Co emploi oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 6 juillet 2016

N° de pourvoi : 15-15481 15-15482 15-15483 15-15484 15-15485 15-15486 15-15487 15-15488 15-15489 15-15490 15-15491 15-15492 15-15493 15-15494 15-15495 15-15496 15-15497 15-15498 15-15499 15-15500 15-15501 15-15502 15-15503 15-15504 15-15505 15-15506 15-15507 15-15508 15-15509 15-15510 15-15511 15-15512 15-15513 15-15514 15-15515 15-15516 15-15517 15-15518 15-15519 15-15520 15-15521 15-15522 15-15523 15-15524 15-15525 15-15526 15-15527 15-15528 15-15529 15-15530 15-15531 15-15532 15-15533 15-15534 15-15535 15-15536 15-15537 15-15538 15-15539 15-15540 15-15541 15-15542 15-15543 15-15544 15-15545

ECLI:FR:CCASS:2016:SO01204

Publié au bulletin

Rejet

M. Frouin (président), président

SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Sevaux et Mathonnet, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Vu la connexité joint les pourvois n° N 15-15. 481 à H 15-15. 545 ;

Sur le premier moyen commun aux pourvois :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Douai, 30 janvier 2015), que la société 3 Suisses France faisait partie du groupe 3 Suisses International lequel était détenu à 51 % par le groupe de droit allemand Otto ; que le groupe 3 Suisses International était structuré en quatre domaines d’activité dont le commerce à destination des particuliers exercé par la société Commerce BtoC, laquelle contrôlait plusieurs enseignes et sociétés dont la société 3 Suisses France ; qu’à partir du mois de décembre 2010, la société 3 Suisses France a réuni son comité d’entreprise en vue de la présentation d’un projet de réorganisation emportant la fermeture des espaces boutiques et le licenciement économique de l’ensemble des salariés qui y travaillaient ; que soixante cinq des salariés licenciés en janvier 2012 dans le cadre de ces fermetures ont contesté la validité de ces licenciements pour insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi et demandé la condamnation in solidum des sociétés 3 Suisses France, 3 SI Commerce, anciennement dénommée 3 SI BtoC, et Argosyn, anciennement dénommée 3 Suisses International ;

Attendu que les sociétés font grief aux arrêts de les condamner in solidum à verser aux salariés une indemnité au titre de la nullité du licenciement alors selon le moyen :

1°/ que hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l’égard du personnel employé par une autre société de ce groupe, que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; que la fixation, par la direction d’un groupe, de la stratégie d’ensemble du groupe et des objectifs des différentes entités qui le composent ne prive pas les filiales de ce groupe de toute autonomie dans la définition et la mise en oeuvre de leur politique commerciale et, plus généralement, dans la gestion de leur activité économique ; qu’en se bornant en l’espèce à relever, pour affirmer que la société 3 Suisses France ne disposait d’aucune autonomie dans la définition de sa politique commerciale, que le groupe fixait sa vision, sa stratégie et présentait au conseil d’administration ses objectifs et ses plans à trois ans pour l’ensemble des enseignes du groupe, ce qui est insuffisant à faire ressortir une immixtion de la direction du groupe dans la gestion économique de la société 3 Suisses France, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que la centralisation des fonctions supports des différentes filiales opérationnelles d’un groupe au sein d’une société holding et la conclusion de conventions d’assistance technique entre ces filiales opérationnelles et la société holding n’ont pas pour effet de transférer la gestion économique et sociale de ces filiales à la société holding, ni par suite de créer une situation de co-emploi ; qu’en se bornant à relever, pour caractériser une immixtion des sociétés 3 Suisses International et 3 SI BtoC dans la gestion économique et sociale de la société 3 Suisses France, qu’un contrat de prestation de services administratifs et d’assistance technique, conclu avec la société 3 Suisses International et mis en oeuvre par la société 3 SI BtoC, prévoyait la fourniture d’une assistance à la société 3 Suisses France dans différents domaines moyennant rémunération et que des services relevant auparavant des différentes enseignes de la division « B to C » ont été centralisés au sein de la société 3 SI BtoC entraînant le transfert des équipes informatiques, ressources humaines et comptables au sein de cette société, sans constater qu’au-delà de la simple assistance technique prévue au contrat, les sociétés 3 Suisses International et 3 SI BtoC se seraient substituées à la société 3 Suisses France dans la gestion économique et sociale de cette dernière, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

3°/ qu’en se bornant à relever que les services prévus au contrat d’assistance technique conclu avec la société Argosyn et mis en oeuvre par la société 3 SI Commerce consistaient notamment en « l’assistance et la coordination en matière de stratégie et de développement », en une « assistance à la mise en place et au développement d’outils de prévision économique et de suivi budgétaire ainsi qu’en la mise en place d’un secrétariat général compétent en matière de ressources humaines et notamment de recrutement, formation, mobilité », la cour d’appel n’a fait ressortir ni que ce contrat aurait excédé un domaine purement technique, ni qu’il aurait conduit à déposséder la société 3 Suisses France de toute autonomie dans les domaines économique et social ; qu’elle a en conséquence privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

4°/ qu’une société appartenant à un groupe ne peut être considérée co-employeur des salariés d’une autre société du même groupe qu’en cas d’immixtion générale et permanente de la première dans la gestion sociale de la seconde ; qu’en se bornant à relever que le contrat d’assistance mis en oeuvre par la société 3 SI BtoC conduisait au transfert des équipes ressources humaines en son sein, que le directeur des ressources humaines de la société 3 SI BtoC avait indiqué disposer d’un « pouvoir permanent pour agir dans toutes les sociétés relevant du domaine (B to C) dont la société 3 Suisses France » et vouloir centraliser l’organisation du recrutement afin de disposer d’une vision globale des postes à pourvoir, ce qui est insuffisant à faire ressortir une prise en main générale et permanente, par la société 3 SI BtoC, de la gestion sociale de la société 3 Suisses France, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

5°/ qu’une société appartenant à un groupe ne peut être considérée co-employeur des salariés d’une autre société de ce groupe qu’à la condition que soit caractérisée une immixtion générale et permanente de la première dans la gestion sociale de la seconde ; qu’en l’espèce, les sociétés exposantes faisaient valoir qu’après la création de la société 3 SI BtoC et la centralisation des services support en son sein, la société 3 Suisses France avait conservé sa propre direction des ressources humaines qui procédait seule notamment au recrutement des salariés, aux licenciements et à la gestion des relations sociales, comme en attestaient des contrats de travail et lettres de licenciement, notamment de cadres supérieurs, signés par la seule directrice des ressources humaines de l’entreprise, des accords collectifs d’entreprise négociés et conclus par cette même directrice et des procès-verbaux de réunions du comité d’entreprise auxquelles cette directrice avait seule participé, en qualité de représentant de l’employeur ; qu’étaient également versés aux débats les rapports d’entretien d’évaluation, notamment de cadres de l’entreprise, établis par des cadres de direction de la société 3 Suisses France ; qu’en affirmant que la société 3 Suisses France était totalement dépossédée de son pouvoir de recrutement et, plus largement, qu’elle n’était plus autonome dans la gestion sociale, sans s’expliquer sur ces éléments qui étaient de nature à faire ressortir que la société 3 Suisses France assurait la direction quotidienne de son personnel et la gestion des relations sociales, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que la mise en place de procédures harmonisées ou d’outils de gestion visant à homogénéiser les pratiques au sein d’un groupe, qui procède de la simple coordination des actions économiques des sociétés appartenant à un même groupe, ne crée pas une situation de co-emploi ; qu’en relevant encore, pour attribuer la qualité de co-employeur à la société 3 SI BtoC et à la société 3 Suisses International, la mise en place d’un « système d’information intéressant les ressources humaines » concernant les enseignes les plus importantes du groupe dont la société 3 Suisses France, et la diffusion, par le secrétaire général du groupe, d’un support d’entretien annuel d’évaluation destiné à mutualiser, homogénéiser et harmoniser les meilleures pratiques d’entretien, la cour d’appel s’est fondée sur des motifs radicalement inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

7°) qu’en se bornant à relever, s’agissant de la gestion économique de la société 3 Suisses France, que les problèmes de nature contractuelle, administrative et financière rencontrés par la société 3 Suisses France étaient gérés par le service comptabilité clients et bancaire de la société 3 SI BtoC, et que le service juridique de la société 3 Suisses International est intervenu, à deux reprises, dans la gestion de difficultés d’ordre juridique intéressant la société 3 Suisses France, la cour d’appel n’a pas caractérisé une immixtion générale et permanente des sociétés 3 Suisses International et 3 SI BtoC dans la gestion économique de la société 3 Suisses France et a, en conséquence, encore privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

