CJUE Grigore

ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

4 mars 2011 (*)

« Article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure – Politique sociale – Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs – Directive 2003/88/CE − Aménagement du temps de travail – Notion de ‘temps de travail’ – Notion de ‘durée maximale hebdomadaire de travail’ – Garde forestier soumis, selon les termes de son contrat de travail et de la convention collective applicable, à une durée de travail flexible de 8 heures par jour et de 40 heures par semaine − Réglementation nationale le tenant pour responsable de tout préjudice survenu dans le cantonnement forestier relevant de sa compétence − Qualification − Incidence des heures supplémentaires sur la rémunération et les indemnités financières de l’intéressé »

Dans l’affaire C‑258/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunalul Dâmboviţa (Roumanie), par décision du 14 avril 2010, parvenue à la Cour le 25 mai 2010, dans la procédure

Nicuşor Grigore

contre

Regia Naţională a Pădurilor Romsilva – Direcţia Silvică Bucureşti,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, M. A. Ó Caoimh (rapporteur) et Mme P. Lindh, juges,

avocat général : M. P. Mengozzi,

greffier : M. A. Calot Escobar,

la Cour se proposant de statuer par voie d’ordonnance motivée conformément à l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, de son règlement de procédure,

l’avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, point 1, et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 299, p. 9).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Grigore, un garde forestier, à son employeur, la Regia Națională a Pădurilor Romsilva – Direcția Silvică București (Office national des forêts − administration régionale des forêts de Bucarest, ci-après « Romsilva »), au sujet de la notion de « temps de travail » au sens de la directive 2003/88 en ce qui concerne les services de surveillance et de gestion qu’il a effectués dans les cantonnements forestiers relevant de sa compétence ainsi que de la rémunération due au titre de ces services.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

3 Selon son premier considérant, la directive 2003/88 procède, dans un souci de clarté, à la codification des dispositions de la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 307, p. 18), telle que modifiée par la directive 2000/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 2000 (JO L 195, p. 41).

4 Conformément à son article 1er, paragraphes 1 et 2, sous a), la directive 2003/88 fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail et s’applique aux périodes minimales de repos journalier, de repos hebdomadaire et de congé annuel ainsi qu’au temps de pause et à la durée maximale hebdomadaire de travail.

5 Sous le titre « Définitions », l’article 2 de la directive 2003/88 dispose à ses points 1 à 5 :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1. ‘temps de travail’ : toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ;

2. ‘période de repos’ : toute période qui n’est pas du temps de travail ;

[…]

4. ‘travailleur de nuit’ :

a) d’une part, tout travailleur qui accomplit durant la période nocturne au moins trois heures de son temps de travail journalier accomplies normalement ;

b) d’autre part, tout travailleur qui est susceptible d’accomplir, durant la période nocturne, une certaine partie de son temps de travail annuel […] ;

5. ‘travail posté’ : tout mode d’organisation du travail en équipe selon lequel des travailleurs sont occupés successivement sur les mêmes postes de travail, selon un certain rythme, y compris le rythme rotatif, et qui peut être de type continu ou discontinu, entraînant pour les travailleurs la nécessité d’accomplir un travail à des heures différentes sur une période donnée de jours ou de semaines ».

6 La directive 2003/88 prévoit, à ses articles 3 à 5, les mesures que les États membres sont tenus de prendre pour que tout travailleur bénéficie, respectivement, d’une période minimale de repos journalier, d’un temps de pause et d’une période minimale de repos hebdomadaire.

7 Sous le titre « Durée maximale hebdomadaire de travail », l’article 6 de la même directive énonce :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs :

a) la durée hebdomadaire du travail soit limitée au moyen de dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou de conventions collectives ou d’accords conclus entre partenaires sociaux ;

b) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n’excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires. »

8 L’article 8, premier alinéa, sous a), de la directive 2003/88 dispose :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que :

a) Le temps de travail normal des travailleurs de nuit ne dépasse pas huit heures en moyenne par période de vingt-quatre heures ».

9 L’article 16 de la directive 2003/88 est libellé comme suit :

« Les États membres peuvent prévoir :

[…]

b) pour l’application de l’article 6 (durée maximale hebdomadaire de travail), une période de référence ne dépassant pas quatre mois.

[…] »

10 Conformément à l’article 17, paragraphe 1, de ladite directive, dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, les États membres peuvent déroger, notamment, aux articles 6 et 16 de cette directive lorsque la durée du temps de travail, en raison des caractéristiques particulières de l’activité exercée, n’est pas mesurée et/ou prédéterminée ou peut être déterminée par les travailleurs eux-mêmes.

11 En vertu de l’article 22, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2003/88, les États membres ont la faculté de ne pas appliquer l’article 6 pour autant qu’ils respectent les principes généraux de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et qu’ils remplissent un certain nombre de conditions cumulatives énoncées à ladite disposition.

La réglementation nationale

Le code du travail

12 Aux termes de l’article 108 du code du travail (Codul muncii, ci-après le « code du travail »), tel que modifié, le temps de travail représente toute période pendant laquelle le travailleur exerce son travail, est à disposition de son employeur et accomplit les fonctions et tâches qui lui sont assignées, conformément aux dispositions figurant dans son contrat de travail, dans la convention collective de travail dont il relève et/ou dans la législation en vigueur.

13 Pour les travailleurs engagés à temps plein, la durée normale du temps de travail est, conformément à l’article 109, paragraphe 1, du code de travail, de 8 heures par jour et de 40 heures par semaine.

14 L’article 110 du code du travail dispose :

« 1) La durée hebdomadaire du temps de travail est, en principe, répartie uniformément selon un régime de 8 heures par jour pendant 5 jours et 2 jours de congé.

