Sales avaient fait valoir dans leurs conclusions d’appel que le salaire d’un seul technicien en charge de la maintenance et les frais de location d’une voiture pour ce dernier étaient refacturés à la société Imprimerie Georges Frère en contrepartie de sa mise à disposition au sein de cette société ; qu’en retenant néanmoins que la société Mercator Press aurait « refacturé la totalité de la rémunération annuelle de ses techniciens, s’agissant pourtant d’interventions ponctuelles faisant ainsi supporter à la société Imprimerie Georges Frère la charge des sommes sans contrepartie », sans préciser, ni analyser les documents sur lesquels, hormis les déclarations contestées de l’administrateur judiciaire qu’aucun élément de preuve ne venait étayer, elle fondait son assertion, la Cour d’appel a de nouveau violé l’article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS DE NEUVIEME PART, et en tout état de cause, QUE les société Mercator Press et Mercator Press Sales dénonçaient encore le caractère parcellaire de l’examen des relations intra-groupe auquel s’était livré l’administrateur judiciaire, qui l’avait conduit à conclure de façon approximative et inexacte qu’au motif de la centralisation des services, la société Mercator Press Sales aurait facturé à la société Imprimerie Georges Frère une commission représentant 2% de son chiffre d’affaires avant de la porter à 5% en mars 2011 ; qu’elles faisaient valoir, production de pièces à l’appui, que deux types de commission seulement étaient prévues, conformément à une pratique usuelle au sein d’un groupe : celle d’un taux de 1% au titre de l’achat de papier assuré en gros par la société Mercator Press Sales et livré directement à la société Imprimerie Georges Frère et celle d’un taux de 5% s’appliquant sur le chiffre d’affaires des commandes sous-traitées par la société Mercator Press à la société Imprimerie Georges Frère ou inversement ; qu’en se bornant à reproduire les conclusions du rapport de l’administrateur judiciaire, sans répondre au moyen des conclusions dont elle était saisie, la Cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’articles 455 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Ce moyen reproche à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir condamné solidairement les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales à rembourser les sommes correspondant au montant des avances consenties au salarié par l’AGS dans le cadre de la procédure collective de la société Imprimerie Georges Frère ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la créance de dommages et intérêts bénéficie de la garantie de l’AGS laquelle est toutefois subsidiaire de sorte que dans les rapports entre l’AGS et les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales qui sont in bonis, la contribution à la dette solidaire incombera entièrement à ces dernières ; qu’au regard de cette contribution à la dette, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il condamne in solidum les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales à rembourser les sommes correspondant au montant des avances consenties par l’AGS dans le cadre de la procédure collective de la société Imprimerie Georges Frère ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE les sociétés MERCATOR PRESS et MERCATOR PRESS SALES seront condamnées, solidairement, à rembourser au CGEA de Lille le montant des avances consenties à Monsieur X... dans le cadre de la cessation d’activité due à la fermeture de la SAS GEORGES FRERE, fermeture qui aurait dû intervenir au terme d’un plan social initié par le groupe MERCATOR et non au terme d’une procédure judiciaire contraignant le CGEA de Lille à garantir, de facto, les créances salariales sur défaillance des co-employeurs ; que ces sommes étant détaillées, pour chaque salarié, dans un relevé fourni par cette association pour un montant global non contesté de 1.179.417,94 euros ;

ALORS QUE tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu’en se bornant à dire, pour condamner solidairement les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales à rembourser au CGEA de Lille le montant des avances consenties au salarié dans le cadre de la procédure collective de la société Imprimerie Georges Frère, que les deux premières sociétés étant in bonis, la contribution à la dette solidaire leur incombe entièrement et que la fermeture de cette entreprise aurait dû intervenir au terme d’un plan social initié par le groupe Mercator et non au terme d’une procédure judiciaire contraignant le CGEA à garantir, de facto, les créances salariales sur défaillance des coemployeurs, sans préciser sur quel fondement juridique elle accueillait l’action de l’AGS en remboursement de sommes au paiement desquelles celle-ci avait procédé en application des dispositions des articles L.3253-8, L.3253-20 et L.3253-21 du Code du travail et alors que les conditions de la mise en oeuvre de sa garantie étaient réunies dans le cadre de la procédure collective ouverte à l’encontre de la société Imprimerie Georges Frère, la Cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, a violé l’article 12 du Code de procédure civile ;

ALORS, subsidiairement, QU’en vertu des articles L.3253-20 et L.3253-16 du Code du travail, l’AGS est subrogée dans les droits des salariés pour lesquels elle a réalisé des avances à la demande du mandataire judiciaire qui ne dispose pas des fonds disponibles pour payer les créances ; que lors d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, le recours subrogatoire de l’AGS est limité aux créances salariales superprivilégiées visées par les articles L.3253-2, L.3253-4 et L.7313-8 et aux créances résultant de la rupture du contrat de travail dans le cadre d’un contrat de sécurisation professionnelle visées par l’article L.3253-8, 3° du Code du travail, les autres sommes avancées dans le cadre de ces procédures lui étant remboursées dans les conditions prévues par les dispositions du livre VI du Code de commerce pour le règlement des créances nées antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure et bénéficiant des privilèges attachées à celle-ci ; qu’il résulte de ces dispositions aménageant de façon restrictive le régime du remboursement des avances de l’AGS que cette dernière ne dispose du droit d’obtenir des remboursements de ses avances qu’auprès de l’entreprise à l’encontre de laquelle a été ouverte la procédure collective, à l’exclusion de tout recours de droit commun contre une société étrangère à la procédure collective, dont la qualité de coemployeur serait reconnue postérieurement à la mise en oeuvre de sa garantie ; qu’en accueillant la demande en remboursement de l’AGS-CGEA de Lille dirigée contre les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales au motif que la contribution à la dette devait incomber entièrement à ces dernières qui sont in bonis, la Cour d’appel a violé les articles L.3253-16, L.3253-20 et L.3253-20 du Code du travail ;

