Marchandage - prêt illicite de salarié

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 5 avril 2018

N° de pourvoi : 16-14695 16-14696 16-14697

ECLI:FR:CCASS:2018:SO00584

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Goasguen (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° D 16-14.695, E 16-14.696 et F 16-14.697 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Metz, 3 février 2016), que MM. Y..., J... et A..., salariés de la société ERT en qualité d’agents d’entretien, ont été mis à disposition de la société Cokes de Carling dans le cadre de contrats de prestation de services conclus entre les deux sociétés à compter du 29 septembre 2005 ; que la société utilisatrice ayant cessé son activité en octobre 2009, la société ERT a été placée en liquidation judiciaire le 3 novembre 2009 et les salariés licenciés pour motif économique par lettres du mandataire liquidateur du 7 décembre 2009 ; qu’estimant que les contrats de mise à disposition étaient constitutifs d’un prêt de main-d’oeuvre à but lucratif illicite, les salariés ont saisi la juridiction prud’homale de demandes formées à l’encontre de la société Cokes de Carling, relevant de la convention collective nationale de la sidérurgie du 20 novembre 2001 ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Cokes de Carling fait grief aux arrêts de la condamner à payer aux salariés diverses sommes au titre de la rupture de leur contrat de travail, alors, selon le moyen :

1°/ que la reconnaissance d’un contrat de travail simplement déduite de l’existence d’une opération de prêt de main d’oeuvre illicite fait nécessairement naître une situation de coemploi, le salarié mis à disposition ayant pour employeurs, pour le même travail et la même rémunération, l’entreprise prestataire et l’entreprise utilisatrice ; qu’il en résulte que le salarié ne peut prétendre au versement de diverses sommes au titre de la rupture de deux contrats de travail, quand une telle situation correspond en réalité à un contrat unique ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans prendre en considération le fait que les salariés avait déjà été licencié par la société ERT, alors qu’elle a condamné la société Cokes de Carling à verser diverses sommes attachées à la rupture du même contrat de travail, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

2°/ que le versement de l’indemnité prévue à l’article L. 8223-1 du code du travail pour travail dissimulé suppose que soit établie l’intention de dissimuler un emploi salarié et de se soustraire à certaines obligations applicables à un employeur ; que pour condamner la société Cokes de Carling à payer aux intéressés une somme au titre de l’indemnité de travail dissimulé, la cour d’appel s’est bornée à relever que le contrat de prestation qui a été signé le 29 septembre 2005, dissimulant en réalité un prêt de main d’oeuvre à but lucratif, il était démontré par le salarié que la société Cokes de Carling s’était intentionnellement soustraite à son obligation de déclaration préalable à l’embauche, ce qui constitue un recours au travail dissimulé ; qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir l’intention de dissimuler un emploi salarié au sens des articles L. 8221-5 et suivants du code du travail, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

Mais attendu, d’abord, qu’il ne résulte ni de l’arrêt ni des pièces de la procédure que la société Cokes de Carling avait conclu à l’existence d’un contrat de travail unique résultant de l’opération de prêt de main d’oeuvre illicite ; que le moyen, pris en sa première branche est donc nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant, irrecevable ;

Et attendu, ensuite, qu’ayant constaté que l’opération de prêt de main-d’oeuvre avait pour objet de faire échapper le personnel d’entretien à l’application de la convention collective de la sidérurgie, ce dont il se déduisait que l’employeur s’était intentionnellement soustrait à l’accomplissement des formalités qui lui incombaient, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Cokes de Carling aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Cokes de Carling, demanderesse au pourvoi n° D 16-14.695

