Groupe de distibution succursales alementaires

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 7 mars 2018

N° de pourvoi : 16-25670

ECLI:FR:CCASS:2018:SO00337

Non publié au bulletin

Cassation partielle

Mme Goasguen (conseiller doyen faisant fonction de président), président

Me Brouchot, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’à compter du 19 mai 2011, M. et Mme Y... se sont vu confier par la société Casino Distribution France (la société), la gérance de plusieurs magasins dans le cadre de contrats successifs à durée déterminée ; que les relations contractuelles ont cessé le 4 juin 2012 ; qu’à l’issue du dernier contrat, les gérants ont saisi la juridiction prud’homale ;

Sur les deux premiers moyens :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que la cour d’appel qui a retenu que le choix de la société de recourir de manière structurelle aux contrats de gérance mandataire non salariée permettait de lui imputer une volonté manifeste de dissimuler le travail accompli par les intéressés et de contourner les obligations qu’a tout employeur envers son salarié et la défaillance dans l’accomplissement des diverses formalités relatives à l’embauche dans le mépris total des dispositions de l’article L. 8221-5 du code du travail, caractérisant ainsi l’élément intentionnel du travail dissimulé, a par ces seuls motifs légalement justifié sa décision ;

Mais sur le quatrième moyen :

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner la société à payer à chacun des co-gérants un reliquat de salaire pour les mois de juillet à octobre 2011, l’arrêt retient que le document annexé à l’attestation destinée à Pôle emploi intitulé “relevé des commissions perçues” portait la mention par l’employeur que cette période correspondait à des congés, ce qui démontrait que les époux étaient demeurés à la disposition de l’employeur et pouvaient prétendre à une rémunération ;

Qu’en statuant par de tels motifs impropres à caractériser le fait que les intéressés s’étaient tenus à la disposition de l’employeur, la cour d’appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société Distribution Casino France à payer à M. Y... un reliquat de salaires pour les mois de juillet à octobre 2011 de 9 558,01 euros, et les congés-payés afférents de 955,80 euros, l’arrêt rendu le 13 septembre 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Caen ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Distribution Casino France

