Sexage de poulets

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 8 juin 2010

N° de pourvoi : 07-87289

Publié au bulletin

Rejet

M. Louvel, président

M. Beauvais, conseiller apporteur

M. Finielz, avocat général

SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :- X... Hiroshi,

 LA SOCIÉTÉ ESAF,
contre l’arrêt de la cour d’appel d’ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 29 mars 2007, qui a condamné le premier, pour emploi de travailleurs étrangers non munis d’un titre de travail, travail dissimulé et aide au séjour irrégulier, à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et 180 jours-amendes de 80 euros, et la seconde, pour emploi de travailleurs étrangers non munis d’un titre de travail, travail dissimulé et prêt illicite de main-d’oeuvre, à 8 000 euros d’amende ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, lors d’un contrôle effectué dans les locaux de l’entreprise avicole SICAMEN, les services de l’inspection du travail ont constaté la présence de travailleurs chinois, dépourvus d’autorisations de travail en France, que la société ESAF, dirigée par Hiroshi X..., avait mis à sa disposition, après que la société de droit allemand ICSO Hilke les avait elle-même mis à la disposition de la société ESAF en vertu d’un “contrat de collaboration” ; Attendu qu’à la suite de ces faits, ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel Hiroshi X..., pris en son nom personnel, pour emploi de travailleurs étrangers non munis d’un titre de travail, travail dissimulé et aide au séjour irrégulier, et la société ESAF, pour emploi de travailleurs étrangers non munis d’un titre de travail, travail dissimulé et prêt illicite de main-d’oeuvre, et qu’ils ont été déclarés coupables de ces infractions ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 125-3, L. 152-3-1 et L. 152-3 du code du travail, 121-2, 131-38 et 131-39 du code pénal, 388, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la société ESAF, d’une part, et Hiroshi X..., d’autre part, coupables du délit de prêt de main d’oeuvre à des fins lucratives hors du cadre légal du travail temporaire ;
”aux motifs propres qu’un contrôle a eu lieu dans les locaux de l’entreprise avicole Sicamen à Volnay, le 26 septembre 2002 ; qu’il y a été constaté la présence de dix personnes de nationalité chinoise réalisant des opérations de sexage des poussins ; que ces dix personnes étaient mises à disposition par la société ESAF, dirigée par X..., entreprise située à Panjas, dont l’activité unique est le sexage ; que trois personnes se trouvaient régulièrement salariées par la société ESAF, les 7 autres étaient mises à la disposition d’ ESAF par une société de droit allemand, la société ICSO Hilke, dans le cadre d’un contrat dit de collaboration ; qu’elles disposaient d’une autorisation de travail en Allemagne sous la forme d’un visa délivré par les autorités allemandes comportant la mention de « travailleur indépendant rémunéré comme trieur de poussins pour ICSO Hilke GmbH à Uslar » ; qu’il n’a pas été fourni de certificat de détachement institué par le règlement n° 1408/71 du 14 juin 1971 relatif à la coordination des régimes sociaux ; que les conditions de travail ont démontré leur subordination à l’entreprise ESAF : qu’Hiroshi X... a reconnu organiser lui-même le travail de l’ensemble des personnes à sa disposition, leur fournir le matériel nécessaire à leur travail (une lampe pliable, dotée d’un long cordon d’alimentation), assurer leur logement et organiser leur déplacement ; que ces personnes, sans distinction, travaillent exclusivement pour lui ; qu’aucune facture émanant des personnes qui auraient le statut de travailleur indépendant n’est produite alors qu’ Hiroshi X... a précisé faire régulièrement appel à la société ICSO Hilke et que certaines de ces personnes travaillaient pour lui depuis des années ; qu’ aucune preuve du paiement effectif à ces mêmes personnes n’est fournie ; que les personnes au statut allégué de travailleur indépendant étaient soumises aux mêmes