Choix de la loi applicable

Le : 12/02/2016

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 13 janvier 2016

N° de pourvoi : 14-18566

ECLI:FR:CCASS:2016:SO00023

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 13 août 2001 par la société London International Financial Futures and Options Exchanges (société Liffe), de droit anglais, par contrat de travail rédigé en langue anglaise et affecté à l’activité des produits dérivés ; que la société Liffe est devenue en 2002 une filiale du groupe Euronext ; que, par lettre du 10 juin 2009, la société Liffe a notifié au salarié son licenciement pour motif économique ; que, contestant son licenciement et faisant valoir que la société Euronext Paris, de droit français, devait être considérée comme son co-employeur et qu’il aurait dû bénéficier des dispositions du plan de sauvegarde de l’emploi établi par cette dernière, le salarié a saisi le 30 juillet 2009 le conseil de prud’hommes de Paris ;

Sur les deuxième et troisième moyens, réunis :

Attendu que, par les moyens ci-après annexés, le salarié fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à voir reconnaître la qualité de co-employeur de la société Euronext Paris et, par voie de conséquence, de rejeter ses demandes au titre de la participation, des forfaits-jours et des dispositions prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi de la société Euronext Paris ;

Mais attendu que le contrat de travail du salarié avec la société Liffe, son employeur, ayant choisi expressément de soumettre les relations de travail à la loi du Royaume-Uni, seul le droit de cet Etat est applicable à la demande du salarié au titre de la qualité éventuelle de co-employeur de la société Euronext Paris ; qu’il s’ensuit que les moyens fondés sur le droit français sont inopérants ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande au titre de la part variable de sa rémunération alors, selon le moyen, que le contrat de travail liant M. X... et la société Liffe prévoyait expressément en son article 5 le paiement d’une part variable de rémunération et M. X... avait soutenu et démontré que, depuis 2002, il avait toujours bénéficié du paiement d’une part variable de rémunération ; que la cour d’appel a rejeté la demande en retenant que le paiement était discrétionnaire ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu que la cour d’appel ayant constaté que le contrat de travail liant la société Liffe au salarié faisait expressément le choix de la loi du Royaume-Uni en tant que loi applicable, le moyen, qui repose sur la seule application du droit français, est inopérant ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l’article 6 §1 et § 2 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 relative aux obligations contractuelles ;

Attendu que, pour dire le droit du Royaume-Uni exclusivement applicable aux demandes résultant de l’exécution et de la rupture du contrat de travail liant le salarié avec la société Liffe, l’arrêt retient que le contrat signé le 15 août 2001, rédigé en langue anglaise, mentionne expressément que le lieu d’exécution de la prestation de travail se situe à Londres bien que le salarié puisse être amené à travailler dans d’autres lieux en Europe et que le salarié ne conteste pas maîtriser parfaitement la langue anglaise dans laquelle s’effectue la prestation de travail ;

Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher dans quel Etat le salarié accomplissait habituellement son travail et, dans l’hypothèse où le salarié accomplissait habituellement son travail en France, si les dispositions impératives du droit français en la matière n’étaient pas plus favorables que celles du droit du Royaume-Uni choisi par les parties dans le contrat de travail, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit le droit anglais seul applicable à l’exécution et à la rupture du contrat de travail liant M. X... à la société Liffe et rejette les demandes formées à l’encontre de celle-ci, l’arrêt rendu le 3 avril 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne les sociétés Euronext Paris et Liffe administration and management aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’AVOIR rejeté les demandes de Monsieur X... tendant à voir juger que la relation contractuelle de travail était soumise à la loi française et obtenir la condamnation des sociétés EURONEXT PARIS SA et LIFFE ADMINISTRATION et MANAGEMENT au paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QU’il résulte des articles 3 et 6 de la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles (dite « Convention de Rome ») du 19 juin 1980 - remplacé par le règlement n° 593/2008 - applicable au moment du licenciement, que par principe, la loi applicable est celle choisie par les parties ; le contrat signé le 15 août 2001, rédigé en langue anglaise, mentionne expressément que le contrat est régi et s’interprète par le droit anglais ; que le lieu d’exécution de la prestation de travail se situe à Londres bien que le salarié puisse être amené à travailler dans d’autres lieux en Europe ; Monsieur Gregory X... ne conteste pas maîtriser parfaitement la langue anglaise dans laquelle s’effectue la prestation de travail ; il ressort également d’un email de Monsieur Gregory X... en date du 13.09.2005 adressé à son employeur que le choix du droit anglais applicable au contrat de travail a été confirmé par le salarié lui même, qui en 2005 - assisté d’un avocat (Me Caroline Carter du Cabinet Ashurst) a refusé de se voir proposer un contrat de travail français ; ainsi Monsieur Gregory X... est mal fondé à invoquer outre le bénéfice du droit français, le défaut d’emploi de la langue française dans la rédaction du contrat en date du 15.08.2001 ; ainsi, Monsieur Gregory X... ne rapporte pas la preuve que le contrat de travail litigieux présentait des liens plus étroit avec le droit Français qu’avec le droit Anglais choisi par les parties ; considérant, par ailleurs, que Monsieur Gregory X... n’était pas privé du droit d’accès au juge anglais et que, dès lors, il ne se trouvait pas privé de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi Française, à défaut du choix express fait de la loi Anglaise ; considérant qu’il n’est pas contesté par le salarié, licencié conformément aux dispositions du droit anglais, qu’il a bénéficié : - de deux entretiens préalablement à la notification de son licenciement, - d’une recherche d’emploi par son employeur sur un poste de reclassement, - de la notification par écrit et de façon motivée de son licenciement, - d’un préavis et d’une indemnité de rupture ; il ressort donc des éléments versés aux débats que la procédure de licenciement en droit anglais a été respectée et qu’aucun élément n’établit l’existence de circonstances vexatoires dans la conduite de la procédure de licenciement menée selon les modalités habituelles dans le pays en question ; dans ces conditions, les dispositions de l’article 6.1 de la Convention de Rome n’ont pas pour effet d’écarter l’application de la loi anglaise à la rupture du contrat de travail de Monsieur Gregory X... qu’il s’agisse de la procédure suivie ou des indemnités perçues ; par ailleurs, le fait que l’activité de Monsieur Gregory X... se soit partiellement exercée dans les locaux parisiens de SA EURONEXT PARIS n’est pas de nature à remettre en cause le choix de la loi applicable ni à conférer à cette société le statut de co-employeur, Monsieur Gregory X... ne démontrant l’existence d’aucun lien de subordination avec la SA EURONEXT PARIS ; en effet, il ressort des éléments versés aux débats que Monsieur Gregory X... exerçait les fonctions de directeur commercial Europe des produits dérivés ; que le marché sur lequel il était amené à traiter des produits dérivés était la bourse de Londres ; il se trouvait rattaché hiérarchiquement à un manager exclusivement situé à Londres ; en conséquence, l’appelant ne pouvait bénéficier du PSE mis en oeuvre par la SA EURONEXT PARIS dont il n’était pas le salarié ;

Et AUX MOTIFS adoptés QUE l’article L. 1235-1 du code du travail dispose que : « En cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ¿ Si une doute subsiste, il profite au salarié » ; les articles 6 et 9 du code de procédure civile disposent respectivement que : « À l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder » ; « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » ; A / Sur la relation contractuelle de M. X... : - l’article 3 de la convention de Rome du 19 juin 1980 dispose que : « Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat. Elles peuvent, à tout moment, décider de faire régir le contrat par une autre loi » ; - le règlement européen (CE) n° 593/2008 relatif à la loi applicable aux obligations contractuelles stipule également, en son article 3, que : « le contrat est régi par la loi choisie par les parties » ; - le préambule du règlement CE n” 593/2003 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome 1) et, particulièrement, le 6e considérant, précise que : « le bon fonctionnement du marché intérieur exige, afin de favoriser la prévisibilité de l’issue des litiges, la sécurité quant au droit applicable » ; le Conseil dit que l’article 16 du contrat de travail de M. X... stipule que le contrat est régi par le droit anglais comme en attestent également ses bulletins de paie émis par la société LIFFE Administration and Management ; le Conseil juge donc que c’est conformément à l’article 10 de la convention de Rome aux termes duquel la loi choisie par les parties régit, notamment, “ les divers modes d’extinction des obligations “, et dans le respect de l’article 2 de la circulaire DGT 2008/17 du 5 octobre 2008, que le contrat de travail de M. X... a été rompu le 10 juin 2009 au regard des règles de droit anglais ; en conséquence, le Conseil juge que l’employeur de M. X... est la société LIFFE Administration and Management et qu’il n’existe pas de relation contractuelle entre M. X... et la société EURONEXT Paris SA ;

