Effet défaut de déclaration enregistement chronotachygrahe - CNIL

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 14 janvier 2014

N° de pourvoi : 12-16218

ECLI:FR:CCASS:2014:SO00006

Publié au bulletin

Cassation

M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 4 août 1997 en qualité de chauffeur longue distance par la société Transolux, qui a été reprise par la société Transports Goubet ; que le 11 septembre 2008, il a été licencié pour faute grave après mise à pied conservatoire, l’employeur lui reprochant notamment une manipulation frauduleuse de son chronotachygraphe afin de majorer son temps de service et sa rémunération ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de l’employeur :
Vu les Règlements CEE n° 3821/ 85 du 20 décembre 1985 et CE n° 561/ 2006 du 15 mars 2006 ;
Attendu que, pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que les enregistrements effectués par suivi satellitaire et chronotachygraphe des déplacements du salarié ne peuvent être opposés à celui-ci, faute de déclaration de ces dispositifs à la commission nationale de l’informatique et des libertés ;
Attendu cependant qu’en vertu du Règlement CEE n° 3821/ 85 du 20 décembre 1985, d’application directe, l’employeur est tenu, sous peine de sanctions pénales, d’assurer la mise en place et l’utilisation d’un chronotachygraphe, de sorte qu’une absence de déclaration à la Commission nationale de l’informatique et des libertés de l’emploi de cet appareil ne saurait le priver de la possibilité de se prévaloir, à l’égard du salarié, des informations fournies par ce matériel de contrôle, dont le salarié ne pouvait ignorer l’existence ;
Qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Sur le second moyen du pourvoi principal de l’employeur :
Vu l’article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation à intervenir des dispositions de l’arrêt critiquées par le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, celle des dispositions de l’arrêt critiquées par le second moyen, qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident du salarié :
Vu l’article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents pour les années 2004 à 2008 incluse, l’arrêt se fonde sur le décompte par quadrimestre, établi par l’employeur conformément à l’accord susvisé, de la seule année 2007 ;
Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié affirmant que l’accord d’entreprise ne lui était pas opposable ni examiner ses prétentions pour l’ensemble des années considérées, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur le second moyen du pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 26 janvier 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Transports Goubet, demanderesse au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que le licenciement de Monsieur Christophe X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, d’AVOIR, en conséquence, condamné la société la société TRANSPORTS GOUBET à lui payer les sommes de 4. 880 ¿ à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 488 ¿ au titre des congés payés afférents, 2. 408, 80 ¿ à titre de rappel de salaire pour mise à pied, outre 240, 88 ¿ au titre des congés payés afférents, 5. 813, 26 ¿ à titre d’indemnité de licenciement, 29. 280 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1. 000 ¿ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en premier instance et 1. 500 ¿ en appel, et de l’AVOIR condamné aux dépens ;
AUX MOTIFS QUE « 1. Sur le licenciement.

La lettre de licenciement notifiée à M. X... mentionnait au titre des griefs, les éléments suivants (extraits essentiels) :

"-" l’analyse des enregistrements de notre suivi satellitaire AGAT effectuée le 13 août 2008 pour le mois de juillet, révèle que la manipulation de vos activités et de votre chronotachygraphe est particulièrement frauduleuse : portions de temps de services injustifiés plusieurs fois par semaine, exemples 2 juillet, 4 juillet, le 8 juillet, 15 juillet, 16 juillet, 18 juillet, 23 juillet (détails des agissements reprochés précisés pour chaque jour considéré)

"-" infractions à la réglementation sociale : 3 juillet (infraction de temps de service journalier excessif), le 28 juillet (infraction de temps de service journalier excessif et infraction de conduite journalière excessive)

"-" du 28 au 29 juillet (infraction d’insuffisance de repos journalier).

"-" non-respect des consignes de prise de gasoil : vous faites le plein dans les stations AS 24 de Saint-Léonard, Villefranche et Langres, au lieu du dépôt de Reims (en « Ad Blue », pas en gasoil).

*Grief portant sur les enregistrements.

