Cumul avec la sanction pénale oui

Cour Administrative d’Appel de Versailles

N° 11VE00301

Inédit au recueil Lebon

3ème Chambre

Mme COËNT-BOCHARD, président

Mme Catherine RIOU, rapporteur

M. BRUNELLI, rapporteur public

SELARL GRYNER-LEVY ASSOCIÉS, avocat(s)

lecture du mardi 29 novembre 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 27 janvier 2011 au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles, présentée pour Mme Virginie A, demeurant ..., par Me Ormillien, avocat à la Cour ; Mme A demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0810096 du 7 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté en date du 3 juillet 2008 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a mis à sa charge la contribution forfaitaire représentative des frais d’acheminement d’un étranger en situation de séjour irrégulier prévue par l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

2°) d’annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu’elle n’était pas redevable de la somme de 2 309 euros pour avoir employé, au sein de son entreprise, une ressortissante étrangère démunie de titre de séjour l’autorisant à séjourner et à travailler en France dès lors qu’elle ignorait que son employée était en situation irrégulière ; que celle-ci lui avait au demeurant présenté un titre de séjour valide ; que si cette employée a fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière, cette décision n’était pas assortie d’une mesure de placement en rétention administrative ; que, dans ces conditions, il n’est pas justifié du caractère certain de son réacheminement vers son pays d’origine ; que la sanction dont s’agit est, dès lors, manifestement sans objet ; qu’elle a, en outre, été prise en méconnaissance des stipulations de l’article 4-1 du protocole n° 7 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dès lors qu’elle a, pour les mêmes faits, déjà été poursuivie pénalement pour emploi d’un étranger sans titre de travail ; que l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile méconnaît ces stipulations ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble le protocole additionnel n° 7 annexé à cette convention ;

Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 15 novembre 2011 :

"-" le rapport de Mme Riou, premier conseiller,

"-" et les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public ;

Considérant qu’aux termes de l’article de l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction alors applicable : Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale au bénéfice de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations prévue à l’article L. 341-7 du code du travail, l’employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l’étranger dans son pays d’origine. /Le montant total des sanctions pécuniaires pour l’emploi d’un étranger en situation de séjour irrégulier ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les deux premiers alinéas de l’article L. 364-3 et par l’article L. 364-10 du code du travail ou, si l’employeur entre dans le champ d’application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre. / Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat ;

Considérant qu’après avoir constaté que Mme A, gérante du restaurant lotus de Canton , employait dans son établissement une ressortissante chinoise dépourvue d’autorisation de séjour et de travail, le préfet de la Seine-Saint-Denis a mis à la charge de celle-ci la contribution forfaitaire prévue par les dispositions précitées à hauteur de 2 309 euros ;

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 5221-8 du code du travail : L’employeur s’assure auprès des administrations territorialement compétentes de l’existence du titre autorisant l’étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi tenue par l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 ; que Mme A n’établit ni même n’allègue s’être assurée auprès des administrations territorialement compétentes de l’existence du titre autorisant la ressortissante étrangère qu’elle employait à exercer une activité salariée en France, comme lui en font obligation les dispositions précitées ; que, par suite, elle ne peut utilement se prévaloir de ce que son employée, de nationalité chinoise, lui aurait présenté une photocopie de titre de séjour valide et aurait été déclarée auprès de l’URSSAF ;

Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne subordonnent pas la mise à la charge de l’employeur de la contribution représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d’origine à la justification, par l’administration, du caractère effectif de ce réacheminement ; que par suite, le moyen tiré de ce que l’administration n’a pas justifié du réacheminement effectif du travailleur en situation irrégulière employé par la requérante, qui aurait fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière non assorti d’une mesure de placement en rétention administrative, est sans influence sur la légalité de la sanction litigieuse ;

Considérant, en troisième lieu, que l’article 4 du protocole n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales stipule : 1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a été déjà acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État. ;

Considérant que le principe de non-cumul des peines consacré tant par le droit d’origine interne que par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne fait pas obstacle à ce qu’un même agissement puisse donner lieu, dans le respect du principe de proportionnalité appréhendé en fonction des circonstances propres à chaque affaire, au prononcé, non seulement d’une peine principale mais également d’une ou plusieurs peines complémentaires répondant à la prise en compte du particularisme de certains comportements délictueux ; que le principe du non-cumul ne s’oppose pas davantage à ce que puissent être infligées, à raison des mêmes faits, des sanctions distinctes dès lors que celles-ci visent à assurer le respect de réglementations distinctes ou à protéger des intérêts spécifiques ;

Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier que la matérialité des faits reprochés à Mme A n’est pas contestée ; qu’il suit de là que la circonstance que l’intéressée a fait l’objet d’une sanction pénale le 6 juin 2008 est sans incidence sur la légalité de la sanction administrative litigieuse qui lui a été infligée ; que, d’autre part, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le principe selon lequel nul ne peut être condamné deux fois pour les mêmes faits ne reçoit pas application au cas de cumul entre sanctions pénales et sanctions administratives ; que, par suite, la possibilité de prononcer une sanction administrative pour des faits susceptibles d’être pénalement sanctionnés, notamment l’acquittement de la contribution forfaitaire mentionnée à l’article L. 626-1 précité du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, n’est pas contraire aux stipulations de l’article 4 précité du protocole n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l’incompatibilité de l’article L. 626-1 précité avec les stipulations de l’article 4 du protocole n° 7 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne peut davantage être accueilli ;

Considérant enfin, qu’il résulte des dispositions dudit article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement est applicable sans préjudice des poursuites judiciaires susceptibles d’être engagées à l’encontre de l’employeur d’un étranger en situation de séjour irrégulier ; que le moyen tiré de ce que l’autorité administrative et le tribunal administratif auraient dû attendre l’intervention de la décision du juge pénal avant de se prononcer doit, par suite, être écarté ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme A n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, sa demande présentée sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peut qu’être également rejetée ;

DE C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

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Abstrats : 335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.