Fin de la période transitoire - loi plus douce oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 3 novembre 2015

N° de pourvoi : 14-84459

ECLI:FR:CCASS:2015:CR04570

Non publié au bulletin

Cassation sans renvoi

M. Guérin (président), président

Me Le Prado, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" M. André X...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 7 mai 2014, qui, pour emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail, l’a condamné à deux mois d’emprisonnement avec sursis ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 22 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Finidori, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller FINIDORI, les observations de Me LE PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général référendaire CABY ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation du principe de la rétroactivité in mitius, des articles 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, 6 et 7 de la Convention des droits de l’homme, 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 49 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, 21 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de l’acte d’adhésion de la Roumanie et de le Bulgarie à l’Union européenne du 25 avril 2005, l’article 20 du Protocole relatif aux conditions et modalités d’admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne, du paragraphe 5 du chapitre « libre circulation des personnes », de l’annexe VII du Traité relatif à l’adhésion de la Roumanie, de l’article 20 du Protocole relatif aux conditions et modalités d’admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne, de la notification de la décision des autorités françaises de prolonger, jusqu’en décembre 2013, l’application de leurs mesures nationales pour l’accès au marché du travail des ressortissants roumains et bulgares, 112-1 du code pénal, L. 8251-1, L. 8256-2, L. 8256-3, L. 8256-4, L. 8256-6, L. 5221-1, R. 5221-1, R. 5221-3 du code du travail, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X...coupable des faits d’emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail salarié ;
” aux motifs propres qu’il résulte des éléments du dossier et des débats que le 5 septembre 2011, M. Costel Z..., ressortissant roumain, entendu par les services de police dans le cadre d’une procédure distincte, déclarait avoir travaillé en France, sans avoir de titre de séjour valant autorisation de travail, successivement pour la société Marc Pierrot, la société TBN SARL, puis la société Lestbatiment dirigée par M. X... ; qu’il exposait avoir été embauché par M. X...selon contrat à durée déterminée de deux mois du 24 novembre 2010, puis définitivement à l’issue du contrat et avoir été licencié le 12 août 2011, mentionnant avoir lors de son entretien d’embauche, présenté à M. X..., sa carte d’identité et son permis de conduire roumain, sa carte vitale et son contrat de bail, mais qu’à aucun moment il ne lui avait été demandé un titre de séjour valant autorisation de travail ; que M. X..., gérant de la société Lestbatiment, reconnaît avoir embauché M. Costel Z..., sans lui demander son titre de séjour, déclarant cependant que M. Z... lui avait dit qu’il vivait en France depuis plusieurs années et avoir déjà travaillé au service de deux employeurs ; qu’il soutient qu’il pensait être en règle, son expert-comptable ne l’ayant pas informé d’une irrégularité ; qu’or, il est constant qu’à la date du 24 novembre 2010, date d’embauche de M. Z..., ressortissant roumain, celui-ci n’avait pas d’autorisation lui permettant d’exercer une activité professionnelle salariée sur le territoire national et il appartenait alors à M. X..., gérant de la société Lestbatiment de l’exiger avant l’embauche et les faits visés à la prévention sont donc parfaitement caractérisés et le fait que depuis le 1er janvier 2014, soit plus de trois ans après les ressortissants roumains bénéficient de la même liberté de circulation que leurs homologues européens au regard de la réglementation sociale (excepté les Croates), et que depuis lors aucune autorisation de travail ne soit requise pour les ressortissants roumains désireux d’exercer une activité professionnelles s’avère sans emport dès lors que le délit a été commis du 24 novembre 2010 au 12 août 2011 ; que c’est en conséquence par une bonne application du droit que le 1er juge a déclaré M. X...coupable des faits visés à la prévention, tombant sous le coup d’une incrimination pénale et la confirmation du jugement entrepris sur la culpabilité s’impose ;