L’article 2 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés dispose :

« la présente loi s’applique aux traitements automatisés de données à caractère personnel, ainsi qu’aux traitements non automatisés de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans des fichiers, à l’exception des traitements mis en oeuvre pour l’exercice d’activités exclusivement personnelles, lorsque leur responsable remplit les conditions prévues à l’article 5.
Constitue une donnée à caractère personnel toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres. Pour déterminer si une personne est identifiable, il convient de considérer l’ensemble des moyens en vue de permettre son identification dont dispose ou auxquelles peut avoir accès le responsable du traitement ou tout autre personne.

Constitue un traitement de données à caractère personnel toute opération ou tout ensemble d’opérations portant sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé, et notamment la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, ainsi que le verrouillage, l’effacement ou la destruction.

Constitue un fichier de données à caractère personnel tout ensemble structuré et stable de données à caractère personnel accessible selon des critères déterminés.

L’article 22 de la loi du 6 janvier 1978 dispose :.. « les traitements automatisés de données à caractère personnel font l’objet d’une déclaration auprès de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés ».

En l’espèce, la société Transports Goubet utilise un système de géolocalisation satellitaire, dénommé AGAT, qui enregistre le temps de service et de repos des chauffeurs routiers.

Si ce système permet de vérifier le respect par les chauffeurs routiers de la réglementation en matière de conduite, il constitue également un moyen de contrôle de l’activité de ces derniers.

Le chronotachygraphe installé dans le véhicule de M. X... collecte des données relatives à sa conduite, notamment sa vitesse, son temps de conduite et ses activités (travail, attentes...) qui constituent des données à caractère personnel au sens de la loi du 6 janvier 1978.

Les dispositifs du type de celui mis en place dans le véhicule de M. X..., ont pour objet de recueillir des données personnelles relatives aux chauffeurs des véhicules.

Ces dispositifs entrent dans le champ d’application de l’article 2 de la loi du 6 janvier 1978.

La collecte et l’enregistrement des données opérés par les chronotachygraphes doivent être considérés comme des traitements de données à caractère personnel au sens de ce texte.

L’article 22 de la loi du 6 janvier 1978 impose aux utilisateurs de ce type de dispositifs d’effectuer une déclaration auprès de la CNIL.

La société Transports Goubet, pour s’opposer à l’obligation de la déclaration du dispositif AGAT à la CNIL invoque un document intitulé « note relative à l’opposabilité des données résultant de l’analyse du chronotachygraphe lors d’un contentieux prud’homal » dans laquelle est mentionnée une délibération numéro 2006-066 en date du 16 mars 2006 de la CNIL qui exclut, selon elle, l’obligation de déclaration dans le domaine des transports des personnes et des marchandises par route.

Cette note ne comporte aucune signature ni identification, mais elle n’émane manifestement pas de la CNIL.

La délibération du 16 mars 2006, au demeurant non produite aux débats, fait la distinction entre les dispositifs de géolocalisation, tels que le dispositif AGAT en cause dans la présente procédure, et les dispositifs n’utilisant pas un géolocalisation.

En toute hypothèse, la lettre du président de la CNIL, en date du 26 mai 2011, en réponse à l’arrêt avant-dire droit de la cour d’appel de Grenoble du 13 octobre 2010, est parfaitement claire.

Elle indique en effet : « je vous confirme que la mise en oeuvre de chronotachygraphes implique le traitement de données à caractère personnel. En effet, les chronotachygraphes sont des appareils de contrôle installés et utilisés sur des véhicules de transport routier, ayant pour objectif essentiel de permettre un contrôle de l’activité des chauffeurs. ».....

Le président de la CNIL poursuit, après avoir rappelé les dispositions de l’article 2 de la loi du 6 janvier 1978 :

« en l’espèce, il est manifeste que le chronotachygraphe installé dans le véhicule de M. X... collecte des données relatives à la conduite de ce dernier notamment sa vitesse, son temps de conduite et ses activités (travail attentes...) lesquels constituent des données à caractère personnel au sens de la loi. C’est bien l’objet même de ces dispositifs que de recueillir des données relatives aux chauffeurs des véhicules.

Il résulte de cette définition très large (article 2 alinéa 3 de la loi du 6 janvier 1978), qui reproduit fidèlement les dispositions correspondantes de l’article 2 de la directive 95/ 46/ CE du 24 octobre1995, que la collecte et l’enregistrement des données opérés par les chronotachygraphes doivent être considérés comme des traitements de données à caractère personnel au sens de la loi.

