Difficultés économiques intentionnel oui

Le : 28/12/2013

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 18 décembre 2013

N° de pourvoi : 12-23676 12-23677 12-23678 12-23679 12-23680 12-23681 12-23682

ECLI:FR:CCASS:2013:SO02161

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Lacabarats (président), président

SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° G 12-23. 676 à Q 12-23. 682 ;
Sur le moyen unique :
Vu l’article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... et six autres salariés de la Société industrielle du Sud (SIS), laquelle a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 21 février 2008 ayant désigné M. Y...en qualité de mandataire-liquidateur, ont saisi, après la rupture de leur contrat de travail intervenue en 2008, la juridiction prud’homale pour obtenir la condamnation de leur employeur au paiement notamment d’une indemnité pour travail dissimulé ;
Attendu que pour débouter les salariés de cette demande, les arrêts retiennent que sur le relevé de carrière établi pour chacun d’eux par la Caisse nationale d’assurance vieillesse, ne figurent pas les salaires que leur a versés la société SIS durant l’année 2007 ; que s’il peut être admis que la société SIS s’est effectivement abstenue de procéder à la déclaration des salaires 2007, aucun élément ne permet d’établir qu’elle a agi intentionnellement alors que dans le même temps elle connaissait des difficultés ayant abouti à sa liquidation judiciaire le 21 février 2008 ; que ni le fait que le liquidateur ne soit pas en mesure de produire les déclarations trimestrielles qui ont pu être faites auprès de l’URSSAF, ni la circonstance que plusieurs salariés aient intenté la même action envers le même employeur ne permettent d’établir que l’employeur s’est soustrait volontairement à son obligation de déclaration ;
Qu’en statuant ainsi, alors que le caractère non intentionnel de l’absence d’accomplissement auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales des déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales ne peut se déduire des seules difficultés financières de l’employeur pour s’acquitter de ces cotisations, la cour d’appel, qui a statué par des motifs inopérants, n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’ils déboutent les salariés de leur demande d’indemnité pour travail dissimulé, les arrêts rendus le 7 juin 2012, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. Y..., en qualité de liquidateur de la société SIS, aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y..., ès qualités, à payer aux salariés la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour MM. Christophe et Yves X..., A..., B..., C..., D...et E...
Il est fait grief aux arrêts attaqués d’avoir débouté les salariés de leurs demandes tendant à faire reconnaître leur employeur coupable de travail dissimulé, et à voir celui-ci condamné à leur verser les indemnités dues en conséquence ;
AUX MOTIFS QUE L’article L 8223-1 du code du travail dispose qu’« en cas de rupture de la relation de travail, mois de salaire ». En premier lieu, et comme le fait ajuste titre observer le liquidateur, il doit être relevé que l’article L8 221-5 sus visé (ancien article L324-10) dans sa rédaction applicable au présent litige ne mentionne pas le cas spécifique de ne pas avoir accompli auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales les déclarations relatives aux salaires ; cette disposition qui constitue le paragraphe n°’3 de l’article L8 221-5 n’a été ajoutée dans cet article que par la loi 2010-1594 du 20 décembre 2010 (article 40 J. O. du 21) c’est à dire postérieurement à la situation en cause. Au demeurant, en l’espèce, le salarié reproche à la société SIS de ne pas avoir déclaré ses salaires pour l’année 2007 et début 2008 en se basant sur les seules dispositions de l’article L 8221-3, seul article qu’il invoque. Cet article L 8221-3 vise effectivement dans son 2° le fait de n’avoir pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale, mais exige l’élément intentionnel en ce sens que le travail dissimulé ne peut être retenu que s’il est établi que l’employeur s’est soustrait intentionnellement à cette obligation. Contrairement aux affirmations contenues dans le jugement sur la charge de la preuve, il convient de rappeler que l’élément intentionnel nécessaire à la sanction du travail dissimulé relève de l’appréciation des juges du fond qui se déterminent au vu de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce et des pièces qui lui sont versées au débat par les parties. En l’état, il est produit au débat notamment ;- le contrat de travail (¿.),- des bulletins de salaires concernant ce salarié délivrés par la société SIS, (¿.)