Temps de déplacement domicile - travail non

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 5 juin 2019

N° de pourvoi : 17-26286

ECLI:FR:CCASS:2019:SO00908

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP de Nervo et Poupet, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. R... a été engagé le 15 avril 2002 par la société CPFM devenue CBRE property management, en qualité de responsable d’exploitation, statut cadre ; que la relation de travail était régie par la convention collective nationale de l’immobilier du 9 septembre 1988 ; que par avenant du 21 décembre 2006, son temps de travail a été modifié dans le cadre d’une convention de forfait en jours ; que le salarié a saisi la juridiction prud’homale de demandes en résiliation judiciaire de son contrat et en paiement de diverses sommes ; qu’il a fait valoir ses droits à la retraite à effet au 30 avril 2013 ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses première à quatrième branches, et le quatrième moyen :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi 2016-1088 du 8 août 2016 ;

Attendu que pour condamner l’employeur au paiement d’un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l’arrêt retient que le salarié produit un tableau d’heures supplémentaires de 2008 à 2013 auquel l’employeur n’apporte aucune critique fondée, se limitant à répondre qu’il s’agissait d’une question d’organisation personnelle et que les heures supplémentaires n’étaient pas imposées, qu’au regard de sa charge de travail, constatée dans le rapport d’expertise, le chiffrage des dépassements ne parait pas déraisonnable ;

Qu’en se déterminant ainsi, alors que le temps de déplacement professionnel pour se rendre du domicile aux lieux d’exécution du contrat de travail n’est pas du temps de travail effectif et n’ouvre droit qu’à une contrepartie financière ou en repos s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, la cour d’appel, qui n’a pas vérifié, comme elle y était invitée, si le chiffrage de la créance d’heures supplémentaires n’incluait par des temps de trajet, n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le deuxième moyen, pris en sa cinquième branche :

Vu l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ;

Attendu que pour condamner l’employeur au paiement d’une contrepartie financière des astreintes et des congés payés afférents, l’arrêt retient que le tableau des astreintes produit par le salarié n’est pas véritablement contesté par la société CBRE PM et qu’il sera fait droit à la demande ;

Qu’en statuant ainsi, alors que dans ses conclusions l’employeur contestait le calcul présenté par le salarié du montant de la contrepartie financière en soutenant, d’une part, qu’il se basait sur les minima conventionnels de la classification C3, alors qu’il bénéficiait de la classification C1 et, d’autre part, qu’en effectuant ce calcul pour toutes les heures effectuées en dehors des heures normales travaillées, il sollicitait le paiement, au titre des mêmes périodes, d’une contrepartie financière au titre des astreintes et d’un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, la cour d’appel, qui a dénaturé ces conclusions, a violé le principe susvisé ;

