Dame linarès- infirmière - non salariée

Cour de cassation

Assemblée plénière

Audience publique du 8 janvier 1993

N° de pourvoi : 87-20036

Publié au bulletin

Cassation sans renvoi.

Président : M. Le Gunehec, président doyen remplaçant le Premier Président empêché ., président

Rapporteur : M. Chartier., conseiller apporteur

Premier avocat général : M. Jéol., avocat général

Avocat : la SCP Desaché et Gatineau., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 351-14, R. 351-37-1 et L. 311-2 du Code de la sécurité sociale ;

Attendu que le premier de ces textes n’accorde à certaines catégories de travailleurs la faculté d’opérer des versements de rachat au titre de l’assurance vieillesse que dans la mesure où leur affiliation a été rendue obligatoire par des dispositions intervenues postérieurement au 1er juillet 1930 ; que, selon le dernier de ces textes, sont affiliées obligatoirement les personnes salariées ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat ;

Attendu que pour dire que Mlle de X..., membre de la Congrégation des petites soeurs de l’Assomption, qui a exercé une activité d’infirmière et d’assistante sociale dans différents centres médicaux organisés par sa congrégation entre le 1er octobre 1959 et le 31 décembre 1968, doit bénéficier des dispositions de la loi du 13 juillet 1962, codifiées à l’article L. 351-14 précité, à l’effet d’obtenir la faculté d’opérer des versements de rachat de cotisations au titre de l’assurance vieillesse pour cette période, l’arrêt infirmatif attaqué rendu sur renvoi après cassation retient que Mlle de X..., qui recevait des avantages en nature en contrepartie de son travail, a donné des soins et assuré le secrétariat de la coordination des services sociaux dans les centres où elle exerçait, et que ces centres, organisés par la Congrégation des petites soeurs de l’Assomption, étaient de petites unités constituées d’une dizaine de religieuses qui recueillaient, outre le paiement des soins infirmiers, les journées ou heures de travailleuses familiales et les subventions payées par la caisse d’allocations familiales, et vivaient de façon autonome grâce au travail effectué par les membres ; qu’il en déduit que l’ensemble de ces éléments caractérisent l’intégration de Mlle de X... au sein d’un service organisé par la Congrégation des petites soeurs de l’Assomption et sa subordination à l’égard de celle-ci, et qu’ainsi, elle était liée par un contrat de travail à la congrégation qui l’employait ;

Qu’en se déterminant ainsi, alors qu’il résulte de ses propres constatations que Mlle de X... n’avait exercé son activité que pour le compte et au bénéfice de sa congrégation, ce qui excluait l’existence d’un contrat de travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu’il y a lieu, conformément à l’article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 14 octobre 1987, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE la demande de rachat de cotisations en ce qui concerne la période du 1er octobre 1959 au 31 décembre 1968.MOYEN ANNEXE

Moyen produit par la SCP Desaché et Gatineau, avocat aux Conseils, pour la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés ;

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir jugé que Mlle de X... devait bénéficier des dispositions de la loi du 13 juillet 1962 pour obtenir la faculté d’opérer des versements de rachat au titre de l’assurance vieillesse pour la période du 1er octobre 1959 au 31 décembre 1968.

AUX MOTIFS QUE la loi du 13 juillet 1962 a accordé à certaines catégories de travailleurs la faculté d’opérer des versements de rachat de cotisations au titre de l’assurance vieillesse ;

Que le décret n° 63-698 du 13 juillet 1963 pris pour l’application de cette loi précise que sont admis, si elles le demandent, à opérer les versements de rachat pour l’assurance vieillesse au titre du régime général de sécurité sociale, notamment les personnes visées à l’article L. 241 du Code de la sécurité sociale pour la période antérieure à la date à laquelle leur affiliation a été rendue obligatoire postérieurement au 1er juillet 1930 ;