conditions de travail que les salariés, elles ne disposaient en conséquence d’aucune liberté d’action et d’organisation de leur travail ; que les contrats présentés ont été signés par la secrétaire de l’entreprise au lieu et place des personnes visées par ceux-ci ; que devant la cour, Hiroshi X... et la société ESAF invoquent qu’il est possible de recourir à une main d’oeuvre extérieure s’il s’agit de transmettre un savoir faire ou de la mise en oeuvre d’une technicité particulière ; qu’or, en l’espèce, ainsi que l’a pertinemment retenu le tribunal, il ne s’agit pas de la transmission d’un savoir-faire puisque, précisément, le sexage est l’activité exclusive de la société de sexage avicole France ; que la société prêteuse ne met donc pas à la disposition d’ ESAF des personnes d’une technicité particulière puisqu’il s’agit de l’activité de la société bénéficiaire ; qu’Hiroshi X... a, d’ailleurs, reconnu que le recours à la société allemande lui permettait de disposer du personnel supplémentaire en invoquant les difficultés de recruter dans le département du Gers des personnels pour cette activité ;
”et aux motifs adoptés que le contrat conclu entre la société ICSO Hilke et la société ESAF portait sur un prêt exclusif de main d’oeuvre ; que l’entreprise qui assurait ce prêt (ICSO Hilke) exerçait la même activité que l’entreprise bénéficiaire de ce prêt de main d’oeuvre (ESAF), à savoir le sexage avicole ; qu’il ne peut donc être fait état de « la transmission d’un savoir-faire ou de la mise en oeuvre d’une technicité qui relève de la spécificité propre de l’entreprise prêteuse » ; que la société ICSO Hilke qui a pour objet social « l’identification du sexe des poussins d’un jour et le commerce de produits industriels » n’est pas une entreprise de travail temporaire ; que le but lucratif du prêt de main d’oeuvre au profit d’ESAF est constitué dès lors que cette entreprise déduisait des sommes versées à ICSO Hilke 15 % du montant des prestations facturées à l’entreprise utilisatrice ; qu’elle n’avait pas à supporter par ailleurs les charges sociales afférentes à l’emploi de personnels salariés ; que le prêt de main d’oeuvre à but lucratif est donc constitué ;
”alors que les juridictions correctionnelles ne peuvent ajouter aux faits de la prévention, lesquels doivent rester tels qu’ils ont été retenus dans l’acte de saisine, à moins que le prévenu ait accepté d’être jugé sur des faits nouveaux ; qu’en l’espèce, aux termes de la convocation en justice qui, délivrée le 5 juillet 2005 dans les formes prévues par l’article 390-1 du code de procédure pénale, fixe les limites de la prévention, il était notamment reproché à la société ESAF d’avoir « courant 2002 et notamment le 26 septembre 2002… prêté de la main d’oeuvre à des fins lucratives hors du cadre légal du travail temporaire » ; qu’en cet état, il n’était nullement reproché à la prévenue d’avoir elle-même bénéficié d’un prêt de main d’oeuvre de la part d’une autre entreprise ; que, dès lors, en se déterminant par la circonstance que le contrat conclu entre la société ICSO Hilke et la société ESAF portait sur un prêt exclusif de main d’oeuvre, pour en déduire que l’entreprise qui assurait ce prêt (ICSO Hilke) exerçait la même activité que l’entreprise bénéficiaire de ce prêt de main d’oeuvre (ESAF), à savoir le sexage avicole, de sorte que la prévenue ne pouvait faire état de « la transmission d’un savoir-faire ou de la mise en oeuvre d’une technicité qui relève de la spécificité propre de l’entreprise prêteuse », la cour d’appel a retenu à la charge de la société ESAF des faits excédant les limites de la prévention, et sur lesquels il n’apparaît pas que l’intéressée ait accepté d’être jugée, en violation de l’article 388 du code de procédure pénale” ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant déclaré la société ESAF coupable de prêt illicite de main-d’oeuvre, l’arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que le contrat conclu entre la société allemande ICSO Hilke, qui n’est pas une entreprise