ALORS QUE conformément à l’article 6 de la Convention de Rome, dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection qui lui assurent les dispositions impératives de la loi du lieu d’accomplissement habituel du travail ; que la cour d’appel, se référant au contrat de travail du 15 août 2001, a retenu que « le lieu d’exécution de la prestation de travail se situe à Londres bien que le salarié puisse être amené à travailler dans d’autres lieux en Europe » ; qu’en statuant comme elle l’a fait alors que le contrat de travail du 15 août 2001 mentionne que le salarié est domicilié à Paris et, en son article 4, qu’il exercera son « travail dans les bureaux de Liffe à Paris, situés au 12 A, troisième étage, centre Edouard VII, 75009 Paris et à Londres, Cannon Bridge House, 1 Cousin Lane, Londres EC4R 3XX » en ajoutant : « Vous pouvez être amené à travailler en d’autres lieux, en fonction des endroits où Liffe exerce des activités », la cour d’appel a dénaturé le contrat de travail du 15 août 2001, en violation de l’article 1134 du code civil ;

ALORS surtout QUE conformément à l’article 6 de la Convention de Rome, dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection qui lui assurent les dispositions impératives de la loi du lieu d’accomplissement habituel du travail ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans caractériser quel était, de son embauche en 2001 jusqu’à la rupture de son contrat de travail en 2009, le lieu d’accomplissement habituel effectif du contrat de travail de Monsieur X..., de nationalité française, qui justifiait, durant cette période, avoir résidé de façon continue à Paris (et en région parisienne), avoir été rattaché socialement et fiscalement à la France, avoir été recruté en France, avoir effectué habituellement ses prestations de travail en France en supervisant une équipe de salariés de la société EURONEXT PARIS qui travaillaient eux-mêmes en France, en percevant une rémunération en euros et en recevant des fiches de paie mentionnant, pour l’employeur comme pour le salarié, une adresse à Paris (ou en région parisienne), et faisant référence à des dispositions du code du travail français, tandis que, le juge des référés avait expressément relevé qu’il n’était pas contesté que Monsieur X... exécutait son contrat de travail en France depuis 2001, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard de l’article 6.1 et 6.2 a) de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ;

ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; que la cour d’appel a affirmé : « il ressort également d’un email de Monsieur Gregory X... en date du 13.09.2005 adressé à son employeur que le choix du droit anglais applicable au contrat de travail a été confirmé par le salarié lui même, qui en 2005 - assisté d’un avocat (Me Caroline Carter du Cabinet Ashurst) a refusé de se voir proposer un contrat de travail français » ; qu’en statuant ainsi alors que, dans ce mail, Monsieur X... n’avait pas refusé de se voir proposer un contrat de travail français, la cour d’appel a dénaturé ce mail du 13 septembre 2005, en violation de l’article 1134 du code civil ;

ALORS au demeurant QUE lorsqu’il s’agit de rechercher, par application de l’article 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 relative aux obligations contractuelles, la loi qui aurait été applicable à défaut de choix exercé en application de l’article 3, c’est à celui qui prétend écarter la loi du lieu d’accomplissement habituel du travail de rapporter la preuve que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays ; que la cour d’appel a retenu que « Monsieur Gregory X... ne rapporte pas la preuve que le contrat de travail litigieux présentait des liens plus étroit avec le droit Français qu’avec le droit Anglais choisi par les parties¿ » ; qu’en statuant comme elle l’a fait alors que le lieu d’accomplissement habituel du travail étant en France, il en résultait que la loi française était applicable et qu’il appartenait à l’employeur, qui prétendait écarter la loi française, de rapporter la preuve que le contrat présentait des liens plus étroits avec un autre pays, la cour d’appel a violé l’article 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 et l’article 1315 du code civil ;