2) En fonction des caractéristiques de l’entreprise ou du travail accompli, une répartition non uniforme du temps de travail peut être choisie, à condition de respecter la durée normale du temps de travail qui est de 40 heures par semaine. »

15 Selon l’article 111, paragraphe 1, du code du travail, la durée maximale du temps de travail ne peut légalement dépasser 48 heures par semaine, y compris les heures supplémentaires. Conformément au paragraphe 2 du même article, la durée du temps de travail, y compris les heures supplémentaires, peut, par dérogation, être portée à plus de 48 heures par semaine, à condition que la moyenne des heures de travail, calculée sur une période de référence de 3 mois calendaires, ne dépasse pas 48 heures hebdomadaires.

16 L’article 115 du code du travail est libellé comme suit :

« 1) L’employeur peut établir des horaires de travail individualisés, avec l’accord ou à la demande du travailleur concerné, si cette possibilité est prévue dans les conventions collectives applicables à l’employeur ou, à défaut, dans les règlements intérieurs.

2) Les horaires de travail individualisés requièrent un mode d’organisation flexible du temps de travail.

3) La durée quotidienne du temps de travail est divisée en deux périodes : une période fixe, durant laquelle le personnel se trouve simultanément sur le lieu de travail, et une période variable, mobile, pour laquelle le travailleur choisit ses heures d’arrivée et de départ, dans le respect du temps de travail journalier.

4) L’horaire de travail individualisé ne peut fonctionner que dans le respect des dispositions des articles 109 et 111 [dudit code]. »

17 Conformément à l’article 117, paragraphes 1 et 2, du code du travail, les heures accomplies en dehors de la durée normale du temps de travail hebdomadaire visée à l’article 109 du même code sont considérées comme des heures supplémentaires. Aucune heure supplémentaire ne peut être effectuée sans l’accord du travailleur, hormis les cas de force majeure ou pour des tâches urgentes destinées à prévenir des accidents ou à en éliminer les conséquences.

18 L’article 118 du code du travail prévoit que, à la demande de l’employeur, les travailleurs peuvent effectuer des heures supplémentaires, dans le respect des dispositions des articles 111 ou 112 dudit code selon le cas.

La loi n° 22/1969

19 Aux termes de l’article 23 de la loi n° 22/1969 concernant l’engagement de gestionnaires, la constitution des garanties et la responsabilité pour la gestion des biens des sociétés, des autorités et des institutions publiques (Legea nr. 22/1969 privind angajarea gestionarilor, constituirea de garanţii şi răspunderea în legatură cu gestionarea bunurilor agenţilor economici, autorităţilor sau instituţiilor publice, ci-après la « loi n° 22/1969 »), telle que modifiée, en cas de manquement aux dispositions relatives à la gestion des biens, l’intéressé encourt une responsabilité matérielle, disciplinaire, administrative, pénale ou civile selon le cas.

20 Selon l’article 24 de la loi n° 22/1969, les travailleurs sont matériellement responsables, conformément au code du travail et aux dispositions de cette loi, des dommages causés dans le cadre de leur gestion par les actes qui ne sont pas constitutifs d’infraction.

La décision gouvernementale n° 997/1999

21 L’article 8 de la décision gouvernementale n° 997/1999, portant approbation du règlement relatif à la création, à l’organisation et au fonctionnement des organismes forestiers (Hotărârea Guvernului nr. 997/1999 pentru aprobarea Regulamentului privind constituirea, organizarea şi funcţionarea structurilor silvice proprii, Monitorul Oficial al României, partie I, n° 597 du 8 décembre 1999), prévoit à son paragraphe 3 :

« Après signature du procès-verbal, le garde forestier assume la responsabilité quant à la manière dont sont exercées les activités de surveillance et d’entretien du patrimoine forestier du cantonnement relevant de sa compétence. »

Le règlement relatif à la surveillance du domaine forestier

22 L’article 6, paragraphe 2, du règlement relatif à la surveillance du domaine forestier, des fonds de chasse et des fonds de pêche dans les eaux de montagne (Regulamentul pentru paza fondului forestier, a fondurilor de vânătoare şi a fondurilor de pescuit din apele de munte), annexé à l’ordonnance du ministre de la Sylviculture n° 15/1988 (ci-après le « règlement de surveillance »), prévoit que la surveillance du domaine forestier, des fonds de chasse et des fonds de pêche dans les eaux de montagne est assurée par les gardes forestiers ou les gardes-chasse, pour le territoire qui leur a été confié.

23 Conformément à l’article 7 dudit règlement, dans un cantonnement, la surveillance des forêts, du gibier et des poissons des eaux de montagne est assurée par les gardes forestiers au moyen d’une vigilance permanente.

24 L’article 22 du règlement de surveillance dispose :

« Les gardes forestiers sont matériellement responsables, dans les conditions prévues par le code du travail, pour les arbres coupés, déracinés, détruits, illégalement dégradés ou volés, qui ne sont pas recensés par procès-verbal de constatation de contraventions et d’infractions. De même, le garde forestier répond matériellement, administrativement, disciplinairement ou pénalement, selon le cas, de tout fait illégal commis à l’encontre du domaine forestier si, en vue de la réparation des dommages subis, il a établi des actes qui ont ultérieurement été considérés par les organes de justice ou par le parquet comme dépourvus de fondement. Avant le début du contrôle, le garde forestier établit une déclaration précisant les dommages connus dans le cantonnement, par rapport à laquelle la personne qui réalise le contrôle complète le registre de service dudit garde. »

25 Une nouvelle version du règlement de surveillance est entrée en vigueur le 24 janvier 2010 (Monitorul Oficial al României, partie I, n° 721 du 26 octobre 2009) à la suite de l’adoption de la décision n° 1076/2009.

