Accord implicite de l’employeur

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 21 mai 2002

N° de pourvoi : 99-45890

Publié au bulletin

Cassation partielle.

Président : M. Sargos ., président

Rapporteur : M. Poisot., conseiller apporteur

Avocat général : M. Fréchède., avocat général

Avocat : la SCP Nicolay et de Lanouvelle., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu que Mme X... a été engagée par la société Invest hotels, en qualité d’aide-hôtelière à temps partiel, le 25 avril 1996, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel ; que, le 1er juin 1997, elle a signé un nouveau contrat à temps complet en qualité d’assistante de direction ; que, le 16 octobre 1997, elle a mis fin à la relation de travail en raison du défaut de paiement d’heures supplémentaires ; que, le 31 octobre 1997, elle a saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir la requalification de son premier contrat en contrat à temps complet et le paiement de diverses sommes et faire juger que la rupture de la relation de travail s’analysait en un licenciement ; que, le 5 février 1998, elle a fait l’objet de la part de l’employeur d’un licenciement pour faute grave en raison de son absence injustifiée ;

Sur la recevabilité du mémoire ampliatif en cassation :

Attendu que ce mémoire déposé par le mandataire de la salariée muni d’un pouvoir spécial est recevable ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l’arrêt d’avoir refusé de tenir compte de l’indemnité afférente au repos compensateur pour déterminer ses indemnités de congés payés, alors, selon le moyen, que l’article L. 223-11 du Code du travail prévoit que l’indemnité de congés payés doit tenir compte des indemnités afférentes au repos compensateur prévues par l’article L. 212-5-1 du Code du travail ;

Mais attendu que l’indemnité allouée en compensation du repos compensateur non pris du fait de la contestation par l’employeur des heures supplémentaires effectuées par la salariée a le caractère de dommages-intérêts qui ne sont pas pris en compte pour le calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l’arrêt de l’avoir déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts fondée sur les dispositions de l’article L. 324-10 du Code du travail, dernier alinéa, sanctionnant le travail dissimulé, alors, selon le moyen, que les dispositions de l’article L. 324-10 du Code du travail ne prévoient pas, pour leur application, qu’il soit démontré une mauvaise foi et une intention frauduleuse ; que, d’ailleurs, si la mauvaise foi de l’employeur devait être prise en compte, elle est démontrée par l’absence de volonté de verser le paiement des heures supplémentaires à tous les stades de la procédure prud’homale ; que la cour d’appel a violé les dispositions des articles L. 324-10 et L. 324-11-1 du Code du travail ;

Mais attendu que la dissimulation d’emploi salarié constituée, selon l’article L. 324-10, dernier alinéa, du Code du travail, par la remise à un salarié d’un bulletin de salaire ne mentionnant pas toutes les heures de travail effectuées implique nécessairement la caractère intentionnel de cette dissimulation ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de requalification du contrat à temps partiel du 25 avril 1996, la cour d’appel retient que si les feuilles de paie démontrent que Mme X... a effectué sur les mois de mai, juin, juillet, août et septembre une durée de travail supérieure à son temps partiel, cette seule constatation, alors que le dépassement d’horaires était prévu au contrat et que Mme X... a été payée régulièrement, ne peut justifier une requalification d’un contrat qui s’est poursuivi ensuite de manière très régulière sur un temps partiel et qu’elle ne peut, par ailleurs, tirer argument de ce qu’elle n’aurait pu aller travailler chez un autre employeur puisque son contrat lui permettait de refuser d’effectuer plus de 110 heures de travail par mois ;

Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée qui faisait valoir que les dispositions de son contrat de travail autorisant l’employeur à répartir son temps de travail sur tous les jours de la semaine, entre 8 heures et 23 heures, l’obligeaient à rester en permanence à la disposition de celui-ci, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le quatrième moyen :

Vu l’article 1134 du Code civil et l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour dire que la rupture du contrat de travail ne s’analysait pas en un licenciement, la cour d’appel énonce que, s’il est vrai que durant la saison estivale, Mme X... avait fait des heures supplémentaires qui n’étaient pas encore payées, elle ne justifie pas en avoir réclamé le paiement avant la mise en oeuvre d’une procédure disciplinaire qui s’est traduite par un avertissement le 20 septembre 1997 ; que la salariée, si elle a établi la réalité d’heures supplémentaires qui devaient lui être réglées, n’a pas prouvé que l’employeur avait violé ses obligations dans des conditions telles qu’elles rendaient impossible la poursuite du contrat de travail ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses propres constatations que l’employeur n’avait pas payé les heures supplémentaires effectuées par la salariée au cours de la saison estivale, ce dont il résultait qu’il avait manqué à ses obligations et que la rupture s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences qui en découlaient, a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :

CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions ayant débouté la salariée de sa demande de requalification de son contrat de travail, de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de préavis et de congés payés afférents, l’arrêt rendu le 12 octobre 1999, entre les parties, par la cour d’appel de Poitiers ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux.

Publication : Bulletin 2002 V N° 170 p. 168

Décision attaquée : Cour d’appel de Poitiers , du 12 octobre 1999