8°/ que dans leurs conclusions d’appel, les sociétés 3 Suisses France et 3 SI BtoC soulignaient que la société 3 Suisses France avait conservé sa propre direction financière, qu’elle établissait elle-même des bons de commandes et était destinataire des factures des produits commandés, y compris pour des approvisionnements d’un montant particulièrement élevé ; que, pour le justifier, elle produisait plus d’une centaine de factures et bons de commandes ; qu’en évoquant le rôle du service comptabilité clients et bancaire de la société 3 SI BtoC sur les approvisionnements de la société 3 Suisses France, sans s’expliquer sur ces éléments établissant que la société 3 Suisses France restait maîtresse de ses approvisionnements, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 455 du code de procédure civile ;

9°/ qu’en relevant encore, pour affirmer que les sociétés 3 SI BtoC et 3 Suisses International doivent être considérées comme co-employeurs de la société 3 Suisses France, l’existence d’une « confusion » ou d’une « distinction malaisée » entre la société 3 SI BtoC et la société 3 Suisses International, la cour d’appel s’est encore fondée sur des motifs impropres à faire ressortir une situation de co-emploi de chacune de ces sociétés avec la société 3 Suisses France, privant encore sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

10°/ que ne caractérise pas une situation de co-emploi le fait que le capital d’une société soit détenu pour l’essentiel par une autre société, qu’elles aient leur siège social à la même adresse et que leurs équipes dirigeantes soient composées pour partie des mêmes personnes ; que ne caractérise pas non plus une situation de co-emploi le fait qu’une société mère apporte assistance à sa filiale, notamment lors de la mise d’une réorganisation impliquant un licenciement collectif ; qu’à supposer adoptés les motifs des premiers juges, en relevant encore que le capital de la société 3 Suisses France est détenu directement par la société 3 SI BtoC et indirectement par la société 3 Suisses International, que les trois sociétés ont le même siège social, qu’elles ont des équipes dirigeantes en partie communes et que les sociétés 3 SI BtoC et 3 Suisses International ont apporté assistance à la société 3 Suisses France à l’occasion de la fermeture des espaces boutiques et des recherches de reclassement, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel a relevé qu’au moment de la réorganisation, la société 3 SI Commerce anciennement dénommée Commerce BtoC se confondait totalement avec la société 3 Suisses International, dont elle n’était qu’une émanation et n’avait pour objet que de faciliter la transformation de la société 3 Suisses France et des autres sociétés du domaine en de simples “ business unit “ relevant directement du groupe, que la distinction de la société Commerce BtoC avec la société 3 Suisses international était particulièrement malaisée comme en atteste le fait que les contrats d’assistance, mis en oeuvre par la société Commerce BtoC, avaient été conclus avec la société 3 Suisses international ; que cette réorganisation a conduit à une immixtion de la société BtoC dans la gestion économique et sociale de la société 3 Suisses France par le transfert de ses équipes informatiques, comptables et surtout de ressources humaines notamment dans la formation, la mobilité et le recrutement ; qu’ainsi au cours d’une réunion du comité d’entreprise le 10 novembre 2010, tant le directeur général de la société 3 Suisses France et membre du comité de direction BtoC que le directeur des ressources humaines de la société et du domaine BtoC rappelaient que ce dernier disposait d’un pouvoir permanent pour agir dans toutes les sociétés relevant de ce domaine dont la société 3 Suisses France ; que ce même directeur mentionnait au cours de cette réunion que l’organisation du recrutement était centralisée afin qu’il puisse disposer d’une vision globale de tous les postes à pourvoir dans le domaine, la société 3 Suisses France étant totalement dépossédée de son pouvoir de recrutement ; qu’il qualifiait de cabinet de recrutement le service ressources humaines BtoC, devenu le seul interlocuteur par l’effet d’une délégation de fait dans ce secteur par la société 3 Suisses France afin que son dirigeant ne s’occupe plus désormais que de l’opérationnel ; qu’en outre la société Commerce BtoC, prenait en charge tous les problèmes de nature contractuelle, administrative et financière rencontrés par la société 3 Suisses France au moyen de son service comptabilité clients et bancaire dont le contrôle s’exerçait jusqu’aux feuilles de caisse mensuelles que les responsables des espaces 3 Suisses France devaient transmettre régulièrement à ce service ; qu’enfin, c’est le service juridique de la société 3 Suisses international qui a substitué la société 3 Suisses France dans ses démarches auprès du parquet à l’occasion des poursuites pénales engagées contre des hôtesses prévenues de détournement d’argent au préjudice de la société 3 Suisses France et a été amené à intervenir pour dénoncer les contrats conclus avec les retoucheuses à l’occasion de la fermeture des espaces ;

Qu’en l’état de ces constatations, la cour d’appel a ainsi caractérisé, au delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activité et de direction se manifestant par une immixtion des sociétés 3 Suisses International devenue Argosyn et Commerce BtoC devenue 3 SI Commerce dans la gestion économique et sociale de la société 3 Suisses France ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen annexé qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société 3 Suisses France et la société 3 SI Commerce aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer aux soixante-cinq salariés la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour les sociétés 3 Suisses France et 3 SI Commerce, demanderesses aux pourvois n° N 15-15. 481 à H 15-15. 545 ;