Et attendu que la cassation à intervenir sur les premier et deuxième moyens entraîne, en application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif critiqué par le troisième moyen relatif à la condamnation de l’employeur à payer au salarié des sommes à titre de dommages-intérêts pour les manquements aux obligations du contrat de travail et l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société CBRE property management à payer à M. R... les sommes de 19 480,33 euros au titre des heures supplémentaires outre 1 948,03 euros de congés payés afférents, 22 002,59 euros au titre de la contrepartie financière des astreintes outre 2 200,26 euros de congés payés afférents, 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour les manquements aux obligations du contrat et 30 666,12 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, l’arrêt rendu le 4 juillet 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. R... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société CBRE property management.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la société CBRE Property Management à payer à M. R... les sommes de 19.480,33 euros au titre des heures supplémentaires et 1.948,03 euros au titre des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE « toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires ; Attendu que les dispositions de l’article 9 de l’avenant n° 20 du 29 novembre 2000 relatif à l’ARTT, dans sa rédaction issue de l’avenant n° 20 bis du 6 novembre 2001, à la convention collective nationale de l’immobilier du 9 septembre 1988, qui, dans le cas de forfait en jours, se limitent à prévoir, s’agissant de la charge et de l’amplitude de travail du salarié concerné que l’employeur et l’intéressé définissent en début d’année, ou deux fois par an si nécessaire, le calendrier prévisionnel de l’aménagement du temps de travail et de la prise des jours de repos sur l’année et établissent une fois par an un bilan de la charge de travail de l’année écoulée, ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ; Que cette disposition de la convention collective n’est pas conformes aux règles protectrices de la santé et de la sécurité des salariés du code du travail ; Attendu que Société CBRE PM n’apporte pas la preuve d’un suivi suffisant de la charge de travail de son salarié ; Que le courriel qu’elle cite pour illustrer la concertation avec Monsieur W... R... est daté de 2005, donc antérieur à l’avenant critiqué ; Qu’il n’est pas rapporté la preuve que les trois seuls entretiens d’évaluation aient porté sur la charge de travail et en aient dressé un bilan ; Qu’il est par contre rapporté la preuve par les témoignages produits et le rapport d’expertise sur les conditions de travail de l’ISAST que cette charge de travail n’était pas contrôlée ; Que Monsieur W... R... , contrairement aux affirmations de son employeur, était soumis à des horaires de travail, lesquels, prévus au contrat de travail initial, n’ont pas été remis en cause par l’avenant du 21 décembre 2006, malgré qu’il y soit mentionné le statut de cadre autonome ; Qu’en effet l’obligation faites aux cadres autonomes de se soumettre aux horaires de travail est attestée par plusieurs témoignages, par le rapport d’expertise fait par l’ISAST, à la demande du CHSCT et la réponse de la direction faite à la question du CE posée le 24 avril 2013 ; Que bien plus encore l’employeur rappelle dans une note que le personnel en charge de la sécurité doit resté disponible en dehors des heures de travail effectif pour répondre aux urgences ; Que Monsieur W... R... en tant que responsable de plusieurs sites immobiliers était précisément chargé de donner les instructions nécessaires aux personnels chargés de la sécurité ; Que ses relevés téléphoniques en attestent ; Qu’il résulte de ces constatations que la convention de forfait en jours était nulle et sans effets (

) ; Sur les heures supplémentaires ; Attendu qu’il est jugé que la convention de forfait en jours est sans effet ; Attendu que Monsieur W... R... ne pouvait être véritablement considéré comme cadre autonome ; Qu’il produit un tableau d’heures supplémentaires de 2008 à 2013 auquel l’employeur n’apporte aucune critique fondée, se limitant à répondre qu’il s’agissait d’une question d’organisation personnelle et que les heures supplémentaires n’étaient pas imposées. Qu’au regard de la charge de travail de Monsieur W... R... , constatée dans le rapport d’expertise, le chiffrage des dépassements ne parait pas déraisonnables ; Qu’il sera fait droit sa demande » ;

1. ALORS QUE ne peut être soumis aux horaires collectifs de travail le salarié dont les fonctions nécessitent une flexibilité des horaires de travail et une réelle liberté d’organisation de son emploi du temps ; qu’en l’espèce, la société CBRE PM soutenait que les fonctions de responsable d’exploitation exercées par M. R... , consistant essentiellement à contrôler et piloter les interventions de prestataires sur les immeubles dont il est chargé, impliquaient une grande souplesse d’organisation de son emploi du temps et de nombreux déplacements sur le terrain, incompatibles avec le respect des horaires collectifs fixes de travail ; qu’en affirmant cependant péremptoirement, pour retenir l’accomplissement d’heures supplémentaires, que M. R... était soumis aux horaires de travail collectifs, sans s’expliquer sur la nature de ses fonctions, ni la souplesse d’organisation nécessaire pour assumer ses missions, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1 et L. 3171-4 du code du travail ;

2. ALORS QUE le juge a l’interdiction de dénaturer les éléments de la cause ; que, dans son rapport, l’expert désigné par le CHSCT, le cabinet ISAST, relève simplement que « des situations de surcharge fréquentes nous ont été rapportées » (p. 23) et que les cadres autonomes doivent faire preuve d’une grande disponibilité (p. 34 et 35), sans mentionner la situation personnelle de M. R... , ni relever que les cadres autonomes seraient soumis aux horaires collectifs ; qu’en affirmant que ce rapport mentionnait l’obligation faite aux cadres autonomes de se soumettre aux horaires de travail et constate la « surcharge de travail de M. R... », la cour d’appel a donc ajouté aux termes clairs et précis de ce rapport, qui ne comporte pas de telles mentions, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les éléments de la cause ;