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR requalifié en contrat de travail à durée indéterminée le contrat de cogérance non salariée conclu entre la société Casino et les époux Y..., d’AVOIR fixé leur salaire de référence à une certaine somme et d’AVOIR par conséquent condamné la société Casino à leur payer à chacun une indemnité de requalification, un reliquat de salaires pour la période travaillée, outre les congés-payés afférents, un reliquat de salaire pour les mois de juillet à octobre 2011, outre les congés-payés afférents, une indemnité pour travail dissimulé, une indemnité de préavis, outre les congés-payés afférents, une indemnité de licenciement, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE M. Joseph Y... et son épouse Mme Martine Z... épouse Y... se sont vu confier par la société Casino Distribution France dans le cadre de contrats de cogérance successifs à durée déterminée la gérance de supérettes, soit à Nonancourt (27) à partir du 19/05/2011, Gentilly (94), Caen (14) et enfin Eu (76) ; qu’à l’issue de ce dernier contrat, le 04/06/2012, les relations contractuelles ont cessé entre les parties et les époux Y... ont le 07/08/2013 saisi le conseil de prud’hommes de Dieppe pour revendiquer principalement le bénéfice dès l’origine d’un contrat de travail de droit commun à durée indéterminée, la requalification consécutive de leurs contrats de gérants mandataires non salariés, le paiement des heures de travail accomplies par eux et l’indemnisation dès la rupture des relations contractuelles requalifiées ; que la juridiction prud’homale a, par jugement distinct pour chacun des époux rendu le 13/05/2014, dont appel, rejeté l’intégralité de leurs prétentions ; qu’il apparaît de l’intérêt d’une bonne justice de joindre les instances engagées par chacun des époux, ayant donné lieu à un jugement séparé et enrôlées sous les numéros 15/04349 et 15104350 ; que la société Distribution Casino d’une part et M. et Mme Y... d’autre part ont régularisé successivement plusieurs contrats de cogérance mandataire non salariée pour des durées déterminées à l’avance en l’espèce des 19/05 au 05/12/2011, 06/12/2011 au 30/03/2012, 10/04 au 09/05/2012 et enfin 21/05 au 04/0612012, pour “assurer, à titre tout-à-fait précaire la gestion et l’exploitation » d’un ou de plusieurs magasins de vente au détail précisés à l’avance « pendant toute la période de congés annuels des co-gérants mandataire non salariés titulaires, de telle sorte que , soit par eux-mêmes, soit par tout tiers qu’ils se substitueront, sous leur responsabilité dans les conditions de l’article 1994 du code civil, l’ouverture du magasin soit assurée, conformément aux coutumes locales des commerçants détaillants d’alimentation générale », soit sous le statut défini par l’article L.7322-2 du code du travail comme suit “est gérant non salarié toute personne qui exploite, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales des commerces de détail alimentaire ou des coopératives de consommation lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de son travail et lui laisse toute latitude d’embaucher des salariés ou de se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité. La clause de fourniture exclusive avec vente à prix imposé est une modalité commerciale qui ne modifie pas la nature du contrat.” ; que l’application du statut légal défini aux articles L7322-1 et 7322-2 du code du travail suppose donc la réunion cumulative de trois conditions qui pour les d’eux premières, soit l’exploitation d’une succursale d’alimentation de détail et la rémunération selon des remises proportionnelles au montant des ventes, ne font l’objet d’aucune contestation utile, alors que les époux Y... contestent que la troisième condition tenant à leur liberté de fixer leurs conditions de travail, d’embaucher du personnel et de se faire remplacer était remplie ; qu’il appartient ainsi au juge, en cas de contestation, d’analyser les conditions réelles dans lesquelles s’exerce l’activité professionnelle des intéressés en considération de sa spécificité et des règles, sujétions et contraintes particulières liées à l’organisation succursaliste de la maison-mère, pour déterminer si les conditions d’application du statut légal sont réunies ou si, à l’inverse, les gérants mandataires se trouvent de fait placés dans un lien de subordination juridique caractéristique d’un contrat de travail de droit commun ; qu’en l’espèce, la brièveté des remplacements confiés aux époux Y... leur interdisait dans les faits d’envisager leur propre remplacement et l’engagement de salariés et les contraignait à exploiter “à titre tout-à-fait précaire » comme le spécifient les contrats signés par eux avec la société Casino les magasins confiés dans le strict respect de l’organisation mise en place par le ou les gérants mandataires remplacés eux-mêmes astreints à des multiples règles et procédures, ce qui démontre leur absence totale de liberté dans la. gestion ; qu’à cet égard, les attestations concordantes et circonstanciées émanant des gérants “intérimaires” placés dans une situation identique à celle qui leur a été imposée par la société Casino (Mme B... et C..., M. et Mme D..., M. et Mme E...), des salariés de cette société chargés de contrôler l’activité des gérants, les managers et délégués commerciaux, (F..., M. G..., Mme H...) et des gérants remplacés (Mme I..., M. J..., Mme K..., M. L...), établissent l’interdiction de modifier les horaires et jours d’ouverture et de fermeture