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit que Monsieur Y... était lié à la SAS COKES DE CARLING par un contrat de travail, d’AVOIR condamné la SAS COKES DE CARLING à lui payer les sommes de 2.745 €, au titre de la prime de vacances, 475,58 € bruts correspondant à la prime Saint Eloi, 322,06 € bruts correspondant à l’indemnité de congés payés afférentes aux primes sus-visées, et d’AVOIR condamné la SAS COKES DE CARLING à lui payer les sommes de 2.996,65 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (improprement qualifiée d’indemnité compensatrice de congés payés dans le dispositif de l’arrêt), 299,66 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, 3.899,63 € au titre de l’indemnité de licenciement, 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et 8.989,92 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE « Monsieur Y... soutient que le contrat conclu le 29 septembre 2005, aux termes duquel il a été mis à la disposition par son employeur auprès de la SAS COKES DE CARLING constitue un prêt de main d’oeuvre illicite prohibé par l’article L. 8241-1 du code du travail, au regard de son objet, mais également de ses conditions de travail ; que suivant ce contrat signé le 29 septembre 2005 et reconduit en exécution de plusieurs avenants successifs, la société ERT, spécialisée dans le nettoyage courant des bâtiments, s’est engagée à exécuter pour le compte de la SAS COKES DE CARLING les travaux de « déchargement de houilles » , « de chargement de coke en wagons ou camions » et de « nettoyage de secteurs au four tournant » ; que Monsieur Y..., employé en qualité d’agent d’entretien par la société ERT, a ainsi été affecté jusqu’au deuxième semestre de l’année 2009, c’est-à-dire jusqu’à la cessation de son contrat de travail, de manière exclusive et continue, à l’exécution de ces tâches de production ; que conformément à une attestation de formation délivrée le 26 septembre 2005 par le chef de fabrication de la cokerie de CARLING, il est établi que la société COKES DE CARLING a assuré elle-même la formation de Monsieur Y... pour « la conduite de l’installation de déchargement et de chargement I...-D..., du 5 septembre au 23 septembre 2005 » , avant sa mise à disposition ; que le contrat cadre signé le 29 septembre 2005 prévoit en outre que cette formation professionnelle qui est assurée directement par la SAS COKES DE CARLING est gratuite, celle-ci assumant de surcroît la rémunération de Monsieur Y... durant le mois considéré ; que ces modalités prévues par les dispositions du contrat établi le 29 septembre 2005 entre la société ERT et la SAS COKES DE CARLING concernant la mise à disposition d’agents d’entretien à titre permanent pour l’exécution des travaux de chargement et de déchargement du charbon pour lesquels ils ont été spécialement formés par l’entreprise utilisatrice constitue un prêt de main d’oeuvre ; que si tous les contrats de prestations de service prévoient la désignation par la société ERT d’un « tuteur » , chargé de l’encadrement des salariés mis à la disposition, la société COKES DE CARLING ne justifie du respect de cette formalité que pour les seuls travaux de nettoyage manuel des portes et des batteries sur le site de CARLING 3, conformément au plan de prévention établi le 28 janvier 2009, désignant effectivement Messieurs B... et C... « responsables ERT » ; qu’en revanche, les documents intitulés « actualisation plan de prévention » , également versés aux débats, concernant les opérations de nettoyage, de chargement et de déchargement de la houille sur le chantier « I... D... », sur lequel Monsieur Y... était affecté, ne mentionnent l’identité d’aucun salarié de la société ERT responsable de l’encadrement et de la surveillance du personnel de l’entreprise prestataire ; que les témoignages des collègues de travail de Monsieur Y..., employés par la société ERT, confirment qu’il a travaillé en qualité de « chargeur » au sein de la cokerie de CARLING, sous l’autorité directe du personnel de la SAS COKES DE CARLING, à savoir Messieurs E..., F... et G... ; que ce fait est également confirmé par le témoignage de Monsieur Claude H..., agent de maîtrise à la cokerie de CARLING, lequel précise « lors de l’exercice de mes fonctions au service charbon-coke il arrivait que je transmette directement des ordres au personnel de l’entreprise ERT qui effectuait le chargement du coke dans les camions au point de chargement I...-D... » ; que la SAS COKES DE CARLING ne démontre pas que Monsieur Y..., affecté de manière permanente, depuis le 29 septembre 2005, aux travaux de chargement et de déchargement de la houille, ainsi qu’au nettoyage des fours sur le chantier « I... D... » était sous l’autorité de son employeur (la SARL ERT) dans le cadre de l’exécution des prestations figurant au contrat établi le 29 septembre 2005, lequel a été reconduit en exécution de plusieurs avenants postérieurs ; que dans ces conditions, la mise à disposition par la société ERT de Monsieur Y... auprès de la SAS COKE DE CARLING ne peut être rattachée à l’exécution du contrat de prestation de service indiqué ci-dessus, constituant de fait un prêt de main d’oeuvre entre ces deux sociétés ; que le caractère illicite du prêt de main d’oeuvre par l’utilisation de Monsieur Y... à des fins étrangères à ses fonctions initiales d’agent d’entretien, est démontré par le fait que la société ERT n’avait comme seul et unique client la société COKES DE CARLING, et n’exécutait aucun autre chantier pour le compte d’autres entreprises ; qu’après la résiliation par l’entreprise utilisatrice de tous ses contrats au cours de l’année 2009, suivant un jugement en date du 3 novembre 2009, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de SARGUEMINES a d’ailleurs prononcé la liquidation judiciaire de la SARL ERT, celle-ci n’ayant plus d’activités économiques ; que Monsieur Y... relève enfin à juste titre que la rémunération des prestations exécutées par la société ERT au profit de la société COKES DE CARLING, tel qu’il a été modifié aux termes du contrat cadre signé le 25 mai 2009, est établie, non sur la base d’un forfait, mais directement en fonction du temps passé par le salarié au sein de l’entreprise utilisatrice, soit en considération des heures de travail effectuées ; que ce « contrat cadre » prévoit en effet que l’entreprise prestataire percevra une rémunération par poste, c’est-à-dire par salarié mis à disposition « du lundi au vendredi, de 108,50 € le poste (au poste du matin), de 207 € le poste (au poste du matin et de l’après-midi), et le samedi de 130,21 € le poste (au poste du matin) », ce qui caractérise l’existence d’un prêt de main d’oeuvre à but lucratif entre ces deux sociétés ; qu’au regard de la durée de l’affection de Monsieur Y... aux tâches de chargement et déchargement du charbon et du coke (soit plus de quatre années), il y a lieu de considérer que le premier contrat de prestations de service conclu le 29 septembre 2005 avec l’entreprise utilisatrice COKES DE CARLING dissimule en réalité une opération irrégulière de prêt de main d’oeuvre ; que le but lucratif de ce prêt de main d’oeuvre apparaît caractérisé, vis-à-vis de la société ERT, en sa qualité de prestataire de services, dans la mesure où il n’est pas contesté qu’elle n’avait que pour seule activité la mise à disposition de ses salariés au profit exclusif de son unique client, la SAS COKES DE CARLING, dont elle était complètement dépendante économiquement ; que Monsieur Y... justifie également que le but lucratif de ce prêt de main d’oeuvre est aussi établi à l’égard de l’entreprise utilisatrice COKES DE CARLING, compte tenu de l’économie réalisée sur le coût de la main d’oeuvre, au regard notamment de l’application de la convention collective de la sidérurgie, à laquelle les salariés de la SARL ERT ayant le statut d’agent d’entretien, n’étaient pas soumis ; qu’en cas de prêt de main d’oeuvre illicite, le salarié est en droit de demander au juge d’établir l’existence d’un contrat de travail avec l’entreprise utilisatrice à laquelle il est directement subordonné dans l’exercice des tâches qui lui sont dévolues dans le cadre d’un contrat de mise à disposition ; qu’il convient par conséquent d’infirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a considéré qu’il n’existait aucun contrat de travail liant Monsieur Y... conjointement à son employeur et à l’entreprise utilisatrice COKES DE CARLING, l’employant depuis le 29 septembre 2005, date à laquelle le premier contrat de sous-traitance a été signé » ;

ALORS, DE PREMIERE PART, QUE le prêt de main-d’oeuvre n’est pas prohibé lorsqu’il n’est que la conséquence nécessaire de la transmission d’un savoir-faire ou de la mise en oeuvre d’une technicité qui relève de la spécificité propre de l’entreprise prêteuse ; qu’en retenant l’existence d’un prêt de main d’oeuvre illicite sans examiner, comme elle y était invitée par l’exposante, si l’opération de prêt de main d’oeuvre était justifiée par un savoir-faire spécifique de la société ERT ou d’une technicité qui lui était propre, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 8241-1 et L. 1221-1 du code du travail ;

ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE le contrat de sous-traitance n’exclut pas toute possibilité de contrôle du donneur d’ordre sur le sous-traitant et donc des travailleurs mis à disposition ; que pour identifier l’existence d’un prêt de main d’oeuvre illicite dans les rapports entre la société ERT et la société COKES DE CARLING, la cour d’appel s’est bornée à relever que les documents intitulés « actualisation plan de prévention », concernant les opérations de nettoyage, de chargement et de déchargement de la houille sur le chantier « I... D... », sur lequel Monsieur Y... était spécialement affecté, ne mentionnent l’identité d’aucun salarié de la société ERT responsable de l’encadrement et de la surveillance du personnel affecté, que ses collègues de travail, anciens employés par la société ERT, témoignaient qu’il avait travaillé en qualité de « chargeur » au sein de la cokerie de CARLING, sous l’autorité directe du personnel de la SAS COKES DE CARLING, et que ce fait était également confirmé par le témoignage d’un agent de maîtrise à la cokerie de CARLING, précisant qu’il était arrivé qu’il transmette directement des ordres au personnel de l’entreprise ERT qui effectuait le chargement du coke dans les camions au point de chargement I...-D... ; qu’en se déterminant de la sorte, par des éléments qui étaient susceptibles de ne caractériser qu’un contrôle normal du donneur d’ordre, la société COKES DE CARLING, sur le sous-traitant, la société ERT, et sur les salariés ainsi mis à sa disposition, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 8241-1 et L. 1221-1 du code du travail ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE pour retenir l’existence d’un prêt de main d’oeuvre illicite dans les rapports contractuels entre la société ERT et la société COKES de CARLING, la cour d’appel s’est fondée sur la rémunération des prestations exécutées par la société ERT au profit de la société COKES DE CARLING telle que prévue par les stipulations contractuelles modifiées le 25 mai 2009 ; qu’en se déterminant de la sorte, alors qu’elle avait constaté que la mise à disposition du salarié avait commencé le 29 septembre 2005 et s’était achevée au deuxième semestre de l’année 2009, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 8241-1 et L. 1221-1 du code du travail ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE c’est à celui qui se prétend lié par un contrat de travail qu’il appartient d’en rapporter la preuve ; que pour retenir l’existence d’un contrat de travail entre Monsieur Y... et la SAS COKES DE CARLING, la cour d’appel a retenu que cette dernière ne démontrait pas que Monsieur Y..., mis à disposition de manière permanente depuis le 29 septembre 2005 aux travaux de chargement et de déchargement de la houille, ainsi qu’au nettoyage des fours sur le chantier « I... D... » était sous l’autorité de son employeur (la SARL ERT) dans le cadre de l’exécution des prestations figurant au contrat établi le 29 septembre 2005 qui a été reconduit par la signature postérieure de plusieurs avenants ; qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation de l’article 1315 du code civil ;