3. ALORS QUE selon l’article L. 3121-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif ; que s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile du salarié et le lieu habituel de travail, ce temps de déplacement fait l’objet d’une contrepartie en repos ou d’une contrepartie financière ou en argent ; qu’en l’espèce, la société CBRE PM soutenait que le décompte d’heures supplémentaires établi par M. R... incluait 124 heures supplémentaires correspondant à des temps de déplacement effectués par le salarié lorsqu’il a été appelé, en 2012 et 2013, à se rendre sur le site de maisons situées sous la ligne à très haute tension « Maine-Contentin » dont la société RTE lui avait confié la gestion ; qu’elle soulignait à cet égard que, bien qu’il s’agît d’un ensemble de maisons vides et murées n’appelant pas beaucoup de travail, M. R... décomptait pour chaque journée de déplacement entre 10 heures 30 et 12 heures de travail, y incluant ses temps de déplacement ; qu’en validant les calculs du salarié, sans même vérifier s’ils n’incluaient pas indûment des temps de déplacement dans le temps de travail effectif, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3121-4 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la société CBRE Property Management à payer à M. R... la somme de 22.002,59 euros au titre de la contrepartie financière des astreintes et la somme de 2.200,26 euros au titre des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE « (

) l’employeur rappelle dans une note que le personnel en charge de la sécurité doit rester disponible en dehors des heures de travail effectif pour répondre aux urgences, Que Monsieur W... R... en tant que responsable de plusieurs sites immobiliers était précisément chargé de donner les instructions nécessaires aux personnes chargées de la sécurité ; que ses relevés téléphoniques en attestent (

) » ;

ET QUE « l’employeur ne saurait affirmer l’absence d’astreintes alors qu’il répondait lors d’une réunion du CHSCT du 17 février 2005 que le personnel chargé de la sécurité, ainsi qu’il a déjà été évoqué, devait être disponible en dehors des heures de travail ; que l’existence de ces astreintes était confirmée par les témoignages et les observations des délégués du personnel ; Attendu que Monsieur R... produit un tableau des astreintes qu’il a effectuées qui n’est pas véritablement contesté par la Société CBRE PM ; qu’il sera fait droit à la demande, soit la somme de 20 002,9 € augmentée des congés payés » ;

1. ALORS QUE constitue une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise ; qu’en relevant qu’une note de l’employeur rappelait que le personnel en charge de la sécurité doit rester disponible en dehors des heures de travail pour répondre aux urgences et que M. R... était chargé, en tant que responsable de plusieurs sites immobiliers, de donner des instructions nécessaires aux personnes en charge de la sécurité, la cour d’appel, qui n’a pas fait ressortir que M. R... était tenu de rester disponible à son domicile ou à proximité pour intervenir lui-même à tout moment en cas d’urgence, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3121-5 du code du travail ;

2. ALORS QUE constitue une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise ; que le salarié qui prétend avoir effectué des périodes d’astreinte doit donc démontrer l’existence de directives de l’employeur l’obligeant à rester disponible pour pouvoir intervenir lui-même, en cas d’urgence, sur son lieu de travail ; que le seul fait que les différents interlocuteurs professionnels d’un salarié puissent chercher à le joindre à tout moment sur son téléphone professionnel est insuffisant à le soumettre à une astreinte ; qu’en l’espèce, la société CBRE PM soulignait qu’elle n’a jamais mis en place d’astreintes pour les responsables d’exploitation, ni ne leur a demandé de rester joignables à tout moment pour intervenir en cas d’urgence ; qu’à cet égard, l’expert désigné par le CHSCT soulignait, dans son rapport, que « certains cadres autonomes se sentent contraints d’être joignables à toute heure », « même si le Smartphone (avec accès à la messagerie professionnelle) proposé par l’employeur n’est pas obligatoire et qu’il n’y a pas de consigne formelle de répondre aux appels et aux mails » ; qu’en relevant encore que l’existence d’astreintes est confirmée par les témoignages et les observations des délégués du personnel, sans constater l’existence de directives de l’employeur obligeant les Responsables d’exploitation, et notamment M. R... , à rester joignable 24 heures sur 24 pour intervenir au service de l’entreprise en cas d’urgence, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3121-5 du code du travail ;