ALORS subsidiairement QUE la détermination du pays avec lequel le contrat présente des liens plus étroits résultant d’un faisceau d’indices, le juge est tenu d’examiner et d’apprécier dans leur ensemble l’intégralité des éléments et documents dont le travailleur se prévaut ; que la cour d’appel a retenu que « Monsieur Gregory X... ne rapporte pas la preuve que le contrat de travail litigieux présentait des liens plus étroit avec le droit Français qu’avec le droit Anglais choisi par les parties » ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans examiner l’intégralité des éléments et documents dont Monsieur X..., de nationalité française, se prévalait pour justifier que, durant la période en cause, il avait résidé de façon continue à Paris (et en région parisienne), avait été rattaché socialement et fiscalement à la France, avait été recruté en France, avait effectué habituellement ses prestations de travail en France en supervisant une équipe de salariés de la société EURONEXT PARIS qui travaillaient eux-mêmes en France, en percevant une rémunération en euros et en recevant des fiches de paie mentionnant, pour l’employeur comme pour le salarié, une adresse à Paris (ou en région parisienne) et faisant référence à des dispositions du code du travail français, tandis que, le juge des référés avait expressément relevé qu’il n’était pas contesté que Monsieur X... exécutait son contrat de travail en France depuis 2001, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ;

ALORS enfin QU’il résulte des articles 3-3 et 6-1 de la convention de Rome du 19 juin 1980 que le choix par les parties de la loi applicable au contrat de travail ne peut avoir pour effet de priver le salarié de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable à défaut de choix ; ces dispositions impératives sont celles auxquelles cette loi ne permet pas de déroger par contrat et la détermination du caractère plus favorable d’une loi doit résulter d’une appréciation globale des dispositions de cette loi ayant le même objet ou se rapportant à la même cause ; alors que le salarié démontrait qu’il avait été privé de nombreuses dispositions impératives de la loi française plus favorables que la loi anglaise, la cour d’appel a retenu que Monsieur Gregory X... n’était pas privé du droit d’accès au juge anglais et que la procédure de licenciement en droit anglais avait été respectée ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans rechercher si les dispositions impératives de la loi française dont le salarié se prévalait étaient plus favorables que la loi anglaise, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’AVOIR rejeté les demandes de Monsieur X... tendant à voir juger qu’il a été lié à la société EURONEXT PARIS SA par une relation contractuelle de travail, dire que les sociétés EURONEXT PARIS SA et LIFFE ADMINISTRATION et MANAGEMENT étaient co-employeurs, que la relation contractuelle de travail était soumise à la loi française et obtenir la condamnation desdites sociétés au paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail ;

AUX MOTIFS énoncés au premier moyen

ALORS QUE l’existence d’une relation salariée résultant d’un faisceau d’indices, le juge est tenu d’examiner et d’apprécier dans leur ensemble l’intégralité des éléments et documents dont le travailleur se prévaut ; que la cour d’appel a retenu que Monsieur X... ne démontrait l’existence d’aucun lien de subordination avec la SA EURONEXT PARIS ; qu’en statuant comme elle l’a fait sans procéder à l’examen ni a fortiori apprécier dans leur ensemble l’intégralité des éléments et documents dont Monsieur Gregory X... se prévalait pour démontrer qu’il avait exécuté sa prestation de travail pour le compte de la société EURONEXT PARIS dans ses locaux parisiens en étant totalement intégré dans sa structure, qu’il était soumis au contrôle de celle-ci, recevait des directives de la part des responsables de la société EURONEXT PARIS, qu’il était le supérieur hiérarchique de salariés d’EURONEXT PARIS et participait aux décisions les concernant et que la décision de rupture de son contrat de travail avait été prise en considération du plan social mis en place dans la société EURONEXT PARIS, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard de l’article L 1221-1 du code du travail ;

ALORS subsidairement QUE la reconnaissance de la qualité de co-employeur n’est pas subordonnée à la démonstration de l’existence d’un lien de subordination individuel du salarié à l’égard de chacune de ces sociétés ; que la cour d’appel a retenu que la société EURONEXT PARIS n’était pas co-employeur ; qu’en se déterminant ainsi, sans examiner l’intégralité des éléments et documents dont le salarié se prévalait et vérifier s’ils ne permettaient pas de retenir l’existence d’une confusion d’intérêts, d’activités et de direction entre les sociétés EURONEXT PARIS SA et LIFFE ADMINISTRATION AND MANAGEMENT, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard de l’article L 1221-1 du code du travail ;

