Absence de convention individuellle de forfait oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 27 novembre 2013

N° de pourvoi : 12-20907

ECLI:FR:CCASS:2013:SO01998

Non publié au bulletin

Rejet

M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Boullez, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 avril 2012), que M. X... a été engagé le 8 janvier 2001 par la société Wärtsilä France (la société), en qualité de technicien diéséliste pour montage et dépannage sur chantiers en France et à l’étranger ; que le 13 avril 2001, la société a signé avec le syndicat CGT, un accord d’entreprise ; que le 7 novembre 2001, le salarié a signé un avenant à son contrat de travail qui reprenait les grandes lignes de cet accord et prévoyait une indemnité forfaitaire représentant 30 % du salaire de base ; qu’en revanche, l’intéressé a refusé de signer l’avenant à son contrat de travail proposé par la société en 2006 ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale notamment d’une demande en paiement d’un rappel d’heures supplémentaires ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre les congés payés afférents et des repos compensateurs, alors, selon le moyen :

1°/ que l’autorité de chose jugée s’attache à tout ce qui a été tranché dans le dispositif ; qu’en se bornant à énoncer que le décompte rectifié des heures supplémentaires avait été établi par le salarié d’après un système de feuilles hebdomadaires dont M. X... avait lui-même garanti la fiabilité en tant que chef de projet sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée par la société Wärtsilä dans ses observations complémentaires, si le salarié s’était conformé aux dispositions de l’arrêt du 29 septembre 2011 lui imposant de retirer de son décompte les temps de trajet de chantier à chantier et les temps de vol, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 480, 482 et 1351 du code civil ;

2°/ qu’en s’abstenant de répondre au moyen par lequel la société Wärtsilä a soutenu que le salarié s’était abstenu de retirer de son décompte les temps de trajet de chantier à chantier et les temps de vol, contrairement aux instructions que la cour d’appel d’Aix-en-Provence lui avait données dans son arrêt mixte du 29 septembre 2011, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l’insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu’en refusant de déduire de la rémunération des heures supplémentaires dues au salarié, l’indemnité contractuelle qui lui avait déjà été versée au prétexte que son employeur n’avait pas évalué la part de cette indemnité correspondant spécifiquement aux heures supplémentaires, à l’exclusion de l’indemnisation des frais de voyage, quand il appartenait au juge d’en évaluer lui-même le montant, sauf à commettre un déni de justice, la cour d’appel a violé l’article 4 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant constaté, d’une part, que la demande en paiement d’un rappel d’heures supplémentaires était suffisamment étayée et, d’autre part, que l’employeur ne fournissait aucun élément objectif de nature à établir les heures réellement effectuées par le salarié pas plus qu’à permettre de déterminer la part de l’indemnité forfaitaire contractuelle correspondant au paiement des heures supplémentaires, la cour d’appel qui s’est fondée sur le décompte rectifié du salarié et n’avait pas à procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, n’encourt pas les griefs du moyen ;

Sur le second moyen :

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié une indemnité pour travail dissimulé, alors selon le moyen, que la dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; qu’en déduisant l’élément intentionnel de la dissimulation d’emploi salarié du seul fait que les heures supplémentaires n’étaient pas mentionnées sur les bulletins de paie, en l’absence de convention de forfait, sans rechercher si la société Wärtsilä avait cru de bonne foi en l’opposabilité au salarié d’une convention de forfait annuel qui la dispensait de mentionner sur les bulletins de paie les heures supplémentaires qui y étaient incluses, ainsi qu’en avait décidé le conseil de prud’hommes de Marseille, ce qui s’opposait à ce que l’élément intentionnel soit retenu, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel, qui n’était pas tenue d’entrer dans le détail de l’argumentation des parties, a souverainement retenu qu’en l’absence de convention de forfait, l’élément intentionnel du travail dissimulé était caractérisé ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Wärtsilä France aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Wärtsilä France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR condamné la société WÄRTSILÄ à payer à M. X... un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires d’un montant de 30.301,84 ¿ outre des congés payés afférents d’un montant de 3.030,18 ¿ et des dommages et intérêts pour repos compensateurs non pris d’un montant de 7.500 ¿ ;