Il est fait grief aux arrêts attaqués d’AVOIR condamné in solidum les sociétés 3 SUISSES FRANCE, 3 SI COMMERCE, anciennement dénommée 3 SI BtoC, et ARGOSYN, anciennement dénommée 3 SUISSES INTERNATIONAL, à verser à chaque défendeur aux pourvois une indemnité au titre de la nullité du licenciement et une indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU’« en application de l’article L 1221-1 du code du travail que, hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l’égard du personnel employé par une autre, que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu’il résulte notamment des informations communiquées au comité d’entreprise lors de sa réunion du 29 septembre 2011 que la société 3 SUISSES France faisait partie, par le biais du groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL, du groupe de droit allemand OTTO organisé au travers de trois domaines d’activité, le commerce dit multi-canal (« multichannel retail »), les services financiers et les services aux entreprises ; que celui-ci détenait 51 % du capital social du groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL, la majeure partie du reste du capital social appartenant à la société FIPAR, elle-même détenue par le groupe de la famille Mulliez ; que le groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL était lui-même structuré en quatre domaines d’activité, dont en particulier le domaine BtoC (« business to consumer » dénommé commerce à destination des particuliers) composé des enseignes grand public des entreprises suivantes : 3 SUISSES FRANCE, Blancheporte, Becquet, Arianta, Helline, Witt International, Venca, 3Pagen, Saint Brice et Unigro ; qu’à la tête de la société 3 SUISSES INTERNATIONAL avait été nommé par les sociétés OTTO et FIPAR un directeur exécutif dont la mission consistait à piloter la marche du groupe et son développement ; que le 1er janvier 2014, la société a fait l’objet d’une cession de ses activités e-commerce BtoC et Services au e-commerce, regroupées dans une entité détenue à 100 % par le groupe Otto ; qu’elle est désormais articulée en deux entités une holding et le groupe Argosyn ; que la société 3 SUISSES France ne disposait d’aucune autonomie dans la définition de sa politique commerciale puisque, selon le projet de transformation et de modernisation de la société, le groupe fixait sa vision, sa stratégie et présentait au conseil d’administration ses objectifs et ses plans à trois ans et ce pour l’ensemble des enseignes du groupe ; que la confusion d’intérêts, d’activités et de direction tant avec la société BtoC qu’avec la société 3 SUISSES INTERNATIONAL est mise en évidence par la conclusion avec cette dernière le 28 octobre 2009, avec effet à compter du 1er janvier 2010, d’un contrat de prestation de services administratifs et d’assistance technique ; que les motifs exposés dans le contrat pour le justifier sont l’importance de l’activité de la société et le montant de ses charges en matière de prestation de services et d’assistance particulière auprès de ses filiales, nécessitant l’établissement d’une refacturation ; que ce contrat excédait un domaine purement technique ; qu’en effet, aux termes de l’article 1 er relatif à la définition des prestations de services, celles-ci consistaient en premier lieu en l’assistance et la coordination en matière de stratégie et de développement ; qu’elles comprenaient également le contrôle de gestion consistant en une assistance à la mise en place et au développement d’outils de prévision économique et de suivi budgétaire ainsi qu’en la mise en place d’un secrétariat général compétent en matière de ressources humaines et notamment de recrutement, formation, mobilité ; que cette assistance proposée et mise en oeuvre par la fonction support de groupe, attribuée à la société Commerce B to C créée à la même date, conduisait à une véritable immixtion de cette dernière société dans la gestion économique et sociale de la société 3 SUISSES France notamment, puisqu’elle entraînait le transfert des équipes informatiques, des équipes ressources humaines et des équipes comptables de l’ensemble des sociétés du domaine, dont la société 3 SUISSES France, en son sein ; qu’à l’occasion de la réunion extraordinaire du comité d’entreprise, le 17 décembre 2009, Khélaf X..., administrateur de la société et exerçant les fonctions de directeur des ressources humaines, avait annoncé le regroupement des activités informatiques et des activités ressources humaines au sein du domaine dénommé BtoC dont il allait prendre la direction, tous les directeurs étant en outre rassemblés au sein d’un comité de direction BtoC ; que lors de la réunion du même comité, le 10 novembre 2010, tant Laurence Y..., directeur général de la société 3 SUISSES France et membre du comité de direction B to C, que Khélaf X...rappelaient qu’en sa qualité de directeur des ressources humaines de la société et du domaine BtoC celui-ci disposait d’un pouvoir permanent pour agir dans toutes les sociétés relevant de ce domaine dont la société 3 SUISSES France ; que ce dernier mentionnait au cours de cette même réunion que l’organisation du recrutement était centralisée afin qu’il puisse disposer d’une vision globale de tous les postes à pourvoir dans le domaine, la société 3 SUISSES France étant totalement dépossédée de son pouvoir, de recrutement ; qu’il qualifiait de cabinet de recrutement le service ressources humaines BtoC, devenu seul interlocuteur par l’effet d’une délégation de fait dans ce secteur par la société 3 SUISSES France afin que son dirigeant ne s’occupe plus désormais que de l’opérationnel ; que dans ce cadre s’inscrit également la mise en place d’un système d’information intéressant les ressources humaines à compter du 1er juillet et du 1er octobre 2010 concernant les enseignes les plus importantes du groupe dont 3 SUISSES France ; que de même la société Commerce BtoC, dont Laurence Y...était également la salariée, prenait en charge tous les problèmes de nature contractuelle, administrative et financière rencontrés par la société 3 SUISSES France au moyen de son service comptabilité clients et bancaire ; qu’ainsi Patrick Z..., responsable de ce service, s’occupait notamment du paiement des factures, était même destinataire de devis intéressant la livraison de matériels qui devaient être soumis à sa signature ; qu’à cette occasion il lui arrivait de prendre directement attache avec les responsables des espaces boutiques ; que ce contrôle s’étendait jusqu’aux feuilles de caisse mensuels que les responsables d’espaces devaient transmettre régulièrement à ce service ; que la société Commerce BtoC, devenue 3SI BtoC, à la suite d’un changement de dénomination en 2012, puis 3 SI Commerce, se confondait totalement avec la société 3 SUISSES INTERNATIONAL, dont elle n’était qu’une émanation comme le démontre tout d’abord le pourcentage du capital détenu par cette dernière ; qu’ayant repris le patrimoine de la société VAD Holding dont elle était l’associés unique, à l’occasion de la dissolution de cette dernière, elle a été introduite dans le domaine homonyme BtoC, peu après la constitution de celui-ci, aux côtés des sociétés détentrices d’enseignes ; qu’elle avait pour seule vocation de centraliser des services relevant jusque-là de chaque société durant la période de transition initiée avec la mise en place du plan de sauvegarde de l’emploi et de faciliter la transformation de la société 3 SUISSES France et des autres sociétés du domaine en de simples « business unit » relevant directement du groupe reposant désormais sur deux piliers, le commerce et les services, comme le fait apparaitre la brochure intitulée Vision 2020, dans lesquels elle serait intégrée ; que Khélaf X..., devenu ultérieurement directeur des ressources humaines du groupe, précisait, au cours de la réunion du comité d’entreprise du 10 novembre 2010, que la société BtoC ne réalisait pas de chiffre d’affaires en tant que tel mais procédait à une refacturation des coûts auprès des enseignes résultant de la centralisation des services ; que la distinction de la société Commerce BtoC avec la société 3 SUISSES INTERNATIONAL était particulièrement malaisée, même par ses dirigeants, Khélaf X..., qualifiant cette société de sous-holding pour la gestion des actifs, comme le rapporte le procès-verbal de la réunion du comité d’entreprise du 17 décembre 2010 ; que lors de la réunion précédente du comité d’entreprise, celui-ci reconnaissait par ailleurs l’existence d’opérations de mutualisation entre le groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL et la société BtoC ; que par ailleurs les contrats de prestation de service avec la société 3 SUISSES FRANCE ont été mis en oeuvre par la société Commerce BtoC alors qu’ils avaient été conclus avec la société 3 SUISSES INTERNATIONAL ; que l’immixtion résultant d’une telle confusion est également établie par l’échange de courriels entre Yannick A...et Samia B..., juriste dépendant de la dernière société, ce dernier ayant substitué la société 3 SUISSES FRANCE dans ses démarches auprès du parquet à l’occasion des poursuites pénales engagées contre des hôtesses de l’Espace Rivoli prévenues de détournement d’argent au préjudice de la société 3 SUISSES France et ayant été destinataire du jugement du tribunal correctionnel ; que le même service juridique a été amené à intervenir pour dénoncer les contrats conclus avec les retoucheuses à l’occasion de la fermeture des espaces ; qu’une note du 14 novembre 2011 à destination notamment de la société 3 SUISSES France, réduite à une simple enseigne, émanant du secrétaire général du groupe 3 SI expose le nouveau support et son guide d’accompagnement commun en matière d’entretien annuel d’évaluation destiné, selon les propres termes utilisés, à mutualiser, homogénéiser et harmoniser les meilleures pratiques d’entretien pour l’année 2011 ; qu’il résulte de ces éléments que les sociétés 3 SI Commerce et 3 SUISSES INTERNATIONAL doivent bien être considérées comme co-employeurs de l’intimée » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « Concernant la société COMMERCE BtoC ; que le siège social des deux sociétés Commerce BtoC et 3 SUISSES France est fixé à la même adresse au 12 rue de la centenaire à CROIX ; que la société Commerce BtoC détient 92, 76 % du capital de la société 3 SUISSES France ; que la société 3 SUISSES France exerce une activité de vente au détail de toutes marchandises par tous moyens notamment à distance, internet, magasins, identique à celle figurant dans l’objet de la société Commerce BtoC, créée en janvier 2010 laquelle regroupe également les fonctions supports (DSI, DRH, finances) au sein de plusieurs enseignes dont 3 SUISSES France ; que le rapport du cabinet d’expert comptable SYNDEX de juin 2011 précise à cet égard : « la nouvelle organisation des services centraux consiste en une mise en commun de moyens, avec une société, Commerce BtoC qui devient une sousholding et qui pilotera l’ensemble des aspects RH, comptable, informatique, en abritant des centres de services partagés en lien avec un responsable opérationnel dans chaque BU. » ; que l’extrait Kbis de la S. A. 3 SUISSES France au ler novembre 2011 mentionne Madame Laurence Y...en qualité de directeur général, Monsieur Eric C...en qualité de président du conseil d’administration et d’administrateur, Monsieur Khelaf X...en qualité d’administrateur tandis que l’extrait Kbis de la société Commerce BtoC au 23 septembre 2011 mentionne Monsieur Eric C...comme président du conseil d’administration et directeur général et notamment Monsieur Stéphane D...E... et Monsieur Eric C...comme administrateurs ; que, par ailleurs, Monsieur X..., administrateur au sein de la société 3 SUISSES France se révèle également occuper les fonctions de directeur des ressources humaines de la société Commerce BtoC et de DRH du domaine BtoC, en charge des questions et relations sociales et intervient en ces deux dernières qualités lors d’une réunion du comité d’entreprise de la société 3 SUISSES France du 10 novembre 2010 ; qu’il ressort des propos tenus par Madame Y..., directeur général de la société 3 SUISSES France lors de la réunion extraordinaire du Comité d’Entreprise de 3 SUISSES France du 10 novembre 2010 sur la mutualisation des services comptables et leur transfert au sein de la société Commerce BtoC, qu’elle est « salariée par la société Commerce BtoC », « comme toute l’équipe dirigeante » précise Monsieur X... ; que l’existence d’un lien de subordination du directeur général de la société 3 SUISSES France à l’égard de la société Commerce BtoC induit une confusion de direction entre les deux sociétés, laquelle confusion s’est vue par la suite confirmée avec la désignation de Monsieur Eric C...comme PDG de la société 3 SUISSES France ainsi qu’il ressort du relevé d’information de société. com du 29 novembre 2012 fourni par la société 3 SUISSES INTERNATIONAL ; que le salarié produit un échange de courriels de mars et novembre 2011 dont il ressort des liens direct entre la Direction des ressources humaines de la société Commerce BtoC et les responsables des espaces 3 SUISSES et des espaces-boutiques 3 SUISSES ; qu’il ressort de la copie de courriels des 10 et 14 mars 2011, une demande formulée par le service RH de la société Commerce BtoC en vue de la communication par la société 3 Suisses France des entretiens annuels des responsables de magasin ; qu’est produit également un courriel de Madame Myriam F...du 12 septembre 2011 dont il ressort une recherche de solution de reclassement effectuée par le service des ressources humaines de Commerce BtoC ; que le responsable du service comptabilité clients et bancaire de la société Commerce BtoC est chargé au 21 novembre 2011 de régler tout problème contractuel, administratif et financier pour 3 SUISSES ; que la société Commerce BtoC pour justifier son intervention dans ces domaines produit trois conventions de prestations de service conclues avec la société 3 SUISSES France le 10 septembre 2012 :- matière de ressources humaines, notamment par la prise en charge, directement ou pour le compte de la société 3 SUISSES France des activités suivantes :. la production et la gestion de la paie et de l’administration du personnel,. la formation et le développement des compétences,. le conseil en recrutement,. le conseil du service social,- dans le cadre de la direction des systèmes d’information, par l’organisation, le développement et la recherche du système informatique permettant à l’ensemble des enseignes :. de maintenir leur différence commerciale tout en permettant un développement nécessaire,. d’optimiser les coûts informatiques en créant et gérant des équipements et des services d’intérêts communs,. de s’appuyer sur des moyens sûrs et évolutifs permettant de sécuriser l’avenir.- en matière de comptabilité par le traitement de l’ensemble des opérations de back office comptable de la société 3 SUISSES France : véritable centre de compétences comptable et financier, il a pour vocation de fournir une information financière (générale et analytique) fiable et sécurisée aux contrôleurs de gestion des Business Unit (Enseignes) et de répondre aux besoins comptables et fiscaux, dans un souci d’expertise et de réduction des coûts ; que pour autant, ces contrats de prestations de service en prévoyant une application rétroactive au 1er janvier 2010 pour les 2 premiers contrats et au 1er septembre 2010 pour le 3ème contrat, semblent avoir été souscrits pour les besoins de la cause et ne peuvent justifier l’intervention de la société Commerce BtoC dans la gestion comptable, informatique et des ressources humaines de la société 3 SUISSES France, dans la mesure où leur souscription est postérieure à la date de licenciement de la salariée et même à la date de saisine du conseil des prud’hommes par cette dernière ; que ces éléments démontrent ainsi une confusion d’intérêts, d’activités et de direction des sociétés 3 SUISSES France et Commerce BtoC justifiant la reconnaissance de la qualité de coemployeur de la société Commerce BtoC » ;

