Mobilité intragroupe provisoire

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 10 décembre 2008

N° de pourvoi : 07-44289

Non publié au bulletin

Cassation

Mme Quenson (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

Me Balat, SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 121-1, alinéa 1, et L. 122-14-3, alinéa 1, phrase 1, et alinéa 2, devenus L. 1221-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... , engagé le 15 février 1983 en qualité de plongeur par la société Brasserie lorraine exploitant un établissement place des Ternes à Paris, a été informé qu’il serait détaché au restaurant La Taverne boulevard des Italiens à Paris faisant partie du même groupe, au même poste avec les mêmes horaires et dans les mêmes conditions en raison de travaux du 8 mars au 3 juillet puis du 2 au 15 août 2004 ; que le salarié ayant refusé, l’employeur l’a licencié pour faute grave le 13 février 2004 ;

Attendu que pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l’employeur à payer diverses sommes, l’arrêt retient que le détachement d’un salarié dont l’éventualité n’a pas été prévue par les parties au sein d’une autre entreprise même appartenant au même groupe et avec des conditions de travail semblables ne constitue pas une modification des conditions de travail mais du contrat de travail, peu important que cette modification soit temporaire de sorte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si pendant la durée du détachement durant une période de fermeture occasionnée par la réalisation de travaux de rénovation, la société Brasserie lorraine ne demeurait pas le seul et unique employeur du salarié continuant à le rémunérer, à disposer à son égard du pouvoir disciplinaire et s’engageant à le réintégrer de sorte que le détachement provisoire ne constituait pas une modification du contrat de travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 3 juillet 2007, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de Me Y... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP BACHELLIER et POTIER DE LA VARDE, avocat aux Conseils pour la société Brasserie lorraine

La société Brasserie Lorraine fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué de l’avoir condamnée à verser à monsieur X... les sommes de 8100 euros en application des dispositions de l’article L. 122-14-4 du code du travail, de 2954 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, de 295 euros pour les congés payés y afférents et celle de 4185, 79 euros au titre de l’indemnité de licenciement.

AUX MOTIFS QUE l’employeur, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir général de direction de l’entreprise et sous réserve que cela n’entraîne pas une modification du contrat de travail peut apporter des changements à la fonction du salarié et à ses conditions de travail ; qu’il peut ainsi en l’absence de clause précise le prévoyant décider que le contrat de travail s’exécutera en un autre lieu, dans un même secteur géographique et qu’en cas de refus du salarié, il appartient à l’employeur d’en tirer les conséquences en prenant l’initiative d’un licenciement ; que toutefois le détachement d’un salarié dont l’éventualité n’avait pas été prévue par les parties au sein d’une autre entreprise même appartenant au même groupe et avec des conditions de travail semblables ne constitue pas une modification des conditions de travail mais du contrat de travail, peu important que cette modification soit temporaire ; qu’ainsi le licenciement doit être dit sans cause réelle et sérieuse ;

ALORS QUE le détachement provisoire du salarié auprès d’un autre établissement du même groupe, avec les mêmes conditions de travail, ne constitue pas une modification de son contrat de travail en l’absence de changement d’employeur ; qu’en se bornant, pour dire que le licenciement de monsieur X... était sans cause réelle et sérieuse, à énoncer que le détachement de ce dernier au sein d’une autre entreprise située à proximité, appartenant au même groupe et avec des conditions de travail semblables constituait une modification de son contrat de travail, sans rechercher comme elle y était pourtant invitée si, pendant la durée du détachement projeté durant une brève période de fermeture occasionnée par la réalisation de travaux de rénovation, la société Brasserie Lorraine ne serait pas demeurée le seul et unique employeur de monsieur X..., continuant à le rémunérer, à disposer à son égard du pouvoir disciplinaire et s’engageant, à l’issue de cette période, à le réintégrer dans son ancien poste, circonstances d’où il résultait qu’en l’absence de changement d’employeur, le détachement provisoire de monsieur X... auprès d’une autre entreprise du même groupe n’aurait emporté nulle modification de son contrat de travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-1, et L. 122-14-3 du code du travail.

ALORS QUE subsidiairement le juge est tenu de rechercher si le motif de la modification du contrat de travail constitue ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu’en se bornant, pour dire que le licenciement de monsieur X... était sans cause réelle et sérieuse, à retenir que le détachement temporaire de ce dernier au sein d’une autre entreprise appartenant au même groupe et avec des conditions de travail semblables constituait une modification de son contrat de travail, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le détachement provisoire de monsieur X... auprès d’un autre restaurant du même groupe n’avait pas été rendu nécessaire par la fermeture temporaire pour travaux de la société Brasserie Lorraine qui avait été contrainte, durant cette période, de cesser son exploitation (conclusions, p. 9, § 1), ce qui était donc de nature à justifier la modification proposée par l’employeur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-1, L. 122-12, et L. 122-14-3 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 3 juillet 2007