La convention collective de Romsilva

26 L’article 110 de la convention collective conclue par Romsilva le 2 juin 2006, renouvelée le 4 juin 2007 (ci-après la « convention collective »), prévoit :

« La durée normale du temps de travail, pour les travailleurs engagés à temps plein, est de 40 heures par semaine, à raison de 8 heures par jour. […]

S’agissant du personnel de terrain (gardes forestiers, agents de terrain, chefs de district, brigadiers forestiers) et du personnel exerçant des fonctions d’encadrement, l’horaire de travail est ‘flexible’ […], mais sera ramené à la durée normale du temps de travail prévue dans la législation en vigueur. »

27 L’article 179 de la convention collective dispose :

« En vue d’assurer de meilleures conditions de travail et de vie pour les travailleurs, l’unité garantit, pour certaines catégories de travailleurs, les facilités suivantes :

[…]

c) le personnel forestier de [Romsilva] qui est domicilié, avec sa famille, dans des immeubles appartenant à ces sous-unités jouit gratuitement de l’usage des lieux d’habitation dans les sièges de cantonnements, dans les districts forestiers, ou des immeubles dépendant des pépinières, des truiticultures ou des faisanderies, etc. gérés par l’unité. […]

Au cas où il n’existe pas de siège de cantonnement ou de district dans la zone d’activité et où le personnel utilise son logement personnel à cette fin, le personnel a droit à une indemnisation équivalente à celle prévue par la loi pour une chambre. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

28 M. Grigore a été employé par Romsilva en qualité de garde forestier pour la période du 1er mars 2006 au 19 septembre 2008. Il était initialement chargé du cantonnement forestier n° 12 de Valea Mocanului et, à partir d’août 2006, il était également en charge du cantonnement forestier n° 13 de Valea Mocanului Buftea.

29 Il ressort de la décision de renvoi et des observations soumises à la Cour que, conformément à la convention collective, l’horaire de travail des gardes forestiers est flexible, dans les limites prévues par la législation nationale en vigueur. Conformément à son contrat de travail, M. Grigore avait une durée de travail flexible de 8 heures par jour et de 40 heures par semaine. Son traitement était calculé et payé sur la base de cet horaire.

30 En l’espèce, conformément à la description de son poste de travail figurant dans ledit contrat, M. Grigore, qui était le seul à avoir la charge du cantonnement n° 12 de Valea Mocanului, devait assurer la surveillance des cantonnements forestiers relevant de sa compétence.

31 La décision de renvoi ne précise pas si M. Grigore jouissait d’un logement de fonction situé dans l’enceinte desdits cantonnements. Selon les observations soumises à la Cour par le gouvernement roumain, le cantonnement n° 12 de Valea Mocanului ne dispose pas d’un logement pouvant être mis à la disposition du garde forestier et le requérant au principal n’a pas fait usage de la possibilité offerte par la convention collective de résider dans les locaux du siège administratif dont dispose le cantonnement n° 13 de Valea Mocanului Buftea.

32 Par recours introduit le 27 octobre 2008 devant la juridiction de renvoi, M. Grigore a demandé que Romsilva soit condamné, notamment, au paiement, d’une part, des salaires relatifs aux heures supplémentaires, aux heures de travail effectuées les samedis et dimanches ainsi qu’aux heures de travail de nuit et, d’autre part, d’une indemnité de logement.

33 Le requérant au principal estime que la notion de « temps de travail » figurant à l’article 2, point 1, de la directive 2003/88 inclut la période pendant laquelle le garde forestier est tenu, légalement et contractuellement, d’assurer de manière permanente la surveillance du territoire du cantonnement forestier relevant de sa compétence. Selon lui, le fait de contraindre un garde forestier à surveiller en permanence un tel cantonnement est contraire aux dispositions des articles 2 et 6 de ladite directive.

34 Romsilva soutient, en revanche, qu’un garde forestier tel que le requérant au principal jouit d’un horaire flexible et peut donc exercer ses fonctions au cours d’une journée sans excéder un total de 8 heures de travail ni être tenu de respecter une plage horaire fixe entre 8 heures et 16 heures, l’élément important étant qu’il exécute les tâches qui lui incombent.

35 La juridiction de renvoi constate qu’un garde forestier est, en vertu de la réglementation nationale applicable, tenu de remplir ses fonctions 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, tout en ne recevant une rémunération que pour un horaire de travail de 8 heures par jour, et ce alors même que sa responsabilité est engagée de manière permanente et continue.

36 Considérant que, dans ces conditions, la solution du litige dont il est saisi nécessite l’interprétation de la directive 2003/88, le Tribunalul Dâmboviţa a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) La période pendant laquelle un garde forestier, dont la durée journalière de travail, telle que stipulée dans son contrat de travail, est de 8 heures, est tenu d’assurer la surveillance d’un cantonnement forestier, en engageant sa responsabilité disciplinaire, patrimoniale, administrative ou pénale, selon le cas, pour les dommages intervenus dans le cantonnement relevant de sa compétence, indépendamment du moment où se produisent ces dommages, constitue-t-elle un ‘temps de travail’ au sens de l’article 2, point 1, de la directive 2003/88 […] ?

2) La réponse à la première question serait-elle différente dans le cas où le garde forestier disposerait d’un logement de fonction situé dans l’enceinte du cantonnement forestier relevant de sa compétence ?