- un relevé de carrière émanant du site de retraite. Cnav. fr au nom du salarié et imprimé (¿)- un extrait du jugement rendu le 21 février 2008 rendu par le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence : A l’examen de ces pièces, et bien que le relevé de carrière émanant du site internet n’ait qu’une valeur indicative, ne peut créer de droit et est susceptible d’être entaché d’erreurs, il apparaît que pour l’année 2007, il n’y a pas eu de report sur le dit relevé de des salaires perçus par l’appelant au sein de la société SIS qui se sont élevés ainsi qu’il résulte des bulletins de salaires de janvier à décembre 2007 à (¿) S’il peut être admis en l’espèce que la société SIS employeur se soit effectivement abstenue de procéder à la déclaration de salaires 2007, aucun élément ne permet d’établir qu’elle aurait agi intentionnellement alors que dans le même temps, elle connaissait en 2007 des difficultés ayant abouti à sa liquidation judiciaire immédiate le 21 février 2008. De plus, et contrairement au raisonnement de l’appelant, les seules pièces susvisées ne sont pas suffisantes à établir une présomption de travail dissimulé et de considérer que c’est au liquidateur de démontrer le caractère non intentionnel. Le simple fait que le liquidateur judiciaire qui représente la société SIS ne soit pas en mesure de produire les déclarations trimestrielles qui ont pu être faites auprès de l’URSSAF ne permet pas d’établir que l’employeur se serait soustrait volontairement à son obligation de déclaration. Il en est de même du fait que d’autres salariés ont intenté la même action individuelle sur le même fondement envers le même l’employeur. Dans ces conditions, faute d’élément intentionnel, aucune indemnité sur le fondement de l’article L 8223-1 susvisé ne peut être octroyée à l’appelant. Aucune condamnation n’étant prononcée, la garantie du CGEA de Marseille délégation régionale de l’AGS Sud Est n’a pas lieu de jouer.
ALORS QUE constitue le travail dissimulé la non déclaration volontaire des salaires aux organismes sociaux ; que, indépendamment de la charge des cotisations, l’employeur est tenu de déclarer les salaires aux organismes sociaux, aucune difficulté économique ne le dispensant de cette obligation ; qu’en déduisant l’absence de volonté de dissimulation des difficultés économiques de l’employeur, lesquelles étaient indépendantes de la volonté de dissimuler, et ne le déliaient pas de son obligation déclarative, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L8223-1, L8221-3 et L 8221-5 du code du travail ;
ALORS ENCORS QU’en s’abstenant de rechercher si, compte tenu et surtout en raison des difficultés qu’elle rencontrait, et qui ont abouti à sa liquidation judiciaire, l’employeur ne s’était pas intentionnellement abstenu de déclarer les rémunérations, pour ne pas avoir à payer les cotisations afférentes à ces salaires, qu’elle avait déjà du mal à verser, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L8223-1, L8221-3 et L 8221-5 du code du travail.
ET ALORS QU’il était soutenu que la non déclaration était systématique, et avait touché de nombreux sites de la société, en sorte qu’elle ne pouvait pas être purement accidentelle ; qu’en relevant seulement que le fait que d’autres salariés aient intenté la même action individuelle sur le même fondement envers le même employeur ne permettait pas d’établir que l’employeur se serait volontairement soustrait à son obligation de déclaration, sans rechercher si la répétition de l’omission sur de nombreux sites, pour de nombreux salariés et pendant plusieurs mois ne caractérisait pas la dissimulation volontaire, la Cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L8223-1, L8221-3 et L 8221-5 du code du travail ;

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence , du 7 juin 2012