3. ALORS QUE le juge a l’interdiction de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; que la pièce n° 21 du salarié, intitulée « relevés d’appels téléphoniques sur le téléphone portable professionnel », ne comporte pas une liste d’appels téléphoniques, mais une liste de courriers électroniques de 2 ou 3 Ko chacun ; qu’en affirmant que les « relevés téléphoniques » produits par M. R... attestent de ce qu’il était tenu d’effectuer des astreintes, la cour d’appel a donc dénaturé cette pièce et violé le principe précité ;

4. ALORS QUE constitue une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise ; que l’existence de période d’astreintes suppose donc que le salarié puisse être conduit à intervenir à la suite d’un appel de l’employeur, d’un client ou d’un partenaire ; qu’en l’espèce, la société CBRE PM soulignait que l’absence d’astreinte était encore confirmée par le fait que M. R... ne citait aucun exemple d’intervention qu’il aurait dû effectuer en urgence, la nuit ou le week-end, à la suite d’un appel sur son téléphone portable professionnel, ni ne réclamait le paiement d’heures de travail au titre d’interventions effectuées dans le cadre des prétendues périodes d’astreinte ; qu’en s’abstenant de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si M. R... avait effectivement réalisé la moindre intervention, pendant toute la durée de la relation de travail, au cours des périodes d’astreinte qu’il invoquait, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3121-5 du code du travail ;

5. ALORS QUE le juge a l’interdiction de dénaturer les conclusions des parties ; que dans ses conclusions d’appel (p. 25), la société CBRE PM contestait le tableau d’astreinte produit par le salarié, en faisant valoir, d’une part, que M. R... réclamait le paiement d’une contrepartie au titre de période d’astreinte pour toutes les heures non-comprises dans les horaires collectifs de travail, y compris celles pour lesquelles il avait déjà réclamé le paiement d’heures supplémentaires et, d’autre part, qu’il calculait le montant de la contrepartie financière due au titre des astreintes sur la base d’un salaire minima conventionnel supérieur à celui de sa classification ; qu’en affirmant que son tableau n’était pas véritablement contesté par la société CBRE PM, la cour d’appel a dénaturé les conclusions de l’exposante, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

6. ALORS QUE le salarié ne peut cumuler, au titre des mêmes heures, le paiement d’un salaire et le paiement d’une contrepartie à une astreinte ; que, dans ses conclusions d’appel, M. R... expliquait demander une compensation financière pour toutes les heures non-comprises dans les horaires collectifs de travail, soit de 9 heures à 17 heures 45 du lundi au jeudi et de 9 heures à 16 heures le vendredi, et toutes les heures des jours de repos ; que, dans tableau de calcul, il réclamait ainsi le paiement d’une compensation au titre des astreintes à hauteur de 17,25 heures par jour travaillé et de 24 heures par jour de repos ; que la société CBRE PM contestait ce calcul en faisant valoir que M. R... réclamait parallèlement le paiement d’un rappel d’heures supplémentaires au titre de dépassements des horaires collectifs de travail ; qu’en s’abstenant de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si la prétention du salarié au paiement d’une compensation au titre de certaines heures n’était pas incompatible avec sa demande tendant au paiement d’un salaire au titre des mêmes heures, la cour d’appel a violé l’article L. 3121-7 du code du travail, ensemble l’article 19.7.2 de la convention collective de l’immobilier ;