des magasins sous peine de sanctions officielles (résiliation du contrat de cogérance pour Mme M..., M. et Mme N...) ou financières déguisées telles que décrites par M. G... pour obliger les gérants intérimaires mais aussi les titulaires à être dociles, la prohibition de modification de l’implantation des marchandises, la fixation des jours d’inventaire sans possibilité de changement, l’absence totale de consignes données par les gérants remplacés aux gérants remplaçants intérimaires mais aussi de contacts à l’exception de l’inventaire de début et de fin d’intérim, au contraire les consignes données uniquement par la société Casino, l’établissement d’un compte rendu d’intérim à remettre au seul service commercial de la direction régionale de Casino à la fin de chaque période d’intérim et enfin la réception à la fin de chaque année pour les couples de gérants intérimaire de la part de la direction de Casino d’un planning des remplacements à effectuer ; que dans de telles conditions, il doit être retenu, contrairement aux premiers juges, que les époux Y... ont exercé leurs fonctions de gestion et d’exploitation des différents magasins confiés en dehors des conditions exigées par l’article L.7322-2 précité et ainsi sous un lien de subordination juridique caractéristique d’un contrat de travail de droit commun ; que les différents contrats conclus pour des durées déterminées en dehors des prévisions des articles L. 1242-1 et suivants du code du travail seront ainsi requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 19/05/2011 et il sera alloué à chacun des deux époux une indemnité de requalification ne pouvant être inférieure à un mois de salaire et qui sera fixée à hauteur des montants précisés au dispositif ci- après ; que les relations contractuelles ont été rompues au mépris des règles du licenciement à l’initiative de la société Casino qui n’a plus fourni de travail aux époux à l’issue du dernier contrat venu à échéance le 04/06/2012 et a remis à chacun des époux une attestation destinée à Pôle emploi datée du 10/07 suivant ; que chacun des époux est ainsi en droit de prétendre aux indemnités de rupture, soit l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents et l’indemnité de licenciement dont les montants ne font l’objet d’aucune contestation même subsidiaire par la société intimée, mais aussi à l’indemnisation de cette rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement des dispositions de l’article L.1235-5 du code du travail en considération de leur ancienneté inférieure à deux années et de leur situation personnelle, la cour disposant des éléments suffisants pour fixer ces différentes sommes aux montants indiqués au dispositif ci-après ; que s’il résulte de l’article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures supplémentaires effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande ; que par ailleurs, de l’application des articles L.3121-10 et L.3121-20 du code du travail, il ressort que les heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de 35 heures réalisées et décomptées par semaine civile, sauf dérogation conventionnelle ou réglementaire ; qu’en l’espèce, l’examen des pièces versées aux débats, plus particulièrement les attestations précitées, notamment d’autres gérants intérimaires, mais aussi de clients ou voisins des magasins, Mmes Marques O..., P... et Q... , des tableaux renseignant de manière très précise les horaires accomplis par chacun des époux, les horaires et les jours d’ouverture et de fermeture de chaque magasin dans lesquels ils ont travaillé, permettent de considérer que M. Y... et Mme Y... ont accompli des heures excédant l’horaire légal de 35 heures par semaine, au- delà même des heures d’ouverture des magasins, par la nécessité d’accomplir les très nombreuses tâches décrites de manière détaillée par Mme B... d’une part, et M. et Mme D... d’autre part, exigeant la présence quasi permanente des deux cogérants dans le magasin durant l’ouverture de celui-ci mais également avant pour prendre en charge les livraisons matinales et après ; qu’il convient de constater que la société employeur ne fournit aucun élément de nature à établir les horaires qui selon elle auraient été accomplis par les époux ; qu’il sera en conséquence fait droit aux demandes formées par chacun des époux au titre des heures supplémentaires majorées de 25 et 50 % mais aussi de la contrepartie en repos obligatoire pour toute la période d’emploi, après compensation avec les rémunérations d’ores et déjà perçues, toutes sommes dont le calcul est clairement expliqué et qui ne font l’objet d’aucune contestation utile de la société employeur ; que le salaire de référence sera fixé comme sollicité et non utilement contesté, sur la base du travail accompli par chacun, à 3.230,67 € pour M. Y... et à 3.157,50 € pour Mme Y... ; que le choix de la société Casino de recourir de manière structurelle aux contrats de gérance mandataire non salariée dans les conditions décrites précédemment permet de lui imputer une volonté manifeste de dissimuler le travail accompli par les intéressés et de contourner les obligations qu’a tout employeur envers son salarié et la défaillance dans l’accomplissement des diverses formalités relatives à l’embauche dans le mépris total des dispositions de l’article L.8221-5 du 1 code du travail, commandent de faire droit à la demande en paiement de l’indemnité pour travail dissimulé de l’article L.8223-1 de ce même code formée par chacun des époux Y... ;(