ALORS, ENFIN, QUE l’existence d’une relation de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que l’existence d’un contrat de travail ne peut automatiquement se déduire de la prétendue existence d’un prêt de main d’oeuvre illicite ; que pour retenir qu’un contrat de travail liait Monsieur Y... et la société COKES DE CARLING, la cour d’appel s’est bornée à affirmer qu’en cas de prêt de main d’oeuvre illicite, le salarié est en droit de demander au juge d’établir l’existence d’un contrat de travail avec l’entreprise utilisatrice à laquelle il est directement subordonné dans l’exercice des tâches qui lui sont dévolues dans le cadre d’un contrat de mise à disposition ; qu’en se déterminant de la sorte, par des motifs n’établissant pas l’existence d’un lien de subordination juridique entre Monsieur Y... et la société COKES DE CARLING, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir condamné la société COKES DE CARLING à verser à Monsieur Y... les sommes de 2.996,65 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis (improprement qualifiée d’indemnité compensatrice de congés payés dans le dispositif de l’arrêt), de 299,66 € bruts au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis, de 3.899,63 € au titre de l’indemnité de licenciement, de 10.000 € au titre d’un licenciement abusif et de 8.989,92 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE « Sur les demandes salariales liées à la rupture du contrat de travail ; que la requalification du contrat de travail de Monsieur Y... le liant à la SAS COKES DE CARLING, au titre d’un prêt de main d’oeuvre illicite, à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, conduit à appliquer à la rupture de celui-ci les règles régissant le licenciement ; qu’en l’espèce, il est constant que le contrat de travail à durée indéterminée, liant Monsieur Y... à la SAS COKES DE CARLING, a été rompu sans qu’ait été énoncée dans une quelconque lettre de licenciement la cause réelle et sérieuse de celui-ci ; que Monsieur Y... peut en conséquence prétendre au versement de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de licenciement, ainsi que les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que conformément à l’article 10 de l’avenant de la convention collective de la sidérurgie, Monsieur Y..., percevant au jour de la rupture de son contrat de travail, au mois de décembre 2009, un salaire brut de 1.498,32 €, a droit à une indemnité de préavis équivalente à deux mois de salaire ; que la SAS COKES DE CARLING sera par conséquent condamnée à payer au salarié la somme de 2.996,64 € bruts, au titre de l’indemnité de préavis, ainsi que celle de 299,66 € bruts, selon la règle du dixième ; que l’article 11 de la convention collective de la sidérurgie fixe le montant de l’indemnité de licenciement à 0,4 mois de salaire par année d’ancienneté calculée sur la base de 1/12ème de la rémunération des 12 derniers mois (soit 1.720,42 € bruts en incluant les primes et les heures supplémentaires) ; qu’au 11 décembre 2009, date de la rupture de son contrat de travail, Monsieur Y... avait acquis au sein de l’entreprise utilisatrice COKES DE CARLING une ancienneté de cinq ans et huit mois ; que la SAS COKES DE CARLING sera par conséquent condamnée à payer à Monsieur Y... la somme de 3.889,63 €, correspondant à l’indemnité conventionnelle de licenciement, s’élevant à 3.440,84 € pour les cinq années d’ancienneté et à 458,79 € pour le reliquat de huit mois ; qu’au jour de la rupture de son contrat de travail, Monsieur Y... avait acquis une ancienneté supérieure à deux ans au sein d’une entreprise COKES DE CARLING, dont il n’est pas allégué qu’elle emploierait moins de onze salariés ;que l’indemnisation de celle-ci est régie par l’article L. 1235-3 du code du travail et ne peut donc être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que Monsieur Y... avait acquis au jour de la rupture de son contrat de travail une ancienneté de cinq ans et huit mois et percevait, au jour de la rupture du contrat de travail survenue au mois de décembre 2009, un salaire brut de 1.498,32 € par mois ; que celui-ci ne verse cependant aux débats aucun justificatif ni sur sa situation professionnelle actuelle, ni sur les indemnités perçues suite à son licenciement par la société ERT ; qu’au vu de ces seuls éléments, la société COKES DE CARLING sera condamnée à payer à Monsieur Y... la somme de 10.000 €, à titre de dommages et intérêts, pour licenciement abusif ; qu’après avoir résilié l’ensemble des contrats la liant avec la société ERT, il est manifeste que la SAS COKES DE CARLING a mis fin au contrat de travail reconnu à Monsieur Y..., sans recourir aux procédures applicables en matière de licenciement ; que toutefois, conformément à l’article 1235-2 du code du travail, dans les entreprises d’au moins onze salariés et pour les salariés ayant au moins deux ans d’ancienneté les sanctions spécifiques pour irrégularité de procédure ne s’appliquent pas lorsque le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; que Monsieur Y... sera par conséquent débouté de sa demande d’indemnité formée au titre de l’irrégularité de son licenciement ; que Monsieur Y... sollicite enfin la condamnation la SAS COKES DE CARLING au paiement de l’indemnité pour travail dissimulé, prévue par l’article L. 8223-1 du code du travail, au motif que celle-ci aurait omis de procéder à sa déclaration préalable à l’embauche ; que le contrat de prestation qui a été signé le 29 septembre 2005, dissimulant en réalité un prêt de main d’oeuvre à but lucratif, il est démontré par le salarié que la SAS COKES DE CARLING s’est intentionnellement soustrait à son obligation de déclaration préalable à l’embauche, ce qui constitue un recours au travail dissimulé ;

Qu’en conséquence, en application de l’article L. 8223-1 du code du travail, la SAS COKES DE CARLING sera condamnée à payer à Monsieur Y... la somme de 8.989,92 €, au titre de l’indemnité pour travail dissimulé » ;

ALORS, D’UNE PART, QUE la reconnaissance d’un contrat de travail simplement déduite de l’existence d’une opération de prêt de main d’oeuvre illicite fait nécessairement naître une situation de co-emploi, le salarié mis à disposition ayant pour employeurs, pour le même travail et la même rémunération, l’entreprise prestataire et l’entreprise utilisatrice ; qu’il en résulte que le salarié ne peut prétendre au versement de diverses sommes au titre de la rupture de deux contrats de travail, quand une telle situation correspond en réalité à un contrat unique ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans prendre en considération le fait que Monsieur Y... avait déjà été licencié par la société ERT, alors qu’elle a condamné la société COKES DE CARLING à verser diverses sommes attachées à la rupture du même contrat de travail, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE le versement de l’indemnité prévue à l’article L. 8223-1 du code du travail pour travail dissimulé suppose que soit établie l’intention de dissimuler un emploi salarié et de se soustraire à certaines obligations applicables à un employeur ; que pour condamner la société COKES DE CARLING à payer à Monsieur Y... une somme au titre de l’indemnité de travail dissimulé, la cour d’appel s’est bornée à relever que le contrat de prestation qui a été signé le 29 septembre 2005, dissimulant en réalité un prêt de main d’oeuvre à but lucratif, il était démontré par le salarié que la SAS COKES DE CARLING s’était intentionnellement soustraite à son obligation de déclaration préalable à l’embauche, ce qui constitue un recours au travail dissimulé ; qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir l’intention de dissimuler un emploi salarié au sens des articles L. 8221-5 et suivants du code du travail, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail.