de travail temporaire, et la société ESAF porte exclusivement sur la mise à disposition de cette dernière société de personnes n’ayant aucun savoir-faire spécifique par rapport aux salariés de la société ESAF qui exercent la même activité de “sexeurs” ; que les juges ajoutent que ce prêt de main-d’oeuvre avait un but lucratif, en ce que la société ESAF déduisait des sommes versées à la société ICSO Hilke 15% des prestations facturées à la société SICAMEN et ne supportait pas les charges sociales afférentes à l’emploi de personnels salariés ; qu’ils précisent encore que Hiroshi X... a reconnu que le recours à cette main-d’oeuvre permettait de disposer d’un volant supplémentaire de personnel dont le recrutement local s’avérait difficile dans cette spécialité ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi, après avoir restitué à la convention invoquée par la demanderesse sa véritable qualification, la cour d’appel, loin d’excéder sa saisine, a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 49 et 50 du Traité CE, L. 324-10, L. 364-3, L. 341-6, L. 341-4, L. 364-8, L. 364-9 et R. 341-1 du code du travail, 121-2 du code pénal, 388, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la société ESAF, d’une part, et Hiroshi X..., d’autre part, coupables d’emploi d’un salarié étranger non muni d’une autorisation de travail ;
”aux motifs propres qu’un contrôle a eu lieu dans les locaux de l’entreprise avicole Sicamen à Volnay, le 26 septembre 2002 ; qu’il y a été constaté la présence de dix personnes de nationalité chinoise réalisant des opérations de sexage des poussins ; que ces dix personnes étaient mises à disposition par la société ESAF, dirigée par Hiroshi X..., entreprise située à Panjas, dont l’activité unique est le sexage ; que trois personnes se trouvaient régulièrement salariées par la société ESAF, les sept autres étaient mises à la disposition de la société ESAF par une société de droit allemand, la société ICSO Hilke, dans le cadre d’un contrat dit de collaboration ; qu’elles disposaient d’une autorisation de travail en Allemagne sous la forme d’un visa délivré par les autorités allemandes comportant la mention de « travailleur indépendant rémunéré comme trieur de poussinpour ICSO Hilke GmbH à Uslar » ; qu’il n’a pas été fourni de certificat de détachement institué par le règlement n° 1408/71 du 14 juin 1971 relatif à la coordination des régimes sociaux ; que les conditions de travail ont démontré leur subordination à l’entreprise ESAF : Hiroshi X... a reconnu organiser lui-même le travail de l’ensemble des personnes à sa disposition, leur fournir le matériel nécessaire à leur travail (une lampe pliable, dotée d’un long cordon d’alimentation), assurer leur logement et organiser leurs déplacements ; que ces personnes, sans distinction, travaillent exclusivement pour lui ; qu’aucune facture émanant des personnes qui auraient le statut de travailleur indépendant n’est produite alors qu’ Hiroshi X... a précisé faire régulièrement appel à la société ICSO Hilke et que certaines de ces personnes travaillaient pour lui depuis des années ; qu’aucune preuve du paiement effectif à ces mêmes personnes n’est fournie ; que les personnes au statut allégué de travailleur indépendant étaient soumises aux mêmes conditions de travail que les salariés, elles ne disposaient en conséquence d’aucune liberté d’action et d’organisation de leur travail ; que les contrats présentés ont été signés par la secrétaire de l’entreprise au lieu et place des personnes visées par ceux-ci ; que sur le délit d’emploi irrégulier en France, il demande de constater que le traité européen qui institue la liberté de prestation de service entre les pays membres, ne permet pas la restriction que constituerait une autorisation de travail accordée par la France en application des dispositions de l’article L. 341-6 du code du travail ; qu’il souligne que ces dispositions ne visent que les salariés, or, il conteste le statut de salarié ; qu’ainsi il a été démontré, qu’il s’agit de personnes