Les dispositions du chapitre IV de la loi du 6 janvier 1978 imposent aux organismes mettant en oeuvre de tels traitements d’accomplir des formalités préalables auprès de la commission.....

La loi prévoit, par ailleurs, un certain nombre d’exceptions à cette obligation de déclaration.

En premier lieu, la commission peut adopter une délibération exonérant une catégorie de traitements de déclaration. Tel n’a pas été le cas concernant les traitements de données issues du fonctionnement des chronotachygraphes.

Toutefois, la société transports Goubet n’a pas procédé à la désignation d’un tel correspondant auprès des services de la commission, pas davantage à ce jour qu’à la date des faits.

Au vu de ce qui précède, je vous confirme donc que, conformément à l’article 22 susvisé, la société Transports Goubet aurait dû procéder à une déclaration auprès de la CNIL préalablement à la mise en oeuvre des traitements de données à caractère personnel découlant de la mise en oeuvre de chronotachygraphes dans ses véhicules, ce que celle-ci n’a pas fait ».

La société transports Goubet n’a pas procédé à la déclaration de son dispositif de géolocalisation auprès de la CNIL, ainsi qu’elle en avait l’obligation.

Les enregistrements ne peuvent être opposés à M. X.... Le jugement sera confirmé sur le premier grief.

*Grief portant sur des infractions à la réglementation sociale.

En ce qui concerne la journée du 28 juillet, il est reproché un temps de service journalier excessif (13 heures) et une durée de conduite journalière excessive (10 heures 25).

Le ticket produit par M. X..., imprimé dans son camion, montre un temps de service de 11 heures 15.

En ce qui concerne la journée du 3 juillet, il est reproché à M. X... un temps de service journalier excessif (12 heures 41).

Si l’on ajoute les heures de conduite et de services pour cette journée, le total des heures s’établit à 10 heures.

L’infraction d’insuffisance de repos journalier pour la journée du 28 aux 29 juillet n’est pas établie.

Les griefs imputés à M. X... n’étant pas établis, c’est à juste titre que le conseil des prud’hommes a déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La somme allouée à M. X... au titre de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents a été exactement calculée, de sorte qu’elle sera confirmée.

Il en est de même de l’indemnité de licenciement.

La mise à pied injustifiée doit être indemnisée par l’allocation de la somme de 2408, 81 ¿, outre congés payés afférents. Le jugement sera confirmé également sur ce point.