) que pour ce qui concerne la demande relative aux salaires et congés payés afférents durant juillet à octobre 2011 et du 04/06 au 10/07/2012, contestée par employeur, qu’il résulte du document annexé à l’attestation destinée à pôle-emploi intitulé “relevé des commissions perçues” la période du 04/07 au 24/10/2011 la mention par l’employeur de la première période comme correspondant à des congés, ce qui démontre que les époux sont demeurés à la disposition de l’employeur et peuvent prétendre à une rémunération ; que les bulletins de commissions révèlent en juillet 2011 la perception en brut pour madame de la somme de 941 ,99 € et pour monsieur de 2.197,97 € et en octobre 2011 pour madame de 2.100,00 4 € et monsieur de 900,00 € et aucun versement pour les mois d’août et septembre ; (

) que sur la base du salaire moyen qui a été fixé précédemment pour chacun des époux et en considération des sommes d’ores et déjà perçues, la cour dispose des éléments pour allouer à M. et Mme Y... les sommes qui seront précisées au dispositif ci-après, augmentées des congés payés afférents ; qu’il convient de rappeler que les condamnations prononcées au titre des créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et les autres à compter du présent arrêt ; (

) que la société qui succombe sera déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée sur ce fondement à verser à chacun des époux la somme indiquée au dispositif ci-après ;

1° - ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’en l’espèce, pour juger que les époux Y... n’exerçaient pas leurs fonctions de gérant mandataire dans les condition de l’article L. 7322-2 du code du travail, la cour d’appel a retenu que la brièveté des remplacements qui leur étaient confiés leur interdisait dans les faits d’envisager leur propre remplacement et l’engagement de salarié ; qu’en statuant ainsi lorsqu’il résulte de l’arrêt que les parties avaient soutenu oralement à l’audience leurs conclusions écrites et que celles-ci ne contenaient pas un tel moyen, la cour d’appel qui a soulevé d’office ce moyen sans avoir recueilli les observations des parties sur ce point, a violé l’article 16 du code de procédure civile.

2° - ALORS QUE si les co-gérants mandataires doivent avoir toute latitude pour embaucher des salariés ou se faire remplacer à leurs frais et sous leur entière responsabilité, le seul fait qu’ils exercent leur activité sur de brèves périodes ne permet pas de déduire qu’ils sont privés de cette possibilité, une embauche ou un remplacement pouvant parfaitement intervenir sur une période plus courte encore ; qu’en l’espèce, il est constant que les contrats de cogérance des époux Y... prévoyaient à l’article 2 qu’ils « engageront à leurs frais, pour leur propre compte et sous leur seule responsabilité, le personnel qu’ils estimeront utile à leur exploitation » de sorte qu’ils n’entravaient pas leur liberté d’embauche ; qu’en tirant uniquement de la brièveté de leurs remplacements dans les magasins confiés la conclusion qu’il leur était interdit, dans les faits, d’envisager leur propre remplacement et d’engager des salariés, la cour d’appel, qui n’a ni constaté que la société Casino aurait interdit en pratique aux mandataires d’embaucher du personnel ni davantage expliqué en quoi ils auraient été mis dans l’impossibilité de se faire remplacer, n’a pas suffisamment caractérisé cette impossibilité, et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 7322-1 et L. 7322-2 du code du travail.

3° - ALORS QUE l’obligation pour le gérant mandataire non salarié de respecter de l’organisation mise en place par la société propriétaire du magasin ne permet pas de caractériser son absence totale de liberté de gestion ni l’existence d’un lien de subordination juridique avec cette dernière ; qu’en tirant de ce que les époux Y... devaient exploiter les magasins confiés dans le strict respect de l’organisation mise en place par les gérants mandataires remplacés, eux même astreints à certaines règles et procédures, la conclusion qu’ils n’avaient aucune liberté de gestion et avaient exercé leurs fonctions sous un lien de subordination juridique avec la société Casino, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 7322-1 et L. 7322-2 du code du travail.