AUX MOTIFS QUE M. Y..., responsable de projet, indique que la gestion des affaires se faisant par informatique, il a été mis en place un système de rapport hebdomadaire des heures de travail effectuées par les techniciens ; qu’il précise que le calcul des marges se basait sur ces feuilles hebdomadaires dont la fiabilité ne peut être mise en doute ; que le décompte rectifié produit par M. X... a été établi sur la base de ces relevés, renseignés quotidiennement de 2003 au 30 décembre 2007 ; que sa demande est donc étayée ; que l’employeur ne fournit aucun élément objectif de nature à établir les heures réellement effectuées par le salarié ; que, quant à sa réserve relative aux heures supplémentaires payées par application de la convention de forfait, non prises en compte dans les calculs du salarié, elle ne peut être retenue car l’indemnité prévue contractuellement était destinée à compenser toutes les heures supplémentaires effectuées dans l’année et les frais de voyage ; que l’employeur ne fournit aucun élément de nature à permettre de déterminer la part de cette indemnité correspondant au paiement des heures supplémentaires, de sorte qu’il est impossible de les soustraire de la réclamation du salarié ; que les calculs de M. X... seront donc adoptés par la cour ; qu’il lui sera alloué un rappel d’heures supplémentaires de 30.301,84 ¿ ainsi que 3.030,18 ¿ pour les congés payés afférents ; que M. X... n’a pas bénéficié des repos compensateurs auxquels il avait droit en raison des heures supplémentaires qu’il avait effectuées ; qu’il lui sera alloué de ce chef des dommages et intérêts d’un montant de 7.500 ¿ ;

1. ALORS QUE l’autorité de chose jugée s’attache à tout ce qui a été tranché dans le dispositif ; qu’en se bornant à énoncer que le décompte rectifié des heures supplémentaires avait été établi par le salarié d’après un système de feuille hebdomadaire dont M. Y... avait lui-même garanti la fiabilité en tant que chef de projet sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée par la société WÄRTSILÄ dans ses observations complémentaires (p. 2, 4 et 5), si le salarié s’était conformé aux dispositions de l’arrêt du 29 septembre 2011 lui imposant de retirer de son décompte les temps de trajet de chantier à chantier et les temps de vol, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 480, 482 et 1351 du Code civil ;

2. ALORS QU’en s’abstenant de répondre au moyen par lequel la société WÄRTSILÄ a soutenu que le salarié s’était abstenu de retirer de son décompte les temps de trajet de chantier à chantier et les temps de vol, contrairement aux instructions que la Cour d’appel d’Aix-en-Provence lui avait données dans son arrêt mixte du 29 septembre 2011 (observations complémentaires, p. 2, 4 et 5), la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du Code de procédure civile ;

3. ALORS QUE le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l’insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu’en refusant de déduire de la rémunération des heures supplémentaires dues au salarié, l’indemnité contractuelle qui lui avait déjà été versée au prétexte que son employeur n’avait pas évalué la part de cette indemnité correspondant spécifiquement aux heures supplémentaires, à l’exclusion de l’indemnisation des frais de voyage, quand il appartenait au juge d’en évaluer lui-même le montant, sauf à commettre un déni de justice, la cour d’appel a violé l’article 4 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR condamné la société WÄRTSILÄ à payer à M. X... une indemnité pour travail dissimulé d’un montant de 27 916 ¿ 26 ;

AUX MOTIFS QU’en l’absence de convention de forfait, la rémunération forfaitaire par l’employeur des heures supplémentaires et l’absence de mention sur les bulletins de salaire des heures accomplies au-delà de la durée légale caractérisent l’élément intentionnel du travail dissimulé ;

ALORS QUE la dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heure de travail inférieur à celui réellement effectué ; qu’en déduisant l’élément intentionnel de la dissimulation d’emploi salarié du seul fait que les heures supplémentaires n’étaient pas mentionnées sur les bulletins de paie, en l’absence de convention de forfait, sans rechercher si la société WÄRTSILÄ avait cru de bonne foi en l’opposabilité au salarié d’une convention de forfait annuel qui la dispensait de mentionner sur les bulletins de paie les heures supplémentaires qui y étaient incluses, ainsi qu’en avait décidé le conseil de prud’hommes de Marseille, ce qui s’opposait à ce que l’élément intentionnel soit retenu, la cour d’appel a privé sa décision de légale au regard des articles L 8221-5 et L 8223-1 du Code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence , du 12 avril 2012