Compte tenu de l’ancienneté de M. X..., la somme qui lui a été allouée par le premier juge à titre de dommages-intérêts est insuffisante à indemniser son préjudice. Cette somme devra être portée à 29 280 ¿ » ;
1°) ALORS QUE ne constitue pas un traitement de données à caractère personnel soumis à déclaration à la CNIL la présence d’un chronotachygraphe dans les véhicules d’une entreprise de transport, imposée par une réglementation spécifique contraignant l’employeur à détenir des informations précises sur l’activité des chauffeurs et encadrant strictement sa mise en oeuvre ; qu’en jugeant le contraire, la Cour d’appel a violé, par fausse application, les articles 2 et 22 de la loi n° 78-17 de la loi du 6 janvier 1978 ;
2°) ALORS subsidiairement QU’il était constant entre les parties que les véhicules de transport litigieux étaient équipés de deux systèmes distincts, un système de géolocalisation et un dispositif de chronotachygraphe, le premier permettant la localisation du véhicule et le second enregistrant les temps de service et de repos des chauffeurs ; que l’employeur se prévalait, pour justifier de l’absence d’obligation de déclaration à la CNIL du dispositif de chronotachygraphe, des délibérations n° 2006-066 et n° 2006-067 du 16 mars 2006, aux termes desquelles la CNIL avait fait une distinction entre les dispositifs de géolocalisation et de chronotachygraphe, soumettant le premier à l’obligation de déclaration et excluant le second de cette obligation ; qu’en affirmant que la société TRANSPORTS GOUBET utilisait un système de géolocalisation qui enregistre les temps de service et de repos des chauffeurs routiers et en lui reprochant de ne pas avoir procédé à la déclaration de son dispositif de géolocalisation, la Cour d’appel a dénaturé les termes du litige, violant les articles 4 et 5 du Code de procédure du litige ;
3°) ALORS QUE tenu de respecter le principe du contradictoire, les juges du fond doivent inviter les parties à s’expliquer sur l’absence au dossier des documents figurant sur le bordereau de communication de pièces et dont la communication n’a pas été contestée ; que la société TRANSPORTS GOUBET visait dans ses conclusions et dans son bordereau de communication de pièces la délibération de la CNIL n° 2006-066 du 16 mars 2006, sans que le salarié n’émette aucune contestation à ce titre ; qu’en affirmant que cette délibération n’était pas produite aux débats, sans inviter les parties à s’expliquer sur l’absence au dossier de cette pièce régulièrement communiquée, la Cour d’appel a violé l’article 16 du Code de procédure civile ;
4°) ALORS subsidiairement QUE le juge ne peut se fonder sur un élément après avoir relevé qu’il n’était pas produit aux débats ; qu’en se fondant sur la délibération du mars 2006 après avoir relevé qu’elle n’était pas produite aux débats, la Cour d’appel a violé l’article 16 du Code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE l’avis exprimé par le président de la CNIL n’a qu’une valeur consultative et ne lie pas le juge qui le sollicite ; qu’en octroyant à l’avis du président de la CNIL une valeur impérative, la Cour d’appel a violé l’article 5 du Code de procédure civile ;
6°) ALORS QUE le juge ne peut accueillir ou rejeter les demandes dont il est saisi sans examiner tous les éléments de preuve qui lui sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu’en se bornant à relever que la société TRANSPORTS GOUBET n’avait pas procédé à la déclaration de son dispositif de géolocalisation (AGAT) auprès de la CNIL quand cette société versait aux débats l’accusé de réception de déclaration simplifiée à la CNIL relatif à la « géolocalisation des véhicules utilisés par les employés », la Cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;
7°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu’il résultait en l’espèce du rapprochement des heures de conduite et de travail du salarié pour la journée du 3 juillet 2008 que ce dernier avait effectué 12, 45 heures de travail (cf. impression du disque chronotachygraphe du 3 juillet 2008), comme l’indiquait du reste la lettre de licenciement ; qu’en retenant qu’il résultait d’un tel rapprochement, l’accomplissement de seulement 10 heures de travail, la Cour d’appel a violé le principe prohibant la dénaturation des documents de la cause ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Attendu que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ;

Attendu que Monsieur Christophe X... a été licencié pour faute grave ;

Attendu que selon la Cour de Cassation, la faute grave est définie comme la faute qui « résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis » :

Attendu qu’il ressort de cette définition que pour qualifier la faute grave il incombe aux juges de relever le ou les faits constituant pour le salarié une violation des obligations découlant de son contrat de travail ou des relations de travail, seuls susceptibles d’être retenus en ce domaine ;

Attendu que Monsieur Christophe X... a été licencié pour le motif général suivant : « L’analyse des enregistrements de notre suivi satellitaire AGAT effectuée le 13 août 2008 pour le mois de juillet, révèle que la manipulation de vos activités et de votre chronotachygraphe sont particulièrement frauduleuses » ;

Attendu que s’ensuit une série de griefs

Attendu que le système AGAT est un système informatique ; que chaque conducteur dispose d’un badge personnalisé, qu’il insère dans un ordinateur de bord installé dans les camions, et qui enregistre tous les temps de service et de repos effectués quotidiennement ;

Attendu que les badges enregistrent les temps de service (conduite, chargement/ déchargement, attente...) ainsi que les temps de repos des conducteurs ;

Que ce système permet de contrôler si les conducteurs respectent correctement les temps de repos réglementaires et permet de repérer les éventuelles manipulations du disque électronique ;

Attendu que le système dénommé AGAT s’il permet à l’employeur de gagner du temps sur la gestion du temps de travail des conducteurs, est aussi un outil de contrôle pour les salariés ;

Attendu que si l’employeur a le droit de contrôler, de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, l’arrêt de la Cour de Cassation du 20 novembre 1991 pose la règle selon laquelle tout enregistrement, quels qu’en soient les motifs, d’images ou de paroles à l’insu du salarié, constitue un mode de preuve illicite ; Qu’un tel dispositif doit en outre être déclaré à la CNIL.