« que Concernant la société 3 SUISSES INTERNATIONAL : que le siège social des deux sociétés 3 SUISSES France et 3 SUISSES INTERNATIONAL est fixé à la même adresse au 12 rue de la centenaire à CROIX ; qu’il ressort des pièces produites que la société 3 SUISSES INTERNATIONAL qui exerce une activité de holding selon l’extrait Kbis produit, détient 99, 9 % du capital de la société Commerce BtoC ; que les contrats de prestation de services administratifs par elle produits précisent que la société 3 SUISSES INTERNATIONAL a pour objet de promouvoir les activités de commerce sans distance en France et dans les pays où les filiales de 3 SUISSES INTERNATIONAL sont implantées dans les domaines suivants : B2C (mode et univers de la maison) dont fait partie 3 SUISSES France, B2B (produits pour le bureau et services aux entreprises de e-commerce), C2C, et activités financières et recouvrement ; qu’il ressort du livre 2 présenté au comité d’entreprise de la société 3 SUISSES France en date 29 septembre 2011 concernant le projet de transformation et de modernisation de la société 3 SUISSES France que « le groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL fixe sa vision, sa stratégie et présente au conseil d’administration ses objectifs et ses plans à 3 ans, et ce pour l’ensemble des enseignes appartenant à ce groupe (3 SUISSES France, Blancheporte, Becquet, Arianta, Helline, Witt international, Venca, 3 Pagen, Saint Brice, Unigro) » ; que si les directeurs généraux des sociétés 3 SUISSES INTERNATIONAL et 3 SUISSES France ne sont pas identiques, Monsieur Denis G...étant le directeur général de la holding et Monsieur Eric C...étant président directeur général de la société 3 SUISSES France et président directeur général de la société Commerce BtoC, une confusion apparaît néanmoins au niveau des cadres dirigeants de la holding puisque Monsieur Eric C...est directeur général adjoint de la société 3 SUISSES INTERNATIONAL chargé du domaine BtoC dont Monsieur X...est directeur des ressources humaines ; que par ailleurs, Monsieur Jean-Marc H..., administrateur de la société 3 SUISSES France se révèle exercer des fonctions de directeur des finances au sein du Domaine BtoC de la société 3 SUISSES INTERNATIONAL ; que lors de la réunion extraordinaire du CE de 3 Suisses France du 10 novembre 2010, Monsieur X..., DRH du Domaine BtoC et de la société Commerce BtoC, déclare ainsi : « Eric C..., directeur général adjoint du groupe, fait partie de l’équipe dirigeante de 3S1. II est le collaborateur direct de Denis G...Il a en charge l’ensemble du domaine. C’est notre patron bien aimé » ; que lors de la réunion du CE du 17 décembre 2010 au sein de la société Commerce BtoC, « Khélaf X...rappelle l’organisation de 3 SI (la holding dont le DG est Denis G...) ; 3 SI comprend 4 pôles d’activité (4 Domaines) :- Domaine BtoC : DGA Eric C...,- Domaine BtoB DGA Emmanuel I...,- Domaine CtoC : DGA Georges J...,- Activités financières : DGA Eric K... ; Eric C...est le DGA en charge de Domaine BtoC, dont fait partie Commerce BtoC au même titre que 3SF, Becquet, Blanche Porte, Arianta (même si Commerce BtoC devrait à terme devenir la holding du Domaine BtoC). La direction de Commerce BtoC est donc assurée par Eric C..., DGA de Domaine BtoC. » ; que la confusion entre les sociétés 3 SUISSES France et 3 SUISSES INTERNATIONAL se révèle d’ailleurs dans un courrier du 19 octobre 2011 à la société Oleo Recycling visant à la résiliation du contrat d’enlèvement des cartons et des plastiques pour l’Espace 3 Suisses d’Angers au 31 décembre 2011, puisque ce courrier, bien que comportant l’entête de la société 3 SUISSES France avec son numéro du registre du commerce et des sociétés, est signé par Monsieur J. M. H...en sa qualité de « directeur finances CDG, domaine BtoC », donc de cadre de la société 3 SUISSES INTERNATIONAL ; que le choix de la dénomination du Domaine BtoC et de celle de la société Commerce BtoC accentue la confusion entre ces deux entités ainsi que le souligne l’un des représentants des salariés lors de la réunion du comité d’entreprise au sein de la société Commerce BtoC en date du 17 décembre 2010, lequel évoque « un manque de clarté entre le Domaine et la société » ; que la façon dont est présentée dans la synthèse du groupe de travail sur l’entretien annuel, Madame Hélène L..., membre du groupe de travail, avec la mention « BtoC » entretient cette confusion entre la société Commerce BtoC et le Domaine BtoC du groupe ; que la communication et la transmission le 14 novembre 2011 par Monsieur Stéphane D..., secrétaire général du groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL aux managers et collaborateurs du groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL, d’un guide de l’entretien d’évaluation, qui avait déjà été mis en place l’année précédente et créé pour l’ensemble du groupe « pour harmoniser les pratiques », avait déclaré Monsieur Suzon N...lors de la réunion du CE de la société Commerce BtoC du 17 décembre 2010, révèle une unité dans le processus d’évaluation des salariés des filiales du groupe dont la société 3 SUISSES France fait partie ; que peu importe le fait que ce guide ait pu être établi après réunion d’un groupe de travail composé de membres de services des ressources humaines de sociétés appartenant aux 4 domaines du groupe, parmi lesquels ne figurait d’ailleurs aucun membre du service des ressources humaines de la société 3 SUISSES France ; qu’un élément essentiel de la gestion des ressources humaines de la société 3 SUISSES France est ainsi décidé par la société 3 SUISSES INTERNATIONAL ; que la confusion d’intérêts, d’activités et de direction des sociétés 3 SUISSES France et 3 SUISSES INTERNATIONAL étant établie, il convient de reconnaître la qualité de coemployeur de la société 3 SUISSES INTERNATIONAL » ;