3) Y a-t-il violation des dispositions de l’article 6 de la directive 2003/88 […], intitulé ‘Durée maximale hebdomadaire de travail’, dans une situation dans laquelle, même si le contrat de travail stipule que la durée maximale journalière de travail est de 8 heures et la durée maximale hebdomadaire est de 40 heures, le garde forestier assure, en réalité, en vertu d’obligations légales, la surveillance du cantonnement forestier relevant de sa compétence de manière permanente ?

4) En cas de réponse affirmative à la première question, l’employeur a-t-il l’obligation de payer les salaires et les avantages pouvant être assimilés à ceux-ci pour la période durant laquelle le garde forestier est tenu d’assurer la surveillance du domaine forestier ?

5) Si la réponse à la première question devait être négative, quel serait le régime juridique applicable à la période durant laquelle le garde forestier est responsable de la surveillance du domaine forestier relevant de sa compétence ? »

Sur les questions préjudicielles

37 Conformément à l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, de son règlement de procédure, lorsque la réponse à des questions posées à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut, après avoir entendu l’avocat général, à tout moment, statuer par voie d’ordonnance motivée comportant référence à la jurisprudence en cause. La Cour estime que tel est le cas dans l’affaire au principal.

Sur la première question

38 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si l’article 2, point 1, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’une période pendant laquelle un garde forestier, dont le temps de travail journalier, tel que stipulé dans son contrat de travail, est de huit heures, est tenu d’assurer la surveillance d’un cantonnement forestier, en engageant sa responsabilité disciplinaire, patrimoniale, administrative ou pénale, selon le cas, pour les dommages intervenus dans le cantonnement relevant de sa compétence, indépendamment du moment auquel se produisent ces dommages, constitue du « temps de travail » au sens de cette disposition.

39 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, étant donné que les articles 1er à 8 de la directive 2003/88 sont rédigés dans des termes en substance identiques à ceux des articles 1er à 8 de la directive 93/104, telle que modifiée par la directive 2000/34, l’interprétation de ces derniers par la Cour est pleinement transposable aux articles susmentionnés de la directive 2003/88 (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2010, Fuß, C‑429/09, non encore publié au Recueil, point 32).

40 Il importe en outre de rappeler que la directive 2003/88 a pour objet de fixer des prescriptions minimales destinées à améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs par un rapprochement des réglementations nationales concernant notamment la durée du temps de travail. Cette harmonisation au niveau de l’Union européenne en matière d’aménagement du temps de travail vise à garantir une meilleure protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, en faisant bénéficier ceux-ci de périodes minimales de repos – notamment journalier et hebdomadaire − ainsi que de périodes de pause adéquates et en prévoyant un plafond de 48 heures pour la durée moyenne de la semaine de travail, limite maximale à propos de laquelle il est expressément précisé qu’elle inclut les heures supplémentaires (voir arrêts du 3 octobre 2000, Simap, C‑303/98, Rec. p. I‑7963, point 49 ; du 26 juin 2001, BECTU, C‑173/99, Rec. p. I-4881, points 37 et 38, ainsi que du 9 septembre 2003, Jaeger, C‑151/02, Rec. p. I‑8389, point 46).

41 Les différentes prescriptions que ladite directive énonce en matière de durée maximale de travail et de temps minimal de repos constituent des règles du droit social de l’Union revêtant une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescription minimale nécessaire pour assurer la protection de sa sécurité et de sa santé (voir arrêt du 1er décembre 2005, Dellas e.a., C‑14/04, Rec. p. I‑10253, point 49 et jurisprudence citée).

42 S’agissant de la notion de « temps de travail » au sens de l’article 2, point 1, de la directive 2003/88, il importe tout d’abord de rappeler qu’il a déjà été jugé que la directive définit ladite notion comme toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou aux pratiques nationales, et que la même notion doit être appréhendée par opposition à la période de repos, ces deux notions étant exclusives l’une de l’autre (arrêts précités Jaeger, point 48, ainsi que Dellas e.a., point 42, et ordonnance du 11 janvier 2007, Vorel, C-437/05, Rec. p. I‑331, point 24).

43 Dans ce contexte, la directive 2003/88 ne prévoit pas de catégorie intermédiaire entre les périodes de travail et celles de repos et parmi les éléments caractéristiques de la notion de « temps de travail » au sens de cette directive ne figure pas l’intensité du travail accompli par le travailleur ou le rendement de ce dernier (arrêt Dellas e.a., précité, point 43, ainsi que ordonnance Vorel, précitée, point 25).

44 Ensuite, la Cour a également jugé que les notions de « temps de travail » et de « période de repos » au sens de la directive 2003/88 constituent des notions du droit de l’Union qu’il convient de définir selon des caractéristiques objectives, en se référant au système et à la finalité de ladite directive, visant à établir des prescriptions minimales destinées à améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs. En effet, seule une telle interprétation autonome est de nature à assurer à cette directive sa pleine efficacité ainsi qu’une application uniforme desdites notions dans l’ensemble des États membres (arrêt Dellas e.a., précité, points 44 et 45, ainsi que ordonnance Vorel, précitée, point 26).

45 Enfin, il convient de rappeler que l’article 2 de la directive 2003/88 ne figure pas parmi les dispositions de celle-ci auxquelles il est permis de déroger.

