Charge de la preuve des heures de travail accomplies

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 20 novembre 2012

N° de pourvoi : 11-22571

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Gaschignard, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu que Mme X... a été engagée le 18 novembre 2004 en qualité d’assistante marketing par la société B Plus dont l’activité est la fabrication et la distribution de montres ; que licenciée pour faute grave le 23 novembre 2007, elle a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes à titre d’indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et de rappel pour heures supplémentaires ;

Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen, pris en ses quatre premières branches :

Vu l’article L. 3171-4 du code du travail ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement d’heures supplémentaires, l’arrêt retient, par motifs adoptés, que les nombreux échanges de courriels d’ordre professionnel versés aux débats par la salariée, s’ils sont adressés effectivement au-delà des heures de travail contractualisées, ne sauraient suffire à identifier un dépassement journalier d’environ une heure et demie comme elle tente vainement de le soutenir et, par motifs propres, que les copies de courriels produits par la salariée ne constituent pas des éléments de preuves tangibles ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour limiter à deux mois de salaire le montant de l’indemnité compensatrice de préavis due à la salariée, l’arrêt retient, par motifs adoptés, que celle-ci a été engagée en qualité d’assistante-marketing et qu’elle relève de la catégorie employée en dépit d’une actualisation des grilles d’indice ;

Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée qui faisait valoir que la reconnaissance par l’employeur, en application de l’accord de branche étendu du 10 novembre 2005, de sa qualification d’assistant de publicité appartenant à la catégorie des employés de niveau V, lui ouvrait droit à un préavis conventionnel de trois mois, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute Mme X... de sa demande de rappel d’heures supplémentaires et limite à la somme de 3 654, 84 euros le montant de l’indemnité compensatrice de préavis qui lui est due, l’arrêt rendu le 25 mai 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société B Plus aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 2 500 euros à mme X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour Mme Catherine X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Mademoiselle X... fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir déboutée de sa demande en paiement d’heures supplémentaires et de repos compensateurs et d’avoir accueilli partiellement sa demande au titre du repos dominical en condamnant la société B Plus à lui payer la somme de 350 euros à ce titre ;

AUX MOTIFS QUE mademoiselle Catherine X... expose qu’elle effectuait de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été réglées ; qu’elle verse aux débat, au soutien de cette allégation, des copies d’e-mail adressés par elle à des correspondants au delà de son horaire de travail à savoir notamment :- le 28-12-2006 à 19 h 10,- le 10-01-2007 à 19 h 45,- le 31-01-2007 à 20 h 12,- le 22-01-2007 à 19 h 23,- le 26-01-2007 à 19 h 32 ; qu’outre le fait que ces copies de mail ne constituent pas des éléments de preuve tangibles, il convient de rappeler que le contrat de travail de mademoiselle Catherine X... prévoyait une rémunération de 1. 800 euros brut pour 35 heures travaillées par semaine plus 4 heures supplémentaires majorées à 110 %, puis 125 % ; que l’examen de ses bulletins de paie justifie que ses heures supplémentaires ont été comptabilisées et payées ; que c’est donc à juste titre que les premiers juges l’ont déboutée de ses demandes à ce titre ; qu’en suite du rejet de cette prétention, il convient de rejeter également la demande de la même au titre du repos compensateur et du travail dissimulé ; que, s’agissant du non-respect du repos dominical, mademoiselle Catherine X... justifie seulement être partie à Lyon le dimanche 4 février 2007 ; que son employeur ne justifiant pas l’avoir indemnisée à ce titre, il convient de le condamner à payer à l’intéressée une somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts ;

1°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu’en se bornant, pour débouter mademoiselle X... de sa demande en paiement d’heures supplémentaires et de repos compensateurs, à retenir que les copies de mails versées aux débats par cette dernière ne constituaient pas des éléments de preuve tangibles, sans même analyser les attestations de monsieur Y...et de madame Z..., dans lesquelles ces derniers témoignaient de ce que la salariée était toujours la dernière à partir, restant tard le soir, bien après 18 heures et très souvent jusque 20 heures, circonstance d’où il résultait que cette dernière effectuait régulièrement des heures supplémentaires, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, la charge de la preuve n’incombe pas spécialement au salarié qui doit seulement étayer sa demande, l’employeur devant, pour sa part, fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par ce dernier ; que la cour d’appel en se fondant, pour débouter la salariée de sa demande en paiement d’heures supplémentaires et de repos compensateurs, sur la circonstance que les éléments produits par cette dernière ne constituaient pas des éléments de preuve tangibles, a ainsi fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée et a violé l’article L. 3171-4 du code du travail ;

3°) ALORS QUE mademoiselle X... sollicitait, dans ses écritures (p. 23 et 24), le paiement des seules heures supplémentaires effectuées au delà des heures incluses dans la convention de forfait ; que la cour d’appel en se fondant, pour débouter la salariée de sa demande en paiement d’heures supplémentaires et de repos compensateurs, sur la circonstance inopérante que l’examen des bulletins de paie justifiait du paiement des heures supplémentaires mentionnées au contrat de travail, a violé l’article L. 3171-4 du code du travail ;

4°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le fondement des trois premières branches du moyen entraînera nécessairement par voie de conséquence l’annulation de l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté la demande de mademoiselle X... au titre du travail dissimulé, par application de l’article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;

5°) ALORS QU’en se bornant, pour limiter l’indemnisation de la salariée au titre du non-respect du repos dominical à la somme de 350 euros, à énoncer que cette dernière justifiait seulement être partie à Lyon le dimanche 4 février 2007, sans même analyser les attestations de messieurs Y...et A...ainsi que le courrier d’envoi du badge au salon Orhopa, établissant que la salariée avait effectivement participé à d’autres salons et foires le week-end, la la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Mademoiselle X... fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir limité le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 3. 654, 84 euros ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE c’est par de justes motifs, que la cour adopte, que le conseil de prud’hommes a condamné la société B Plus à … payer à la salariée la somme de 3. 654, 84 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, celle de 365, 48 euros pour les congés payés afférents ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE mademoiselle X... totalisait au moment de la rupture une ancienneté supérieure à deux ans pouvait prétendre, en l’absence de faute grave, à une indemnité de préavis ; que mademoiselle X... a été engagée en qualité d’assistante-marketing et qu’elle relève de la catégorie employée en dépit d’une actualisation des grilles d’indice ; que sur ce fondement, il reste dû à mademoiselle X... une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, soit 3. 654, 84 euros conformément aux dispositions conventionnelles applicables, somme à laquelle il convient d’ajouter les congés payés calculés selon la règle du dixième soit 365, 48 euros ;

ALORS QUE mademoiselle X... soutenait, dans ses conclusions d’appel (p. 21 et 22), qu’elle avait été sous-classée pendant toute sa période d’emploi, recevant ainsi un salaire moindre, et que la société B Plus, consciente de son erreur, avait régularisé les salaires le jour de l’audience de jugement devant le conseil de prud’hommes mais que la classification qui aurait dû lui être appliquée devait lui permettre d’obtenir trois mois de préavis au lieu des deux mois alloués par ce dernier ; qu’en se bornant, pour limiter le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 3. 654, 84 euros, correspondant à deux mois de salaire, à adopter les motifs des premiers juges selon lesquels mademoiselle X... avait été engagée en qualité d’assistante-marketing et relevait de la catégorie employée en dépit d’une actualisation des grilles d’indice, la cour d’appel n’a ainsi pas répondu au moyen précité qui était pourtant de nature à établir que la salariée avait droit à une indemnité de trois mois de salaire et a violé l’article 455 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 25 mai 2011