Contribution spéciale oui

Cour Administrative d’Appel de Nantes

N° 12NT00673

Inédit au recueil Lebon

1ère Chambre

M. PIOT, président

M. Franck ETIENVRE, rapporteur

Mme WUNDERLICH, rapporteur public

QUESNEL, avocat(s)

lecture du jeudi 10 janvier 2013

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2012, présentée pour M. A... D..., demeurant au..., par Me Quesnel, avocat au barreau de Rennes ; M. D... demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0901327 du 30 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l’annulation du titre exécutoire émis le 26 septembre 2008 par le directeur général de l’agence régionale de l’accueil des étrangers et des migrations en vue du recouvrement de la somme de 1 605 euros au titre de la contribution spéciale prévue par l’article L. 8253-1 du code du travail ;

2°) d’annuler ce titre exécutoire ;

3°) de mettre à la charge de l’Office français de l’immigration et de l’intégration le versement d’une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

"-" le juge pénal a reconnu que l’infraction qui lui est reprochée n’était pas constituée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2012, présenté pour l’Office français de l’immigration et de l’intégration par Me Shegin, avocat au barreau de Paris ; il conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. D... le versement d’une somme de 2 800 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

"-" la demande était tardive ; les faits reprochés sont incontestables ; le requérant n’en apporte pas la preuve contraire ; l’autorité absolue de la chose jugée n’est pas attachée aux ordonnances d’homologation ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 15 décembre 2012, présenté pour M. D... ; il conclut par les mêmes moyens aux mêmes fins que la requête ;

Il soutient, en outre, que :

"-" sa demande n’était pas tardive ;

"-" il n’a jamais embauché M. B... pour effectuer des travaux d’électricité dans sa maison ; il ne le connait d’ailleurs pas ; sa seule présence sur le chantier ne suffit pas à caractériser une situation d’embauche ou d’emploi ;

Vu le mémoire de production de pièces, enregistré le 18 décembre 2012, présenté pour M. D... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 20 décembre 2012 :

"-" le rapport de M. Etienvre, premier conseiller,

"-" les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,

"-" et les observations de Me Fouquaut, avocat, substituant Me Quesnel représentant M. D... ;

1. Considérant qu’un titre exécutoire a été émis le 26 septembre 2008 par le directeur général de l’agence régionale de l’accueil des étrangers et des migrations en vue du paiement par M. D... d’une somme de 1 605 euros ; que cette somme est réclamée à M. D... sur le fondement de l’article L. 8253-1 du code du travail pour avoir employé, en février 2008, M. E... B..., ressortissant roumain non muni d’un titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France ; que M. D... fait appel du jugement du 30 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de ce titre exécutoire ;

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 8253-1 du code du travail dans sa rédaction applicable : “Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l’employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l’article L. 8251-1 acquitte une contribution spéciale au bénéfice de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations ou de l’établissement public appelé à lui succéder. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat et est au moins égal à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l’article L. 3231-12 et, en cas de réitération, à 5 000 fois ce même taux” ; qu’aux termes de l’article L. 8251-1 du même code : “Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France. Il est également interdit à toute personne d’engager ou de conserver à son service un étranger dans une catégorie professionnelle, une profession ou une zone géographique autres que celles qui sont mentionnées, le cas échéant, sur le titre prévu au premier alinéa” ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article 495-7 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable : “Pour les délits punis à titre principal d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans, le procureur de la République peut, d’office ou à la demande de l’intéressé ou de son avocat, recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité conformément aux dispositions de la présente section à l’égard de toute personne convoquée à cette fin ou déférée devant lui en application des dispositions de l’article 393, lorsque cette personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés” ; qu’aux termes de l’article 495-8 du même code : “Le procureur de la République peut proposer à la personne d’exécuter une ou plusieurs des peines principales ou complémentaires encourues ; (...) Les déclarations par lesquelles la personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés sont recueillies, et la proposition de peine est faite par le procureur de la République, en présence de l’avocat de l’intéressé choisi par lui ou, à sa demande, désigné par le bâtonnier de l’ordre des avocats, l’intéressé étant informé que les frais seront à sa charge sauf s’il remplit les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle (...)” ; qu’aux termes de l’article 495-9 du même code : “Lorsque, en présence de son avocat, la personne accepte la ou les peines proposées, elle est aussitôt présentée devant le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui, saisi par le procureur de la République d’une requête en homologation (...) Le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui entend la personne et son avocat. Après avoir vérifié la réalité des faits et leur qualification juridique, il peut décider d’homologuer les peines proposées par le procureur de la République (...)” ;

4. Considérant que M. D... conteste avoir employé en février 2008, au sens des dispositions de l’article L. 8251-1 du code du travail, M. C... B..., étranger non muni d’un titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France ;

5. Considérant qu’il résulte, toutefois, en premier lieu, de l’instruction que, dans le cadre d’une enquête de police, trois officiers ont constaté, le 28 février 2008, la présence de M. B... dans la maison d’habitation en rénovation de M. D..., située à Saint-Grégoire (Ille-et-Vilaine) et que celui-ci s’afférait à des travaux d’électricité dans ladite maison ; qu’au cours de son interrogatoire sur place et de son audition, M. B... a déclaré travailler à la rénovation de cette maison depuis deux jours ; que le procès-verbal d’audition de M. D... établi le 29 février 2008, révèle que celui-ci savait que M. B... travaillait dans sa maison depuis environ une semaine et qu’il a reconnu ne pas avoir déclaré celui-ci ;

6. Considérant, en second lieu, que M. D... se prévaut des termes de l’ordonnance du 20 novembre 2008, rectifiée le 5 mars 2009, par laquelle le vice-président du tribunal de grande instance de Rennes a, dans le cadre de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, relevé qu’en raison de l’abandon des poursuites par le procureur de la République, il n’était pas reproché à M. D... d’avoir employé M. B... ; que le juge pénal ne s’est toutefois pas, pour autant, prononcé sur la réalité de l’emploi par M. D... de M. B... à des travaux effectués pour son compte ; qu’ainsi, M. D... n’est pas fondé à se prévaloir de l’autorité de la chose jugée par le tribunal de grande instance de Rennes et soutenir, en conséquence, que, n’ayant pas employé M. B..., alors que le compte-rendu d’enquête et les procès-verbaux d’audition susmentionnés révèlent le contraire, c’est à tort que la somme de 1 605 euros lui est réclamée au titre de la contribution spéciale prévue à l’article L. 8253-1 du code du travail ;

7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède et, sans qu’il soit besoin d’examiner la recevabilité de la demande de première instance, que M. D... n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Office de l’immigration et de l’intégration, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. D... le versement d’une somme de 1 000 euros au titre des mêmes frais exposés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration ;

DECIDE :

Article 1er : La requête susvisée de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D... versera à l’Office français de l’immigration et de l’intégration une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à l’Office de l’immigration et de l’intégration.

Délibéré après l’audience du 20 décembre 2012, à laquelle siégeaient :

"-" M. Piot, président de chambre,

"-" M. Francfort, président-assesseur,

"-" M. Etienvre, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 janvier 2013.

Le rapporteur,

F. ETIENVRELe président,

J-M. PIOT

Le greffier,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 12NT00673 2

Abstrats : 335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l’emploi irrégulier d’un travailleur étranger.

54-06-06-02-02 Procédure. Jugements. Chose jugée. Chose jugée par la juridiction judiciaire. Chose jugée par le juge pénal.