ayant en fait le statut de salarié qui, à ce titre, devaient détenir une autorisation de travail en France ;”et aux motifs adoptés que les travailleurs qui avaient la nationalité chinoise, étaient entrés sur le territoire allemand aux fins d’exercer leur métier de sexeur pour le compte de la société ICSO Hilke et, pour sept d’entre eux, qu’ils disposaient d’un titre de séjour allemand avec autorisation de travailler comme travailleur indépendant ; que ces sept personnes intervenaient d’ailleurs dans le cadre d’un contrat de collaboration avec la société ESAF ; mais attendu qu’il a été relevé que ces collaborateurs avaient des conditions de travail identiques à celles de leurs compatriotes salariés de l’entreprise ESAF ; qu’ainsi, il est apparu que leur travail en équipe était entièrement organisé par Hiroshi
X..., lequel pourvoyait à leur équipement matériel, assurait leur hébergement dans des locaux dont il était propriétaire ou locataire et veillait à la prospection et au suivi des relations commerciales avec la clientèle des couvoirs ; que par ailleurs, il n’a pu être justifié de leur rémunération comme travailleur indépendant, les seules pièces fournies à cet égard étant constituées des factures établies par la société ESAF à destination des entreprises utilisatrices et des factures de la société ICSO Hilke à destination de la société ESAF ; qu’ Hiroshi X... a lui-même indiqué que la rémunération de ces collaborateurs, calculée « à la tâche » sur la base d’un tarif appliqué à l’entreprise utilisatrice, était minorée de 15 % ; que ces éléments qui démontrent l’existence d’un lien de subordination à l’égard d’ Hiroshi X... établissent la réalité d’un travail salarié ; que la particularité et la technicité du travail de sexeur ne fait pas obstacle aux dispositions de l’article L. 134-6, alinéa 1, du code du travail, dès lors qu’ Hiroshi X... emploie pour ce type de travail des personnes qui ont le statut de salarié ; que l’intéressé reconnaît lui-même que certains collaborateurs travaillaient pour lui depuis plusieurs années ; que les renouvellements de leurs contrats amènent à considérer comme possible leur recrutement en tant que salariés ; que le délit d’emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail est constitué ; que par voie de conséquence, est également constitué le délit de travail dissimulé tel que prévu et réprimé par les articles L. 324-10 et suivants du code du travail ; qu’il résulte encore des pièces du dossier que le contrat conclu entre la société ICSO Hilke et la société ESAF portait sur un prêt exclusif de main d’oeuvre ; que l’entreprise qui assurait ce prêt (ICSO Hilke) exerçait la même activité que l’entreprise bénéficiaire de ce prêt de main d’oeuvre (ESAF), à savoir le sexage avicole ; qu’il ne peut donc être fait état de « la transmission d’un savoir-faire ou de la mise en oeuvre d’une technicité qui relève de la spécificité propre de l’entreprise prêteuse » ; que la société ICSO Hilke qui a pour objet social « l’identification du sexe des poussins d’un jour et le commerce de produits industriels » n’est pas une entreprise de travail temporaire ; que le but lucratif du prêt de main d’oeuvre au profit d’ESAF est constitué dès lors que cette entreprise déduisait des sommes versées à ICSO Hilke 15 % du montant des prestations facturées à l’entreprise utilisatrice ; qu’elle n’avait pas à supporter par ailleurs les charges sociales afférentes à l’emploi de personnels salariés ; que le prêt de main d’oeuvre à but lucratif est donc constitué ; que, par ailleurs, Hiroshi X... n’a pas justifié du statut régulier des travailleurs indépendants pour ses sept collaborateurs ; que le certificat de détachement, prévu par le règlement européen n° 1408/71 du 14 juin 1971 relatif à la coordination des régimes nationaux de sécurité sociale, qui atteste du paiement de cotisations sociales dans le pays d’accueil qui a délivré le visa de travail, n’a pu être produit ; qu’il s’ensuit que l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers d’un étranger en France est caractérisée ;