46 Dans l’affaire au principal, ainsi que la Commission européenne l’a fait valoir dans ses observations écrites, il ne ressort pas clairement du dossier transmis à la Cour si les trois éléments de la définition de la notion de « temps de travail » rappelés au point 42 de la présente ordonnance sont réunis. Tandis que Romsilva et le gouvernement roumain dans les observations qu’il a soumises à la Cour contestent l’obligation pour un garde forestier de se tenir à la disposition de son employeur sur le lieu de travail en dehors des 8 heures de travail journalier, le requérant au principal soutient que, dès lors que le garde forestier assume l’entière responsabilité de la surveillance et de la gestion de son cantonnement forestier et peut être tenu pour responsable des éventuels dommages matériels survenus dans le cadre de cette gestion, il a l’obligation d’accomplir les fonctions qui lui sont dévolues 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

47 Le gouvernement roumain soutient que le garde forestier assure une mission de protection permanente du domaine forestier, sans qu’il soit tenu d’exercer ses fonctions de manière continue contrairement à ce que le requérant au principal prétend. Il fait valoir que, contrairement à ce qui ressort de la décision de renvoi, le fait que la réglementation nationale en cause au principal qualifie certaines obligations de service du garde forestier de « permanentes » doit être interprété en ce sens que ces obligations doivent être remplies de manière constante durant l’horaire de travail et qu’il n’est pas nécessaire qu’une certaine périodicité soit définie en ce qui les concerne. Selon ce gouvernement, la solution du litige au principal dépend de la détermination de l’étendue dans le temps de l’obligation de surveillance du garde forestier, question qui relève de l’interprétation de la réglementation nationale.

48 Il convient à cet égard de rappeler que, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, toute appréciation des faits de la cause relève de la compétence de la juridiction de renvoi et il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’interprétation des dispositions nationales et de juger si l’interprétation qu’en donne cette juridiction est correcte (voir, notamment, arrêts du 5 mars 2009, Apis-Hristovich, C‑545/07, Rec. p. I‑1627, point 32, ainsi que du 23 avril 2009, Angelidaki e.a., C‑378/07 à C‑380/07, Rec. p. I‑3071, point 48).

49 Il appartient donc à la juridiction de renvoi et non à la Cour d’apprécier, en fonction des termes du contrat de travail d’un garde forestier tel que le requérant au principal, des conventions collectives régissant l’exercice de ses fonctions et des dispositions pertinentes du droit national, y compris celles relatives aux conditions auxquelles est soumis le régime de responsabilité en vertu du règlement de surveillance, la nature, l’étendue et la durée des responsabilités lui incombant. Dans ce contexte, cette juridiction doit vérifier la véracité de l’allégation du requérant au principal selon laquelle il serait tenu de travailler en permanence.

50 En vérifiant les obligations incombant à un garde forestier afin de déterminer la durée de son temps de travail au sens de la directive 2003/88, la juridiction de renvoi ne doit pas se limiter à examiner les dispositions de la réglementation nationale visant à réglementer explicitement le temps de travail, mais doit également examiner celles qui affectent, en pratique, l’aménagement du temps de travail de l’intéressé.

51 Si, ainsi que le gouvernement roumain l’a lui-même admis, il devait ressortir de cet examen que le contrat individuel de travail d’un garde forestier tel que le requérant au principal, seul responsable pour un cantonnement forestier, et/ou les dispositions pertinentes de la réglementation nationale en cause au principal exigent une surveillance dudit cantonnement qui implique que le temps de travail de ce garde forestier excède en réalité le nombre d’heures stipulées dans son contrat de travail et dans la convention collective qui lui est applicable, les exigences de l’article 6 de la directive 2003/88 relatives à la durée maximale hebdomadaire de travail pourraient ne pas être respectées.

52 Dans le cadre de la vérification à opérer par la juridiction de renvoi en ce qui concerne l’appréciation de la durée réelle de travail effectuée par un garde forestier tel que le requérant au principal, sont pertinents la nature et les conséquences, en droit roumain, du type de contrat « flexible » dont bénéficie ce dernier, le fonctionnement du régime de responsabilité qui lui est applicable pour les dommages survenus dans son cantonnement forestier compte tenu des conditions relatives à l’existence d’une telle responsabilité prévues par le droit roumain et la question de savoir s’il est en réalité possible d’exécuter l’obligation de vigilance permanente lui incombant dans le cadre des horaires fixés dans son contrat de travail ainsi que par la réglementation nationale en vigueur.

53 Dans ce contexte, il convient également de rappeler que la qualification de « temps de travail », au sens de la directive 2003/88, d’une période de présence du travailleur est fonction de l’obligation pour ce dernier de se tenir à la disposition de son employeur (arrêt Dellas e.a., précité, point 58). Le facteur déterminant est le fait que le travailleur est contraint d’être physiquement présent au lieu déterminé par l’employeur et de s’y tenir à la disposition de ce dernier pour pouvoir immédiatement fournir les prestations appropriées en cas de besoin (arrêt Dellas e.a., précité, point 48, ainsi que ordonnance Vorel, précitée, point 28).

54 Selon les informations soumises à la Cour, un contrat flexible du type de celui en cause au principal vise à permettre, en fonction des caractéristiques de l’entreprise employant le travailleur concerné ou du travail accompli, une répartition libre du temps de travail, à condition, toutefois, que soit respectée la durée normale de celui-ci, soit 40 heures par semaine.

55 Cependant, dans une situation telle que celle au principal, pourrait également être pertinent, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, le fait que le garde forestier est seul responsable de la surveillance d’un cantonnement forestier, aucun travail posté ni aucune autre modalité n’ayant été prévus pour répondre à l’obligation de surveillance permanente dont le requérant au principal allègue l’existence.