” et aux motifs adoptés que le 5 septembre 2011, M. Z..., ressortissant roumain, entendu par les services de police dans le cadre d’une procédure distincte, déclarait avoir travaillé en France sans avoir de titre de séjour valant autorisation de travail, successivement pour la société Marc Pierrot, la société TBN SARL, puis la société Lestbatiment dirigée par M. X... ; qu’il avait été embauché par M. X...par contrat à durée déterminée de deux mois du 24 novembre 2010, puis définitivement à l’issue du contrat ; qu’il avait été licencié le 12 août 2011 ; que lors de son entretien d’embauche, il avait présenté à M. X..., sa carte d’identité et son permis de conduire roumain, sa carte vitale et son contrat de bail, à aucun moment il ne lui avait été demandé un titre de séjour valant autorisation de travail ; que M. X..., gérant de la société Lestbatiment, dont l’objet est le gros-oeuvre et travaux publics, déclarait qu’il avait embauché M. Z... le 24 novembre 2010 sans demander de titre de séjour, M. Z... ayant travaillé pour plusieurs autres entreprises ; qu’il s’était renseigné auprès de l’inspection du travail qui lui avait confirmé l’obligation du titre de séjour valant autorisation de travail, il avait demandé à M. Z... à maintes reprises de lui présenter ce titre, ce qu’il n’avait pas fait ; qu’il n’avait pas vérifié la situation de M. Z... auprès de la préfecture ; qu’il indiquait que sa société avait été l’objet d’un contrôle de l’inspection du travail qui n’avait pas relevé d’anomalies concernant M. Z..., de sorte qu’il pensait être en règle ; que lors de l’audience, M. X...concluait à sa relaxe, arguant de ce que son expert-comptable avait procédé aux déclarations de M. Z... sans l’informer de l’irrégularité de sa situation ; qu’il ressort des pièces de la procédure et notamment de l’audition de M. X..., que celui-ci n’ignorait pas qu’il ne pouvait employer un ressortissant roumain dépourvu de titre de séjour l’autorisant à travailler en France, qu’il a néanmoins employé M. Z... de novembre 2010 à août 2011, de sorte que l’infraction est parfaitement constituée et justifie sa condamnation à la peine de deux mois d’emprisonnement assortie du sursis ;
” alors que les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ; qu’il résulte de l’acte d’adhésion de la Roumanie et de le Bulgarie à l’Union européenne du 25 avril 2005, du paragraphe 5 du chapitre « libre circulation des personnes », de l’annexe VII du Traité relatif à l’adhésion de la Roumanie, de l’article 20 du Protocole relatif aux conditions et modalités d’admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne et de la notification de la décision des autorités françaises de prolonger, jusqu’en décembre 2013, l’application de leurs mesures nationales pour l’accès au marché du travail des ressortissants roumains et bulgares, que les ressortissants sont, depuis le 1er janvier 2014, assimilés aux ressortissants français ; que, dès lors, l’article L. 8256-2 du code du travail, support légal des incriminations relatives à l’emploi irrégulier d’étrangers en France, ne pouvait plus être appliqué à compter de la date précitée, aux employeurs de sociétés ayant leur siège en France, employant des travailleurs roumains, y compris pour des faits commis avant cette date ; que pour déclarer M. X...coupable du chef d’emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail salarié, la cour d’appel a énoncé que « le fait que depuis le 1er janvier 2014, soit plus de trois ans après les ressortissants roumains bénéficient de la même liberté de circulation que leurs homologues européens au regard de la réglementation sociale (excepté les Croates), et que depuis lors aucune autorisation de travail ne soit requise pour les ressortissants roumains désireux d’exercer une activité professionnelles s’avère sans emport dès lors que le délit a été commis du 24 novembre 2010 au 12 août 2011 » ; qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés “ ;
Vu l’article 112-1 du code pénal ;
Attendu qu’il résulte de ce texte que, sauf dispositions expresses contraires, une loi nouvelle s’applique aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elle est moins sévère que la loi ancienne ;
Attendu que, pour déclarer M. X...coupable d’emploi d’un ressortissant roumain non muni d’une autorisation de travail, l’arrêt retient que le fait que ce ressortissant bénéficie depuis le 1er janvier 2014 de la même liberté de circulation que ses homologues européens au regard de la réglementation sociale et qu’aucune autorisation de travail ne soit plus requise pour exercer une activité professionnelle est sans portée dès lors que l’infraction a été commise courant 2010 et 2011 ;
Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que la Roumanie étant devenue membre de l’Union européenne le 1er janvier 2007, la totalité des restrictions à l’accès au marché du travail a été levée pour les ressortissants de cet Etat à compter du 1er janvier 2014, de sorte que l’infraction poursuivie avait perdu son caractère punissable, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D’où il suit que la cassation est encourue ; que, n’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Colmar, en date du 7 mai 2014 ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois novembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Décision attaquée : Cour d’appel de Colmar , du 7 mai 2014