Attendu que lorsque l’employeur invoque une faute grave, c’est à lui d’en rapporter la preuve ;

Attendu qu’en l’espèce la SAS TRANSPORTS GOUBET ne rapporte pas la preuve que le dispositif AGAT ait fait l’objet d’une déclaration à la CNIL.

Attendu que la SAS TRANSPORTS GOUBET reproche à Monsieur Christophe X... toute une série de griefs ;

Qu’il lui est d’abord reproché une majoration des temps de service ; Mais attendu que c’est l’employeur lui-même qui demande aux chauffeurs de se présenter à l’avance chez le clients ;

Qu’il est ensuite reproché à Monsieur Christophe X... de ne pas être rentré au dépôt le soir du 17 juillet 2008 ;

Attendu cependant qu’un procès verbal de réunion des délégués du personnel autorise les chauffeurs à ne pas rentrer au dépôt suivant les aléas de gestion du travail chez les clients et les aléas de la circulation ;

Qu’il est reproché à Monsieur Christophe X... des détournements d’itinéraires

Mais attendu que la SAS TRANSPORTS GOUBET se fonde pour cela sur un dispositif illégal ; que Monsieur Christophe X... affirme par ailleurs avoir toujours avisé et obtenu l’autorisation de sa hiérarchie ;

Qu’il lui est également reproché de ne pas respecter les consignes de prise de gasoil ;

Mais attendu que la SAS TRANSPORTS GOUBET ne rapporte pas la preuve de la diffusion desdites consignes ;

Attendu que la SAS TRANSPORTS GOUBET n’apporte pas plus d’éléments de preuve sur les autres griefs reprochés à Monsieur Christophe X..., à savoir un temps excessif pour changer un chronomère manuel, et un non respect de la réglementation sociale ;

Attendu par conséquent que les motifs évoqués dans la lettre de licenciement ne peuvent être opposables au salarié ;

Attendu qu’en conséquence le Conseil ne retiendra pas le licenciement pour faute grave et jugera que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Qu’il en découle qu’il sera accordé à Monsieur Christophe X... un préavis de 4 880, 00 ¿ brut, ainsi que les congés payés afférents soit 488, 00 ¿ brut, le Conseil ayant retenu la base de 2 440, 01) ¿ de salaire brut mensuel ;

Attendu qu’il est dû à Monsieur Christophe X... l’indemnité de licenciement pour un montant de 5 813, 26 ¿, somme non contestée par l’employeur ;

Attendu que la mise à pied conservatoire lui sera également remboursée pour le montant réclamé de 2 408, 81 ¿ brut, outre 240, 88 ¿ brut au titre des congés payés afférents ;

Attendu que Monsieur Christophe X... avait une ancienneté importante dans l’entreprise, qui compte par ailleurs plus de 10 salariés ; Que le Conseil lui octroiera donc la somme de 24 400, 00 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