56 Il incombe donc à la juridiction de renvoi, eu égard à la définition du temps de travail figurant à l’article 2, point 1, de la directive 2003/88 et telle que rappelée au point 42 de la présente ordonnance, d’une part, de vérifier la compatibilité des dispositions pertinentes de la réglementation nationale régissant le temps de travail des gardes forestiers avec cette directive et, d’autre part, alors même que cette réglementation serait compatible avec ladite directive, d’examiner si sa mise en œuvre effective, compte tenu, notamment, du régime de responsabilité auquel lesdits gardes forestiers peuvent, dans certaines conditions, être soumis, est susceptible d’aboutir, dans des cas spécifiques, à des résultats incompatibles avec les exigences de celle-ci.

57 Il convient en tout état de cause de rappeler que, à supposer même que le temps de travail d’un garde forestier tel que le requérant au principal soit, en pratique, limité aux 40 heures hebdomadaires stipulées dans son contrat de travail, les exigences de la directive 2003/88 relatives aux périodes minimales de repos journalier (article 3), de temps de pause (article 4) et de repos hebdomadaire (article 5) doivent toujours être respectées, sous réserve, certes, des possibilités de déroger auxdites dispositions prévues par cette directive. En outre, dès lors que, dans l’affaire au principal, il s’agit d’un contrat de travail « flexible », la juridiction de renvoi doit également vérifier si la mise en œuvre de celui-ci permet d’assurer le respect de l’article 8, premier alinéa, sous a), de cette directive, qui établit certaines exigences s’agissant du travail de nuit.

58 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l’article 2, point 1, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’une période pendant laquelle un garde forestier, dont le temps de travail journalier, tel que stipulé dans son contrat de travail, est de huit heures, est tenu d’assurer la surveillance d’un cantonnement forestier, en engageant sa responsabilité disciplinaire, patrimoniale, administrative ou pénale, selon le cas, pour les dommages intervenus dans le cantonnement relevant de sa compétence, indépendamment du moment auquel se produisent ces dommages, constitue du « temps de travail » au sens de cette disposition uniquement si la nature et l’étendue de l’obligation de surveillance incombant à ce garde forestier et le régime de responsabilité qui lui est applicable exigent la présence physique de ce dernier sur le lieu du travail et si, pendant ladite période, il doit se tenir à la disposition de son employeur. Il appartient à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications factuelles et juridiques nécessaires, notamment au regard du droit national applicable, afin d’apprécier si tel est le cas dans l’affaire dont elle est saisie.

Sur la deuxième question

59 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, en ce qui concerne la détermination du temps de travail d’un garde forestier tel que le requérant au principal, le fait qu’il dispose d’un logement de fonction situé dans le cantonnement forestier relevant de sa compétence est pertinent.

60 Il y a lieu, à titre liminaire, de constater que, dès lors que la juridiction de renvoi n’a fourni aucun détail quant au domicile du requérant au principal ou à la mise à la disposition de ce dernier d’un logement de fonction, le gouvernement roumain considère qu’il convient de rejeter cette question comme irrecevable.

61 Toutefois, dès lors que la juridiction de renvoi est, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, seule compétente pour apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’elle pose à la Cour et dès lors que celles-ci portent sur l’interprétation du droit de l’Union et que l’interprétation fournie par la Cour peut se révéler utile à la juridiction nationale pour la solution du litige dont elle est saisie, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir en ce sens, notamment, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C‑415/93, Rec. p. I‑4921, point 59, et du 12 octobre 2010, Rosenbladt, C‑45/09, non encore publié au Recueil, point 32).

62 Ainsi qu’il a été dit au point 42 de la présente ordonnance, la notion de « temps de travail » au sens de la directive 2003/88 est définie comme toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou aux pratiques nationales. La même notion doit être appréhendée par opposition à la période de repos, ces deux notions étant exclusives l’une de l’autre.

63 Ainsi qu’il ressort également du point 53 de la présente ordonnance, la qualification de « temps de travail », au sens de ladite directive, d’une période de présence du travailleur est fonction de l’obligation pour ce dernier de se tenir à la disposition de son employeur (arrêt Dellas e.a., précité, point 58). Le facteur déterminant est le fait que le travailleur est contraint d’être physiquement présent au lieu déterminé par l’employeur et de s’y tenir à la disposition de ce dernier pour pouvoir immédiatement fournir les prestations appropriées en cas de besoin (arrêt Dellas e.a., précité, point 48, ainsi que ordonnance Vorel, précitée, point 28).

64 S’agissant de la circonstance qu’un logement de fonction est mis à la disposition d’un garde forestier, elle n’implique nullement que les trois conditions énoncées à l’article 2, point 1, de la directive 2003/88, qui sont requises pour que l’activité d’un travailleur soit qualifiée de « temps de travail » au sens de cette disposition, soient automatiquement remplies du seul fait que ledit logement est situé dans l’enceinte du cantonnement forestier relevant de la compétence de ce garde.

65 S’il ressort des vérifications opérées par la juridiction de renvoi qu’un garde forestier tel que le requérant au principal effectue les heures de travail exigées par son contrat de travail, à savoir les 40 heures hebdomadaires stipulées à celui-ci, selon un horaire flexible et que, compte tenu du régime de responsabilité qui lui est applicable, il est tenu de remplir ses obligations relatives à la surveillance et à la gestion du cantonnement forestier relevant de sa compétence uniquement pendant ces heures, le fait qu’un logement est mis à sa disposition dans ce cantonnement ne devrait pas nécessairement affecter la qualification de ses temps de travail et de repos au regard de l’article 2 de la directive 2003/88 et, en conséquence, le respect de la durée maximale hebdomadaire de travail telle que définie à l’article 6 de cette directive.