Considérant qu’au terme de l’article L. 241, devenu L. 311-2 du Code de la sécurité sociale sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général toutes les personnes salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leurs rémunérations, la forme, la nature ou la validité de leur contrat ;

Considérant que Mlle de X... religieuse, titulaire des diplômes d’Etat d’infirmière et d’assitance sociale, a travaillé dans divers centres médico-sociaux organisés par la Congrégation des petites soeurs de l’Assomption à Paris (15e), Brest, Creil du 1er Novembre 1955 au 31 Décembre 1968 ;

Qu’elle a donné des soins dans les centres ou domicile, signant après chaque prestation une feuille de soins et recevant du malade en fin de traitement le montant du ticket modérateur corespondant :

qu’en qualité d’assistante sociale elle s’est occupée de familles prises en charge au titre d’un travail médico-social ou de prévention en liaison avec les caisses d’allocations familiales, les services de protections maternelle et infantile, le secrétariat de la coordination des services sociaux, ainsi que divers hôpitaux psychiatriques ; que même lorsqu’elle a exercé plus particulièrement une activité d’assistante sociale elle a toujours dispensé des soins comme infirmière pour décharger les infirmières de son équipe et l’infirmière d’un centre voisin ;

Que les centres médico-sociaux étaient des petites unités de dix à douze religieuses réparties en une directrice-infirmière, quelques travailleuses familiales, quelques infirmières, une infirmière-assitante sociale ; que ces centres équipés étaient conformes aux réglements et contrôles par la Sécurité Sociale ; qu’il recueillaient outre le paiement des soins infirmiers, les journées ou heures de travailleuses familiales, et les subventions payées par la caisse d’allocations familiales ;

Que l’ensemble de ces éléments caractérisent l’intégration de Mlle de X... au sein d’un service organisé par la Congrégation des petites soeurs de l’Assomption et sa subordination à l’égard de celle-ci ;

Qu’ainsi relativement à cette activité, d’infirmière et d’assistante sociale, activité civile, Mlle de X... a été liée à la congrégation qui l’employait pour faire fonctionner les centres par un contrat de travail au sens défini par l’article L. 2451-1, du Code du travail ; que les avantages en nature que Mlle de X... recevait pendant ces périodes d’activité étaient bien la contrepartie du travail, qu’elle fournissait puisque selon les éléments du dossier, les centres constituaient des petites communautés qui sur le plan financier vivaient de façon autonome grâce au travail effectué par les membres ;

Qu’il faut relever qu’appliquant la circulaire N° 98-74 du 18 septembre 1974 la CNAVTS a admis que les religieux ayant exercé des activités enseignantes ou hospitalières antérieurement au 1er janvier 1973 puissent être autorisés dans le cadre de la loi du 13 janvier 1962 a racheter les cotisations d’assurance vieillesse pour leurs périodes d’activités entre le 1er juillet 1930 et le 1er janvier 1973 ;

Que Mlle de X... a d’ailleurs bénéficié de cette faculté pour la période du 1er novembre 1955 au 31 juillet 1959 époque où elle a été uniquement infirmière ;

Que la fonction d’assistante sociale exercée d’ailleurs en même temps que des tâches d’infirmière, a été assurée par Mlle de X... exactement selon les mêmes modalités que ses activités d’infirmière assurées antérieurement à 1959, pour le compte et au bénéfice de sa congrégation ;

Qu’il est établi également que d’autres membres de la même congrégation ayant travaillé dans la même situation que Mlle de X... ont bénéficié de la faculté d’opérer des versements de rachats de cotisations en application de la loi du 13 juillet 1962 ;

Que dans ces conditions la CNAVTS est mal fondée a refuser à Mlle de X... la faculté d’opérer les versements nécessaires au rachat de cotisations au titre de l’assurance vieillesse pour la période litigieuse ;