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Cokes de Carling, demanderesse au pourvoi n° E 16-14.696

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit que Monsieur J... était lié à la SAS COKES DE CARLING par un contrat de travail, d’AVOIR condamné la SAS COKES DE CARLING à lui payer les sommes de 2.745 € au titre de la prime de vacances, 479,36 € bruts correspondant à la prime Saint Eloi, 323,43 € bruts correspondant à l’indemnité de congés payés afférentes aux primes sus-visées et d’AVOIR condamné la SAS COKES DE CARLING à lui payer les sommes de 3.171,59 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (improprement qualifiée d’indemnité compensatrice de congés payés dans le dispositif de l’arrêt), 317,15 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, 3.953,11 € au titre de l’indemnité de licenciement, 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et 9.514,80 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE « Monsieur J... soutient que les contrats conclus à compter du 29 septembre 2005, aux termes duquel il a été mis à la disposition par son employeur auprès de la SAS COKES DE CARLING constituent un prêt de main d’oeuvre illicite prohibé par l’article L. 8241-1 du code du travail, au regard de son objet, mais également de ses conditions de travail ; que suivant un contrat signé le 29 septembre 2005, reconduit par plusieurs avenants successifs, la société ERT, spécialisée dans le nettoyage courant des bâtiments, s’est engagée à exécuter pour le compte de la SAS COKES DE CARLING les travaux de « déchargement de houilles » , « de chargement de coke en wagons ou camions » et de « nettoyage de secteurs au four tournant » ; que Monsieur J... , employé en qualité d’agent d’entretien par la société ERT a ainsi été affecté jusqu’au deuxième semestre de l’année 2009, c’est-à-dire jusqu’à la cessation de son contrat de travail, de manière exclusive et continue, à l’exécution de ces tâches de production industrielle ; que ces modalités prévues par les dispositions du contrat établi le 29 septembre 2005 entre la société ERT et la SAS COKES DE CARLING concernant la mise à disposition d’agents d’entretien à titre permanent pour l’exécution des travaux de chargement et de déchargement du charbon, pour lesquels l’entreprise utilisatrice s’est engagée gracieusement à assurer au préalable leur formation professionnelle, permet de caractériser l’existence d’un prêt de main d’oeuvre ; que si tous les contrats de prestations de service prévoient la désignation par la société ERT d’un « tuteur » , chargé de l’encadrement des salariés mis à la disposition de la société COKES DE CARLING, celle-ci ne justifie du respect de cette formalité que pour les seuls travaux de nettoyage manuel des portes et des batteries sur le site de CARLING 3, conformément au plan de prévention établi le 28 janvier 2009 désignant effectivement Messieurs B... et C... « responsables ERT » ; qu’en revanche, les documents intitulés « actualisation plan de prévention » , également versés aux débats, concernant les opérations de nettoyage, de chargement et de déchargement de la houille sur le chantier « I... D... », sur lequel Monsieur J... était spécialement affecté, ne mentionnent l’identité d’aucun salarié de la société ERT responsable de l’encadrement et de la surveillance du personnel affecté ; que les témoignages des collègues de travail de Monsieur J... , employés par la société ERT, confirment qu’il a travaillé en qualité de « chargeur » au sein de la cokerie de CARLING, sous l’autorité directe du personnel de la SAS COKES DE CARLING, à savoir Messieurs E..., F... et G... ; que ce fait est également confirmé par le témoignage de Monsieur Claude H..., agent de maîtrise à la cokerie de CARLING, lequel précise « lors de l’exercice de mes fonctions au service charbon-coke il arrivait que je transmette directement des ordres au personnel de l’entreprise ERT qui effectuait le chargement du coke dans les camions au point de chargement I...-D... » ; que la SAS COKES DE CARLING ne démontre pas que le salarié, mis à disposition de manière permanente depuis le 29 septembre 2005 aux travaux de chargement et de déchargement de la houille, ainsi qu’au nettoyage des fours sur le chantier « I... D... » était sous l’autorité de son employeur (la SARL ERT) dans le cadre de l’exécution des prestations figurant au contrat établi le 29 septembre 2005 qui a été reconduit par la signature postérieure de plusieurs avenants ; que dans ces conditions, la mise à disposition par la société ERT de Monsieur J... auprès de la SAS COKE DE CARLING, à l’instar de ses deux autres collègues de travail, ne peut être rattachée à l’exécution du contrat de prestation de service indiqué ci-dessus, constituant dans la réalité un prêt de main d’oeuvre entre ces deux sociétés ; que le caractère illicite du prêt de main d’oeuvre par l’utilisation de Monsieur J... à des fins étrangères à ses fonctions initiales d’agent d’entretien, est démontré par le fait que la société ERT n’avait comme seul et unique client la société COKES DE CARLING, et n’exécutait aucun autre chantier pour le compte d’autres entreprises ; qu’après la résiliation par l’entreprise utilisatrice de tous ses contrats au cours de l’année 2009, suivant un jugement en date du 3 novembre 2009, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de SARGUEMINES a d’ailleurs prononcé la liquidation judiciaire de la SARL ERT, celle-ci n’ayant plus d’activités économiques ; que Monsieur J... relève enfin à juste titre que la rémunération des prestations exécutées par la société ERT au profit de la société COKES DE CARLING, tel qu’il a été modifié aux termes du contrat cadre signé le 25 mai 2009, est établie, non sur la base d’un forfait, mais directement en fonction du temps passé par le salarié au sein de l’entreprise utilisatrice, soit en considération des heures de travail effectuées ; que ce « contrat cadre » prévoit en effet que l’entreprise prestataire percevra une rémunération par poste, c’est-à-dire par salarié mis à disposition « du lundi au vendredi, de 108,50 € le poste (au poste du matin), de 207 € le poste (au poste du matin et de l’après-midi), et le samedi de 130,21 € le poste (au poste du matin) », ce qui caractérise l’existence d’un prêt de main d’oeuvre à but lucratif entre ces deux sociétés ; qu’au regard de la durée de l’affection de Monsieur Brahim Y... aux tâches de chargement et déchargement du charbon et du coke (soit plus de quatre années), il y a lieu de considérer que le premier contrat de prestations de service conclu le 29 septembre 2005 avec l’entreprise utilisatrice COKES DE CARLING dissimule en réalité une opération irrégulière de prêt de main d’oeuvre ; que le but lucratif de ce prêt de main d’oeuvre apparaît caractérisé, vis-à-vis de la société ERT, le prestataire de service, dans la mesure où il n’est pas contesté qu’elle n’avait que pour seule activité la mise à disposition de ses salariés au profit exclusif de son unique client, la SAS COKES DE CARLING, dont elle était complètement dépendante économiquement ; que Monsieur J... justifie, à l’instar de ses deux autres collègues de travail, que le but lucratif de ce prêt de main d’oeuvre est établi à l’égard de l’entreprise utilisatrice COKES DE CARLING, compte tenu de l’économie réalisée sur le coût de la main d’oeuvre, au regard notamment de l’application de la convention collective de la sidérurgie, à laquelle les salariés de la SARL ERT n’étaient pas soumis ; qu’en cas de prêt de main d’oeuvre illicite, le salarié est en droit de demander au juge d’établir l’existence d’un contrat de travail avec l’entreprise utilisatrice à laquelle il est directement subordonné dans l’exercice des tâches qui lui sont dévolues dans le cadre d’un contrat de mise à disposition ; qu’il convient par conséquent d’infirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a considéré qu’il n’existait aucun contrat de travail liant conjointement Monsieur J... à son employeur et à l’entreprise utilisatrice COKES DE CARLING, l’employant depuis le 29 septembre 2005, date à laquelle le premier contrat de sous-traitance a été signé ; que la SAS COKES DE CARLING sera par ailleurs déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée à l’encontre du salarié pour procédure abusive et injustifiée » ;