7. ALORS QUE selon l’article 19.7.2 de la convention collective de l’immobilier, la contrepartie financière des astreintes est égale à 6% de la rémunération minimale conventionnelle horaire pour les astreintes effectuées pendant les jours ouvrés et de 10 % de la rémunération minimale conventionnelle horaire pour les astreintes effectuées durant le repos hebdomadaire et les jours chômés ; qu’en l’espèce, la société CBRE PM contestait les calculs de M. R... , en faisant valoir qu’il avait retenu comme salaire de référence le salaire minimum conventionnel de la classification C3 et que son emploi correspondait à la classification C1 ; qu’en faisant droit à la demande du salarié, sans vérifier si la compensation réclamée était calculée en fonction du salaire conventionnel correspondant à la classification du salarié, la cour d’appel a donc encore privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3121-7 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l’article 19.7.2 de la convention collective nationale de l’immobilier.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la société CBRE PM à payer à M. R... les sommes de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les manquements aux obligations du contrat de travail et 30.666,12 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE « La réparation du préjudice ; Monsieur W... R... fait valoir que son départ en retraite ne l’empêche pas de solliciter des dommages intérêts pour le préjudice subi du fait des manquements de son employeur ; Il demande à ce titre une somme équivalente à 12 mois de salaires ; Attendu que le départ en retraite du salarié s’est effectué durant la procédure qu’il avait introduite en résiliation du contrat de travail ; Qu’il soulevait à ce titre un certain nombre de griefs à l’encontre de Société CBRE PM , Que dès lors son départ est survenu dans un contexte équivoque expliqué par des manquements graves de l’employeur aux obligations du contrat de travail et du code du travail , manquements évoqués ci-dessus pour justifier de l’illicéité de l’avenant au contrat de travail et que la cour retient pour l’essentiel ; Qu’il lui sera alloué de ce chef une somme de 20 000 €. Sur le travail dissimulé. Attendu que la Société CBRE PM n’ignorait pas les dépassements d’horaire de son salarié, qui ne pouvait être considéré comme cadre autonome mais devait néanmoins se rendre disponible en dehors des horaires de travail , disponibilité constituant des astreintes qui n’ont jamais été rémunérées ; Qu’il produit des tableaux montrant que les horaires ont dépassé les maxima en plusieurs occasions ; Que la question des dépassements d’horaire a été l’objet de nombreuses questions des représentants syndicaux et du CHSCT ainsi que de Monsieur W... R... , notamment en janvier 2010 au cours d’un échange de courriels ; Que l’employeur ne peut éluder toute réponse, ainsi qu’il a été dit plus haut, en renvoyant la question à un problème d’organisation personnelle du cadre et en affirmant que ces dépassements ne lui étaient pas demandés ; Qu’en réalité la direction de l’entreprise n’a jamais voulu mesurer la charge de travail de ses salariés ; Que cela ressort des réponses apportée aux questions posées par le CHSCT en février 2005 ; Que le recours à du travail dissimulé est établi, que l’employeur en avait connaissance, en ayant été alerté, et qu’il sera fait application des dispositions de l’article L8223-1 du code du travail le caractère intentionnel étant établi ; Que la Société CBRE PM sera condamnée à payer à Monsieur W... R... la somme de 30 666,12 € » ;

1. ALORS QUE la cassation qui ne manquera pas d’intervenir sur le premier ou le deuxième moyen de cassation entraînera la cassation, par voie de dépendance nécessaire, des chefs de l’arrêt ayant condamné la société CBRE PM à payer à M. R... les sommes de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les manquements aux obligations du contrat et de 30.666,12 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé, en application de l’article 624 du code de procédure civile ;

2. ALORS QUE les périodes d’astreinte ne constituent pas du temps de travail effectif, de sorte que l’absence d’indemnisation de périodes d’astreinte ne peut caractériser un délit de travail dissimulé par dissimulation d’une partie du temps de travail accompli par le salarié ; qu’en retenant principalement, pour retenir l’existence d’un délit de travail dissimulé, que la société CBRE PM n’ignorait pas les dépassements d’horaires de son salarié résultant de ce qu’il devait se rendre disponible en dehors des horaires de travail, disponibilité constituant des astreintes qui n’ont jamais été rémunérées, la cour d’appel a violé l’article L. 8221-5 du code du travail ;

