Validité de l’arrêté ministériel fixant le montant

Cour Administrative d’Appel de Nancy

N° 10NC00425

Inédit au recueil Lebon

3ème chambre - formation à 3

M. VINCENT, président

Mme Anne DULMET-GEDEON, rapporteur

M. COLLIER, rapporteur public

WELZER, avocat(s)

lecture du jeudi 5 mai 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 22 mars 2010, présentée pour la SARL LE ROYAL DE CHINE, dont le siège est zone industrielle du Pré Drouet à Chavelot (88150), par Me Welzer ;

La SARL LE ROYAL DE CHINE demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0900683 du 29 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 12 février 2009 du préfet des Vosges mettant à sa charge une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers en situation de séjour irrégulier et du titre de perception émis le 13 février 2009 par le préfet des Vosges ;

2°) d’annuler ladite décision ;

3°) d’annuler le titre de perception émis le 13 février 2009 par le préfet des Vosges en application de la décision contestée ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision du 12 février 2009 :

"-" le préfet a méconnu les dispositions de l’article R. 626-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en n’adressant pas directement à la société le courrier prévu par ces dispositions ;

"-" la matérialité des faits reprochés à la société n’est pas établie ;

"-" la procédure pénale a été irrégulière ;

"-" la sanction prononcée par le préfet avant l’issue de la procédure pénale méconnaît les stipulations de l’article 6§2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatives à la présomption d’innocence ;

"-" le préfet a commis une erreur de droit en se fondant sur l’arrêté du 5 décembre 2006 pour déterminer la somme dont la société était redevable, dès lors que ledit arrêté n’était plus applicable après le 31 décembre 2007 eu égard aux dispositions de l’article R. 621-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; il a ainsi méconnu les stipulations de l’article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne le titre de perception :

"-" il doit être annulé par voie de conséquence de l’annulation de la décision du 12 février 2009 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2010, présenté par le préfet des Vosges, qui conclut au rejet de la requête au motif qu’aucun des moyens invoqués par le requérant n’est fondé ;

Vu l’ordonnance en date du 9 février 2011 fixant la clôture d’instruction au 28 février 2011 à 16 heures, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu l’arrêté du 5 décembre 2006 relatif au montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d’origine ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 17 mars 2011 :

"-" le rapport de Mme Dulmet, conseiller,

"-" et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

Considérant qu’aux termes de l’article de l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale au bénéfice de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations prévue à l’article L. 341-7 du code du travail, l’employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l’étranger dans son pays d’origine. /Le montant total des sanctions pécuniaires pour l’emploi d’un étranger en situation de séjour irrégulier ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les deux premiers alinéas de l’article L. 364-3 et par l’article L. 364-10 du code du travail ou, si l’employeur entre dans le champ d’application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre. / Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat. ;

En ce qui concerne la décision du 12 février 2009 :

Considérant, en premier lieu, qu’il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d’écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article

R. 626-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui ne comporte aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l’argumentation développée par la SARL LE ROYAL DE CHINE devant le Tribunal administratif de Nancy ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il n’appartient pas à la juridiction administrative de statuer sur la régularité des procédures pénales engagées à l’encontre de Mlle Qiu et de M. Qiu ;

Considérant, en troisième lieu, que si l’article 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales prévoit que Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie , cette stipulation n’a ni pour objet ni pour effet d’interdire qu’une mesure administrative soit prise à l’égard de personnes faisant l’objet de poursuites pénales ;

Considérant, en quatrième lieu, qu’il appartient à l’autorité administrative d’apprécier si les faits sont établis et s’ils justifient l’application de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement ; qu’il ressort notamment du procès verbal de gendarmerie en date du 25 juillet 2008 que cinq ressortissants chinois, vêtus de tenues de cuisiniers, ont été découverts dans les locaux du restaurant LE ROYAL DE CHINE alors qu’ils se dissimulaient dans des caches aménagées à cet effet et dans des containers à ordures, le local poubelles étant muni d’un dispositif de fermeture depuis l’intérieur ; qu’il est dès lors établi que ces personnes travaillaient effectivement pour le restaurant en question ; qu’il est par ailleurs constant que lesdits ressortissants séjournaient irrégulièrement sur le territoire français ; qu’ainsi le moyen tiré de ce que la matérialité des faits reprochés à la SARL LE ROYAL DE CHINE n’est pas établie doit être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, que, comme l’ont souligné à bon droit les premiers juges, les dispositions de l’article R. 621-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, aux termes desquelles (...) le montant de [la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l’étranger] est fixé chaque année par arrêté conjoint du ministre chargé de l’immigration et du ministre chargé du budget, en fonction du coût moyen des opérations d’éloignement constaté l’année précédente dans la zone géographique à laquelle appartient le pays d’origine du salarié(...). n’ont pas pour effet de limiter à un an la durée d’application de l’arrêté du 5 décembre 2006 relatif au montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d’origine ; qu’ainsi, et en l’absence de toute abrogation expresse ou implicite de cet arrêté, celui-ci était toujours en vigueur à la date de la décision attaquée ; que, par suite, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement dont le montant est fixé par l’arrêté du 5 décembre 2006 ne constitue pas une sanction définie en termes insuffisamment clairs et précis au sens de l’article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantissant le principe de la légalité des délits et des peines ;

En ce qui concerne le titre de perception :

Considérant qu’eu égard à ce qui vient d’être dit, la SARL LE ROYAL DE CHINE n’est pas fondée à exciper de l’illégalité de la décision du 12 février 2009 à l’encontre du titre de perception émis le 13 février 2009 par le préfet des Vosges ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SARL LE ROYAL DE CHINE n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 12 février 2009 par laquelle le préfet des Vosges a mis à sa charge une contribution forfaitaire au titre des frais de réacheminement de l’étranger dans son pays d’origine et du titre de perception émis le 13 février 2009 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL LE ROYAL DE CHINE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de SARL LE ROYAL DE CHINE est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à SARL LE ROYAL DE CHINE et au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

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N° 10NC00425

Abstrats : 26-055-01-06-01 Droits civils et individuels. Convention européenne des droits de l’homme. Droits garantis par la convention. Droit à un procès équitable (art. 6). Champ d’application.

335-06-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles.

59-02-02-03 Répression. Domaine de la répression administrative Régime de la sanction administrative. Légalité interne.