ALORS, DE PREMIERE PART, QUE le prêt de main-d’oeuvre n’est pas prohibé lorsqu’il n’est que la conséquence nécessaire de la transmission d’un savoirfaire ou de la mise en oeuvre d’une technicité qui relève de la spécificité propre de l’entreprise prêteuse ; qu’en retenant l’existence d’un prêt de main d’oeuvre illicite sans examiner, comme elle y était invitée par l’exposante, si l’opération de prêt de main d’oeuvre était justifiée par un savoir-faire spécifique de la société ERT ou d’une technicité qui lui était propre, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 8241-1 et L. 1221-1 du code du travail ;

ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE le contrat de sous-traitance n’exclut pas toute possibilité de contrôle du donneur d’ordre sur le sous-traitant et donc des travailleurs mis à disposition ; que pour identifier l’existence d’un prêt de main d’oeuvre illicite dans les rapports entre la société ERT et la Société COKES DE CARLING, la cour d’appel s’est bornée à relever que les documents intitulés « actualisation plan de prévention », concernant les opérations de nettoyage, de chargement et de déchargement de la houille sur le chantier « I... D... », sur lequel Monsieur J... était spécialement affecté, ne mentionnent l’identité d’aucun salarié de la société ERT responsable de l’encadrement et de la surveillance du personnel affecté, que ses collègues de travail, anciens employés par la société ERT, témoignaient qu’il avait travaillé en qualité de « chargeur » au sein de la cokerie de CARLING, sous l’autorité directe du personnel de la SAS COKES DE CARLING, et que ce fait était également confirmé par le témoignage d’un agent de maîtrise à la cokerie de CARLING, précisant qu’il était arrivé qu’il transmette directement des ordres au personnel de l’entreprise ERT qui effectuait le chargement du coke dans les camions au point de chargement I...-D... ; qu’en se déterminant de la sorte, par des éléments qui étaient susceptibles de ne caractériser qu’un contrôle normal du donneur d’ordre, la société COKES DE CARLING, sur le sous-traitant, la société ERT, et sur les salariés ainsi mis à sa disposition, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 8241-1 et L. 1221-1 du code du travail ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE pour retenir l’existence d’un prêt de main d’oeuvre illicite dans les rapports contractuels entre la société ERT et la société COKES de CARLING, la cour d’appel s’est fondée sur la rémunération des prestations exécutées par la société ERT au profit de la société COKES DE CARLING telle que prévue par les stipulations contractuelles modifiées le 25 mai 2009 ; qu’en se déterminant de la sorte, alors qu’elle avait constaté que la mise à disposition du salarié avait commencé le 29 septembre 2005 et s’était achevée au deuxième semestre de l’année 2009, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 8241-1 et L. 1221-1 du code du travail ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE c’est à celui qui se prétend lié par un contrat de travail qu’il appartient d’en rapporter la preuve ; que pour retenir l’existence d’un contrat de travail entre Monsieur J... et la SAS COKES DE CARLING, la cour d’appel a retenu que cette dernière ne démontrait pas que Monsieur J... , mis à disposition de manière permanente depuis le 29 septembre 2005 aux travaux de chargement et de déchargement de la houille, ainsi qu’au nettoyage des fours sur le chantier « I... D... » était sous l’autorité de son employeur (la SARL ERT) dans le cadre de l’exécution des prestations figurant au contrat établi le 29 septembre 2005 qui a été reconduit par la signature postérieure de plusieurs avenants ; qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation de l’article 1315 du code civil ;

ALORS, ENFIN, QUE l’existence d’une relation de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que l’existence d’un contrat de travail ne peut automatiquement se déduire de la prétendue existence d’un prêt de main d’oeuvre illicite ; que pour retenir qu’un contrat de travail liait Monsieur J... et la société COKES DE CARLING, la cour d’appel s’est bornée à affirmer qu’en cas de prêt de main d’oeuvre illicite, le salarié est en droit de demander au juge d’établir l’existence d’un contrat de travail avec l’entreprise utilisatrice à laquelle il est directement subordonné dans l’exercice des tâches qui lui sont dévolues dans le cadre d’un contrat de mise à disposition ; qu’en se déterminant de la sorte, par des motifs n’établissant pas l’existence d’un lien de subordination juridique entre Monsieur J... et la société COKES DE CARLING, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la Société COKES DE CARLING à verser à Monsieur J... les sommes de 3.171,59 € bruts au titre de l’indemnité de préavis (improprement qualifiée d’indemnité compensatrice de congés payés dans le dispositif de l’arrêt), 317,15 € bruts au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis, 3.953,11 € au titre de l’indemnité de licenciement, 10.000 € au titre d’un licenciement abusif et 9.514,80 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE « sur les demandes salariales liées à la rupture du contrat de travail ; que la requalification du contrat de travail de Monsieur J... , le liant à la SAS COKES DE CARLING, au titre d’un prêt de main d’oeuvre illicite, à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, conduit à appliquer à la rupture de celui-ci les règles régissant le licenciement ; qu’en l’espèce, il est constant que le contrat de travail à durée indéterminée, liant Monsieur J... à la SAS COKES DE CARLING, a été rompu sans qu’ait été énoncée dans une quelconque lettre de licenciement la cause réelle et sérieuse de celui-ci ; que Monsieur J... peut en conséquence prétendre au versement de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de licenciement, ainsi que les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que conformément à l’article 10 de l’avenant de la convention collective de la sidérurgie, Monsieur J... , percevant au jour de la rupture du contrat de travail (décembre 2009), un salaire brut de 1.585,80 € a droit à une indemnité de préavis équivalente à deux mois de salaire ; que la SAS COKES DE CARLING sera par conséquent condamnée à payer au salarié la somme de 3.171,59 € bruts, au titre de l’indemnité de préavis, ainsi que celle de 317,16 € bruts, selon la règle du dixième ; que l’article 11 de la convention collective de la sidérurgie fixe le montant de l’indemnité de licenciement à 0,4 mois de salaire par année d’ancienneté calculée sur la base de 1/12ème de la rémunération des 12 derniers mois (soit 1.744,02 € bruts en incluant les primes et les heures supplémentaires) ; que depuis sa mise à disposition auprès de l’entreprise utilisatrice COKES DE CARLING jusqu’au 11 décembre 2009, date de la rupture de son contrat de travail, Monsieur J... avait acquis au sein de l’entreprise utilisatrice COKES DE CARLING une ancienneté de cinq ans et huit mois ; que la SAS COKES DE CARLING sera par conséquent condamnée à payer à Monsieur J... la somme de 3.953,11 €, correspondant à l’indemnité conventionnelle de licenciement, s’élevant à 3.488,04 € pour les cinq années d’ancienneté et à 465,07 € pour le reliquat de huit mois ; qu’au jour de la rupture de son contrat de travail, Monsieur J... avait acquis une ancienneté supérieure à deux ans au sein d’une entreprise COKES DE CARLING, dont il n’est pas allégué qu’elle emploierait moins de onze salariés ; que l’indemnisation de celle-ci est régie par l’article L. 1235-3 du code du travail et ne peut donc être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que Monsieur J... avait acquis au jour de la rupture de son contrat de travail une ancienneté de cinq ans et huit mois et percevait au jour de la rupture de son contrat de travail survenue au mois de décembre 2009 un salaire brut de 1.585,80 € ; que celui-ci ne verse cependant aux débats aux débats aucun justificatif, ni sur sa situation professionnelle actuelle, ni sur les indemnités perçues suite à son licenciement par la société ERT ; qu’au vu de ces seuls éléments, la société COKES DE CARLING sera condamnée à payer à Monsieur J... la somme de 10.000 €, à titre de dommages et intérêts, pour licenciement abusif ; qu’après avoir résilié l’ensemble des contrats la liant avec la société ERT, il est manifeste que la SAS COKES DE CARLING a mis fin au contrat de travail reconnu à Monsieur J... , sans recourir aux procédures applicables en matière de licenciement ; que toutefois, conformément à l’article L. 1235-2 du code du travail, dans les entreprises d’au moins onze salariés et pour les salariés ayant au moins deux ans d’ancienneté les sanctions spécifiques pour irrégularité de procédure, ne s’appliquent pas, lorsque le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; que Monsieur J... sera par conséquent débouté de sa demande d’indemnité formée au titre de l’irrégularité de son licenciement ; que Monsieur J... sollicite enfin la condamnation la SAS COKES DE CARLING au paiement de l’indemnité pour travail dissimulé, prévue par l’article L. 8223-1 du code du travail, au motif que celle-ci aurait omis de procéder à sa déclaration préalable à l’embauche ; que le contrat de prestation qui a été signé le 29 septembre 2005, dissimulant en réalité un prêt de main d’oeuvre à but lucratif, il est démontré par le salarié que la SAS COKES DE CARLING s’est intentionnellement soustrait à son obligation de déclaration préalable à l’embauche, ce qui constitue un recours au travail dissimulé ; qu’en conséquence, en application de l’article L. 8223-1 du code du travail, la SAS COKES DE CARLING sera condamnée à payer à Monsieur J... la somme de 9.514,80 €, au titre de l’indemnité de travail dissimulé » ;