3. ALORS QUE le délit de travail dissimulé n’est caractérisé que lorsque l’employeur a, de manière intentionnelle, omis de rémunérer certaines des heures de travail accomplies par le salarié ; que cela suppose que l’employeur ait connaissance des dépassements d’horaires accomplis par le salarié ; qu’en se bornant à relever, pour retenir le caractère intentionnel du non-paiement de certaines heures de travail, que la question des dépassements d’horaire a été l’objet de nombreuses questions des représentants syndicaux et du CHSCT et que la direction de l’entreprise n’a jamais voulu mesurer la charge de travail de ses salariés, sans constater que la société CBRE PM aurait été alertée de la situation particulière de M. R... ou avait conscience du caractère excessif de sa charge de travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 8221-5 du code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la société CBRE PM à payer à M. R... la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

AUX MOTIFS QUE « Monsieur W... R... réclame des dommages intérêts pour harcèlement moral en faisant valoir que sa charge de travail excessive a eu un impact sur sa santé ; Il relève encore qu’il aurait dû bénéficier d’un niveau C3 à compter de juillet 2008, ce que conteste son employeur ; Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Dès lors que sont caractérisés ces agissements répétés le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur. Attendu que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Attendu que selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. Attendu que Monsieur W... R... rappelle à l’appui de sa demande, les manquements qu’il impute à son employeur, à savoir ceux concernant surcharge de travail en heures supplémentaires et en astreintes. Il y ajoute une inégalité de traitement liée à ses mandats syndicaux manifestée par une absence de primes, notamment pour astreintes, une absence d’avancement pendant 9 années, une diminution de son coefficient hiérarchique contraire aux dispositions conventionnelles, un refus de la participation de l’employeur aux prix des repas ; Attendu que les griefs articulés par Monsieur W... R... à l’égard de son employeur pris dans leur ensemble, sont fondés, ainsi qu’il a déjà été relevé dans l’examen de l’avenant au contrat de travail ; Que, s’agissant de l’évolution de sa carrière, la Société CBRE PM explique que l’attribution du coefficient qu’il conteste s’est faite dans le cadre d’un réorganisation générale, en fonction du supérieur auquel les cadres doivent rendre compte ; Que la Société CBRE PM fait de plus observer qu’il avait le salaire le plus élevé de son service ; Que la discrimination salariale alléguée n’est pas fondée ; Mais attendu qu’il l’exception de cette dernière mesure, les manquement développés par Monsieur W... R... sont établis et non réellement contestés par l’employeur ; Que l’employeur n’apporte aucune justifications aux mesures dénoncées ; Que les conditions de travail imposées au salarié ont eu des répercussions sur sa santé. Que ce fait est établi par les certificats médicaux produits ; Que l’employeur n’est pas recevable à relever qu’aux termes de ses arrêts de travail, Monsieur W... R... a été déclaré apte ; Qu’il y a lieu d’indemniser Monsieur W... R... pour harcèlement moral, indépendamment de la réparation des manquements de l’employeur ; Qu’il sera alloué de ce chef la somme de 10 000 € » ;

ALORS QUE le principe de la réparation intégrale du préjudice interdit à un salarié de réclamer deux fois l’indemnisation d’un même préjudice sur deux fondement distincts ; qu’en l’espèce, il ressort des constatations de l’arrêt attaqué qu’à l’exception de griefs tirés d’une prétendue inégalité de traitement liée à ses mandats syndicaux, que la cour d’appel a estimés non-fondés, M. R... invoquait à l’appui de sa demande tendant à la reconnaissance d’un harcèlement moral des manquements liés à une surcharge de travail nécessitant l’accomplissement d’heures supplémentaires et l’exécution d’astreintes non-rémunérées ; que la cour d’appel avait déjà indemnisé l’intégralité du préjudice résultant de ces manquements, en allouant à M. R... la somme de 20.000 euros au titre des manquements graves de l’employeur aux obligations du contrat de travail, qui couvrait notamment le préjudice né du dépassement des durées maximales de travail, et la somme de 30.666,12 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé ; qu’en décidant néanmoins de condamner la société CBRE PM à verser une indemnité supplémentaire de 10.000 euros à M. R... , en expliquant que ces manquements caractérisaient également un harcèlement moral, sans viser un préjudice distinct de ceux déjà indemnisés, la cour d’appel a méconnu le principe de la réparation intégrale du préjudice et violé l’article 1147 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 4 juillet 2017