Bulletin de paie incomplet oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 5 mars 2014

N° de pourvoi : 12-27091

ECLI:FR:CCASS:2014:SO00486

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 28 août 2012), que M. X...a été engagé à compter du 21 mars 2005 par la société Y... ingénierie en qualité de cadre technique sur la base d’une durée hebdomadaire de 35 heures ; qu’il a été licencié le 9 juillet 2008 ; qu’arguant d’heures supplémentaires et de faits de harcèlement moral, il a saisi la juridiction prud’homale pour contester la validité du licenciement et demander le paiement de diverses sommes ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l’employeur :
Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de l’avoir condamné à paiement d’une indemnité de travail dissimulé de 19 770, 71 euros alors selon le moyen, que la dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5 2° du code du travail n’est constituée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de salaire un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; qu’en se bornant à relever que M. Y... confiait aux cadres des missions quantifiées en jours et non en heures et reconnaissait, par courrier du 14 avril 2008, que M. X...bénéficiait d’une large autonomie dans l’organisation de son travail pour en déduire que l’employeur aurait intentionnellement omis de faire figurer sur les fiches de paie la totalité des heures travaillées au-delà de la durée légale, la cour d’appel qui n’a pas caractérisé l’élément intentionnel du travail dissimulé dès lors que la liberté d’organisation du temps de travail n’induit pas un dépassement de la durée légale, a violé les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;
Mais attendu qu’ayant relevé que l’employeur savait parfaitement que le nombre d’heures figurant sur les bulletins de paye ne correspondait pas au nombre d’heures de travail accomplies par le salarié, la cour d’appel a caractérisé l’élément intentionnel de la dissimulation d’emploi ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident du salarié :
Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande en nullité de son licenciement pour harcèlement moral alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d’appel a relevé que M. Cyrille X...versait aux débats diverses attestations et échanges de courriers dont le contenu pouvait faire présumer l’existence d’un harcèlement moral et a ensuite considéré que le contenu des courriers échangés entre M. Cyrille X...et son employeur ne pouvaient être assimilé à des pressions injustifiées susceptibles de caractériser des agissements répétés de harcèlement moral ; que cette contradiction de motifs a conduit la cour d’appel à violer les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu’il résulte des dispositions de l’article L. 1154-1 du code du travail qu’il appartient au salarié d’établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu’après avoir relevé que M. Cyrille X...versait aux débats diverses attestations et échanges de courriers dont le contenu pouvait faire présumer l’existence d’un harcèlement moral, la cour d’appel a conclu à l’absence de harcèlement moral sans avoir mis à la charge de l’employeur d’établir que les agissements dénoncés par le salarié n’étaient pas constitutifs d’un tel harcèlement ; qu’elle a ainsi violé les dispositions de l’article L. 1154-1 du code du travail ;
Mais attendu qu’ayant estimé, sans se contredire, que parmi les éléments allégués par le salarié seul un écart de langage de l’employeur à son endroit était établi, la cour d’appel a pu en déduire que ce seul élément ne permettait pas de caractériser l’existence d’un harcèlement moral ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi incident du salarié :
Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que la perte de confiance est une cause non autonome de licenciement et que l’employeur qui procède à un licenciement pour perte de confiance doit justifier d’éléments objectifs de nature à constituer à eux seuls un motif de licenciement ; que la mésentente ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement que si elle repose sur des faits objectifs, matériellement vérifiables, imputables au salarié, entraînant une perturbation effective de la bonne marche de l’entreprise ; qu’en concluant à la cause réelle et sérieuse du licenciement de M. Cyrille X..., sans que ne ressorte de ses constatations en quoi les écrits adressés par le salarié à l’employeur auraient eu un contenu agressif ou auraient perturbé le bon fonctionnement de l’entreprise, la cour d’appel a procédé par voie de simple affirmation ; qu’elle a ainsi privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu qu’ayant relevé que le salarié avait eu à plusieurs reprises un comportement agressif qui avait entraîné un climat délétère au sein de la société, la cour d’appel, exerçant les pouvoirs qu’elle tient de l’article L. 1235-1 du code du travail, a décidé que les faits de mésentente qui lui étaient reprochés reposant sur des faits objectifs constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à leur pourvoi ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Y... ingénierie, demanderesse au pourvoi principal.
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué D’AVOIR condamné la société Y... Ingénierie à payer à M. X...la somme de 19 770, 71 ¿ à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QU’il résulte tant des observations de la société Y... Ingénierie que des documents communiqués que les cadres se voyaient confier par M. Y... des missions à accomplir quantifiées en jours et non en heures et que la durée de 151, 67 heures mentionnée sur les bulletins de salaires ne correspondait pas à la réalité des heures effectuées par M. Cyrille X..., situation parfaitement connue de l’employeur, qui précisait dans un courrier adressé à son salarié le 14 avril 2008, qu’étant cadre dans une entreprise privée, ses heures de présence ne pouvaient être fixées d’une façon rigide, et qui ainsi a intentionnellement omis de faire figurer sur les fiches de paie la totalité des heures travaillées au-delà de la durée légale ;
ALORS QUE la dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5 2° du Code du travail n’est constituée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de salaire un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; qu’en se bornant à relever que M. Y... confiait aux cadres des missions quantifiées en jours et non en heures et reconnaissait, par courrier du 14 avril 2008, que M. X...bénéficiait d’une large autonomie dans l’organisation de son travail pour en déduire que l’employeur aurait intentionnellement omis de faire figurer sur les fiches de paie la totalité des heures travaillées au-delà de la durée légale, la cour d’appel qui n’a pas caractérisé l’élément intentionnel du travail dissimulé dès lors que la liberté d’organisation du temps de travail n’induit pas un dépassement de la durée légale, a violé les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du Code du travail. Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour

M. X..., demandeur au pourvoi incident.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Monsieur Cyrille X...de sa demande en nullité de son licenciement pour harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur Cyrille X...verse aux débats diverses attestations et échanges de courriers dont le contenu peut faire présumer l’existence d’un harcèlement moral ; que, pour établir les pressions invoquées, Monsieur Cyrille X...communique les différents courriers échangés avec son employeur, entre le 28 mars 2008 et le 20 mai 2008 ; que le contenu de ces documents qui relève du pouvoir de direction et de discipline de l’employeur ne peut être assimilé à des pressions injustifiées susceptibles de caractériser des agissements répétés de harcèlement moral ;
ALORS, D’UNE PART, QUE la Cour d’appel a relevé que Monsieur Cyrille X...versait aux débats diverses attestations et échanges de courriers dont le contenu pouvait faire présumer l’existence d’un harcèlement moral et a ensuite considéré que le contenu des courriers échangés entre Monsieur Cyrille X...et son employeur ne pouvaient être assimilé à des pressions injustifiées susceptibles de caractériser des agissements répétés de harcèlement moral ; que cette contradiction de motifs a conduit la Cour d’appel à violer les dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, D’AUTRE PART, QU’il résulte des dispositions de l’article L. 1154-1 du Code du travail qu’il appartient au salarié d’établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu’après avoir relevé que Monsieur Cyrille X...versait aux débats diverses attestations et échanges de courriers dont le contenu pouvait faire présumer l’existence d’un harcèlement moral, la Cour d’appel a conclu à l’absence de harcèlement moral sans avoir mis à la charge de l’employeur d’établir que les agissements dénoncés par le salarié n’étaient pas constitutifs d’un tel harcèlement ; qu’elle a ainsi violé les dispositions de l’article L. 1154-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Monsieur Cyrille X...de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE s’il est bien établi par le salarié que l’employeur a tenu à son égard des propos déplacés lors d’une réunion concernant la question des primes, il est constant, à la lecture des courriers échangés et de l’ensemble des documents produits, notamment des mails de deux de ses collègues, que Cyrille X...a multiplié les écrits et les demandes d’explications de manière soudaine, excessive et agressive et généré, par ses plaintes et ses mails de revendication adressés en copie à ses collègues, une ambiance délétère préjudiciable à la bonne marche de l’entreprise et une perte de confiance incompatible avec la nature de ses fonctions de cadre au sein d’une société de moyenne importance ; que les reproches de mésentente et de perte de confiance, reposant sur des faits matériellement vérifiables et qui ont entraîné des conséquences dommageables pour la S. A. R. L. Y... INGENIERIE constituent ainsi une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
ALORS QUE la perte de confiance est une cause non autonome de licenciement et que l’employeur qui procède à un licenciement pour perte de confiance doit justifier d’éléments objectifs de nature à constituer à eux seuls un motif de licenciement ; que la mésentente ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement que si elle repose sur des faits objectifs, matériellement vérifiables, imputables au salarié, entraînant une perturbation effective de la bonne marche de l’entreprise ; qu’en concluant à la cause réelle et sérieuse du licenciement de Monsieur Cyrille X..., sans que ne ressorte de ses constatations en quoi les écrits adressés par le salarié à l’employeur auraient eu un contenu agressif ou auraient perturbé le bon fonctionnement de l’entreprise, la Cour d’appel a procédé par voie de simple affirmation ; qu’elle a ainsi privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du Code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion , du 28 août 2012