ALORS, D’UNE PART, QUE la reconnaissance d’un contrat de travail simplement déduite de l’existence d’une opération de prêt de main d’oeuvre illicite fait nécessairement naître une situation de co-emploi, le salarié mis à disposition ayant pour employeurs, pour le même travail et la même rémunération, l’entreprise prestataire et l’entreprise utilisatrice ; qu’il en résulte que le salarié ne peut prétendre au versement de diverses sommes au titre de la rupture de deux contrats de travail, quand une telle situation correspond en réalité à un contrat unique ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans prendre en considération le fait que Monsieur J... avait déjà été licencié par la société ERT, alors qu’elle a condamné la société COKES DE CARLING à verser diverses sommes attachées à la rupture du même contrat de travail, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE le versement de l’indemnité prévue à l’article L. 8223-1 du code du travail pour travail dissimulé suppose que soit établie l’intention de dissimuler un emploi salarié et de se soustraire à certaines obligations applicables à un employeur ; que pour condamner la société COKES DE CARLING à payer à Monsieur J... une somme au titre de l’indemnité de travail dissimulé, la cour d’appel s’est bornée à relever que le contrat de prestation qui a été signé le 29 septembre 2005, dissimulant en réalité un prêt de main d’oeuvre à but lucratif, il était démontré par le salarié que la SAS COKES DE CARLING s’était intentionnellement soustraite à son obligation de déclaration préalable à l’embauche, ce qui constitue un recours au travail dissimulé ; qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir l’intention de dissimuler un emploi salarié au sens des articles L. 8221-5 et suivants du code du travail, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail.

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Cokes de Carling, demanderesse au pourvoi n° F 16-14.697