1. ALORS QUE hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l’égard du personnel employé par une autre société de ce groupe, que s’il existe entre elles, audelà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; que la fixation, par la direction d’un groupe, de la stratégie d’ensemble du groupe et des objectifs des différentes entités qui le composent ne prive pas les filiales de ce groupe de toute autonomie dans la définition et la mise en oeuvre de leur politique commerciale et, plus généralement, dans la gestion de leur activité économique ; qu’en se bornant en l’espèce à relever, pour affirmer que la société 3 SUISSES France ne disposait d’aucune autonomie dans la définition de sa politique commerciale, que le groupe fixait sa vision, sa stratégie et présentait au conseil d’administration ses objectifs et ses plans à trois ans pour l’ensemble des enseignes du groupe, ce qui est insuffisant à faire ressortir une immixtion de la direction du groupe dans la gestion économique de la société 3 SUISSES France, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du Code du travail ;

2. ALORS QUE la centralisation des fonctions supports des différentes filiales opérationnelles d’un groupe au sein d’une société holding et la conclusion de conventions d’assistance technique entre ces filiales opérationnelles et la société holding n’ont pas pour effet de transférer la gestion économique et sociale de ces filiales à la société holding, ni par suite de créer une situation de co-emploi ; qu’en se bornant à relever, pour caractériser une immixtion des sociétés 3 SUISSES INTERNATIONAL et 3 SI BtoC dans la gestion économique et sociale de la société 3 SUISSES France, qu’un contrat de prestation de services administratifs et d’assistance technique, conclu avec la société 3 SUISSES INTERNATIONAL et mis en oeuvre par la société 3 SI BtoC, prévoyait la fourniture d’une assistance à la société 3 SUISSES France dans différents domaines moyennant rémunération et que des services relevant auparavant des différentes enseignes de la division « B to C » ont été centralisés au sein de la société 3 SI BtoC entraînant le transfert des équipes informatiques, ressources humaines et comptables au sein de cette société, sans constater qu’au-delà de la simple assistance technique prévue au contrat, les sociétés 3 SUISSES INTERNATIONAL et 3 SI BtoC se seraient substituées à la société 3 SUISSES FRANCE dans la gestion économique et sociale de cette dernière, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du Code du travail ;

3. ALORS QU’en se bornant à relever que les services prévus au contrat d’assistance technique conclu avec la société ARGOSYN et mis en oeuvre par la société 3 SI COMMERCE consistaient notamment en « l’assistance et la coordination en matière de stratégie et de développement », en une « assistance à la mise en place et au développement d’outils de prévision économique et de suivi budgétaire ainsi qu’en la mise en place d’un secrétariat général compétent en matière de ressources humaines et notamment de recrutement, formation ? mobilité », la cour d’appel n’a fait ressortir ni que ce contrat aurait excédé un domaine purement technique, ni qu’il aurait conduit à déposséder la société 3 SUISSES France de toute autonomie dans les domaines économique et social ; qu’elle a en conséquence privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du Code du travail ;

4. ALORS QU’une société appartenant à un groupe ne peut être considérée co-employeur des salariés d’une autre société du même groupe qu’en cas d’immixtion générale et permanente de la première dans la gestion sociale de la seconde ; qu’en se bornant à relever que le contrat d’assistance mis en oeuvre par la société 3 SI BtoC conduisait au transfert des équipes ressources humaines en son sein, que le Directeur des ressources humaines de la société 3 SI BtoC avait indiqué disposer d’un « pouvoir permanent pour agir dans toutes les sociétés relevant du domaine (B to C) dont la société 3 SUISSES France » et vouloir centraliser l’organisation du recrutement afin de disposer d’une vision globale des postes à pourvoir, ce qui est insuffisant à faire ressortir une prise en main générale et permanente, par la société 3 SI BtoC, de la gestion sociale de la société 3 SUISSES FRANCE, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du Code du travail ;

5. ALORS QU’une société appartenant à un groupe ne peut être considérée co-employeur des salariés d’une autre société de ce groupe qu’à la condition que soit caractérisée une immixtion générale et permanente de la première dans la gestion sociale de la seconde ; qu’en l’espèce, les sociétés exposantes faisaient valoir qu’après la création de la société 3 SI BtoC et la centralisation des services support en son sein, la société 3 SUISSES FRANCE avait conservé sa propre direction des ressources humaines qui procédait seule notamment au recrutement des salariés, aux licenciements et à la gestion des relations sociales, comme en attestaient des contrats de travail et lettres de licenciement, notamment de cadres supérieurs, signés par la seule directrice des ressources humaines de l’entreprise, des accords collectifs d’entreprise négociés et conclus par cette même directrice et des procès-verbaux de réunions du comité d’entreprise auxquelles cette directrice avait seule participé, en qualité de représentant de l’employeur ; qu’étaient également versés aux débats les rapports d’entretien d’évaluation, notamment de cadres de l’entreprise, établis par des cadres de direction de la société 3 SUISSES France ; qu’en affirmant que la société 3 SUISSES France était totalement dépossédée de son pouvoir de recrutement et, plus largement, qu’elle n’était plus autonome dans la gestion sociale, sans s’expliquer sur ces éléments qui étaient de nature à faire ressortir que la société 3 SUISSES France assurait la direction quotidienne de son personnel et la gestion des relations sociales, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du Code de procédure civile ;

6. ALORS QUE la mise en place de procédures harmonisées ou d’outils de gestion visant à homogénéiser les pratiques au sein d’un groupe, qui procède de la simple coordination des actions économiques des sociétés appartenant à un même groupe, ne crée pas une situation de co-emploi ; qu’en relevant encore, pour attribuer la qualité de co-employeur à la société 3 SI BtoC et à la société 3 SUISSES INTERNATIONAL, la mise en place d’un « système d’information intéressant les ressources humaines » concernant les enseignes les plus importantes du groupe dont la société 3 SUISSES France, et la diffusion, par le secrétaire général du groupe, d’un support d’entretien annuel d’évaluation destiné à mutualiser, homogénéiser et harmoniser les meilleures pratiques d’entretien, la cour d’appel s’est fondée sur des motifs radicalement inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du Code du travail ;

7. ALORS QU’en se bornant à relever, s’agissant de la gestion économique de la société 3 SUISSES France, que les problèmes de nature contractuelle, administrative et financière rencontrés par la société 3 SUISSES France étaient gérés par le service comptabilité clients et bancaire de la société 3 SI BtoC, et que le service juridique de la société 3 SUISSES INTERNATIONAL est intervenu, à deux reprises, dans la gestion de difficultés d’ordre juridique intéressant la société 3 SUISSES France, la cour d’appel n’a pas caractérisé une immixtion générale et permanente des sociétés 3 SUISSES INTERNATIONAL et 3 SI BtoC dans la gestion économique de la société 3 SUISSES France et a, en conséquence, encore privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du Code du travail ;

8. ALORS QUE dans leurs conclusions d’appel, les sociétés 3 SUISSES France et 3 SI BtoC soulignaient que la société 3 SUISSES France avait conservé sa propre direction financière, qu’elle établissait elle-même des bons de commandes et était destinataire des factures des produits commandés, y compris pour des approvisionnements d’un montant particulièrement élevé ; que, pour le justifier, elle produisait plus d’une centaine de factures et bons de commandes ; qu’en évoquant le rôle du service comptabilité clients et bancaire de la société 3 SI BtoC sur les approvisionnements de la société 3 SUISSES France, sans s’expliquer sur ces éléments établissant que la société 3 SUISSES France restait maîtresse de ses approvisionnements, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 455 du Code de procédure civile ;

9. ALORS QU’en relevant encore, pour affirmer que les sociétés 3 SI BtoC et 3 SUISSES INTERNATIONAL doivent être considérées comme co-employeurs de la société 3 SUISSES France, l’existence d’une « confusion » ou d’une « distinction malaisée » entre la société 3 SI BtoC et la société 3 SUISSES INTERNATIONAL, la cour d’appel s’est encore fondée sur des motifs impropres à faire ressortir une situation de co-emploi de chacune de ces sociétés avec la société 3 SUISSES FRANCE, privant encore sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du Code du travail ;