4° - ALORS QUE les jugements doivent être motivés, la contradiction de motifs équivalent à un défaut de motifs ; qu’en retenant que les époux Y... devaient exploiter leurs magasins confiés dans le strict respect de l’organisation mise en place par les gérants mandataires remplacés tout en constatant par ailleurs l’absence totale de consignes données par les gérants remplacés aux gérants remplaçants intérimaires, la cour d’appel qui a statué par des motifs contraires, a violé l’article 455 du code de procédure civile.

5° - ALORS QUE pour motiver sa décision, le juge doit se déterminer d’après les circonstances particulières du procès ; qu’en l’espèce, pour juger que les époux Y... exerçaient leurs fonctions de gérants de magasin dans un lien de subordination juridique avec la société Casino, la cour d’appel s’est déterminée au regard d’attestations émanant d’autres gérants intérimaires ou remplacés relatant leurs propres relations avec la société Casino (Mme B..., M. C..., M et Mme D..., M. et Mme E..., Mme I..., M. J..., Mme K...) ; qu’en statuant ainsi lorsqu’elle devait se déterminer d’après les circonstances particulières de l’espèce, c’est au dire au regard de la situation personnelle des époux Y..., la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

6° - ALORS en tout état de cause QUE l’obligation pour le gérant mandataire non salarié de respecter l’organisation mise en place par la société mère, et notamment son obligation de respecter les horaires et jours d’ouverture et de fermeture du magasin sous peine de sanction, de ne pas modifier l’implantation des marchandises, de se soumettre à un inventaire au jour fixé, de respecter des consignes et d’établir un compte rendu d’intérim à la fin de chaque période d’intérim, constitue un ensemble de contraintes professionnelles qui n’excède pas les limites du cadre inhérent aux relations entre la maison mère et les gérants non salarié et non pas l’imposition de conditions de travail susceptibles de caractériser l’existence d’un lien de subordination ; qu’en jugeant, que ces contraintes imposées par la société Casino aux époux Y... permettaient de déduire qu’ils ne fixaient pas librement leurs conditions de travail et caractérisaient un lien de subordination entre les parties, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1, L. 7322-1 et L. 7322-2 du code du travail.

7° - ALORS QUE le défaut de réponse à conclusion constitue un défaut de motifs ; qu’en retenant, comme constitutif d’un lien de subordination, la réception à la fin de chaque année pour les couples de gérants dit intérimaires, de la part de la direction de Casino, d’un planning des remplacements à effectuer, sans répondre aux conclusions de la société Casino faisant valoir que les époux Y... n’avaient pas exercé de gérance intérimaire « à proprement parler » , qu’ils ne s’étaient ainsi pas vu confier une chaîne d’intérim pour remplacer les gérants titulaires pour des périodes limitées de 2 à 3 semaines mais avaient seulement régularisé des contrats pour chaque gérance de succursale pour des durées limitées allant jusqu’à 8 mois (cf. ses conclusions, p. 14, § 2 et 3), la cour d’appel a privé sa décision de motif, violant l’article 455 du code de procédure civile.

8° - ALORS en tout état de cause QUE la réception à chaque fin d’année, par les couples de gérants dits intérimaires, de la part de la direction de Casino, d’un planning des remplacements à effectuer, ne permet pas de déduire qu’ils exercent leur activité professionnelle dans un lien de subordination juridique avec cette dernière ; qu’en décidant du contraire, la d’appel a violé les articles L. 1221-1, L. 7322-1 et L. 7322-2 du code du travail.