”1) alors que les juridictions correctionnelles ne peuvent ajouter aux faits de la prévention, lesquels doivent rester tels qu’ils ont été retenus dans l’acte de saisine, à moins que le prévenu ait accepté d’être jugé sur des faits nouveaux ; qu’en l’espèce, aux termes de la convocation en justice qui, délivrée le 5 juillet 2005 dans les formes prévues par l’article 390-1 du code de procédure pénale, fixait les limites de la prévention, il était reproché à la société ESAF, d’une part, et à Hiroshi X..., d’autre part d’avoir « engagé comme salarié un étranger non muni d’une autorisation de travail » ; qu’en cet état, il était uniquement reproché aux prévenus d’avoir omis de justifier, pour les personnes concernées, de la production de l’autorisation de travail prévue à l’article L. 341-2 du code du travail, mais aucunement d’avoir omis de produire le certificat de détachement prévu par le règlement n° 1408/71 du 14 juin 1971 ; que, dès lors, en se déterminant par la circonstance que le certificat de détachement n’avait pu être produit, pour en déduire que l’infraction prévue aux articles L. 341-4 et L. 341-6 du code du travail était caractérisée, la cour d’appel, qui a retenu à la charge d’ Hiroshi X... et la société ESAF des faits excédant les limites de la prévention, et sur lesquels il n’apparaît pas que les intéressés aient accepté d’être jugés, a violé l’article 388 du code de procédure pénale ;”2) alors qu’un Etat membre ne peut obliger les entreprises qui, établies dans un autre Etat membre, se rendent sur son territoire afin d’y prester des services et qui emploient de façon régulière et habituelle des ressortissants d’Etats tiers, à obtenir pour ces travailleurs une autorisation de travail auprès d’un organisme national d’immigration ; qu’en l’espèce, il était établi que la société de droit allemand ICSO Hilke avait mis à la disposition de la société ESAF sept personnes d’origine chinoise qui disposaient d’une autorisation de travail en Allemagne sous la forme d’un visa délivré par les autorités allemandes ; qu’en reprochant néanmoins à la société ESAF et à Hiroshi
X... d’avoir recouru aux services de personnes non munies d’une autorisation de travail en France, la cour d’appel a violé les articles 49 et 50 du traité CE” ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 49 et 50 du Traité CE, L. 364-3, L. 341-6, L. 341-4, L. 364-8, L. 364-9 et R. 341-1 du code du travail, 121-2 du code pénal, L. 211-1 et L. 621-1 du code des étrangers, 388, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Hiroshi X... coupable d’aide au séjour irrégulier d’un étranger ;
”aux motifs propres qu’un contrôle a eu lieu dans les locaux de l’entreprise avicole Sicamen à Volnay, le 26 septembre 2002 ; qu’il y a été constaté la présence de dix personnes de nationalité chinoise réalisant des opérations de sexage des poussins ; que ces dix personnes étaient mises à disposition par la société ESAF, dirigée par Hiroshi X..., entreprise située à Panjas, dont l’activité unique est le sexage ; que trois personnes se trouvaient régulièrement salariées par la société ESAF, les sept autres étaient mises à la disposition d’ ESAF par une société de droit allemand, la société ICSO Hilke, dans le cadre d’un contrat dit de collaboration ; qu’elles disposaient d’une autorisation de travail en Allemagne sous la forme d’un visa délivré par les autorités allemandes comportant la mention de « travailleur indépendant rémunéré comme trieur de poussins pour ICSO Hilke GmbH à Uslar » ; qu’il n’a pas été fourni de certificat de détachement institué par le règlement n° 1408/71 du 14 juin 1971 relatif à la coordination des régimes sociaux ; que les conditions de travail ont démontré leur subordination à l’entreprise ESAF : Hiroshi X... a reconnu organiser lui-même le travail de l’ensemble des personnes à sa disposition, leur fournir le matériel nécessaire à leur travail (une lampe pliable, dotée d’un long cordon d’alimentation), assurer leur logement et