1) ALORS QUE pour déterminer si une religieuse peut obtenir le rachat de cotisations vieillesse, les juges du fond doivent rechercher si cette religieuse était liée par un contrat de travail personnel à l’établissement où elle exerçait ses fonctions pendant la période afférente au rachat ; que l’existence d’un tel contrat est exclue lorsque la religieuse n’a exercé son activité que pour le compte et au bénéfice de sa congrégation ; qu’en l’espèce la cour d’appel avait relevé que Mlle de X... n’avait exercé son activité que pour le compte et au bénéfice de sa congrégation ; qu’en affirmant néanmoins qu’il existait un contrat de travail entre cette religieuse et sa congrégation, la cour d’appel a violé par refus d’application la loi n° 62-789 du 13 juillet 1962 ;

2) ALORS QUE pour déterminer si une religieuse peut obtenir le rachat de cotisations vieillesse, les juges du fond doivent rechercher si la religieuse était liée par un contrat de travail personnel à l’” établissement où elle exerçait ses fonctions pendant la période afférente au rachat ; qu’il ne suffit pas de constater que la religieuse participait à un service organisé la plaçant dans un lien de subordination en contrepartie d’une rémunération pour caractériser l’existence d’un tel contrat ; qu’en décidant que la preuve du contrat de travail nécessaire au rachat des cotisations résultait de sa participation à un service organisé la plaçant dans un lien de subordination en contrepartie d’avantages en nature constitutifs d’une rémunération, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi n° 62-789 du 13 juillet 1962 ;

3) ALORS QUE pour déterminer si une religieuse peut obtenir le rachat de cotisations vieillesse, les juges du fond doivent rechercher si la religieuse était liée par un contrat de travail personnel à l’établissement où elle exerçait ses fonctions pendant la période afférente au rachat “ ; qu’en refusant d’effectuer une telle recherche et en se contentant de retenir que Mlle de X... avait bénéficié de la faculté de rachat pour une période antérieure et que d’autres membres de la congrégation, qui avaient travaillé dans la même situation qu’elle, avaient pu bénéficier de cette faculté de rachat, la cour d’appel a déduit des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de la loi n° 62-789 du 13 juillet 1962.

Publication : Bulletin 1993 A. P. N° 2 p. 2

Décision attaquée : Cour d’appel de Versailles, du 14 octobre 1987

Titrages et résumés : SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Vieillesse - Rachat des cotisations - Loi du 13 juillet 1962 - Bénéficiaires - Religieuse ayant travaillé dans des établissements dépendant de sa congrégation (non) . L’exercice par une religieuse d’une activité d’infirmière et d’assistante sociale pour le compte et au bénéfice de sa congrégation, dans des centres médicaux sociaux dépendant de celle-ci, exclut l’existence d’un contrat de travail entre l’intéressée et sa congrégation. Cette religieuse ne peut dès lors prétendre du chef de cette activité au bénéfice de la loi du 13 juillet 1962 qui n’accorde à certaines catégories de travailleurs la faculté d’opérer des versements de rachat au titre de l’assurance vieillesse que dans la mesure où leur affiliation a été rendue obligatoire par des dispositions intervenues postérieurement au 1er juillet 1930.

SECURITE SOCIALE - Assujettissement - Personnes assujetties - Religieuse travaillant dans un établissement dépendant de sa congrégation SECURITE SOCIALE - Assujettissement - Généralités - Conditions - Contrat - Nécessité CONTRAT DE TRAVAIL, FORMATION - Définition - Lien de subordination - Religieuse travaillant dans un établissement dépendant de sa congrégation CULTES - Religieuse - Contrat de travail - Appartenance à une congrégation

Précédents jurisprudentiels : DANS LE MEME SENS : Chambre sociale, 1985-07-01, bulletin 1985, V, n° 384, p. 277 (cassation partielle).

Textes appliqués :
* Code de la sécurité sociale L351-14, R351-37-1, L311-2
* Loi 62-789 1962-07-13