9° - ALORS QUE la cassation à intervenir de l’arrêt requalifiant en contrat de travail les contrats de gérance non salariée conclus entre la société Casino et les époux Y... (critiqué dans les sept branches précédentes branches) entraînera par voie de conséquence l’annulation de l’ensemble des autres chefs du dispositif qui sont dans sa dépendance nécessaire, en application de l’article 624 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la société Casino à payer à chaque époux Y... une certaine somme à titre de « reliquat de salaires pour la période travaillée », comprenant notamment les heures supplémentaires majorées à 25% et à 50% pour période de mai 2011 à juin 2012.

AUX MOTIFS QUE s’il résulte de l’article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures supplémentaires effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande ; que par ailleurs, de l’application des articles L.3121-10 et L.3121-20 du code du travail, il ressort que les heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de 35 heures réalisées et décomptées par semaine civile, sauf dérogation conventionnelle ou réglementaire ; qu’en l’espèce, l’examen des pièces versées aux débats, plus particulièrement les attestations précitées, notamment d’autres gérants intérimaires, mais aussi de clients ou voisins des magasins, Mmes Marques O..., P... et Q... , des tableaux renseignant de manière très précise les horaires accomplis par chacun des époux, les horaires et les jours d’ouverture et de fermeture de chaque magasin dans lesquels ils ont travaillé, permettent de considérer que M. Y... et Mme Y... ont accompli des heures excédant l’horaire légal de 35 heures par semaine, au- delà même des heures d’ouverture des magasins, par la nécessité d’accomplir les très nombreuses tâches décrites de manière détaillée par Mme B... d’une part, et M. et Mme D... d’autre part, exigeant la présence quasi permanente des deux cogérants dans le magasin durant l’ouverture de celui-ci mais également avant pour prendre en charge les livraisons matinales et après ; qu’il convient de constater que la société employeur ne fournit aucun élément de nature à établir les horaires qui selon elle auraient été accomplis par les époux ; qu’il sera en conséquence fait droit aux demandes formées par chacun des époux au titre des heures supplémentaires majorées de 25 et 50 % mais aussi de la contrepartie en repos obligatoire pour toute la période d’emploi, après compensation avec les rémunérations d’ores et déjà perçues, toutes sommes dont le calcul est clairement expliqué et qui ne font l’objet d’aucune contestation utile de la société employeur

1° - ALORS QUE le salarié ne peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires que s’il a étayé sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu’en se bornant, pour considérer que les époux Y... avaient étayé leur demande en paiement d’heures supplémentaires par des élément suffisamment précis, à relever leur production aux débats d’attestations, de tableaux et des horaires et jours d’ouverture et de fermeture de chaque magasin, sans analyser même sommairement leur contenu, la cour d’appel qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle sur la caractère suffisamment précis de ces éléments quant aux horaires effectivement réalisés, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3171-4 du code du travail.

2° - ALORS en tout état de cause QUE le salarié n’a droit au paiement que des heures supplémentaires qui ont été accomplies avec l’accord au moins implicite de l’employeur ; que cet accord suppose que l’employeur ait demandé au salarié d’exécuter des heures supplémentaires ou qu’il en ait eu connaissance de ces heures sans s’y être opposé ; qu’en l’espèce, la société Casino contestait avoir demandé l’accomplissement d’heures supplémentaires aux époux Y... et avoir même pu contrôler leurs temps de travail ; qu’en jugeant que ces derniers avaient droit au paiement des heures supplémentaires accomplies au-delà de l’horaire légal de 35 heures par semaine sans vérifier que la société Casino avait donné son accord, au moins implicite, à l’accomplissement de ces heures, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-22 et L. 3171-4 du code du travail.

3° - ALORS en tout état de cause QUE le juge qui admet l’existence d’heures supplémentaires impayées ne peut procéder à une évaluation forfaitaire des sommes allouées à ce titre et doit préciser le nombre d’heures supplémentaires retenues ; qu’en se bornant à relever que les époux Y... aurait accompli des heures excédant l’horaire légal de 35 heures par semaine pour leur allouer à chacun une certaine somme à titre de reliquat de salaires pour la période travaillée, la cour d’appel qui n’a pas précisé le nombre d’heures retenu à l’appui de son évaluation, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-22 et L. 3171-4 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la société Casino à payer à chacun des époux Y... une indemnité pour travail dissimulé.