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit que Monsieur A... était lié à la SAS COKES DE CARLING par un contrat de travail, d’AVOIR condamné la SAS COKES DE CARLING à lui payer les sommes de 2.745 €, au titre de la prime de vacances, 479,36 € bruts correspondant à la prime Saint Eloi, 323,43 € bruts correspondant à l’indemnité de congés payés afférentes aux primes sus-visées et d’AVOIR condamné la SAS COKES DE CARLING à lui payer les sommes de 3.259,05 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (improprement qualifiée d’indemnité compensatrice de congés payés dans le dispositif de l’arrêt), 325,90 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, 4.123,11 € au titre de l’indemnité de licenciement, 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et 9.777,12 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE « MONSIEUR A... soutient que les contrats conclus à compter du 29 septembre 2005, aux termes duquel il a été mis à la disposition par son employeur auprès de la SAS COKES DE CARLING constituent un prêt de main d’oeuvre illicite prohibé par l’article L. 8241-1 du code du travail ; que suivant le premier contrat signé le 29 septembre 2005, lequel a été reconduit par plusieurs avenants successifs, la société ERT, spécialisée dans le nettoyage courant des bâtiments, s’est engagée à exécuter pour le compte de la SAS COKES DE CARLING les travaux de « déchargement de houilles », « de chargement de coke en wagons ou camions » et de « nettoyage de secteurs au four tournant » ; que MONSIEUR A..., employé en qualité d’agent d’entretien par la société ERT a ainsi été affecté jusqu’au deuxième semestre de l’année 2009, c’est-à-dire jusqu’à la cessation de son contrat de travail, de manière exclusive et continue, à l’exécution de ces tâches de production industrielle ; que ces modalités prévues par les dispositions du contrat établi le 29 septembre 2005 entre la société ERT et la SAS COKES DE CARLING concernant la mise à disposition d’agents d’entretien à titre permanent pour l’exécution des travaux de chargement et de déchargement du charbon, pour lesquels l’entreprise utilisatrice s’est engagée gracieusement à assurer au préalable leur formation professionnelle, permet de caractériser l’existence d’un prêt de main d’oeuvre ; que si tous les contrats de prestations de service prévoient la désignation par la société ERT d’un « tuteur » , chargé de l’encadrement des salariés mis à la disposition de la société COKES DE CARLING, celle-ci ne justifie du respect de cette formalité que pour les seuls travaux de nettoyage manuel des portes et des batteries sur le site de CARLING 3, conformément au plan de prévention établi le 28 janvier 2009 désignant effectivement Messieurs B... et C... « responsables ERT » ;qu’en revanche, les documents intitulés « actualisation plan de prévention » , également versés aux débats, concernant les opérations de nettoyage, de chargement et de déchargement de la houille sur le chantier « I... D... », sur lequel MONSIEUR A... était spécialement affecté, ne mentionnent l’identité d’aucun salarié de la société ERT responsable de l’encadrement et de la surveillance du personnel affecté ; que les témoignages des collègues de travail de MONSIEUR A..., employés par la société ERT, confirment qu’il a travaillé en qualité de « chargeur » au sein de la cokerie de CARLING, sous l’autorité directe du personnel de la SAS COKES DE CARLING, à savoir Messieurs E..., F... et G... ; que ce fait est également confirmé par le témoignage de Monsieur Claude H..., agent de maîtrise à la cokerie de CARLING, lequel précise « lors de l’exercice de mes fonctions au service charbon-coke il arrivait que je transmette directement des ordres au personnel de l’entreprise ERT qui effectuait le chargement du coke dans les camions au point de chargement I...-D... » ; que la SAS COKES DE CARLING ne démontre pas que le salarié, mis à disposition de manière permanente depuis le 29 septembre 2005 aux travaux de chargement et de déchargement de la houille, ainsi qu’au nettoyage des fours sur le chantier « I... D... » était sous l’autorité de son employeur (la SARL ERT) dans le cadre de l’exécution des prestations figurant au contrat établi le 29 septembre 2005, reconduit en exécution de plusieurs avenants ; que dans ces conditions, la mise à disposition par la société ERT de MONSIEUR A... auprès de la SAS COKE DE CARLING, à l’instar de ses deux autres collègues de travail, ne peut être rattachée à l’exécution du contrat de prestation de service indiqué ci-dessus, constituant dans la réalité un prêt de main d’oeuvre entre ces deux sociétés ; que le caractère illicite du prêt de main d’oeuvre par l’utilisation de MONSIEUR A... à des fins étrangères à ses fonctions initiales d’agent d’entretien, est démontré par le fait que la société ERT n’avait comme seul et unique client la société COKES DE CARLING, et n’exécutait aucun autre chantier pour le compte d’autres entreprises ; qu’après la résiliation par l’entreprise utilisatrice de tous ses contrats au cours de l’année 2009, suivant un jugement en date du 3 novembre 2009, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de SARGUEMINES a d’ailleurs prononcé la liquidation judiciaire de la SARL ERT, celle-ci n’ayant plus d’activités économiques ; que MONSIEUR A... relève enfin à juste titre que la rémunération des prestations exécutées par la société ERT au profit de la société COKES DE CARLING, tel qu’il a été modifié aux termes du contrat cadre signé le 25 mai 2009, est établie, non sur la base d’un forfait, mais directement en fonction du temps passé par le salarié au sein de l’entreprise utilisatrice, soit en considération des heures de travail effectuées ; que ce « contrat cadre » prévoit en effet que l’entreprise prestataire percevra une rémunération par poste, c’est-à-dire par salarié mis à disposition « du lundi au vendredi, de 108,50 € le poste (au poste du matin), de 207 € le poste (au poste du matin et de l’après-midi), et le samedi de 130,21 € le poste (au poste du matin) », ce qui caractérise l’existence d’un prêt de main d’oeuvre à but lucratif entre ces deux sociétés ; qu’au regard de la durée de l’affection de MONSIEUR A... aux tâches de chargement et déchargement du charbon et du coke (en l’occurrence plus de quatre années), il y a lieu de considérer que le premier contrat de prestations de service conclu le 29 septembre 2005 avec l’entreprise utilisatrice COKES DE CARLING dissimule en réalité une opération irrégulière de prêt de main d’oeuvre ; que le but lucratif de ce prêt de main d’oeuvre apparaît caractérisé, vis-à-vis de la société ERT, le prestataire de service, dans la mesure où il n’est pas contesté qu’elle n’avait que pour seule activité la mise à disposition de ses salariés au profit exclusif de son unique client, la SAS COKES DE CARLING, dont elle était complètement dépendante économiquement ; que MONSIEUR A... justifie, à l’instar de ses deux autres collègues de travail, que le but lucratif de ce prêt de main d’oeuvre est établi à l’égard de l’entreprise utilisatrice COKES DE CARLING, compte tenu de l’économie réalisée sur le coût de la main d’oeuvre, au regard notamment de l’application de la convention collective de la sidérurgie, à laquelle les salariés de la SARL ERT n’étaient pas soumis ; qu’en cas de prêt de main d’oeuvre illicite, le salarié est en droit de demander au juge d’établir l’existence d’un contrat de travail avec l’entreprise utilisatrice à laquelle il est directement subordonné dans l’exercice des tâches qui lui sont dévolues dans le cadre d’un contrat de mise à disposition ; qu’il convient par conséquent d’infirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a considéré qu’il n’existait aucun contrat de travail liant conjointement MONSIEUR A... à son employeur et à l’entreprise utilisatrice COKES DE CARLING, l’employant depuis le 29 septembre 2005, date à laquelle le premier contrat de sous-traitance a été signé ; que la SAS COKES DE CARLING sera par ailleurs déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée à l’encontre du salarié pour procédure abusive et injustifiée » ;

ALORS, DE PREMIERE PART, QUE le prêt de main-d’oeuvre n’est pas prohibé lorsqu’il n’est que la conséquence nécessaire de la transmission d’un savoir-faire ou de la mise en oeuvre d’une technicité qui relève de la spécificité propre de l’entreprise prêteuse ; qu’en retenant l’existence d’un prêt de main d’oeuvre illicite sans examiner, comme elle y était invitée par l’exposante, si l’opération de prêt de main d’oeuvre était justifiée par un savoir-faire spécifique de la société ERT ou d’une technicité qui lui était propre, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 8241-1 et L. 1221-1 du code du travail ;

ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE le contrat de sous-traitance n’exclut pas toute possibilité de contrôle du donneur d’ordre sur le sous-traitant et donc des travailleurs mis à disposition ; que pour identifier l’existence d’un prêt de main d’oeuvre illicite dans les rapports entre la société ERT et la société COKES DE CARLING, la cour d’appel s’est bornée à relever que les documents intitulés « actualisation plan de prévention », concernant les opérations de nettoyage, de chargement et de déchargement de la houille sur le chantier « I... D... », sur lequel Monsieur A... était spécialement affecté, ne mentionnent l’identité d’aucun salarié de la société ERT responsable de l’encadrement et de la surveillance du personnel affecté, que ses collègues de travail, anciens employés par la société ERT, témoignaient qu’il avait travaillé en qualité de « chargeur » au sein de la cokerie de CARLING, sous l’autorité directe du personnel de la SAS COKES DE CARLING, et que ce fait était également confirmé par le témoignage d’un agent de maîtrise à la cokerie de CARLING, précisant qu’il était arrivé qu’il transmette directement des ordres au personnel de l’entreprise ERT qui effectuait le chargement du coke dans les camions au point de chargement I...-D... ; qu’en se déterminant de la sorte, par des éléments qui étaient susceptibles de ne caractériser qu’un contrôle normal du donneur d’ordre, la société COKES DE CARLING, sur le sous-traitant, la société ERT, et sur les salariés ainsi mis à sa disposition, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 8241-1 et L. 1221-1 du code du travail ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE pour retenir l’existence d’un prêt de main d’oeuvre illicite dans les rapports contractuels entre la société ERT et la société COKES de CARLING, la cour d’appel s’est fondée sur la rémunération des prestations exécutées par la société ERT au profit de la société COKES DE CARLING telle que prévue par les stipulations contractuelles modifiées le 25 mai 2009 ; qu’en se déterminant de la sorte, alors qu’elle avait constaté que la mise à disposition du salarié avait commencé le 29 septembre 2005 et s’était achevée au deuxième semestre de l’année 2009, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 8241-1 et L. 1221-1 du code du travail ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE c’est à celui qui se prétend lié par un contrat de travail qu’il appartient d’en rapporter la preuve ; que pour retenir l’existence d’un contrat de travail entre Monsieur A... et la SAS COKES DE CARLING, la cour d’appel a retenu que cette dernière ne démontrait pas que Monsieur A..., mis à disposition de manière permanente depuis le 29 septembre 2005 aux travaux de chargement et de déchargement de la houille, ainsi qu’au nettoyage des fours sur le chantier « I... D... » était sous l’autorité de son employeur (la SARL ERT) dans le cadre de l’exécution des prestations figurant au contrat établi le 29 septembre 2005 qui a été reconduit par la signature postérieure de plusieurs avenants ; qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation de l’article 1315 du code civil ;

