Dame colas - non salariée

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 25 mars 1998

N° de pourvoi : 95-41817

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. GELINEAU-LARRIVET, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par Mlle Jeanine X..., domicilié chez M. A..., ..., en cassation d’un arrêt rendu le 26 octobre 1994 par la cour d’appel de Metz (chambre civile), au profit de l’association Foyer de charité d’Alsace, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l’audience publique du 10 février 1998, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Desjardins, conseiller rapporteur, MM. Merlin, Brissier, Finance, Texier, Lanquetin, Mme Lemoine-Jeanjean, conseillers, M. Boinot, Mme Bourgeot, MM. Richard de la Tour, Soury, Besson, Mme Duval-Arnould, conseillers référendaires, M. Chauvy, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Desjardins, conseiller, les observations de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de Mlle X..., de Me Cossa, avocat de l’association Foyer de charité d’Alsace, les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur les quatre moyens réunis :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Metz, 26 octobre 1994), rendu sur renvoi après cassation, que Mlle X... a vécu, de décembre 1969 à janvier 1977, au foyer de charité de Châteauneuf-de-Galaure, puis de juillet 1978 à courant 1981 au foyer de charité d’Alsace à Ottrott, les foyers de charité étant des communautés chrétiennes regroupant des religieux et des laïcs ;

qu’estimant avoir été la salariée de cette association et en avoir été brusquement évincée, elle a saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant au paiement de rappels de salaires et d’indemnités de congés payés et de rupture, de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au remboursement de frais ;

Attendu que Mlle X... fait grief à l’arrêt de l’avoir déboutée de sa demande en paiement de rappels de salaires, d’indemnité de préavis et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon les moyens, premièrement, que l’existence d’une relation salariale ne dépend que des conditions réelles d’accomplissement du travail ;

qu’en se référant aux statut et règles des foyers de charité ainsi qu’à la volonté des parties, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants et violé l’article L. 121-1 du Code du travail ;

alors, deuxièmement, d’une part, que l’existence d’une relation salariale ne dépend que des conditions réelles d’accomplissement du travail ;

qu’en se référant à la liberté que Mlle X... estimait pouvoir obtenir dans l’organisation de ses tâches, la cour d’appel a statué par un motif inopérant et violé l’article L. 121-1 du Code du travail ;

alors, d’autre part, que le travail que Mlle X... invoquait à l’appui de sa demande correspondait à la rénovation et à la décoration des bâtiments qu’elle avait accomplies en tant qu’architecte d’intérieur ;

qu’en énonçant que l’intéressée n’avait que faiblement participé aux tâches communes attribuées aux membres de la communauté, la cour d’appel a, là encore, statué par un motif inopérant et violé l’article L 121-1 du Code du travail ;

alors, troisièmement, d’une part, que l’attestation de Mlle Y... énonçait que Mlle X... travaillait selon un horaire différent de celui appliqué aux membres de la communauté, sans pour autant préciser que celle-ci avait toute liberté pour le modifier ;

qu’en affirmant qu’il résultait de ce document qu’elle travaillait en toute liberté d’horaire et selon son propre rythme, la cour d’appel a donc dénaturé par adjonction l’attestation de Mlle Y... et violé l’article 1134 du Code civil ;

alors, d’autre part, que les juges du fond sont tenus d’indiquer l’origine et la nature des renseignements qui ont servi à motiver leur décision ;

qu’en énonçant que Mlle X... s’était absentée pendant 358 jours, dont une fois durant quatre mois d’affilée pour convenance personnelle, sans préciser quel élément de preuve leur permettait de considérer comme acquis ces faits, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

et alors, de plus, en tout état de cause, que la liberté des horaires de travail ne constitue pas un élément exclusif du contrat de travail ;

qu’en énonçant que la maîtrise qu’avait Mlle X... sur son emploi du temps était incompatible avec le statut de salarié, la cour d’appel a violé l’article L. 121-1 du Code du travail ;

et alors, quatrièmement, d’une part, que les juges du fond ne peuvent se déterminer sans analyser les éléments de preuve qui leur sont soumis ;

qu’en l’espèce, Mlle X... produisait notamment trois attestations affirmant qu’elle recevait régulièrement des directives du Z... Wolfram ;

qu’en se bornant à énoncer qu’il n’était pas établi que Mlle X... recevait, pour l’exécution de ses tâches artistiques, des ordres ou des instructions de la part d’une autorité quelconque du foyer d’Ottrott, les juges d’appel n’ont pas mis la Cour de Cassation en mesure de vérifier que ces éléments de preuve avaient préalablement été analysés par eux et ont ainsi violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

et alors, d’autre part et subsidiairement, que, lorsque l’emploi appelle la mise en oeuvre d’une certaine technicité ou d’un talent artistique, l’inscription du travail dans le cadre général d’un service organisé suffit à caractériser l’état de subordination propre à la relation salariale ;

qu’en se bornant à énoncer que Mlle X... ne recevait pas de directives pour l’exécution de ses tâches, sans rechercher, bien qu’elle y ait été invitée, si le cadre dans lequel celle-ci travaillait, et notamment, les contrôles auxquels elle était soumise, ne constituaient néanmoins pas un service organisé, de nature à caractériser un état de subordination compte tenu de la liberté inhérente à sa fonction, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 121-1 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel, qui a examiné de manière précise et détaillée de quelle façon Mlle X... s’était réellement comportée pendant son séjour au foyer d’Ottrott, a relevé, hors toute dénaturation, qu’elle ne participait que faiblement et selon son bon vouloir aux activités collectives de la communauté et que, dans l’exercice des tâches artistiques de rénovation et de décoration qui lui étaient propres, elle jouissait d’une totale liberté, travaillant de manière indépendante, aux horaires et au rythme qui lui convenaient, sans recevoir d’une autorité quelconque ni ordres, ni instructions ;

Qu’en l’état de ces énonciations et constatations, elle a pu décider que la preuve du lien de subordination n’était pas rapportée ;

qu’elle a, par ces seuls motifs, justifié sa décision ;

que les moyens ne peuvent être accueillis ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mlle X... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.

Décision attaquée : cour d’appel de Metz (chambre civile) du 26 octobre 1994