organiser leurs déplacements ; que ces personnes, sans distinction, travaillent exclusivement pour lui ; qu’aucune facture émanant des personnes qui auraient le statut de travailleur indépendant n’est produite alors qu’ Hiroshi X... a précisé faire régulièrement appel à la société ICSO Hilke et que certaines de ces personnes travaillaient pour lui depuis des années ; qu’aucune preuve du paiement effectif à ces mêmes personnes n’est fournie ; que les personnes au statut allégué de travailleur indépendant étaient soumises aux mêmes conditions de travail que les salariés, elles ne disposaient en conséquence d’aucune liberté d’action et d’organisation de leur travail ; que les contrats présentés ont été signés par la secrétaire de l’entreprise au lieu et place des personnes visées par ceux-ci ; que sur le délit d’emploi irrégulier en France, il demande de constater que le traité européen qui institue la liberté de prestation de services entre les pays membres, ne permet pas la restriction que constituerait une autorisation de travail accordée par la France en application des dispositions de l’article L. 341-6 du code du travail ; qu’il souligne que ces dispositions ne visent que les salariés, or, il conteste le statut de salarié ; qu’ainsi il a été démontré, qu’il s’agit de personnes ayant en fait le statut de salarié qui, à ce titre, devaient détenir une autorisation de travail en France ;”et aux motifs adoptés que les travailleurs qui avaient la nationalité chinoise, étaient entrés sur le territoire allemand aux fins d’exercer leur métier de sexeur pour le compte de la société ICSO Hilke et, pour sept d’entre eux, qu’ils disposaient d’un titre de séjour allemand avec autorisation de travailler comme travailleur indépendant ; que ces sept personnes intervenaient d’ailleurs dans le cadre d’un contrat de collaboration avec la société ESAF ; mais attendu qu’il a été relevé que ces collaborateurs avaient des conditions de travail identiques à celles de leurs compatriotes salariés de l’entreprise ESAF ; qu’ainsi, il est apparu que leur travail en équipe était entièrement organisé par Hiroshi
X..., lequel pourvoyait à leur équipement matériel, assurait leur hébergement dans des locaux dont il était propriétaire ou locataire et veillait à la prospection et au suivi des relations commerciales avec la clientèle des couvoirs ; que par ailleurs, il n’a pu être justifié de leur rémunération comme travailleur indépendant, les seules pièces fournies à cet égard étant constituées des factures établies par la société ESAF à destination des entreprises utilisatrices et des factures de la société ICSO Hilke à destination de la société ESAF ; qu’ Hiroshi X... a lui-même indiqué que la rémunération de ces collaborateurs, calculée « à la tâche » sur la base d’un tarif appliqué à l’entreprise utilisatrice, était minorée de 15 % ; que ces éléments qui démontrent l’existence d’un lien de subordination à l’égard d’ Hiroshi X... établissent la réalité d’un travail salarié ; que la particularité et la technicité du travail de sexeur ne fait pas obstacle aux dispositions de l’article L. 134-6, alinéa 1, du code du travail, dès lors qu’ Hiroshi X... emploie pour ce type de travail des personnes qui ont le statut de salarié ; que l’intéressé reconnaît lui-même que certains collaborateurs travaillaient pour lui depuis plusieurs années ; que les renouvellements de leurs contrats amènent à considérer comme possible leur recrutement en tant que salariés ; que le délit d’emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail est constitué ; que par voie de conséquence, est également constitué le délit de travail dissimulé tel que prévu et réprimé par les articles L. 324-10 et suivants du code du travail ; qu’il résulte encore des pièces du dossier que le contrat conclu entre la société ICSO Hilke et la société ESAF portait sur un prêt exclusif de main d’oeuvre ; que l’entreprise qui assurait ce prêt (ICSO Hilke) exerçait la même activité que l’entreprise bénéficiaire de ce prêt de main d’oeuvre (ESAF), à savoir le sexage avicole ; qu’il ne peut donc être fait état de « la transmission d’un savoir-faire ou de la mise en oeuvre d’une technicité qui relève de la spécificité propre de l’entreprise prêteuse » ; que la société ICSO Hilke qui a pour objet social « l’identification du sexe des poussins d’un jour et le commerce de produits industriels » n’est pas une entreprise de travail temporaire ; que le but lucratif du prêt de main d’oeuvre au profit d’ESAF est constitué dès lors que cette entreprise déduisait des sommes versées à ICSO Hilke 15 % du montant des prestations facturées à l’entreprise utilisatrice ; qu’elle n’avait pas à supporter par ailleurs les charges sociales afférentes à l’emploi de personnels salariés ; que le prêt de main d’oeuvre à but lucratif est donc constitué ; que par ailleurs, Hiroshi X... n’a pas justifié du statut régulier des travailleurs indépendants pour ses sept collaborateurs ; que le certificat de détachement, prévu par le règlement européen 1408/71 du 14 juin 1971 relatif à la coordination des régimes nationaux de sécurité sociale, qui atteste du paiement de cotisations sociales dans le pays d’accueil qui a délivré le visa de travail, n’a pu être produit ; qu’il s’ensuit que l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers d’un étranger en France est caractérisée ;”alors qu’un Etat membre ne peut obliger les entreprises qui, établies dans un autre Etat membre, se rendent sur son territoire afin d’y prester des services et qui emploient de façon régulière et habituelle des ressortissants d’Etats tiers, à obtenir, pour ces travailleurs, une autorisation de travail auprès d’un organisme national d’immigration ; qu’en l’espèce, il était établi que la société de droit allemand ICSO Hilke avait mis à la disposition de la société ESAF sept personnes d’origine chinoise qui disposaient d’une autorisation de travail en Allemagne sous la forme d’un visa délivré par les autorités allemandes ; qu’en reprochant néanmoins à la société ESAF et à Hiroshi X... d’avoir recouru aux services de personnes non munies d’une autorisation de travail en France, la cour d’appel a violé les articles 49 et 50 du traité CE” ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour confirmer la décision des premiers juges déclarant Hiroshi X... coupable d’emploi irrégulier et d’aide au séjour irrégulier d’étrangers en France, la cour d’appel retient que ces ressortissants chinois, qui n’exerçaient pas une activité indépendante de prestataires de services mais se trouvaient dans un lien de subordination à l’égard du prévenu, lequel organisait leur travail, les intégrait à ses propres équipes de salariés, leur fournissait le matériel nécessaire et assurait leur hébergement, avaient le statut de salarié ; que les juges ajoutent qu’à ce titre, ils étaient dans l’obligation d’être munis d’une autorisation de travail en France et qu’il appartenait à Hiroshi X... de vérifier qu’ils étaient en possession de cette autorisation ;
Attendu qu’en l’état de ces seuls motifs, et dès lors que les ressortissants chinois employés par la société ESAF en exécution d’un prêt illicite de main-d’oeuvre ne sauraient être considérés comme des travailleurs temporaires détachés d’une entreprise établie dans un Etat de l’Union Européenne pour effectuer sur le territoire national des prestations de services, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9 et L. 324-10 du code du travail, 121-2 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la société ESAF, d’une part, et Hiroshi X..., d’autre part, coupables de travail dissimulé ;