ALORS, ENFIN, QUE l’existence d’une relation de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que l’existence d’un contrat de travail ne peut automatiquement se déduire de la prétendue existence d’un prêt de main d’oeuvre illicite ; que pour retenir qu’un contrat de travail liait Monsieur A... et la société COKES DE CARLING, la cour d’appel s’est bornée à affirmer qu’en cas de prêt de main d’oeuvre illicite, le salarié est en droit de demander au juge d’établir l’existence d’un contrat de travail avec l’entreprise utilisatrice à laquelle il est directement subordonné dans l’exercice des tâches qui lui sont dévolues dans le cadre d’un contrat de mise à disposition ; qu’en se déterminant de la sorte, par des motifs n’établissant pas l’existence d’un lien de subordination juridique entre Monsieur A... et la société COKES DE CARLING, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la société COKES DE CARLING à verser à Monsieur A... les sommes de 3.259,05 € bruts, au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, 325,90 € bruts, au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis (improprement qualifiée d’indemnité compensatrice de congés payés dans le dispositif de l’arrêt), 4.123,11 €, au titre de l’indemnité de licenciement, 10.000 €, à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et 9.777,12 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE « Sur les demandes salariales liées à la rupture du contrat de travail ; que la requalification du contrat de travail de Monsieur A..., le liant à la SAS COKES DE CARLING, au titre d’un prêt de main d’oeuvre illicite, à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, conduit à appliquer à la rupture de celui-ci les règles régissant le licenciement ; qu’en l’espèce, il est constant que le contrat de travail à durée indéterminée, liant Monsieur A... à la SAS COKES DE CARLING, a été rompu sans qu’ait été énoncée dans une quelconque lettre de licenciement la cause réelle et sérieuse de celui-ci ; que Monsieur A... peut en conséquence prétendre au versement de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de licenciement, ainsi que les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que conformément à l’article 10 de l’avenant de la convention collective de la sidérurgie, Monsieur A... a droit à une indemnité de préavis équivalente à deux mois de salaire ; que percevant au jour de la rupture du contrat de travail (décembre 2009) un salaire brut de 1.629,52 €, la SAS COKES DE CARLING sera par conséquent condamnée à payer au salarié la somme de 3.259,05 € bruts, au titre de l’indemnité de préavis, ainsi que celle de 325,90 € bruts, selon la règle du dixième ; que l’article 11 de la convention collective de la sidérurgie fixe le montant de l’indemnité de licenciement à 0,4 mois de salaire par année d’ancienneté calculée sur la base de 1/12ème de la rémunération des 12 derniers mois (soit 1.744,02 € bruts en incluant les primes et les heures supplémentaires) ; que depuis sa mise à disposition auprès de l’entreprise utilisatrice COKES DE CARLING jusqu’au 11 décembre 2009, date de la rupture de son contrat de travail, Monsieur A... avait acquis au sein de l’entreprise utilisatrice COKES DE CARLING une ancienneté de cinq ans et huit mois ; que la SAS COKES DE CARLING sera par conséquent condamnée à payer à Monsieur A... la somme de 4213,11 €, correspondant à l’indemnité conventionnelle de licenciement, s’élevant à 3.717,45 € pour les cinq années d’ancienneté et à 495,66 € pour le reliquat de huit mois ; qu’au jour de la rupture de son contrat de travail, Monsieur A... avait acquis une ancienneté supérieure à deux ans au sein d’une entreprise COKES DE CARLING, dont il n’est pas allégué qu’elle emploierait moins de onze salariés ; que l’indemnisation de celle-ci est régie par l’article L. 1235-3 du code du travail et ne peut donc être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que Monsieur A... avait acquis au jour de la rupture de son contrat de travail une ancienneté de cinq ans et huit mois et percevait au jour de la rupture de son contrat de travail survenue au mois de décembre 2009 un salaire brut de 1.629,52 € ; que celui-ci ne verse cependant aux débats aux débats aucun justificatif, ni sur sa situation professionnelle actuelle, ni sur les indemnités perçues suite à son licenciement par la société ERT qui a été placée en liquidation judiciaire ; qu’au vu de ces seuls éléments, la société COKES DE CARLING sera condamnée à payer à Monsieur A... la somme de 10.000 €, à titre de dommages et intérêts, pour licenciement abusif ; qu’après avoir résilié l’ensemble des contrats la liant avec la société ERT, il est manifeste que la SAS COKES DE CARLING a mis fin au contrat de travail reconnu à Monsieur A..., sans recourir aux procédures applicables en matière de licenciement ; que toutefois, conformément à l’article L. 1235-2 du code du travail, dans les entreprises d’au moins onze salariés et pour les salariés ayant au moins deux ans d’ancienneté les sanctions spécifiques pour irrégularité de procédure, ne s’appliquent pas, lorsque le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; que Monsieur A... sera par conséquent débouté de sa demande d’indemnité formée au titre de l’irrégularité de son licenciement ; que Monsieur A... sollicite enfin la condamnation la SAS COKES DE CARLING au paiement de l’indemnité pour travail dissimulé, prévue par l’article L. 8223-1 du code du travail, au motif que celle-ci aurait omis de procéder à sa déclaration préalable à l’embauche ; que le contrat de prestation qui a été signé le 29 septembre 2005, dissimulant en réalité un prêt de main d’oeuvre à but lucratif, il est démontré par le salarié que la SAS COKES DE CARLING s’est intentionnellement soustrait à son obligation de déclaration préalable à l’embauche, ce qui constitue un recours au travail dissimulé ; qu’en conséquence, en application de l’article L. 8223-1 du code du travail, la SAS COKES DE CARLING sera condamnée à payer à Monsieur A... la somme de 9.777,12 €, au titre de l’indemnité pour travail dissimulé » ;

ALORS, D’UNE PART, QUE la reconnaissance d’un contrat de travail simplement déduite de l’existence d’une opération de prêt de main d’oeuvre illicite fait nécessairement naître une situation de co-emploi, le salarié mis à disposition ayant pour employeurs, pour le même travail et la même rémunération, l’entreprise prestataire et l’entreprise utilisatrice ; qu’il en résulte que le salarié ne peut prétendre au versement de diverses sommes au titre de la rupture de deux contrats de travail, quand une telle situation correspond en réalité à un contrat unique ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans prendre en considération le fait que Monsieur A... avait déjà été licencié par la société ERT, alors qu’elle a condamné la Société COKES DE CARLING à verser diverses sommes attachées à la rupture du même contrat de travail, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE le versement de l’indemnité prévue à l’article L. 8223-1 du code du travail pour travail dissimulé suppose que soit établie l’intention de dissimuler un emploi salarié et de se soustraire à certaines obligations applicables à un employeur ; que pour condamner la société COKES DE CARLING à payer à Monsieur A... une somme au titre de l’indemnité de travail dissimulé, la cour d’appel s’est bornée à relever que le contrat de prestation qui a été signé le 29 septembre 2005, dissimulant en réalité un prêt de main d’oeuvre à but lucratif, il était démontré par le salarié que la SAS COKES DE CARLING s’était intentionnellement soustraite à son obligation de déclaration préalable à l’embauche, ce qui constitue un recours au travail dissimulé ; qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir l’intention de dissimuler un emploi salarié au sens des articles L. 8221-5 et suivants du code du travail, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Metz , du 3 février 2016