8°) ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu’aux termes de la lettre de licenciement du 11 septembre 2008, il était fait grief à Monsieur X... d’avoir « le 4 juillet, enregistré du travail de 6h38 à 6h59 alors que la CMR indique une livraison prévue à 7h20. Arrivé en avance, il vous appartenait de vous positionner sur « repos » ; qu’explicitant ce manquement dans ses conclusions d’appel reprises verbalement à l’audience, l’employeur faisait valoir que le grief ne portait donc pas sur le fait pour le salarié d’arriver en avance chez les clients, mais de ne pas positionner dans de telles hypothèses le chronotachygraphe sur la position « repos », conformément la note de service du mois de juin 2007 aux termes de laquelle « constitue un temps de repos, toute période pendant laquelle vous n’avez pas le droit de conduire ou d’effectuer d’autres tâches et qui doit permettre uniquement de se reposer. Sont visés notamment : les périodes consacrées au repos journalier, les temps passés à l’abord d’une usine avant ouverture ou lorsque vous êtes en avance par rapport au rendez-vous fixé par l’exploitation ou un client » (conclusions d’appel de l’exposante p. 22) ; qu’en jugeant ce grief non établi, au motif inopérant que l’employeur demandait lui-même à ses chauffeurs d’arriver à l’avance chez les clients, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1234-1, L1234-5, L1234-9 et L. 1121-1 du Code du travail ;
9°) ALORS QU’en écartant le grief tiré de ce que Monsieur X... n’était pas rentré au dépôt le soir du 17 juillet 2008 au motif qu’un procès-verbal de réunion des délégués du personnel autorise les chauffeurs à ne pas rentrer au dépôt suivant les aléas de gestion du travail chez les clients et les aléas de la circulation, sans constater la survenance de tels événements le soir du 17 juillet 2008, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1234-1, L1234-5, L1234-9 et L. 1121-1 du Code du travail ;
10°) ALORS QUE le juge ne peut procéder par voie d’affirmation péremptoire ; qu’en relevant que Monsieur X..., à qui étaient notamment reproché des détournements d’itinéraires, affirmait avoir toujours avisé et obtenu l’autorisation de sa hiérarchie, sans viser ni analyser fût-ce sommairement les éléments l’ayant conduite à considérer que les affirmations du salarié étaient fondées, la Cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;
11°) ALORS QUE le juge ne peut accueillir ou rejeter les demandes dont il est saisi sans examiner tous les éléments de preuve qui lui sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour démontrer le non-respect par Monsieur X... des consignes de prises de gasoil, la société GOUBET produisait aux débats, le procès verbal de la réunion des délégués du personnel du 2 avril 2008, transmis à l’ensemble du personnel, dont il ressortait que « pour accéder au site des transports DURAND, se présenter dans la journée aux heures de bureau pour se faire enregistrer. Monsieur Y... rappelle que le plein doit être effectué chez ce transporteur et non à l’AS 24 » ; qu’en bornant à dire que l’employeur ne rapportait pas la preuve de la diffusion des consignes relatives à la prise de gasoil sans viser ni analyser, fût-ce sommairement, ces dispositions du PV de la réunion du 2 avril 2008, la Cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la société TRANSPORTS GOUBET à payer à Monsieur X... les sommes de 956, 91 ¿ à titre d’indemnité de repos compensateurs et de 95, 69 ¿ au titre des congés payés afférents ;
AUX MOTIFS QUE « sur le repos compensateur.

M. X... produit un tableau récapitulant les repos compensateurs restants dus pour les années 2004, 2005 et 2006.

La société appelante s’oppose aux demandes de M. X... aux motifs que ce dernier a manipulé son sélecteur chronotachygraphe de façon incorrecte, que sa demande est fondée sur des heures supplémentaires injustifiées et que ses calculs sont établis au mois, alors qu’ils auraient dû être effectués jusqu’au 31 décembre 2004 de manière annuelle puis par la suite au quadrimestre.