10. ALORS QUE ne caractérise pas une situation de co-emploi le fait que le capital d’une société soit détenu pour l’essentiel par une autre société, qu’elles aient leur siège social à la même adresse et que leurs équipes dirigeantes soient composées pour partie des mêmes personnes ; que ne caractérise pas non plus une situation de co-emploi le fait qu’une société mère apporte assistance à sa filiale, notamment lors de la mise d’une réorganisation impliquant un licenciement collectif ; qu’à supposer adoptés les motifs des premiers juges, en relevant encore que le capital de la société 3 SUISSES France est détenu directement par la société 3 SI BtoC et indirectement par la société 3 SUISSES INTERNATIONAL, que les trois sociétés ont le même siège social, qu’elles ont des équipes dirigeantes en partie communes et que les sociétés 3 SI BtoC et 3 SUISSES INTERNATIONAL ont apporté assistance à la société 3 SUISSES FRANCE à l’occasion de la fermeture des espaces boutiques et des recherches de reclassement, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief aux arrêts attaqués d’AVOIR prononcé la nullité du plan de sauvegarde de l’emploi établi au sein de la société 3 SUISSES France en date du 16 décembre 2011, d’AVOIR prononcé la nullité du licenciement des salariés défendeurs aux pourvois, d’AVOIR condamné in solidum les sociétés 3 SUISSES France, 3 SI COMMERCE, anciennement dénommée 3 SI BtoC, et ARGOSYN, anciennement dénommée 3 SUISSES INTERNATIONAL, à verser aux salariés défendeurs aux pourvois une indemnité du fait de la nullité du licenciement sous déduction des sommes perçues dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi et d’AVOIR condamné in solidum les sociétés 3 SUISSES France, 3 SI COMMERCE, anciennement dénommée 3 SI BtoC, et ARGOSYN, anciennement dénommée 3 SUISSES INTERNATIONAL à verser à chacun des salariés défendeurs aux pourvois 200 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et 35 euros en remboursement du timbre fiscal ;

AUX MOTIFS QU’« il convient de relever au préalable que, selon les auteurs du rapport d’étape du cabinet d’expertise comptable Syndex élaboré en juin 2011, le groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL a permis entre 2008 et 2011 le versement de dividendes de plus de 390 M € à ses actionnaires, principalement les sociétés FIPAR et OTTO, une autre partie des résultats étant destinée à recapitaliser les filiales et notamment la société 3 SUISSES France ; que la création des espaces 3 SUISSES dont la suppression a entraîné cent quarante-trois licenciements dont celui de l’appelante est la conséquence d’un choix de politique commerciale erroné, ce modèle, selon l’expert, n’ayant pas été construit pour être rentable mais pour contrer la présence de la société La Redoute à travers ses points de contact dans les principales villes ; que selon le rapport précité, confirmé par les écritures de la société 3 SUISSES France, les comptes consolidés du groupe OTTO qui intégraient le domaine BtoC à la branche “ retail channel “, ont dégagé un résultat d’exploitation de 131, 5 M € au titre de l’exercice 2011 après avoir connu une perte de 80, 7 M € au cours de l’exercice précédent ; que le chiffre d’affaires de cette branche a augmenté de 12, 1 % durant la même période ; que le secteur d’activité doit être apprécié au niveau du groupe OTTO principal actionnaire du groupe 3 SI auquel appartient la société 3 SUISSES France ; que de même les moyens financiers permettant d’évaluer la pertinence du plan doivent s’apprécier au niveau du groupe OTTO ; que les actions en vue du reclassement interne des salariés sont manifestement insuffisantes ; qu’en effet, contrairement à ce qui est soutenu, aucune offre d’emploi concrète et individualisée entraînant un reclassement effectif n’était proposée ; que la société 3 SUISSES France, qui avait confectionné trois types de listes comprenant entre deux et sept emplois, ne communiquait aux salariés que l’une d’entre elles, impliquant une diminution substantielle de la rémunération pour lesquels ils devaient se porter candidats ; qu’elle conduisait, en particulier pour les hôtesses d’espace, à une mise en concurrence de plusieurs salariés sur un même emploi puisqu’il était proposé au moins à quarante-cinq d’entre eux un emploi de conseiller relation client sur le site de Groix qui ne comptait que vingt postes disponibles, comme le démontre le tableau annexé à des offres de reclassement ; qu’il en est de même de l’emploi de conseiller service BtoB au sein de la société Mezzo à Bordeaux qui ne comptait que cinq postes disponibles ; qu’en outre cette candidature donnait ensuite lieu à la mise en oeuvre d’un processus de rencontres et de visites aux termes desquelles elle était susceptible d’être retenue définitivement après validation par la direction compétente, comme le rappelle le directeur des ressources humaines de la société 3 SUISSE France dans un courrier du 13 janvier 2012 ; que ne peuvent non plus être considérées comme des offres de reclassement les cinquante-sept postes disponibles au sein du groupe OTTO mentionnés dans une liste annexée au plan en raison tant de leur non-conformité avec le contenu du § 3. 1. 1 A dudit plan, du fait de leur imprécision quant au montant de la rémunération, de la durée du travail et du type d’emploi, que de leur volontaire technicité qui interdisait aux salariés des espaces de se porter candidats alors qu’au sein de l’ensemble des sociétés relevant du secteur multi-canal (” multi-channel retail “) exploitant au moins une vingtaine d’enseignes, il était possible d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que selon les informations diffusées en 2012 par le groupe lui-même, des boutiques OTTO étaient incluses dans plus de quatre cents magasins et sur le site Internet du groupe à la date du 4 juillet 2012, figuraient huit cent soixante-huit offres d’emplois ; qu’au surplus s’agissant des actions favorisant le reclassement externe à l’entreprise, que celle-ci étaient limitées au versement d’une allocation temporaire de 400 € bruts par mois durant deux années en cas de conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée ou d’un contrat à durée déterminée d’au moins six mois conduisant au versement d’un salaire inférieur à la rémunération antérieurement perçue ; que de telles sommes étaient manifestement dérisoires par rapport aux emplois susceptibles d’être retrouvés par les salariés ; que le démontrent les offres de reclassement interne conditionnelles proposées par la société aux responsables d’espace et correspondant à des postes pour lesquels le salarié était susceptible de percevoir une rémunération annuelle brute de 24000 € à 28000 € conduisant à une perte annuelle, dans la meilleure des hypothèses, de 8000 € soit environ le double du montant de l’allocation temporaire proposée ; qu’en outre cette mesure n’était pas proportionnée aux moyens financiers dont disposait le groupe OTTO, qui se considérait en 2012 selon ses propres informations, comme le plus grand fournisseur mondial en ligne BtoC d’articles de mode et de maison et la seconde société pour les ventes après la société Amazon, réalisant un chiffre d’affaires à cette date de plus de onze milliards d’euros ; qu’en conséquence en raison de son insuffisance, il convient de prononcer la nullité du plan de sauvegarde de l’emploi » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QU’« un plan de sauvegarde de l’emploi ne garantit pas le reclassement des salariés en cas d’emploi disponible dans le groupe et ne répond pas aux exigences légales lorsque les salariés susceptibles d’être licenciés et auxquels pouvait être faire une proposition de reclassement dans l’une des sociétés du groupe ne bénéficiaient d’aucune priorité et devait obtenir l’accord de l’entité d’accueil sur leur candidature et, après une période d’adaptation de deux mois, sur leur maintien dans cette entité, sans précision sur les conditions dans lesquelles cette dernière était susceptible d’accepter ou de refuser, de sorte qu’en cas de concours de candidatures entre un salarié à reclasser et un salarié venant de l’extérieur du groupe, c’est ce dernier qui pouvait être choisi ; que ne garantit pas le reclassement effectif des salariés en cas d’emploi disponible dans le groupe et ne répond pas aux exigences légales le plan de sauvegarde de l’emploi comportant au titre des mesures de reclassement interne, une période d’adaptation d’un mois, pouvant aller jusqu’à huit semaines, à l’issue de laquelle le maintien des salariés, qui ne bénéficiaient d’aucune formation ou adaptation à ce nouvel emploi, était suspendu à l’accord de l’entité d’accueil sans précision sur les conditions dans lesquelles cette dernière était susceptible d’accepter ou de refuser ni sur les modalités permettant aux salariés, en cas de rupture de la période d’adaptation, de bénéficier des autres mesures du plan de sauvegarde de l’emploi ; qu’en l’espèce, le plan de sauvegarde de l’emploi du 16 décembre 2011 prévoit des mesures de reclassement interne au sein du groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL en mentionnant notamment : “ en cas de candidatures multiples (salariés du groupe 3SI exclusivement) sur un même poste, le candidat prioritaire serait celui retenu par l’entreprise d’accueil en fonction de la compétence et de l’adéquation au poste. (….) Le candidat pourra bénéficier d’une période de découverte au poste d’une journée. En cas d’acceptation définitive de la mobilité, un nouveau contrat de travail sera établi entre le salarié et son nouvel employeur. Ce nouveau contrat de travail sera assorti d’une période probatoire d’une durée maximale de 2 mois pour les employés et agents de maîtrise et de 3 mois pour les cadres. Au cours de cette période probatoire, chacune des parties pourra y mettre fin. Dans ce cas, le salarié réintégrerait le dispositif du PSE. Un entretien avec la DRH serait organisé pour échanger sur les motifs de la fin de période probatoire. Par ailleurs, dans le cadre d’une fin de période probatoire à l’initiative de l’employeur, cette offre ne serait pas comptabilisée comme offre ferme d’emploi. (…) Afin de favoriser l’intégration de chaque salarié dans ses nouvelles fonctions et augmenter les chances de reclassement, la direction proposera les mesures de formation/ adaptation qui apparaîtraient nécessaires, compte tenu du profil de chacun » ; que des dispositions similaires étaient prévues s’agissant des mesures de reclassement au sein du groupe OTTO ; qu’il ne ressort nullement du plan une priorité donnée au salarié à reclasser, dans le choix du candidat par l’entité d’accueil ; que dans l’hypothèse d’une multiplicité de candidats qui seraient tous salariés du groupe, en l’absence de précisions dans le plan, il apparaît que le choix pouvait être fait par l’entité d’accueil au profit d’un salarié qui n’était pas à reclasser ; que, par ailleurs, le plan de sauvegarde de l’emploi du 3 SUISSES France ne précise pas les conditions dans lesquelles l’entité d’accueil est susceptible d’accepter ou de refuser le candidat ni les modalités permettant aux salariés, en cas de rupture de la période d’adaptation, de bénéficier des autres mesures du plan de sauvegarde de l’emploi ; que le plan de sauvegarde de l’emploi litigieux ne garantit ainsi pas le reclassement effectif des salariés en cas d’emploi disponible dans le groupe et ne répond pas aux exigences légales alors même que le groupe OTTO enregistrait un bénéfice avant intérêts et impôts de 377. 521. 000 euros en 2010/ 2011 dont 131. 517. 0000 euros pour le secteur d’activité de vente au détail multi-canal ; qu’il convient en conséquence de prononcer la nullité du plan de sauvegarde de l’emploi » ;

