Absence de déclaration fiscale et sociale association

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 6 septembre 2000

N° de pourvoi : 99-87416

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. SCHUMACHER conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six septembre deux mille, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PIBOULEAU, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE et BRIARD, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

 LEGRAND Patrick,

contre l’arrêt de la cour d’appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 10 novembre 1999, qui, pour faux et usage de faux, abus de confiance et travail dissimulé, l’a condamné à 8 mois d’emprisonnement avec sursis et 20 000 francs d’amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale, 324-10 et 362-3 du Code du travail ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Patrick Legrand coupable de travail dissimulé ;

”aux motifs que, s’agissant des prestations réalisées au sein de l’Institut du développement social, la Cour relève qu’à compter de mars 1994, l’association du “Foyer de vie”, représentée par son président Patrick Legrand, consécutivement à son agrément par l’Institut du développement social, a exercé au sein de cet organisme une activité de prestations de services à but lucratif caractérisée par les prestations à caractère pédagogique que lui-même et, plus rarement, certains de ses collègues lui fournissaient contre rémunération, sans que ce dernier, en sa qualité de président de l’association, ait procédé aux déclarations exigées par les organisations de protection sociale et par l’administration fiscale ; qu’il est incontestable, au vu des éléments du dossier sus-rapportés que Patrick Legrand s’est soustrait intentionnellement à ses obligations et en conséquence le délit prévu et réprimé par les articles L. 324-9 et L. 324-10 étant à cet égard caractérisé à sa charge en tous ses éléments tant matériels qu’intentionnel, la Cour confirmera le jugement déféré sur la culpabilité de Patrick Legrand de ce chef de prévention ;

”alors, d’une part, que le délit de dissimulation d’une activité indépendante n’est caractérisé que si la personne physique ou morale qui l’exerce soit, n’a pas requis son immatriculation au répertoire des métiers ou au registre du commerce lorsque celle-ci est obligatoire, soit n’a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale en vertu des dispositions législatives et réglementaires en vigueur ; que, dès lors, en statuant par les motifs précités, qui ne font pas ressortir que les diverses interventions par Patrick Legrand et trois autres salariés de l’association auprès d’un organisme de formation rendaient obligatoire l’immatriculation de l’association au répertoire des métiers ou au registre du commerce, ni que ces mêmes interventions dussent donner lieu, de la part de l’association, à des déclarations particulières auprès des organismes de protection sociale ou de l’administration fiscale, la cour d’appel a privé sa décision de base légale et violé l’article L. 324-10, alinéa 1, du Code du travail ;

”alors, d’autre part, que l’activité indépendante dissimulée n’est réprimée par les textes susvisés que si elle est exercée dans un but lucratif ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que les sommes reçues par l’association “le Foyer de vie”, pour les prestations fournies auprès de l’Institut du développement social devaient être affectées intégralement à la rémunération des intervenants et au règlement des cotisations sociales, de sorte qu’il ne devait en résulter aucun profit pour l’association ; qu’en déclarant néanmoins constitué le délit de dissimulation d’activité indépendante, la cour d’appel a violé à nouveau l’article L. 324-10, alinéa 1, du Code du travail ;

”alors, enfin et subsidiairement, qu’en supposant que la Cour ait voulu réprimer la dissimulation d’emplois salariés (et non la dissimulation d’activité indépendante), sa décision n’est pas davantage justifiée dans la mesure où la cour d’appel n’a constaté ni le défaut de remise ou l’irrégularité de bulletins de paie, ni le défaut de déclaration préalable à l’embauche, formalités prévues aux articles L. 143-3 et L. 320 du Code du travail, dont l’omission est seule de nature à caractériser la dissimulation d’emplois salariés au sens de l’article L. 324-10, alinéa 2, du Code du travail” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que Patrick Legrand, qui effectuait contre rémunération des vacations à caractère pédagogique pour le compte de l’Institut du développement social, a, à compter du mois de mars 1994, fait prendre en charge et facturer par l’association “le Foyer de vie” ses prestations et celles d’autres intervenants ; que les émoluments représentant la somme de 92 150 francs, dont a été crédité un compte de l’association spécialement ouvert à cet effet, ont été entièrement reversés aux intéressés sans qu’aucune déclaration n’ait été faite par le prévenu en sa qualité de président de l’association tant auprès de l’administration fiscale que de l’URSSAF qui a estimé à 42 571,75 francs le montant des cotisations détournées ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, la cour d’appel a caractérisé le délit de travail dissimulé prévu par l’article L. 324-10 b) du Code du travail dont elle a déclaré Patrick Legrand coupable ;

D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 485, 593 du Code de procédure pénale, 314-1 du Code pénal ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Patrick Legrand coupable d’abus de confiance ;

”aux motifs que Patrick Legrand ne conteste pas avoir débité l’intégralité des sommes créditées par l’Institut du développement social sur le compte bancaire occulte ouvert à la BRED en rémunération des prestations servies par lui-même et ses collègues en qualité de salariés de l’association, devenue prestataire de services, et ce à l’aide de chèques émis à son ordre et celui de ses collègues, et il reconnaît que ce faisant il n’a pas réglé à l’URSSAF les charges sociales correspondant à ces rémunérations, soit la somme de 42 571,75 francs, au paiement de laquelle était tenue l’association en sa qualité d’employeur ; qu’en disposant de cette somme qu’il s’appropriait en très grande partie, par le biais d’un procédé malicieux pour ne pas avoir à la représenter en méconnaissance des obligations que lui conférait sa qualité de président de l’association du “Foyer de vie”, Patrick Legrand a bien détourné au préjudice de cette association une somme d’argent qu’il ne détenait qu’en raison de sa fonction à charge pour lui d’en faire un usage déterminé (arrêt attaqué, p. 20 et 21) ;

”alors que les sommes versées par le bénéficiaire d’une prestation de services au fournisseur de celle-ci tombent dans son patrimoine, où elles sont librement disponibles, sans être grevées d’une affectation particulière ; qu’en statuant par les motifs précités, qui se bornent à constater le défaut de paiement des cotisations sociales, mais non un mandat que l’association aurait donné à Patrick Legrand d’utiliser les fonds pour le règlement des cotisations sociales, la cour d’appel a violé les textes susvisés” ;

Attendu que, pour déclarer Patrick Legrand coupable d’abus de confiance, les juges relèvent que sa qualité de président de l’association lui faisait obligation d’avoir à représenter sur les fonds reçus au titre des rémunérations la somme de 42 571,75 francs correspondant au paiement des charges sociales qu’il a détournées en les versant sur un compte bancaire occulte débité ensuite à son profit ;

Attendu qu’en prononçant ainsi la cour d’appel a justifié sa décision ;

Que, dès lors, le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Schumacher conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Pibouleau conseiller rapporteur, M. Martin conseiller de la chambre ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Rouen chambre correctionnelle , du 10 novembre 1999

Titrages et résumés : TRAVAIL - Travail clandestin - Activités professionnelles visées à l’article L324-10 du Code du travail - Association facturant des vacations à caractère pédagogique - Président de l’association.

Textes appliqués :
• Code du travail L324-10