En application de l’accord d’entreprise du 13 janvier 2005, il est dû à M. X... 13 jours de repos compensateurs, soit la somme de : (2208, 26/ 30) x 13 = 956, 91 ¿, outre les congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé sur ce point » ;
1°) ALORS QU’une cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera celle du chef de dispositif critiqué dans le présent moyen, par application de l’article 624 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; que dans ses conclusions d’appel, la société TRANSPORTS GOUBET faisait valoir qu’elle avait pris en charge une part de la cotisation prévoyance mise en place dans l’entreprise et qu’en contrepartie, les salariés s’étaient engagés à renoncer à 3 jours de repos compensateur par an puisque le nombre de repos compensateurs attribués était supérieur à celui prévu par la réglementation (conclusions d’appel de l’exposante p. 12, § 3 à 5) ; qu’en se dispensant de répondre à ce moyen péremptoire des conclusions de la société TRANSPORT GOUBET, la Cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile. Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi incident
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR débouté M. X... de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QUE la demande de M. X... se heurte à l’accord d’entreprise en date du 13 janvier 2005 qui implique un décompte de la durée du travail au quadrimestre qui permet aux salariés de bénéficier d’un maintien de salaire de 220 heures mensuelles ; que pour l’année 2007, le relevé d’activité produit par la société appelante fait apparaître les éléments suivants : premier cycle de 12 semaines : 792 heures 46 alors qu’il a bénéficié de 880 heures payées, deuxième cycle de 12 semaines : 708 heures 53 alors qu’il a bénéficié de 880 heures payées, troisième cycle de 12 semaines : 712 heures 690 alors qu’il a bénéficié de 880 heures payées ;
AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE Monsieur Christophe X... se fonde sur un relevé mensuel de la durée du travail, alors que depuis l’accord d’entreprise du 13 janvier 2005, la SAS TRANSPORTS GOUBET applique un décompte de la durée du travail sur un cycle de 12 semaines (ou quadrimestre) ; qu’à titre d’exemple, pour l’année 2007, le relevé d’activité versé par l’employeur révèle que Monsieur Christophe X... a travaillé : premier cycle de 12 semaines : 792, 46 heures, alors qu’il a bénéficié de 880 heures payés ; deuxième cycle de 12 semaines : 708, 53 heures, alors qu’il a bénéficié de 880 heures payées ; troisième cycle de douze semaines : 712, 690 heures, alors qu’il a bénéficié de 880 heures payées ; qu’il ressort de ces éléments que Monsieur Christophe X... a toujours été réglé de l’intégralité de ses heures supplémentaires, et a même été payé, en application du décompte au quadrimestre, plus que ce qu’il aurait dû ;
1/ ALORS QUE le salarié sollicitait la condamnation de son employeur à lui verser des rappels d’heures supplémentaires non réglées sur une période allant de 2004 à 2008 et produisait à cette fin un récapitulatif des heures effectuées au cours de ces cinq années ; qu’en se contentant d’examiner les heures de travail effectivement réalisées et rémunérées pour l’année 2007, sans donner aucun motif justifiant le rejet des demandes au titre des années 2004, 2005, 2006 et 2008, la Cour d’appel a privé sa décision de motifs, en violation de l’article 455 du Code de procédure civile ;
2/ ALORS QUE le salarié faisait valoir que l’accord collectif d’entreprise du 13 janvier 2005 prévoyant un décompte de la durée du travail au quadrimestre lui était inopposable faute d’avoir été soumis à l’avis préalable du comité d’entreprise ou des délégués du personnel et transmis à l’inspection du travail en application du décret 83-40 du 26 janvier 1983 ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen, la cour d’appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance de l’article 455 du Code de procédure civile ;
3/ ALORS QUE, en tout état de cause, les conventions et accords sont applicables, sauf stipulations contraires, à partir du jour qui suit leur dépôt auprès du service compétent, dans des conditions déterminées par voie réglementaire ; qu’en faisant application de l’accord collectif d’entreprise signé le 13 janvier 2005 aux heures de travail effectuées avant cette date, la Cour d’appel, qui a fait produire un effet rétroactif à cet accord sans établir qu’il comportait des stipulations en ce sens, a violé l’article L. 2261-1 du code du travail, ensemble l’accord collectif d’entreprise du 13 janvier 2005 et l’article 1134 du code civil ;
ALORS QUE Monsieur X... faisait valoir que, même à admettre l’accord collectif d’entreprise instituant le décompte au quadrimestre de la durée du travail opposable au salarié, celui-ci ne lui avait pas été correctement et pleinement appliqué s’agissant de la valorisation en heures des jours fériés et des jours de congés, prévue en son article 2 et qu’en conséquence il n’avait jamais été indemnisé au titre de ces jours non travaillés, en méconnaissance des prévisions de cet accord ; qu’en s’abstenant de répondre à un tel moyen, dont il résultait que des heures complémentaires restaient dues nonobstant l’institution à partir de 2005 d’un décompte de la durée du travail au quadrimestre, la Cour d’appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance de l’article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de rappel de salaire sur repos compensateur d’un montant de 3. 617, 64 ¿ et des congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QUE M. X... a produit un tableau récapitulant les repos compensateurs restants dus pour les années 2004, 2005 et 2006 ; que la société s’oppose aux demandes du salarié aux motifs que ce dernier a manipulé son sélecteur chronotachygraphe de façon incorrecte que sa demande est fondée sur des heures supplémentaires injustifiées et que ses calculs sont établis au mois, alors qu’ils auraient dû être effectués jusqu’au 31 mars 2004 de manière annuelle puis par la suite au quadrimestre ; qu’en application de l’accord d’entreprise du 13 janvier 2005, il est dû à Monsieur X... 13 jours de repos compensateurs, soit la somme de 956, 91 ¿ outre les congés payés y afférents ;
ALORS QUE la cassation à intervenir du chef du premier moyen entraînera par voie de conséquence celle du chef du dispositif attaqué par le présent moyen en application de l’article 624 du code de procédure civile.
Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Grenoble , du 26 janvier 2012