Preuve contraire possible oui

Le : 13/10/2010

Cour Administrative d’Appel de Nantes

N° 09NT00154

Inédit au recueil Lebon

3ème Chambre

Mme PERROT, président

G QUIL, rapporteur

M. GEFFRAY, commissaire du gouvernement

SHEGIN, avocat(s)

lecture du jeudi 3 juin 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2009, présentée pour l’AGENCE NATIONALE DE L’ACCUEIL DES ETRANGERS ET DES MIGRATIONS (ANAEM), aux droits de laquelle vient l’OFFICE FRANÇAIS DE L’IMMIGRATION ET DE L’INTEGRATION en application de l’article 5 du décret n° 2009-331 du 25 mars 2009, dont le siège est 44, rue Bargue à Paris Cedex 15 (75732), par Me Schegin, avocat au barreau de Paris ; l’ANAEM demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 07-346 du 18 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Caen a annulé, d’une part, sa décision du 6 octobre 2006 mettant à la charge de la SARL Kalinka la contribution spéciale de l’article L. 341-7 du code du travail à raison de l’emploi d’un travailleur étranger en situation irrégulière, et d’autre part, les titres exécutoires émis à l’encontre de cette société les 6 octobre 2006 et 25 janvier 2007, et a ordonné le remboursement par l’ANAEM des sommes versées en exécution de ces titres ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SARL Kalinka devant le Tribunal administratif de Caen ;

3°) de mettre à la charge de la SARL Kalinka la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 2009-331 du 25 mars 2009 ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 mai 2010 :

"-" le rapport de M. Quillévéré, président-assesseur ;

"-" et les conclusions de M. Geffray, rapporteur public ;

Considérant que la requête de l’AGENCE NATIONALE DE L’ACCUEIL DES ETRANGERS ET DES MIGRATIONS aux droits de laquelle vient l’OFFICE FRANÇAIS DE L’IMMIGRATION ET DE L’INTEGRATION est dirigée contre un jugement du 18 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Caen, à la demande de la SARL Kalinka, a annulé la décision du 6 octobre 2006 du directeur de cette agence, ainsi que les titres exécutoires émis les 6 octobre 2006 et 23 janvier 2007 mettant à la charge de cette société la somme de 3 366 euros ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 341-6 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige : Nul ne peut directement ou par personne interposée, engager, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni d’un titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ; qu’aux termes de l’article L. 341-7 du même code : Sans préjudice de poursuites judiciaires qui pourront être intentées à son encontre, l’employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l’article L. 341-6, premier alinéa, sera tenu d’acquitter une contribution spéciale au bénéfice de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations. Le montant de cette contribution ne saurait être inférieur à 500 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l’article L. 141-8 et, en cas de réitération, à 5 000 fois ce même taux. Un décret en Conseil d’Etat fixera les modalités d’application du présent article ; qu’aux termes de l’article R. 341-34 : Au vu des documents qui lui sont transmis en application de l’article R. 341-39, le directeur de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations décide, comme il est dit à l’article R. 341-28, de l’application de la contribution spéciale à l’employeur qui a occupé le salarié étranger en violation du premier alinéa de l’article L. 341-6. (...) ;

Considérant qu’il résulte du procès-verbal du 28 juillet 2004 établi par les contrôleurs du travail du département du Calvados, que, le 6 juillet 2004, Mlle X, ressortissante russe démunie de titre de séjour et de travail, se trouvait dans les locaux du restaurant Kalinka, où elle travaillait dans la cuisine située au fond de la salle du restaurant ; que, toutefois, le gérant de la SARL Kalinka, M. Y, soutient, sans être utilement contredit, que ce jour-là le restaurant était fermé et que d’ailleurs ses deux employés ne se trouvaient pas dans les locaux du restaurant ; qu’il fait également valoir que Mlle X, arrivée en France le 9 juin 2004, ne s’adaptait pas à sa nouvelle vie en France et qu’elle avait, dès le 22 juin 2004, décidé de rentrer en Russie où séjournait encore son jeune enfant ; qu’il est établi que le 22 juin 2004, suite à la convocation de Mlle X à la visite médicale à laquelle elle devait se soumettre en vue de son engagement par M. Y, ce dernier a informé l’Office des migrations internationales de l’intention de l’intéressée de rentrer à brefs délais en Russie ; que M. Y a d’ailleurs embauché dès le 25 juin 2004 une autre salariée, après avoir obtenu, pour celle-ci, une autorisation provisoire de travail ; que Mlle X a quant à elle justifié sa présence dans les locaux du restaurant Kalinka le 6 juillet 2004 par le fait qu’étant hébergée par M. Y dans l’attente de son prochain départ pour la Russie à la date du 23 juillet 2004, elle y prenait ses repas en dehors des heures d’ouverture du restaurant avec celui-ci et son fils ; que, dans les circonstances de l’espèce, la SARL Kalinka doit être regardée comme apportant des éléments matériels suffisants pour contredire les constatations énoncées dans le procès-verbal établi le 28 juillet 2004 par les contrôleurs du travail du département du Calvados ; que l’ANAEM n’a pu, dès lors légalement se fonder sur les dispositions précitées du code du travail pour prendre la décision contestée du 6 octobre 2006 et émettre les deux titres exécutoires des 6 octobre 2006 et 23 janvier 2007 ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’OFFICE FRANÇAIS DE L’IMMIGRATION ET DE L’INTEGRATION, venant aux droits de l’ANAEM n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a annulé les trois décisions précitées ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SARL Kalinka, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à l’OFFICE FRANÇAIS DE L’IMMIGRATION ET DE L’INTEGRATION de la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’OFFICE FRANÇAIS DE L’IMMIGRATION ET DE L’INTEGRATION le versement à la SARL Kalinka de la somme de 1 000 euros au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l’ANAEM, désormais OFFICE FRANÇAIS DE L’IMMIGRATION ET DE L’INTEGRATION, est rejetée.

Article 2 : L’OFFICE FRANÇAIS DE L’IMMIGRATION ET DE L’INTEGRATION versera à la SARL Kalinka la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l’OFFICE FRANÇAIS DE L’IMMIGRATION ET DE L’INTEGRATION et à la SARL Kalinka.

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