Sur les offres de reclassement interne

1. ALORS QUE la validité d’un plan de sauvegarde de l’emploi doit être appréciée en fonction des mesures qu’il prévoit pour favoriser le reclassement des salariés concernés par le projet de licenciement sur les postes disponibles dans le groupe, et non au regard du contenu des offres de reclassement proposées aux salariés ; que, pour dire manifestement dérisoires les actions de reclassement interne du plan de sauvegarde de l’emploi, la cour d’appel a relevé que la société 3 SUISSES France avait confectionné trois types de listes comprenant entre deux et sept emplois et communiqué aux salariés l’une de ces listes, que ces offres impliquaient une diminution substantielle de rémunération et qu’elles conduisaient à la mise en concurrence de plusieurs salariés, invités à se porter candidats sur les postes en cause, de sorte qu’aucune offre de reclassement concrète et individualisée entraînant un reclassement effectif n’était proposée ; qu’en se fondant ainsi sur le seul contenu des offres de reclassement, sans même analyser les mesures du plan relatives au reclassement interne des salariés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail ;

2. ALORS QUE la circonstance que les offres de reclassement individuelles ne permettent pas d’assurer le reclassement effectif de tous les salariés menacés de licenciement, parce que le nombre d’emplois disponibles est moins important que le nombre de salariés destinataires de ces offres ou que ces emplois, de catégorie inférieure aux emplois occupés par les salariés, impliquent une diminution de rémunération, ne rend pas le plan de sauvegarde de l’emploi insuffisant ; qu’en outre, même proposée à plusieurs salariés invités à se porter candidats, une offre de reclassement est néanmoins personnalisée dès lors qu’elle est adaptée à la situation de chaque salarié ; qu’en retenant encore, pour dire le plan de sauvegarde de l’emploi insuffisant, que les offres de reclassement proposées aux salariés correspondaient à une liste de postes impliquant une diminution substantielle de rémunération et qu’elles appelaient les salariés, mis en concurrence, à se porter candidats en raison du nombre insuffisant de postes disponibles, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail ;

3. ALORS QUE seuls les emplois salariés doivent être proposés dans le cadre du reclassement, de sorte que le plan de sauvegarde de l’emploi doit uniquement recenser les emplois salariés disponibles dans le groupe ; qu’en l’espèce, les sociétés exposantes indiquaient que le document extrait du site internet du groupe OTTO dont se prévalaient les salariés pour dénoncer le caractère prétendument dérisoire du nombre de postes de reclassement recensés dans le plan de sauvegarde de l’emploi faisait essentiellement état d’offres de stage, et non d’offres d’emplois salariés, le terme « pratikant » figurant sur ces offres signifiant « stagiaire » ; qu’elles justifiaient, par ailleurs, de ce que la société 3 SUISSES France avait sollicité et relancé plusieurs fois chacune des entreprises du groupe, pour définir et mettre à jour les listes des postes disponibles annexées au plan de sauvegarde de l’emploi ; qu’en se bornant à relever que, selon le document produit par les salariés, huit cent soixante-huit offres d’emplois figuraient sur le site internet du groupe OTTO au 4 juillet 2012, sans s’expliquer sur la nature de ces offres d’emplois, ni sur l’exhaustivité des recherches de reclassement dont justifiait la société 3 SUISSES France, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail ;

4. ALORS QUE le plan de sauvegarde de l’emploi doit fournir des indications sur le nombre, la nature et la localisation des postes disponibles pour le reclassement dans l’entreprise et le groupe ; que c’est seulement au stade des offres de reclassement que l’employeur doit fournir aux salariés destinataires de ces offres des indications sur les caractéristiques des emplois offerts, telles que la rémunération ou la durée du travail ; qu’en l’espèce, deux annexes du plan de sauvegarde de l’emploi comportaient la liste des postes disponibles pour le reclassement dans le groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL et dans le groupe OTTO, sur laquelle étaient précisés la nature, le nombre et la localisation de ces postes ; qu’en retenant, pour dire les mesures du plan de sauvegarde de l’emploi insuffisantes, que les cinquante-sept postes disponibles au sein du groupe OTTO mentionnés en annexe du plan ne peuvent être considérés comme des offres de reclassement du fait de leur imprécision quant au montant de la rémunération, de la durée du travail et du type d’emploi, la cour d’appel a violé les articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail ;

5. ALORS, AU SURPLUS, QUE le paragraphe 3. 1. 1. A du plan de sauvegarde de l’emploi, intitulé « proposition de postes », prévoyait que « les postes disponibles au sein de la société 3 Suisses France, du Domaine BtoC et du Groupe 3 Suisses International (cf annexe 1) seront proposés par priorité dès lors qu’ils seront identifiés et compatibles avec la qualification, les compétences moyennant éventuellement une formation/ adaptation, et l’expérience des salariés concernés », et qu’« il faudra également préciser : le statut, l’horaire de travail et la rémunération mensuelle brute de base, la description de fonctions, la convention collective applicable » ; qu’il en résulte que ces différentes mentions devaient figurer sur les « propositions de postes » adressées à chaque salarié, et non sur la liste des postes annexée au plan ; qu’à supposer qu’elle ait entendu dire que le paragraphe précité du plan imposait de mentionner le montant de la rémunération, la durée du travail et le type d’emploi sur les listes des postes disponibles annexées au plan de sauvegarde de l’emploi, la cour d’appel aurait dénaturé les termes clairs et précis des dispositions précitées du plan de sauvegarde de l’emploi, en violation de l’interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;