Et ALORS QUE conformément aux dispositions des articles L 1221-3 et L 1321-6 du code du travail, le contrat de travail doit être rédigé en français et l’employeur ne peut se prévaloir à l’encontre du salarié des clauses d’un contrat de travail conclu en méconnaissance de ces dispositions ; que la cour d’appel a fait application au salarié des stipulations du contrat de travail rédigées en anglais ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les articles L 1221-3 et L 1321-6 du code du travail ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’AVOIR rejeté les demandes de Monsieur X... au titre de la participation, de l’absence de l’application du forfait jours, au titre de l’indemnité de départ prévue au PSE, de l’aide à la création d’entreprise, de l’aide à la formation, du défaut de proposition du congé de reclassement, de l’absence de mention de la priorité de réembauchage et de l’avoir débouté de sa demande tendant à obtenir le paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive, brutale et vexatoire du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE l’appelant ne pouvait bénéficier du PSE mis en oeuvre par la SA EURONEXT PARIS dont il n’était pas le salarié ; le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur Gregory X... de ses demandes à l’encontre de la SA EURONEXT PARIS tendant au paiement d’une indemnité de départ, de l’aide à la création d’entreprise, de l’aide à la formation et de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de proposition de reclassement ; pour les motifs sus invoqués, et sans qu’il soit nécessaire d’accueillir l’exception d’incompétence soulevée par la Société LIFFE ADMINISTRATION AND MANAGEMENT, Monsieur Gregory X... est également infondé à solliciter le bénéfice d’une quote part de la réserve spéciale de participation de la SA EURONEXT PARIS pour les exercices 2002 à 2009 ;

Et AUX MOTIFS adoptés QUE : sur l’exécution du contrat de travail de M. X... : - Sur les sommes dues au titre de la participation : les articles du code du travail définissant les conditions de mise en place dans l’entreprise d’une participation stipulent que : « La participation a pour objet de garantir collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l’entreprise. Elle prend la forme d’une participation financière à effet différé, calculée en fonction du bénéfice net de l’entreprise, constituant la réserve spéciale de participation. “ (Art. L.3322-1) et « Les entreprises employant habituellement cinquante salariés et plus garantissent le droit de leurs salariés à participer aux résultats de l’entreprise. Il en va de même pour les entreprises constituant une unité économique et sociale de cinquante salariés et plus reconnue dans les conditions prévues à l’article L. 2322-4. La base, les modalités de calcul, ainsi que les modalités d’affectation et de gestion de la participation sont fixées par accord dans les conditions prévues par le présent titre. Le salarié d’un groupement d’employeurs peut bénéficier du dispositif de participation mis en place dans chacune des entreprises adhérentes du groupement auprès de laquelle il est mis à disposition dans des conditions fixées par décret “ (Art. L.3322-2) ; il est constant que, pour pouvoir prétendre au versement de la quote-part qui lui revient de la réserve spéciale de participation de l’exercice de l’année N - 1, un salarié doit appartenir à l’effectif de l’entreprise, de l’unité économique et sociale ou du groupement d’employeurs, effectif qui est, notamment, attesté par le registre unique du personnel (articles L. 1221-13, 14 et 15 du code du travail) ; le Conseil, d’une part, s’étonne que M. X... ne se soit pas inquiété, dès la première année de l’exécution de son contrat de travail, du versement de la quote-part de la réserve spéciale de participation qui, selon lui. lui aurait été due ; le Conseil, d’autre part, constate que M. X... - à qui il appartient d’« alléguer les faits propres à fonder » ses prétentions, conformément aux articles 6 et 9 du Code Procédure Civile cités ci-dessus - n’apporte aucunement la preuve qu’il aurait été effectivement inscrit à l’effectif de la société EURONEXT Paris SA, ni, éventuellement, qu’une modalité particulière de son contrat de travail avec la société LIFFE Administration and Management aurait prévu une quelconque disposition liée au versement de la participation générée par la société EURONEXT Paris SA ; le Conseil juge donc que M. X... est mal fondé à demander le rappel de sommes dues au titre de la participation aux résultats de la société EURONEXT Paris SA ; - Sur les dommages et intérêts pour non application du forfait jours : attendu ce qui a été dit précédemment concernant l’appartenance de M. X... à l’effectif de la société EURONEXT Paris SA et l’absence de preuves fournies par M. X... ; le Conseil juge que la société LIFFE Administration and Management n’étant pas partie à l’accord sur l’aménagement du temps de travail de la société EURONEXT Paris SA, les dispositions relatives au forfait jours ne lui sont pas opposables ; le Conseil dit que M. X... sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts ; - Sur la demande d’intégration de M. X... au PSE de la société EURONEXT Paris SA : les articles L. 1233-28 à 33 du code du travail qui régissent la procédure de consultation des représentants du personnel lors d’une procédure de licenciement de dix salariés ou plus dans une période de trente jours ; l’article L. 1233-31 stipule, en particulier, que : « L’employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. Il indique : 1°) La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; 2°) Le nombre de licenciements envisagés ; 3°) Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l’ordre des licenciements ; 4°)Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l’établissement ; 5°)Le calendrier prévisionnel des licenciements ; 6°) Les mesures de nature économique envisagées » ; le Conseil dit qu’il incombe à M. X... d’apporter la preuve qu’il faisait partie des “ catégories professionnelles concernées “ et que son poste était, en particulier, affecté par le projet présenté par la société EURONEXT Paris SA aux représentants du personnel ; à défaut d’être en mesure d’apporter cette preuve au Conseil, celui-ci dit et juge que la société LIFFE Administration and Management, employeur de M. X..., n’étant pas partie au PSE de la société EURONEXT Paris SA, les dispositions du PSE de cette dernière société ne lui sont pas opposables ; en conséquence, M. X... sera débouté de sa demande d’intégration au PSE de la société EURONEXT Paris SA ; - Sur les autres demandes de M. X... : considérant ce qui précède, le Conseil juge que le licenciement de M. X... s’est déroulé conformément aux règles qui régissaient son contrat de travail et que le caractère vexatoire du licenciement n’est pas attesté ; de même, le conseil juge que le délit de marchandage n’est pas constitué ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur les moyens qui précèdent emportera cassation par voie de conséquence de l’arrêt en ce qu’il a rejeté les demandes de Monsieur X... au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail et ce, en application de l’article 624 du code de procédure civile ;

