Btp - délocalisation après liquidation judiciaire

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 5 janvier 2000

N° de pourvoi : 99-80560

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. GOMEZ, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq janvier deux mil, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROMAN, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général FROMONT ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

 Y... Patrick,

contre l’arrêt de la cour d’appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 17 décembre 1998, qui, pour infraction à une interdiction de gérer, en récidive, exercice d’un travail dissimulé et infraction au Code de l’urbanisme, l’a condamné à 4 mois d’emprisonnement et a ordonné une mesure de publication ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er du Code civil, 186, 192, 216 de la loi du 25 janvier 1985 et 593 du Code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a retenu le prévenu (Patrick Y..., demandeur) dans les liens de la prévention du chef d’infractions à l’interdiction de gérer une entreprise ;

”aux motifs que la société Européenne de Bâtiment gérée par le demandeur, domiciliée en Belgique, intervenait de façon continue et exclusive en France, n’avait aucun local professionnel en Belgique, avait la même activité que celle exercée précédemment sur le territoire national, l’établissement secondaire de Lille ayant été confié à Julio X..., qui avait été recruté comme maçon et n’avait ni le statut ni la compétence pour être fondé de pouvoir ; qu’il apparaissait donc que cet établissement n’était qu’une fiction et que Patrick Y... avait poursuivi son activité antérieure en France en infraction à l’interdiction de gérer ; que, s’agissant de l’exercice illégal par dissimulation de salarié, le délit n’était pas constitué pour Julio X..., qui avait été embauché comme maçon selon un contrat souscrit en Belgique, qui relevait de la législation belge, et pour lequel les déclarations sociales avaient été effectuées en Belgique ;

”et aux motifs expressément adoptés qu’à l’occasion de travaux réalisés chez Doudou Diop par la SPRL Européenne de Bâtiment gérée par Patrick Y..., un contrôle avait été effectué le 24 mai 1996 par l’inspecteur de l’URSSAF et le contrôleur du travail ; qu’un second contrôle a été opéré par les services de l’URSSAF le 16 juillet 1997, tandis que le prévenu exécutait des travaux de peinture sur une maison située à Lille avec l’aide de son fils mineur Maxime ; que, de ces contrôles et de l’enquête diligentée par les services de gendarmerie, il ressortait que le demandeur avait créé la SPRL Européenne du Bâtiment en Belgique début 1996 pour contourner la législation française qui lui interdisait de gérer une société et conserver ainsi en France sa clientèle ; que cette société n’avait aucune activité en Belgique ; que le demandeur n’effectuait de chantiers qu’en France ;

”alors que, la loi française n’étant exécutoire que sur le territoire national, une interdiction de gérer une entreprise prononcée par le juge français ne peut recevoir application pour des actes accomplis à l’étranger, tandis que la réalisation de travaux n’est pas un acte de gestion de l’entreprise à qui ils ont été confiés, mais seulement l’exécution d’un contrat conclu par elle, lequel peut être soumis à une loi étrangère s’il présente un élément d’extranéité ;

que la cour d’appel ne pouvait donc retenir le demandeur dans les liens de la prévention du chef de violation de l’interdiction de gérer une entreprise prononcée contre lui, sous prétexte qu’à deux reprises (les 24 mai 1996 et 16 juillet 1997), il avait été constaté que l’intéressé, ès qualités de dirigeant de la société de droit belge, exécutait des travaux de peinture en France, sans caractériser l’existence d’un seul acte de gestion de cette société étrangère qui aurait été accompli en France, c’est-à-dire un acte susceptible d’engager le sort commercial ou financier de l’entreprise, et ce bien qu’elle-même eût relevé que l’embauche du personnel travaillant en France (celle de Julio X...) était soumise à la loi belge, déduisant ainsi l’existence d’une violation de l’interdiction de gérer de la seule constatation que le demandeur aurait exécuté des travaux en France” ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9, L. 324-10, L. 362-3 du Code du travail, 3 du Code civil, ainsi que des principes du droit international privé, des articles 1er du décret du 30 mai 1984 sur le registre du commerce et des sociétés, 19 de la loi du 5 juillet 1996 sur le répertoire des métiers et 593 du Code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a retenu le prévenu (Patrick Y..., demandeur) dans les liens de la prévention du chef de travail dissimulé, infractions commises à compter du 20 octobre 1996, et ce pour avoir exercé à titre lucratif une activité de transformation, de production, de réparation ou de prestation de service, ou accompli des actes de commerce, en l’espèce l’entreprise de bâtiment, sans avoir intentionnellement requis son immatriculation au registre du commerce ou au répertoire des métiers ;

”aux motifs que la succursale en France de la société SPRL Européenne de Bâtiment avait cessé son activité le 17 octobre 1996, avec radiation du registre du commerce le 24 octobre 1996 ; que le prévenu n’en avait pas moins poursuivi son activité en France illégalement ;

”et aux motifs expressément adoptés que, lors d’un contrôle opéré par les services de l’URSSAF le 16 juillet 1997, il avait été constaté que le prévenu exécutait des travaux de peinture sur une maison située à Lille, avec l’aide de son fils mineur Maxime ;

qu’il ‘était manifeste qu’il avait exercé en France, à titre lucratif, une activité commerciale de réparation ou de prestation de service sans avoir requis son immatriculation au répertoire des métiers ou au registre du commerce, que son interdiction de gérer aurait d’ailleurs rendue impossible ;

”alors que, d’une part, la cour d’appel a privé sa décision de tout motif, faute d’avoir précisé si c’était au répertoire des métiers ou au registre du commerce que le demandeur aurait dû requérir son immatriculation, se prononçant ainsi par un motif alternatif ;

”alors que, d’autre part, l’obligation de requérir son immatriculation au registre du commerce ou au répertoire des métiers ne s’impose qu’aux personnes physiques ou morales qui ont leur établissement en France et non aux entreprises de droit étranger, même si elles exécutent des contrats en France” ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et du jugement qu’il confirme que des travaux de construction et de peinture ont été exécutés dans le département du Nord par une prétendue société de droit belge SPRL Européenne de bâtiment, gérée par Patrick Y... ;

Attendu que, pour déclarer celui-ci coupable d’infraction à une interdiction de gérer, en récidive, et de travail dissimulé, l’arrêt, après avoir constaté qu’il avait déjà été condamné par jugement du tribunal correctionnel de Lille du 4 juillet 1996 pour infraction à une interdiction de gérer toute entreprise pendant 10 ans prononcée le 21 février 1990 par le tribunal de commerce de Lille, relève que la SPRL Européenne de bâtiment n’a aucune activité en Belgique, où elle ne dispose d’aucun local professionnel, qu’elle intervient de manière continue et exclusive en France, où elle poursuit l’activité précédemment exercée par le prévenu, et que sa succursale à Lille a été radiée du registre du commerce le 24 octobre 1996 ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations procédant de son appréciation souveraine, et dès lors que la création d’une société étrangère fictive ne peut faire obstacle à l’application de la loi française, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que, la peine étant justifiée par la déclaration de culpabilité du chef des délits susénoncés, il n’y a pas lieu d’examiner le premier moyen de cassation, relatif à l’infraction au Code de l’urbanisme, et que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Roman conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Avocat général : Mme Fromont ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de DOUAI, 6ème chambre du 17 décembre 1998