Obligation adhésion - entreprise portugaise - BTP oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 10 mai 2006

N° de pourvoi : 05-81902

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix mai deux mille six, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, de Me ODENT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" X... Y... Jaime,

"-" Z... Paulo,

contre l’arrêt de la cour d’appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 10 mars 2005, qui, dans la procédure suivie contre eux du chef de défaut de paiement des cotisations pour congés payés et intempéries, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles D. 732-9, D. 341-5-14, R. 262-6, R. 260-1 et R. 793-1 du Code du travail, 537, 591 et 593 du code de procédure pénale, et du principe de la présomption d’innocence, ensemble défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a condamné les demandeurs à payer à la Caisse des congés payés du bâtiment la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

”aux motifs qu’en matière de congés payés, il appartient à l’entreprise étrangère d’apporter la preuve que ses salariés bénéficient effectivement de droits équivalents à ceux dont ils bénéficieraient s’ils étaient soumis au droit du pays d’accueil ; qu’il appartient donc aux responsables de la société Meci de prouver que les 49 salariés en cause bénéficient de droits équivalents à ceux dont ils auraient bénéficiés si elle les avait affiliés à la Caisse des congés payés du bâtiment ; que cette preuve ne résulte pas des pièces de la procédure alors que la preuve contraire est établie par l’absence de caisse de congés payés au Portugal, laquelle garantie le paiement des congés payés en cas de défaillance de l’employeur, ou de changement d’employeur, et par le nombre de jours de congés auxquels le travailleur peut prétendre inférieur en droit portugais à ce qu’il est en droit français ;

”et aux motifs que la même règle relative à la charge de la preuve relative aux cotisations chômage intempéries résulte des dispositions du décret du 11 juillet 1994 lesquelles exonèrent d’affiliation les entreprises étrangères qui peuvent prouver qu’elles ont cotisé à un régime équivalent dans leur pays d’origine ou qu’elles démontrent que leur masse salariale est inférieure à 8 000 fois le salaire horaire minimal de l’ouvrier d’exécution 1er échelon ... ou le salaire horaire minimal prévu à l’article L. 141-4 du code du travail ; que l’entreprise Meci procède par voie d’affirmation lorsqu’elle soutient que le maintien de rémunération prévu par la loi portugaise en cas d’intempérie permet aux salariés portugais de se trouver dans une situation identique à celle des salariés travaillant en France alors qu’il n’existe pas au Portugal de régime équivalent en l’absence de caisse chargée de prendre en charge le paiement des indemnités en cas d’intempérie et que le salaire garanti au Portugal est un salaire minimum tandis qu’en France il s’agit d’un salaire réel ;

”1 - alors qu’en vertu du principe de la présomption d’innocence, c’est au ministère public et à la partie civile, parties poursuivantes, qu’il incombe d’établir la culpabilité de la personne poursuivie, et non à celle-ci de prouver son innocence ; qu’en entrant en voie de condamnation à l’encontre de Jaime A... Y... et de Paulo Z... au motif qu’ils n’ont pas démontré que les salariés détachés en cause bénéficiaient au Portugal de droits équivalents à ceux dont ils auraient bénéficié s’ils avaient été affiliés à la Caisse des congés payés du bâtiment, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé les principes visés au moyen ;

”2 - alors que les entreprises détachant en France des salariés depuis un Etat membre de l’Union européenne peuvent s’exonérer des cotisations à la Caisse des congés payés du bâtiment si leurs salariés bénéficient de leurs droits à congés payés pour la période de détachement dans des conditions au moins équivalentes à celles prévues par la législation française ; qu’il convient à cet effet de prendre en considération l’ensemble des règles applicables en la matière selon la législation étrangère pour apprécier le caractère plus ou moins favorable de ces dispositions au regard de la législation française ; que la Cour ne pouvait se contenter d’analyser un seul avantage spécifique sans considérer l’ensemble des avantages équivalents ; qu’en omettant de procéder à un tel rapprochement, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

”3 - alors que le régime portugais, qui prévoit vingt-deux jours ouvrables de congés payés, dont la rémunération ne peut être inférieure à celle reçue en service actif, outre une prime de vacances d’un montant égal à celui de ladite rémunération, est au moins équivalent au régime français ; qu’en obligeant néanmoins la société Meci à cotiser tout à la fois au régime portugais et au régime français, la cour d’appel a violé les articles 59 et 60 du traité instituant la Communauté européenne (actuellement articles 49 et 50 du Traité d’Amsterdam) ;

”4 - alors que les demandeurs ayant fait valoir que les dispositions de l’article D. 341-5-14 du Code du travail ont pour effet de créer une situation discriminatoire entre les Etats membres de l’Union européenne en ce qu’elles autorisent l’exonération des cotisations dues au titre du régime intempéries pour les seules entreprises qui sont établies dans un pays où il existe un tel régime, ou accessoirement pour les entreprises ayant une masse salariale inférieure 8 000 fois le salaire horaire minimal prévu à l’article L. 141-4 du même code (conclusions, page 10, 2 à 4), la cour d’appel ne pouvait, sans entacher sa décision d’un défaut de motifs, laisser sans aucune réponse cette articulation essentielle des conclusions ;

”5 - alors que pour dire que la société Meci était tenue de cotiser au régime intempéries auprès de la Caisse des congés payés du bâtiment, la cour d’appel se borne à constater qu’il n’existe pas au Portugal de régime équivalent en l’absence de caisse chargée de prendre en charge le paiement des indemnités en cas d’intempérie ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans rechercher si la masse salariale de la société Meci n’était pas inférieure aux seuils susmentionnés, et partant de nature à l’exonérer de toute cotisation, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article D. 341-5-14 du code du travail” ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé, sans renverser la charge de celle-ci, que la preuve des infractions reprochées était rapportée à l’encontre des prévenus, en l’état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié l’allocation au profit de la partie civile de l’indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 1 500 euros la somme que chacun des demandeurs devra verser à la Caisse des congés payés du bâtiment de la région du Massif central au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Palisse conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de RIOM, chambre correctionnelle du 10 mars 2005