Vice de procédure lors du constat de l’infraction

Cour Administrative d’Appel de Bordeaux

N° 08BX02043

Inédit au recueil Lebon

6ème chambre (formation à 3)

M. ZAPATA, président

M. Jean-Emmanuel RICHARD, rapporteur

M. GOSSELIN, commissaire du gouvernement

RAINEIX, avocat(s)

lecture du mardi 23 juin 2009

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 4 août 2008, présentée pour M. Mario Catharinus Jan X, demeurant ..., par Me Raineix, avocat ;

M. X demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 19 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 3 avril 2007 par laquelle le directeur de l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) a mis à sa charge la contribution spéciale prévue par l’article L. 341-7 du code du travail, et contre le titre exécutoire émis le 3 avril 2007 pour le recouvrement d’une contribution de 15 580 €, et le titre exécutoire émis le 18 juin 2007 portant majoration de 10 % de la contribution ;

2°) d’annuler cette décision et ces titres exécutoires ;

3°) de condamner l’ANAEM à lui verser la somme de 1 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 26 mai 2009 :

"-" le rapport de M. Richard, premier conseiller ;

"-" les conclusions de M. Gosselin, rapporteur public ;

Considérant que M. X fait appel du jugement du 19 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 3 avril 2007 par laquelle le directeur de l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) a mis à sa charge la contribution spéciale prévue par l’article L. 341-7 du code du travail, et contre le titre exécutoire émis le 3 avril 2007 pour le recouvrement d’une contribution de 15 580 €, et le titre exécutoire émis le 18 juin 2007 portant majoration de 10 % de la contribution ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les gendarmes de l’EDSR de la Corrèze ont constaté, par procès-verbaux des 10 et 14 août 2006, que cinq ressortissants polonais, alors qu’ils n’étaient pas titulaires de l’autorisation prévue à l’article L. 341-6 du code du travail, travaillaient, pour le compte de M. X, à la réfection d’une maison d’habitation, située à Yssandon, lieudit la Valette ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 611-13 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : Les dispositions du présent chapitre ne dérogent pas aux règles de droit commun relatives à la constatation des infractions par les officiers et agents de police judiciaire. Dans le cadre des enquêtes préliminaires diligentées pour la recherche et la constatation des infractions prévues aux articles L. 324-9 et au premier alinéa de l’article L. 341-6 du code du travail, les officiers de police judiciaire assistés, le cas échéant, des agents de police judiciaire, peuvent, sur ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter ou d’un juge délégué par lui, rendue sur réquisitions du procureur de la République, procéder à des visites domiciliaires, perquisitions et saisies de pièces à conviction dans les lieux de travail mentionnés aux articles L. 231-1 du code du travail et 1144 du code rural, y compris dans ceux n’abritant pas de salariés, même lorsqu’il s’agit de locaux habités. Le juge doit vérifier que la demande d’autorisation qui lui est soumise est fondée sur des éléments de fait laissant présumer l’existence des infractions dont la preuve est recherchée ; que ces dispositions, relatives au déroulement des visites domiciliaires, perquisitions et saisies de pièces à conviction n’interdisaient pas par elles-mêmes aux gendarmes de dresser des procès-verbaux d’audition de cinq ressortissants polonais soupçonnés d’exercer illégalement une activité salariée en France, consistant en la rénovation d’une maison d’habitation, ainsi que du propriétaire de cette maison, soupçonné d’emploi illégal ; que ces procès-verbaux font foi jusqu’à preuve du contraire ; que si M. X, propriétaire, se plaint de ne pas avoir été assisté d’un interprète, son procès-verbal d’audition montre que l’intéressé comprenait le français et que l’entretien n’a pas été altéré par des difficultés de compréhension ;

Considérant que ces cinq étrangers étaient nourris et logés sur place et recevaient un salaire ; que le requérant ne saurait, dès lors, soutenir utilement qu’aucun lien de subordination n’existait entre lui et les cinq intéressés ; qu’ainsi, le tribunal administratif de Limoges a pu régulièrement se fonder sur les procès-verbaux précités dont il n’est pas prouvé qu’ils comporteraient des mentions erronées, pour estimer que les faits d’emploi irrégulier de travailleurs étrangers étaient établis ;

Considérant que si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d’un jugement ayant acquis force de chose jugée s’imposent à l’administration comme au juge administratif, il appartient, en dehors de ce cas, à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge administratif, d’apprécier si les faits reprochés sont suffisamment établis et, dans l’affirmative, s’ils justifient l’application d’une sanction administrative laquelle ne dépend pas de l’existence d’une infraction pénale ;

Considérant que, si M. X soutient qu’il s’est pourvu en cassation contre un arrêt de la cour d’appel de Limoges, au motif que la procédure de contrôle était irrégulière et que les faits reprochés n’ont pu être commis, il ressort des pièces du dossier que le directeur de l’ANAEM s’est fondé sur des faits qui ne sont pas en contradiction avec ceux déjà constatés par le juge répressif ; qu’il suit de là que le moyen tiré de ce que l’autorité administrative puis les premiers juges auraient méconnu l’autorité de la chose jugée au pénal et, ce faisant, auraient violé les dispositions des articles L. 341-6 et L. 341-7 du code du travail doit être écarté ;

Considérant que le moyen tiré de ce que la décision en date du 3 avril 2007 par laquelle le directeur de l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) a mis à la charge de M. X la contribution spéciale prévue par l’article L. 341-7 du code du travail serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation n’est pas assorti de précision permettant d’en apprécier le bien fondé ;

Considérant que l’effet suspensif qui s’attache à l’opposition formée par le débiteur à l’encontre d’un titre exécutoire, soit devant l’administration elle-même pour les créances de l’Etat, soit devant la juridiction compétente pour les créances des autres personnes publiques, ne vaut qu’à l’égard de la procédure de recouvrement forcé ; qu’elle est, en revanche, sans incidence sur l’exigibilité de la créance constatée par le titre ; que, par suite, une telle opposition ne fait pas obstacle à ce que soit mise à la charge du débiteur de la contribution spéciale prévue par l’article L. 341-7 du code du travail, dans le cas où celle-ci n’a pas été acquittée dans le délai prévu par les textes, la majoration forfaitaire prévue par l’article R. 341-35 du code du travail ;

Considérant, ainsi, que le moyen tiré de ce que l’opposition formée par M. X aurait interdit à l’ANAEM d’appliquer la majoration de 10 % prévue par l’article R. 341-35 du code du travail, ne peut être accueilli ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. X n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’ANAEM, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à M. X la somme qu’il demande au titre des frais de procès non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner M. X à verser à l’ANAEM la somme de 2 000 € sur le même fondement ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : M. X est condamné à verser à l’ANAEM la somme de 2 000 € en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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No 08BX02043