66 En effet, si le garde forestier peut, en dehors de son temps de travail de 40 heures par semaine, gérer son temps, quitter le cantonnement forestier relevant de sa compétence et se consacrer à ses propres intérêts, la période consacrée à de telles activités ne peut, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, être qualifiée de « temps de travail » au sens de l’article 2, point 1, de la directive 2003/88 nonobstant le fait que le logement de fonction mis à sa disposition est situé dans l’enceinte dudit cantonnement (voir, en ce sens, arrêts précités Simap, point 50, et Jaeger, point 51).

67 Si, en revanche, le garde forestier réside dans un logement de fonction mis à sa disposition dans ledit cantonnement et s’il résulte des vérifications opérées par la juridiction de renvoi que, soit en vertu de la réglementation nationale applicable elle-même, soit en raison des modalités de mise en œuvre effective de cette réglementation, ce garde forestier est, en réalité, afin de respecter son obligation de surveillance, obligé de se tenir à la disposition de son employeur pour pouvoir immédiatement fournir les prestations appropriées en cas de besoin, les éléments caractéristiques de la notion de « temps de travail » au sens de ladite disposition sont présents (voir arrêts précités Simap, point 48, et Jaeger, point 63).

68 En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, il y a lieu de considérer des obligations qui mettent le travailleur concerné dans l’impossibilité de choisir son lieu de séjour pendant les périodes d’inactivité professionnelle comme relevant de l’exercice de ses fonctions (voir arrêts précités Simap, point 48, et Jaeger, point 63).

69 Il appartient à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications nécessaires afin d’apprécier si tel est le cas dans l’affaire dont elle est saisie.

70 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la deuxième question que la qualification d’une période de « temps de travail » au sens de l’article 2, point 1, de la directive 2003/88 ne dépend pas de la mise à disposition d’un logement de fonction dans l’enceinte du cantonnement relevant de la compétence du garde forestier concerné pour autant que cette mise à disposition n’implique pas que ce dernier soit contraint d’être physiquement présent au lieu déterminé par l’employeur et de s’y tenir à la disposition de celui-ci pour pouvoir immédiatement fournir les prestations appropriées en cas de besoin. Il appartient à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications nécessaires afin d’apprécier si tel est le cas dans l’affaire dont elle est saisie.

Sur la troisième question

71 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une situation dans laquelle, même si le contrat de travail d’un garde forestier stipule que le temps de travail maximal est de 8 heures par jour et la durée maximale hebdomadaire est de 40 heures, en réalité ce dernier assure, en vertu d’obligations légales, la surveillance du cantonnement forestier relevant de sa compétence de manière permanente.

72 L’article 6, sous b), de la directive 2003/88 contraint les États membres à prendre les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, la durée moyenne de travail pour chaque période de 7 jours n’excède pas 48 heures, y compris les heures supplémentaires.

73 Ainsi qu’il ressort de la réponse à la première question, si les dispositions pertinentes de la réglementation nationale applicable à un garde forestier tel que le requérant au principal, y compris celles relatives au régime de responsabilité qui lui est applicable, devaient être interprétées comme exigeant que le cantonnement forestier relevant de sa compétence soit surveillé d’une manière telle que le temps de travail de ce garde forestier excéderait en réalité le nombre d’heures de travail tel que stipulé dans son contrat de travail et dans la convention collective qui lui est applicable, les exigences de l’article 6 de la directive 2003/88 relatives à la durée maximale hebdomadaire de travail pourraient ne pas être respectées.

74 Toutefois, ainsi qu’il ressort de la réponse à la première question, dès lors que la nature et l’étendue de l’obligation de surveillance incombant à un garde forestier et les conséquences du régime de responsabilité qui lui est applicable ne ressortent pas clairement du dossier, il appartient à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications nécessaires à cet égard.

75 S’il s’avère que la durée maximale hebdomadaire de travail est susceptible d’être dépassée dans les circonstances d’une affaire telle que celle au principal, il convient de rappeler que l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2003/88 prévoit que les États membres peuvent déroger, notamment, aux articles 6 et 16 de cette directive, cette dernière disposition visant la période de référence pour le calcul de la durée maximale hebdomadaire de travail, lorsque la durée du temps de travail, en raison des caractéristiques particulières de l’activité exercée, n’est pas mesurée et/ou prédéterminée ou peut être déterminée par les travailleurs eux-mêmes.

76 Toutefois, il n’est pas possible d’établir, sur la base des informations figurant dans le dossier dont dispose la Cour, s’il existe un rapport entre les activités visées à l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2003/88 et celles accomplies par un garde forestier tel que le requérant au principal.

77 Il convient également de rappeler que l’article 22, paragraphe 1, de la directive 2003/88 prévoit que les États membres ont la faculté de ne pas appliquer ledit article 6, pour autant qu’ils respectent les principes généraux de la protection de la sécurité ainsi que de la santé des travailleurs et qu’ils remplissent un certain nombre de conditions cumulatives énoncées à ladite disposition.

78 Toutefois, le dossier dont dispose la Cour ne permet pas non plus de savoir si la Roumanie a fait usage de cette possibilité de dérogation.

79 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que l’article 6 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, en principe, à une situation dans laquelle, même si le contrat de travail d’un garde forestier stipule que le temps de travail maximal est de 8 heures par jour et la durée maximale hebdomadaire est de 40 heures, en réalité ce dernier assure, en vertu d’obligations légales, la surveillance du cantonnement forestier relevant de sa compétence, soit de manière permanente, soit de manière à excéder la durée maximale hebdomadaire de travail prévue à cet article. Il appartient à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications nécessaires afin d’apprécier si tel est le cas dans l’affaire dont elle est saisie et, le cas échéant, de vérifier si les conditions prévues à l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2003/88 ou à l’article 22, paragraphe 1, de celle-ci et relatives à la faculté de déroger audit article 6 sont respectées dans l’affaire au principal.