ET ALORS ENFIN, très subsidiairement, QUE la société mère dont la qualité de coemployeur des salariés d’une société filiale est reconnue postérieurement à la rupture des contrats de travail par cette dernière ne peut se voir reprocher que par les salariés licenciés des manquements à des obligations légales attachées à la qualité d’employeur ; qu’à supposer qu’elle ait considéré que le non-respect par les sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales d’obligations attachées à la qualité d’employeur, qui leur était imputées retrospectivement, permettait à l’AGS d’obtenir le remboursement des sommes au versement desquelles celle-ci était pourtant légalement tenue de procéder dans le cadre de la procédure collective de la société Imprimerie Georges Frère, la Cour d’appel, qui n’a caractérisé ni l’existence d’un comportement fautif des sociétés Mercator Press et Mercator Press Sales, ni le préjudice en résultant l’AGS, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240 du Code civil. Moyen produit au pourvoi incident éventuel n° Z 17-28.150 à A 17-28.174 par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société HO... GB....

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que Me HO... n’avait pas respecté l’obligation légale de reclassement, d’AVOIR, en conséquence, dit que le licenciement des salariés était sans cause réelle et sérieuse et d’AVOIR fixé diverses créances pour chaque salarié au passif de la liquidation judiciaire de la Société IMPRIMERIE GEORGES FRERE ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la contestation relative à l’obligation de reclassement : aux termes de l’article L. 1233-4 du code du travail : « le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient ; que selon l’article L. 1233-4-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : « Lorsque l’entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l’employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s’il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. / Le salarié manifeste son accord, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l’employeur. L’absence de réponse vaut refus. / Les offres de reclassement hors du territoire national, qui sont écrites et précises, ne sont adressées qu’au salarié ayant accepté d’en recevoir et compte tenu des restrictions qu’il a pu exprimer. Le salarié reste libre de refuser ces offres. Le salarié auquel aucune offre n’est adressée est informé de l’absence d’offres correspondant à celles qu’il a accepté de recevoir » ; qu’en l’espèce, le salarié a été interrogé par le liquidateur de la société Imprimerie GEORGES FRERE quant à sa volonté de recevoir des offres de reclassement en Belgique ; que toutefois, il apparaît que le questionnaire qui lui a été soumis ne comportait aucun élément concernant le délai de réflexion dont il disposait pour manifester son accord assorti le cas échéant de restrictions éventuelles, alors que le texte susvisé prévoit que le salarié doit manifester son accord pour recevoir des offres de reclassement à l’étranger dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition, l’absence de réponse valant refus ; qu’il convient en conséquence de retenir qu’il n’a pas été satisfait à l’obligation de reclassement interne, ce qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ».

ALORS, D’UNE PART, QUE l’article L. 1233-4-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, ni aucun autre texte, n’impose à l’employeur envisageant de prononcer un ou des licenciements pour motif économique, alors qu’il demande au salarié préalablement au licenciement s’il accepte de recevoir des offres de reclassement dans chacune des implantations de l’entreprise (ou du groupe auquel elle appartient) situées hors du territoire national, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation, de lui indiquer qu’il dispose d’un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l’employeur et que l’absence de réponse vaut refus ; qu’en disant le licenciement sans cause réelle et sérieuse au seul motif que le questionnaire soumis au salarié ne comportait aucun élément concernant le délai de réflexion dont il disposait pour manifester son accord assorti le cas échéant de restrictions éventuelles, de telle sorte que Me HO... n’avait pas été satisfait à l’obligation de reclassement interne, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

ALORS, D’AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QU’ en supposant même que l’article L. 1233-4-1, dans sa rédaction applicable au litige, ait implicitement rendu obligatoire l’indication du délai de réflexion de six jours dont disposait le salarié et des conséquences attachées à son silence durant ce délai au moment auquel il était sollicité sur sa volonté de bénéficier d’offres de reclassement à l’étranger, l’absence de cette indication a pour seul effet de rendre inopposable l’effet abdicatif attaché à l’expiration dudit délai ; qu’en déduisant du seul fait que le questionnaire soumis au salarié ne comportait aucun élément concernant le délai de réflexion dont il disposait pour manifester son accord assorti le cas échéant de restrictions éventuelles que Me HO... n’avait pas exécuté son obligation de reclassement, cependant qu’il lui appartenait d’établir que ce dernier n’avait pas proposé au salarié des emplois effectivement disponibles à l’étranger, compatibles avec sa qualification, la cour d’appel a de plus fort violé l’article susvisé. Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Douai , du 29 septembre 2017

Titrages et résumés : CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Reclassement - Obligation de l’employeur - Etendue

Il résulte de l’article L. 1233-4-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010, que l’employeur, qui n’a pas informé le salarié de ce qu’il disposait d’un délai de six jours ouvrables pour manifester son accord pour recevoir des offres de reclassement hors du territoire national et que l’absence de réponse vaudrait refus, ne peut se prévaloir du silence du salarié et reste tenu de formuler des offres de reclassement hors du territoire national. Viole dès lors ce texte une cour d’appel qui déduit l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement du défaut, dans le questionnaire de mobilité, de mentions relatives au délai de réflexion et à la portée d’une absence de réponse, alors qu’il lui appartenait d’apprécier le caractère sérieux des recherches de reclassement menées sur et hors le territoire national

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Reclassement - Reclassement à l’étranger - Obligation de l’employeur - Questionnaire de mobilité - Mention - Défaut - Portée

Textes appliqués :
• article L. 1233-4-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010