dissimulation d’heures de travail - refus régularisation inspection du travail

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 4 septembre 2001

N° de pourvoi : 01-80094

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre septembre deux mille un, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, les observations de Me BLONDEL, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" LA SOCIETE GO SPORT,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 12ème chambre, en date du 20 novembre 2000, qui, pour travail dissimulé, l’a condamnée à 30 000 francs d’amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-2 et 121-3 du Code pénal, ensemble les articles L. 143-3, L. 324-10, L. 362-3, L. 362-6 du Code du travail et les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la société Go Sport coupable du délit d’exécution du travail dissimulé par mention sur les bulletins de salaires de huit salariés d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué en mars 1998 ;

”aux motifs que, considérant sur ces moyens, en premier lieu, que la loi n’exige aucun mode de preuve spécifique de l’infraction poursuivie et qu’il suffit qu’elle soit caractérisée en chacun de ses éléments constitutifs ; qu’en l’espèce, les plannings de permanence pour les trois premières semaines de mars ne peuvent être considérées comme de simples documents prévisionnels susceptibles de ne pas avoir été appliqués et dont l’application pouvait être nuancée en raison de la liberté d’organisation de leur emploi du temps prévu au profit des responsables de rayons par contrat de travail ; qu’en effet, ces documents comportent des mentions reflétant les modifications ultérieurement reçues pour leur exécution ; que, de plus, les indications de ces documents ne sont contredites que par la mention sur les états de contrôle du temps de présence hebdomadaire servant à l’établissement des feuilles de paie (et donc au décompte des heures supplémentaires), dont la société Go Sport indique elle-même qu’en ce qui concerne les responsables de rayon le temps indiqué comme effectué était celui correspondant à la convention de forfait figurant à leur contrat de travail, alors que ces clauses, qui ne comportaient l’indication d’aucun nombre d’heures supplémentaires sur lesquelles aurait porté le forfait ne constituaient pas une telle convention ; qu’en outre, encore, la société Go Sport ne saurait soutenir que les documents qu’elle désigne comme des notes de service du 24 février ne reflètent pas le temps de travail des salariés concernés alors qu’elles constituent des tableaux de permanence jour par jour, personne par personne, période de la journée par période de la journée, avec, dans chaque cas, l’indication des heures précises d’arrivée et de départ, avec, comme déjà indiqué, la précision des modifications intervenues ;

que ces temps de présence ainsi notifiés par l’employeur et à titre de “permanences”, ce qui souligne la nécessité d’une présence constante, ne peuvent être considérés comme indicatifs d’une simple plage horaire et font apparaître l’accomplissement des heures supplémentaires suivantes : 12 heures payables à 125 % pour Séverine X..., 18 heures payables à 125 % et 26 heures payables à 150 % pour Bruno Y..., 12 heures payables à 125 % et 2 heures payables à 150 % pour Karine Z..., 12 heures payables à 125 % et 10 heures payables à 150 % pour Jérôme A..., 12 heures payables à 125 % et 2 heures payables à 150 % pour Aline B..., 18 heures payables à 125 % pour Franck C..., 18 heures payables à 125 % et 2 heures payables à 150 % pour Virginie D..., 18 heures payables à 125 % pour Laurent Rouas ; que, si les heures supplémentaires n’ont été retenues que pour un nombre légèrement inférieur dans le procès-verbal d’infraction, c’est par la déduction bienveillante d’un temps de repas dont la réalité ne résulte que des affirmations de l’employeur ; que la société Go Sport, affirmant désormais que les primes exceptionnelles apparaissant sur les bulletins de salaire du mois de mai 1998 des huit salariés concernés n’avaient pas pour objet - comme elles ne l’ont pas, en effet - de rémunérer des heures supplémentaires accomplies au mois de mars, contrairement aux affirmations implicites de sa lettre du 27 mai 1998 à l’inspection du travail et aux affirmations explicites de son directeur de magasin entendu par procès-verbal du 1er septembre 1999, il en résulte que les heures supplémentaires effectivement accomplies ne sont jamais apparues sous une forme quelconque sur les bulletins de paie des intéressés et n’ont jamais été rémunérés malgré la mise en demeure de l’inspection du travail, le défaut d’inscription des heures supplémentaires caractérisant l’élément matériel de la mention sur les bulletins de paie des intéressés d’un nombre d’heures inférieur à celui réellement effectué et le refus de les inscrire caractérisant l’élément intentionnel du délit d’exécution de travail dissimulé ; que le travail dissimulé par mention d’un nombre d’heures de travail sur le bulletin de paie inférieur à celui réellement effectué ayant été expressément réprimé par le législateur, la référence aux intentions de ce dernier est inopérante, tout comme l’est la conséquence tirée par l’appelante du défaut de réclamation de leur dû par les salariés, lesquels, au demeurant, demeurent recevables en cette réclamation jusqu’à l’expiration de la prescription quinquennale ; qu’il y a lieu, pour ces motifs, s’ajoutant à ceux non contraires des premiers juges que la Cour approuve et adopte, de confirmer la culpabilité de la société Go Sport en ce qui concerne les faits du mois de mars 1998 ;

”alors, d’une part, que les personnes juridiques ou morales ne peuvent être déclarées personnellement responsables que s’il est établi qu’une infraction a été commise, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; que la Cour ne pouvait, sans priver son arrêt de base légale, se borner, pour condamner la société Go Sport, à constater un défaut d’inscription d’heures supplémentaires sur les bulletins de salaire de huit salariés, sans relever que cette omission avait été réalisée pour le compte de la société, par ses organes ou représentants ;

”alors, d’autre part, qu’en toute hypothèse, lorsqu’ils sont saisis de poursuites exercées du chef de travail dissimulé, les juges du fond sont tenus de s’expliquer sur les éléments constitutifs de l’infraction au regard des dispositions de l’article L. 324-10 du Code du travail ; qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés le fait de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 143-3 du Code du travail ; que la Cour ne pouvait donc déduire l’élément intentionnel du délit d’exécution de travail dissimulé du défaut d’inscription des heures supplémentaires sur les bulletins de paie, mais devait caractériser l’intention de la société Go Sport de dissimuler des emplois salariés” ;

Attendu que, pour déclarer la société Go Sport, dûment représentée par sa directrice des relations humaines, coupable de travail dissimulé, la cour d’appel retient que, malgré la mise en demeure de l’inspecteur du travail, celle-ci a refusé d’inscrire sur les bulletins de paie de plusieurs salariés le nombre d’heures de travail réellement effectuées ;

Attendu qu’en cet état, les juges ont caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit prévu et réprimé par l’article L. 324-10 du Code du travail ;

D’où il suit que le moyen, qui, en sa première branche est nouveau, et qui, pour le surplus revient à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Beyer conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Paris, 12ème chambre du 20 novembre 2000