Sur la quatrième question

80 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2003/88 doit être interprétée en ce sens que l’employeur a l’obligation de verser les salaires et avantages pouvant être assimilés à ceux-ci pour la période durant laquelle le garde forestier est tenu d’assurer la surveillance du cantonnement forestier dont il est responsable.

81 Il convient à cet égard de rappeler que la base juridique de la directive 2003/88 est l’article 137, paragraphe 2, CE et que le paragraphe 5 de cet article, tel que modifié par le traité de Nice, prévoit que ses « dispositions […] ne s’appliquent ni aux rémunérations, ni au droit d’association, ni au droit de grève, ni au droit de lock-out ».

82 Cette exception trouve sa raison d’être dans le fait que la fixation du niveau des rémunérations relève de l’autonomie contractuelle des partenaires sociaux à l’échelon national ainsi que de la compétence des États membres en la matière. Dans ces conditions, il a été jugé approprié, en l’état actuel du droit de l’Union, d’exclure la détermination du niveau des salaires d’une harmonisation au titre des articles 136 CE et suivants (arrêts du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso, C‑307/05, Rec. p. I‑7109, points 40 et 46, ainsi que du 15 avril 2008, Impact, C‑268/06, Rec. p. I‑2483, point 123).

83 Il résulte en conséquence de la jurisprudence de la Cour que, exception faite de l’hypothèse particulière visée à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 en matière de congé annuel payé, celle-ci se borne à réglementer certains aspects de l’aménagement du temps de travail, de sorte que, en principe, elle ne trouve pas à s’appliquer à la rémunération des travailleurs (voir arrêt Dellas e.a., précité, point 38, ainsi que ordonnance Vorel, précitée, point 32).

84 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la quatrième question que la directive 2003/88 doit être interprétée en ce sens que l’obligation de l’employeur de verser les salaires et avantages pouvant être assimilés à ceux-ci pour la période durant laquelle le garde forestier est tenu d’assurer la surveillance du cantonnement forestier dont il est responsable relève non pas de cette directive, mais des dispositions pertinentes du droit national.

Sur la cinquième question

85 Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande, en cas de réponse négative à la première question, quel serait le régime juridique applicable à la période durant laquelle le garde forestier est responsable de la surveillance du cantonnement forestier relevant de sa compétence.

86 Toutefois, eu égard tant à la réponse donnée aux quatre premières questions qu’au fait qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’établir, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, les conséquences pour la qualification de « temps de travail », au sens de l’article 2, point 1, de la directive 2003/88, des obligations de surveillance et de gestion d’un garde forestier ainsi que du régime de responsabilité applicable à ce dernier, il n’y a pas lieu de répondre à la cinquième question.

Sur les dépens

87 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

1) L’article 2, point 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu’une période pendant laquelle un garde forestier, dont le temps de travail journalier, tel que stipulé dans son contrat de travail, est de huit heures, est tenu d’assurer la surveillance d’un cantonnement forestier, en engageant sa responsabilité disciplinaire, patrimoniale, administrative ou pénale, selon le cas, pour les dommages intervenus dans le cantonnement relevant de sa compétence, indépendamment du moment auquel se produisent ces dommages, constitue du « temps de travail » au sens de cette disposition uniquement si la nature et l’étendue de l’obligation de surveillance incombant à ce garde forestier et le régime de responsabilité qui lui est applicable exigent la présence physique de ce dernier sur le lieu du travail et si, pendant ladite période, il doit se tenir à la disposition de son employeur. Il appartient à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications factuelles et juridiques nécessaires, notamment au regard du droit national applicable, afin d’apprécier si tel est le cas dans l’affaire dont elle est saisie.

2) La qualification d’une période de « temps de travail » au sens de l’article 2, point 1, de la directive 2003/88 ne dépend pas de la mise à disposition d’un logement de fonction dans l’enceinte du cantonnement relevant de la compétence du garde forestier concerné pour autant que cette mise à disposition n’implique pas que ce dernier soit contraint d’être physiquement présent au lieu déterminé par l’employeur et de s’y tenir à la disposition de celui-ci pour pouvoir immédiatement fournir les prestations appropriées en cas de besoin. Il appartient à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications nécessaires afin d’apprécier si tel est le cas dans l’affaire dont elle est saisie.

3) L’article 6 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, en principe, à une situation dans laquelle, même si le contrat de travail d’un garde forestier stipule que le temps de travail maximal est de 8 heures par jour et la durée maximale hebdomadaire est de 40 heures, en réalité ce dernier assure, en vertu d’obligations légales, la surveillance du cantonnement forestier relevant de sa compétence, soit de manière permanente, soit de manière à excéder la durée maximale hebdomadaire de travail prévue à cet article. Il appartient à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications nécessaires afin d’apprécier si tel est le cas dans l’affaire dont elle est saisie et, le cas échéant, de vérifier si les conditions prévues à l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2003/88 ou à l’article 22, paragraphe 1, de celle-ci et relatives à la faculté de déroger audit article 6 sont respectées dans l’affaire au principal.

4) La directive 2003/88 doit être interprétée en ce sens que l’obligation de l’employeur de verser les salaires et avantages pouvant être assimilés à ceux-ci pour la période durant laquelle le garde forestier est tenu d’assurer la surveillance du cantonnement forestier dont il est responsable relève non pas de cette directive, mais des dispositions pertinentes du droit national.

Signatures