6. ALORS QUE l’employeur est tenu de recenser dans le plan de sauvegarde de l’emploi tous les postes disponibles dans le groupe qui pourront être mobilisés pour le reclassement des salariés concernés par le projet de licenciement ; que c’est seulement au stade des offres de reclassement que l’employeur doit proposer à chaque salarié menacé de licenciement les seuls postes qui correspondent à ses compétences ; qu’en l’espèce, le projet de licenciement collectif concernait, outre les salariés des espaces boutiques, des salariés d’autres services appartenant à des catégories professionnelles très différentes ; qu’en conséquence, la société 3 SUISSES France avait recensé, dans le plan de sauvegarde de l’emploi, l’ensemble des postes susceptibles d’être proposés à tous les salariés concernés par le projet de licenciement collectif ; qu’en relevant encore, pour dire le plan de sauvegarde de l’emploi insuffisant, que les cinquante-sept postes disponibles au sein du groupe OTTO listés dans le plan ne pouvaient être considérés comme des offres de reclassement dès lors que leur technicité interdisait aux salariés des espaces boutiques de se porter candidats, la cour d’appel a violé les articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail ;

Sur les garanties de reclassement effectif sur les postes disponibles

7. ALORS QUE si les mesures du plan de sauvegarde de l’emploi doivent garantir le reclassement effectif des salariés concernés par le projet de licenciement sur les postes disponibles correspondant à leurs compétences, cela n’interdit pas de définir une procédure visant à vérifier l’adéquation des compétences du salarié avec les postes disponibles avant toute offre de reclassement ; qu’en l’espèce, le plan de sauvegarde de l’emploi prévoyait que les postes disponibles au sein du groupe doivent être proposés « en priorité » aux salariés menacés de licenciement dès lors qu’ils sont compatibles avec leurs qualifications, compétences et expériences, moyennant au besoin une formation/ adaptation, que l’antenne de reclassement doit organiser un entretien avec chaque salarié pour lui fournir toutes les informations utiles sur le ou les postes et les aides à la mobilité et pré-valider sa candidature au regard des caractéristiques du poste et de son profil, que le responsable hiérarchique de l’entité d’accueil doit ensuite recevoir le salarié pour valider sa candidature et, en cas de candidatures multiples, sélectionner le candidat prioritaire en fonction de la compétence et de l’adéquation au poste ; qu’en outre, le plan de sauvegarde de l’emploi confiait à la commission de suivi un droit de regard sur le choix des candidats aux postes disponibles et le soin de trancher tout différend sur l’application des mesures du plan, dont les mesures de reclassement interne ; que l’ensemble de ces mesures garantissait un reclassement effectif des salariés sur les postes disponibles correspondant à leurs compétences ; qu’en se bornant à relever, pour affirmer le contraire, qu’était prévu un processus de rencontres et de visites aux termes desquels la candidature du salarié n’était définitivement retenue qu’après validation par la direction compétente, sans rechercher si ce processus ne visait pas légitimement à s’assurer de l’adéquation des compétences du salarié au contenu de l’emploi proposé et n’était pas entouré de différentes garanties permettant d’éviter une attribution discrétionnaire des postes, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail ;

8. ALORS QUE si le plan de sauvegarde de l’emploi doit garantir aux salariés concernés par le projet de licenciement collectif une priorité, par rapport aux candidats extérieurs au groupe, pour l’attribution des postes disponibles dans le groupe, il ne peut leur garantir une même priorité par rapport aux autres salariés du groupe qui peuvent, eux aussi, bénéficier d’un droit d’accès prioritaire aux postes disponibles dans leur propre entreprise ; qu’en l’espèce, le plan de sauvegarde de l’emploi prévoyait que les postes disponibles au sein du groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL seraient proposés « en priorité » aux salariés concernés par le projet de licenciement dont les compétences étaient compatibles avec ces postes et prévoyait qu’en cas de candidatures multiples « de salariés du groupe 3 SI exclusivement », le choix du candidat retenu se ferait en fonction des « compétences et de l’adéquation au poste » ; qu’en retenant, à supposer adoptés les motifs des premiers juges, que le plan est insuffisant dès lors qu’il n’accorde pas une priorité aux salariés à reclasser en cas de multiplicité de candidats qui seraient tous salariés du groupe, la cour d’appel a violé les articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail ;

9. ALORS QUE le plan de sauvegarde de l’emploi prévoyait que « les postes disponibles au sein de la Société 3 Suisses France, du Domaine BtoC et du Groupe 3 Suisses International seront proposés par priorité dès lors qu’ils seront identifiés et compatibles avec la qualification, les compétences moyennant éventuellement une formation/ adaptation, et l’expérience des salariés concernés », qu’un entretien avec le responsable hiérarchique d’accueil doit être organisé pour « valider » la candidature du salarié, et « qu’en cas de candidatures multiples sur un même poste, le candidat prioritaire serait celui retenu par l’entreprise d’accueil en fonction de la compétence et de l’adéquation au poste », étant précisé que « la commission de suivi serait informée mensuellement de l’existence de candidatures multiples et des motivations qui ont présidé au choix du candidat retenu » ; qu’il en résulte que l’entité d’accueil ne pouvait refuser la candidature d’un salarié menacé de licenciement que pour des motifs tirés de l’adaptation de ses compétences au profil du poste en cause, cette motivation pouvant être contrôlée par la commission de suivi ; qu’il était également prévu qu’en cas d’échec de la période probatoire, « le salarié réintégrerait le dispositif du PSE », ce qui impliquait qu’il devait bénéficier, à nouveau, de l’ensemble des mesures du plan de sauvegarde de l’emploi, et que « dans le cadre d’une fin de période probatoire à l’initiative de l’employeur, cette offre ne serait pas comptabilisée comme OFE (Offre Ferme d’Emploi) » ; qu’à supposer adoptés les motifs des jugements, en affirmant que le plan ne précise pas les conditions dans lesquelles l’entité d’accueil est susceptible d’accepter ou de refuser le candidat, ni les modalités permettant aux salariés, en cas de rupture de la période probatoire, de bénéficier des autres mesures du plan, la cour d’appel aurait dénaturé les termes clairs et précis du plan, en violation de l’interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;

Sur les mesures de reclassement externe

10. ALORS QUE le pertinence d’un plan de sauvegarde de l’emploi doit être appréciée au regard de l’ensemble des mesures qu’il prévoit ; qu’en l’espèce, le plan de sauvegarde de l’emploi établi par la société 3 SUISSES France prévoyait, au titre des mesures de reclassement externe, la mise en place d’une antenne emploi, animée par un cabinet spécialisé qui devait proposer à chaque salarié au moins deux Offres Fermes d’Emploi, un congé de reclassement d’une durée comprise entre 7 et 12 mois pendant laquelle le salarié devait bénéficier d’une allocation de reclassement égale à 75 % de son salaire brut, le versement d’une allocation temporaire dégressive en cas de reclassement sur un emploi moins bien rémunéré, une aide à la réembauche des salariés de 50 ans et plus, diverses aides à la mobilité géographique, des aides matérielles et financières à la création ou reprise d’entreprise, et plusieurs aides à la formation/ reconversion ; qu’en retenant, pour dire le plan de sauvegarde de l’emploi insuffisant, que le montant de l’allocation temporaire dégressive prévue par le plan n’était pas proportionné aux moyens du groupe OTTO, sans examiner l’ensemble des autres mesures du plan visant à favoriser le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, ni rechercher si ces mesures, prises dans leur ensemble, n’étaient pas proportionnées aux moyens du groupe, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail ;

11. ALORS AU SURPLUS QU’en affirmant que les actions favorisant le reclassement externe à l’entreprise étaient limitées au versement d’une allocation temporaire de 400 € bruts par mois durant deux années en cas de conclusion d’un contrat de travail impliquant une perte de rémunération, cependant que le plan de sauvegarde de l’emploi prévoyait bien d’autres actions en vue du reclassement externe des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du plan, en violation du principe de l’interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;

Sur les résultats du groupe et ses choix de politique commerciale

12. ALORS QUE la validité du plan de sauvegarde de l’emploi est indépendante de la cause du licenciement ; qu’en l’espèce, avant d’examiner le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, la cour d’appel a relevé que, selon le rapport établi par l’expert-comptable désigné par le comité d’entreprise, « le groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL a permis entre 2008 et 2011 le versement de dividendes de plus de 390 M € à ses actionnaires, principalement les sociétés FIPAR et OTTO », que « la création des espaces 3 SUISSES dont la suppression a entraîné cent quarante-trois licenciements (….) est la conséquence d’un choix de politique commerciale erronée », que « les comptes consolidés du groupe OTTO ont dégagé un résultat d’exploitation de 131, 5 M € au titre de l’exercice 2011 après avoir connu une perte de 80, 7M € au cours de l’exercice précédent » et que « le chiffre d’affaires de cette branche (retail channel) a augmenté de 12, 1 % durant la même période » ; qu’en se fondant sur des tels motifs, impropres à eux seuls à faire ressortir l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail.

Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Douai Janvier