”aux motifs propres qu’un contrôle a eu lieu dans les locaux de l’entreprise avicole Sicamen à Volnay, le 26 septembre 2002 ; qu’il y a été constaté la présence de dix personnes de nationalité chinoise réalisant des opérations de sexage des poussins ; que ces dix personnes étaient mises à disposition par la société ESAF, dirigée par Hiroshi X..., entreprise située à Panjas, dont l’activité unique est le sexage ; que trois personnes se trouvaient régulièrement salariées par la société ESAF, les sept autres étaient mises à la disposition de la société ESAF par une société de droit allemand, la société ICSO Hilke, dans le cadre d’un contrat dit de collaboration ; qu’elles disposaient d’une autorisation de travail en Allemagne sous la forme d’un visa délivré par les autorités allemandes comportant la mention de « travailleur indépendant rémunéré comme trieur de poussins pour ICSO Hilke GmbH à Uslar » ; qu’il n’a pas été fourni de certificat de détachement institué par le règlement n° 1408/71 du 14 juin 1971 relatif à la coordination des régimes sociaux ; que les conditions de travail ont démontré leur subordination à l’entreprise ESAF : Hiroshi X... a reconnu organiser lui-même le travail de l’ensemble des personnes à sa disposition, leur fournir le matériel nécessaire à leur travail (une lampe pliable, dotée d’un long cordon d’alimentation), assurer leur logement et organiser leurs déplacements ; que ces personnes, sans distinction, travaillent exclusivement pour lui ; qu’aucune facture émanant des personnes qui auraient le statut de travailleur indépendant n’est produite alors que Hiroshi X... a précisé faire régulièrement appel à la société ICSO Hilke et que certaines de ces personnes travaillaient pour lui depuis des années ; qu’aucune preuve du paiement effectif à ces mêmes personnes n’est fournie ; que les personnes au statut allégué de travailleur indépendant étaient soumises aux mêmes conditions de travail que les salariés, elles ne disposaient en conséquence d’aucune liberté d’action et d’organisation de leur travail ; que les contrats présentés ont été signés par la secrétaire de l’entreprise au lieu et place des personnes visées par ceux-ci ; que sur le délit de recours à un travail dissimulé, il soutient encore que ces personnes ne sont pas des salariés et n’ont donc pas à être déclarées à l’inspection du travail et à l’administration fiscale ; que la cour renvoie à ses motifs précédents sur la qualification juridique du contrat liant l’entreprise ESAF aux personnes concernées ;
”et aux motifs adoptés que le délit d’emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail salarié est constitué ; que par voie de conséquence, est également constitué le délit de travail dissimulé tel que prévu et réprimé par les articles L. 324-10 et suivants du code du travail ;
”alors qu’il n’était pas contesté que les sept personnes en cause disposaient d’une autorisation de travail en Allemagne sous la forme d’un visa délivré par les autorités allemandes comportant la mention de « travailleur indépendant rémunéré comme trieur de poussins pour ICSO Hilke GmbH à Uslar », qu’elles étaient liées contractuellement à la société ICSO Hilke et rémunérées directement par cette dernière ; que les juges du fond ont expressément relevé que la société ESAF fournissait des factures établies par la société ESAF à destination des entreprises utilisatrices et des factures de la société ICSO Hilke à destination de la société ESAF ; qu’en décidant néanmoins qu’il existait une relation de salariat entre ces sept personnes et la société ESAF sans répondre au moyen péremptoire des conclusions des prévenus faisant valoir que ces personnes étaient des sous-traitants de la société ICSO Hilke, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision et a violé les textes susvisés” ;
Attendu que, pour déclarer Hiroshi X... coupable de travail dissimulé, l’arrêt énonce que celui-ci n’a pas procédé aux déclarations exigées par les organismes de protection sociale et par l’administration fiscale ;
Attendu qu’en cet état, et dès lors qu’il a été établi que les travailleurs étrangers mis à la disposition de la société ESAF avaient le statut de salarié, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Beauvais conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Villar ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Publication : Bulletin criminel 2010, n° 105

Décision attaquée : Cour d’appel d’Angers , du 29 mars 2007