Et ALORS subsidiairement QUE Monsieur X... avait soutenu et démontré que l’ensemble de ses collègues travaillant au sein du département « produits dérivés » avaient été intégrés dans le plan de sauvegarde de l’emploi et que pour tenter de justifier son licenciement, la société LIFFE avait expressément indiqué que son emploi ne se justifiait plus en raison de ce plan social ; qu’en statuant comme elle l’a fait sans rechercher si l’ensemble des salariés travaillant comme Monsieur X... au sein du département « produits dérivés » avaient été intégrés dans le plan de sauvegarde de l’emploi, tandis qu’il avait lui-même été licencié sans en bénéficier alors même que la sté LIFFE avait justifié la suppression de son emploi en raison de ce plan social, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles L 1233-30 et L 1233-61 du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’AVOIR rejeté la demande de Monsieur X... tendant au paiement de la somme de 54.683 euros à titre de rappel de la part variable de sa rémunération ;

AUX MOTIFS QUE s’agissant de la demande au titre d’un reliquat de bonus de janvier 2009 à juin 2009 d’un montant de 54.683 euros, il ressort des éléments de la cause que le paiement de cette prime totalement discrétionnaire a été envisagé dans le projet d’accord transactionnel refusé par le salarié ; en conséquence, le bonus n’étant pas exigible, le jugement déféré sera également confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur Gregory X... de ce chef de demande ;

Et AUX MOTIFS adoptés QUE dans le cadre du protocole transactionnel soumis à M. X..., la société LIFFE Administration and Management prévoyait le versement d’une prime de rémunération variable pour la période allant du 1er janvier au 30 juin 2009 ; par courrier en date du 25 juin 2009, M. X... refusait de signer le protocole transactionnel proposé par la société LIFFE Administration and Management ; le Conseil juge que le fait qu’un reliquat de bonus discrétionnaire soit mentionné dans une proposition de protocole transactionnel à titre de concession ne le rend pas exigible ;

ALORS QUE le contrat de travail liant Monsieur X... et la société LIFFE prévoyait expressément en son article 5 le paiement d’une part variable de rémunération et Monsieur X... avait soutenu et démontré que, depuis 2002, il avait toujours bénéficié du paiement d’une part variable de rémunération ; que la cour d’appel a rejeté la demande en retenant que le paiement était discrétionnaire ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 3 avril 2014