AUX MOTIFS QUE le choix de la société Casino de recourir de manière structurelle aux contrats de gérance mandataire non salariée dans les conditions décrites précédemment permet de lui imputer une volonté manifeste de dissimuler le travail accompli par les intéressés et de contourner les obligations qu’a tout employeur envers son salarié et la défaillance dans l’accomplissement des diverses formalités relatives à l’embauche dans le mépris total des dispositions de l’article L.8221-5 du 1 code du travail, commandent de faire droit à la demande en paiement de l’indemnité pour travail dissimulé de l’article L.8223-1 de ce même code formée par chacun des époux Y...

1° - ALORS QUE la dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée que si l’employeur s’est soustrait intentionnellement à l’accomplissement des formalités relatives à la déclaration préalable d’embauche et à la délivrance d’un bulletin de paie ; que ce caractère intentionnel ne peut se déduire du seul recours à un contrat inapproprié par l’employeur ; qu’il doit être constaté que l’employeur ne pouvait avoir aucun doute, lors de l’embauche, sur la qualification de contrat de travail définissant la prestation de l’intéressé ; qu’en se bornant à relever que la société Casino avait choisi de recourir de manière structurelle aux contrats de gérance mandataire non salariée, requalifiés en contrat de travail, pour conclure que le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi salarié était établi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-5 et L. 1221-6 du code du travail.

2° - ALORS en outre QUE le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie, ni de leur seule absence de paiement ; qu’à supposer que la cour d’appel se soit fondée sur ces circonstances pour juger établi le caractère intentionnel du travail dissimulé, elle a violé l’article L. 8221-5 du code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la société Casino à payer à chaque époux Y... un reliquat de salaire pour les mois de juillet à octobre 2011

AUX MOTIFS QUE pour ce qui concerne la demande relative aux salaires et congés payés afférents durant juillet à octobre 2011 et du 04/06 au 10/07/2012, contestée par employeur, qu’il résulte du document annexé à l’attestation destinée à pôle-emploi intitulé “relevé des commissions perçues” la période du 04/07 au 24/10/2011 la mention par l’employeur de la première période comme correspondant à des congés, ce qui démontre que les époux sont demeurés à la disposition de l’employeur et peuvent prétendre à une rémunération ; que les bulletins de commissions révèlent en juillet 2011 la perception en brut pour madame de la somme de 941 ,99 € et pour monsieur de 2.197,97 € et en octobre 2011 pour madame de 2.100,00 € et monsieur de 900,00 € et aucun versement pour les mois d’août et septembre ; (

) que sur la base du salaire moyen qui a été fixé précédemment pour chacun des époux et en considération des sommes d’ores et déjà perçues, la cour dispose des éléments pour allouer à M. et Mme Y... les sommes qui seront précisées au dispositif ci-après, augmentées des congés payés afférents ;

ALORS QUE le salarié ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre d’une période non travaillée que s’il s’est tenu à la disposition de son employeur pour effectuer un travail, ce qui n’est pas le cas s’il a pris un congé ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté qu’il résultait du document annexé à l’attestation pôle emploi intitulé « relevé des commissions perçues » la mention, par l’employeur, de ce que la période du 4 juillet au 24 octobre 2011 correspondait à des congés ; qu’en tirant de cette mention la conclusion que les époux Y... seraient demeurés à la disposition de l’employeur et pouvaient ainsi prétendre à une rémunération sur la période de juillet à octobre 2011, la cour d’appel a violé l’article L. 1221-1 du code du travail et l’article 1134 du code civil.

Décision attaquée : Cour d’appel de Rouen , du 13 septembre 2016