CJUE Ryanair - communiqué de presse - critères de compétence

Cour de justice de l’Union européenne

COMMUNIQUE DE PRESSE n° 97/17

Luxembourg, le 14 septembre 2017

Arrêt dans les affaires jointes C-168/16 et C-169/16
Sandra Nogueira e.a./Crewlink Ltd et Miguel José Moreno
Presse et Information Osacar/Ryanair

Dans les litiges relatifs à leur contrat de travail, les membres du personnel
navigant disposent de la faculté de saisir le juge du lieu à partir duquel ils
s’acquittent de l’essentiel de leurs obligations à l’égard de leur employeur

Le juge national doit déterminer ce lieu ,
la « base d’affectation » du travailleur constituant un indice significatif en ce sens

Ryanair et Crewlink sont des sociétés établies en Irlande. Ryanair est active dans le secteur
du transport aérien international de passagers. Crewlink est spécialisée dans le recrutement
et la formation du personnel de bord pour les compagnies aériennes. Entre 2009 et 2011,
des travailleurs de nationalités portugaise, espagnole et belge ont été engagés par Ryanair
ou par Crewlink, puis mis à disposition de Ryanair, en tant que personnel de cabine
(hôtesses de l’air et stewards).

langue anglaise, étaient régis par le droit
irlandais et contenaient une clause attributive de juridiction en faveur des juridictions
irlandaises. Dans ces contrats, il était stipulé que les prestations de travail des travailleurs
concernés, en tant que personnel de cabine, étaient considérées comme effectuées en
Irlande étant donné que leurs fonctions étaient exercées à bord d’avions immatriculés dans
cet État membre. Ces mêmes contrats désignaient toutefois l’aéroport de Charleroi
(Belgique) comme « base d’affectation » (« home base ») des travailleurs. Ces derniers
débutaient et terminaient leur journée de travail dans cet aéroport, et ils étaient
contractuellement obligés de résider à moins d’une heure de leur « base d’affectation ».

Estimant que Crewlink et Ryanair étaient tenues de respecter et d’appliquer les dispositions
du droit belge et considérant que les juridictions belges sont compétentes pour connaître de
leurs demandes, six travailleurs ont saisi la justice belge en 2011. La Cour du travail de
Mons (Belgique), qui doit vérifier sa propre compétence, a décidé r la Cour de
justice sur l’interprétation à donner, dans le règlement de l’Union sur la compétence
judiciaire en matière civile et commerciale, à la notion de « lieu où le travailleur accomplit
habituellement son travail »1 dans le contexte spécifique du secteur de la navigation
aérienne et, plus particulièrement, sur la possible assimilation de cette notion à celle de
3
« base d’affectation »2, au sens d’un règlement de l’UE dans le domaine de l’aviation civile.

1
Article 19, point 2), du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, concernant la compétence
judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1).
2
Cette notion est définie comme le lieu à partir duquel le personnel navigant débute systématiquement sa
journée de travail et la termine à cet endroit en y organisant son travail quotidien et à proximité duquel les
travailleurs la
disposition du transporteur aérien.
3
Règlement (CEE) n° 3922/91 du Conseil, du 16 décembre 1991, relatif à l’harmonisation de règles techniques
et de procédures administratives dans le domaine de l’aviation civile (JO 1991, L 373, p. 4), tel que modifié par le
règlement (CE) n° 1899/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006 (JO 2006, L 377,
p. 1).

www.curia.europa.eu

Dans son arrêt d’aujourd’hui, la Cour rappelle tout d’abord que, s’agissant des litiges relatifs
au contrat de travail, les règles européennes concernant la compétence judiciaire ont pour
objectif de protéger la partie contractante la plus faible. Ces règles permettent notamment
au travailleur d’attraire en justice son employeur devant la juridiction qu’il considère comme
étant la plus proche de ses intérêts, en lui reconnaissant la faculté d’agir notamment devant
les tribunaux de l’État membre dans lequel l’employeur a son domicile ou devant le tribunal
du lieu dans lequel le travailleur accomplit habituellement son travail.

La Cour confirme ensuite le raisonnement de la juridiction de renvoi qui avait à juste titre
considéré que n’était pas opposable aux travailleurs une clause attributive de juridiction,
conclue antérieurement à la naissance des litiges, et visant à leur interdire de saisir les
tribunaux dont la compétence est pourtant offerte par les règles européennes en la matière.

Pour ce qui concerne la détermination de la notion de « lieu où le travailleur accomplit
habituellement son travail », la Cour se réfère à sa jurisprudence constante selon laquelle
cette notion vise le lieu où, ou à partir duquel, le travailleur s’acquitte de fait de l’essentiel de
ses obligations à l’égard de son employeur. Pour déterminer concrètement ce lieu, il
appartient à la juridiction nationale de se référer à un faisceau d’indices.

Dans le cas du secteur du transport aérien, il convient notamment d’établir dans quel État
membre se situe le lieu à partir duquel le travailleur effectue ses missions de transport, celui
où il rentre après ses missions, reçoit les instructions sur ses missions et organise son
travail, ainsi que le lieu où se trouvent les outils de travail. En l’occurrence, il doit également
être tenu compte du lieu où sont stationnés les aéronefs à bord desquels le travail est
habituellement accompli.

S’agissant plus précisément de l’éventuelle assimilation de la notion de « lieu où, ou à partir
duquel, le travailleur accomplit habituellement son travail » à celle de « base d’affectation »,
la Cour précise que, du fait de la méthode indiciaire et afin d’éviter la réalisation de
stratégies de contournement, cette notion ne saurait être assimilée à une quelconque notion
figurant dans un autre acte du droit de l’Union, y compris celle de « base d’affectation », au
sens d’un règlement de l’UE dans le domaine de l’aviation civile.

Pour autant, la notion de « base d’affectation » constitue un indice significatif afin de
déterminer, dans des circonstances telles que celles en cause, le lieu à partir duquel un
travailleur accomplit habituellement son travail.

Ce ne serait que dans l’hypothèse où, compte tenu des éléments de fait de chaque cas
d’espèce, des demandes présenteraient des liens de rattachement plus étroits avec un
endroit autre que celui de la « base d’affectation » que serait infirmée la pertinence de cette
dernière pour identifier le « lieu à partir duquel des travailleurs accomplissent habituellement
leur travail ».

Enfin, la Cour indique que la considération selon laquelle la notion du « lieu où, ou à partir
duquel, des travailleurs accomplissent habituellement leur travail » n’est assimilable à
aucune autre notion vaut également s’agissant de la « nationalité » des aéronefs. Ainsi,
l’État membre à partir duquel un membre du personnel accomplit habituellement son travail
n’est pas non plus assimilable au territoire de l’État membre dont les aéronefs de cette
compagnie aérienne ont la nationalité.

RAPPEL : Le renvoi préjudiciel permet aux juridictions des États membres, dans le cadre d’un litige
dont elles sont saisies, d’interroger la Cour sur l’interprétation du droit de l’Union ou sur la validité d’un
acte de l’Union. La Cour ne tranche pas le litige national. Il appartient à la juridiction nationale de
résoudre l’affaire conformément à la décision de la Cour. Cette décision lie, de la même manière, les
autres juridictions nationales qui seraient saisies d’un problème similaire.

Document non officiel à l’usage des médias, qui n’engage pas la Cour de justice.

Le texte intégral de l’arrêt (C-168/16 et C-169/16) est publié sur le site CURIA le jour du prononcé.

Contact presse : Gilles Despeux  (+352) 4303 3205

Des images du prononcé de l’arrêt sont disponibles sur "Europe by Satellite"  (+32) 2 2964106