Travaux industriels - btp

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 27 mai 1999

N° de pourvoi : 98-84501

Non publié au bulletin

Cassation

Président : M. GOMEZ, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

 B... Robert,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 26 mars 1998, qui, pour marchandage et emploi d’étrangers non munis d’un titre de travail, l’a condamné à 7 amendes de 15 000 francs chacune ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 151, dernier alinéa, 152, alinéa 1, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt attaqué a refusé de prononcer l’annulation des actes diligentés par les officiers de police judiciaire au-delà du 15 janvier 1992 et de la procédure subséquente ;

” aux motifs, repris des premiers juges, qu’il est reproché en premier lieu aux officiers de police judiciaire du commissariat de l’Hay-les-Roses (94) d’avoir exécuté une commission rogatoire du magistrat-instructeur au-delà du délai de retour (15. 1. 92) fixé par ce dernier conformément à l’article 154 du Code de procédure pénale ; que, toutefois, les dispositions de l’article 154 précité ne sont pas prescrites à peine de nullité et qu’en toute hypothèse ce retard de 4 mois autorisé par le juge (cf. cote D 70) n’a eu aucune conséquence tant en ce qui concerne la manifestation de la vérité que les droits de la défense dont les intérêts n’ont aucunement été lésés ;

” alors qu’il résulte des dispositions combinées des articles 151, dernier alinéa, et 152, alinéa 1, du Code de procédure pénale qu’au-delà du délai qui leur est imparti par le juge d’instruction dans la commission rogatoire, les officiers de police judiciaire n’ont plus aucun pouvoir et que, dès lors, leurs actes doivent être annulés pour incompétence ;

” alors que les actes accomplis par des officiers de police judiciaire incompétents doivent être irréfragablement présumés porter atteinte aux intérêts des parties “ ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 152, 171, 485, 591, 593 et 802 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt attaqué a refusé d’annuler les auditions et perquisitions réalisées par les officiers de police judiciaire auxquels ont participé les fonctionnaires de l’inspection du travail de Chevilly-Larue et la procédure subséquente ;

” aux motifs propres qu’il résulte des pièces de la procédure, et plus précisément d’un procès-verbal en date du 26 février 1992 que le juge d’instruction mandant avait expressément autorisé les officiers de police judiciaire à se faire assister des fonctionnaires de l’inspection du travail susvisés ;

” et aux motifs, repris des premiers juges, que s’agissant d’une infraction au Code du travail dénoncée par les services de l’inspection du travail, il ne saurait être fait grief aux officiers de police judiciaire de s’être fait assister par les fonctionnaires du service territorialement compétent, étant précisé que Robert B... était alors entendu comme simple témoin ; en toute hypothèse, que Robert B... ne démontre pas en quoi la présence d’un fonctionnaire de l’inspection du travail aurait porté atteinte à ses intérêts en application de l’article 802 du Code de procédure pénale ;

” alors que l’autorisation du juge mandant donnée aux officiers de police judiciaire de se faire assister par des tiers dans leurs opérations ne peut résulter que d’une pièce non équivoque précisant au minimum la procédure à laquelle cette décision s’applique ; que la Cour de Cassation est en mesure de s’assurer, par l’examen du procès-verbal du 26 février 1992 (D 61) qu’il ne comporte aucune précision quant à la procédure à laquelle s’applique la permission prétendument donnée téléphoniquement par le juge d’instruction aux inspecteurs de police de se faire assister par les fonctionnaires de l’inspection du travail de Chevilly-la-Rue et que, dès lors, le prétendu accord doit être considéré comme inexistant ;

” alors que le fait pour les fonctionnaires de police agissant sur commission rogatoire de s’adjoindre des tiers sans accord préalable du juge mandant porte par lui-même atteinte aux intérêts de la partie qu’elle concerne, cette dernière serait-elle alors entendue comme témoin “ ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 105 dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 13 février 1960, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

” en ce que l’arrêt attaqué a refusé d’annuler l’audition, en tant que témoin, de Robert B... le 27 février 1992 ;

” aux motifs repris des premiers juges que l’article 105 du Code de procédure pénale suppose l’existence au moment de l’audition d’indices graves et concordants de culpabilité ainsi que le dessein de faire échec aux droits de la défense ; qu’il convient de constater que tel n’est pas le cas en l’espèce, l’information ouverte contre X le 28 novembre 1990 l’ayant été sur des éléments encore incertains et Robert B... n’ayant jamais été entendu auparavant ;

” alors que la Cour de Cassation est en mesure de s’assurer qu’il résulte de la procédure que l’intégralité des éléments de preuve qui ont servi à la mise en examen ultérieure de Robert B... existait avant son audition du 27 février 1992, qu’aucun élément à charge nouveau n’a été recueilli à partir de cette date et que, dès lors, en énonçant que les éléments existant au 27 février 1992 à l’encontre de Robert B... étaient encore incertains, la cour d’appel a statué par une contradiction de motifs manifestes ;

” alors qu’en l’état de la procédure révélant, contrairement à ce qu’a décidé la cour d’appel, des indices graves et concordants de culpabilité à l’encontre de Robert B..., la cour d’appel avait l’obligation impérative de recherche, en application des dispositions de l’article 105 du Code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 13 février 1960, si l’audition de celui-ci sous serment le 27 février 1992, avait été faite dans le dessein de faire échec aux droits de la défense “ ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu’il résulte de l’article 385, alinéa 1er, du Code de procédure pénale que les juges du fond n’ont pas qualité pour constater les nullités de procédure qui leur sont soumises lorsqu’ils sont saisis par l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction ; que tel est le cas en l’espèce, Robert B... ayant été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs de marchandage et emploi irrégulier d’étrangers par ordonnance du juge d’instruction en date du 25 août 1993 ;

Qu’il s’ensuit que les moyens, qui critiquent les motifs par lesquels la cour d’appel a cru devoir statuer, pour les écarter, sur les exceptions de nullité concernant différents actes de l’information, sont irrecevables ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 125-1 du Code du travail, 59 et 60 du Traité de Rome, 216 et suivants de l’acte d’adhésion de l’Espagne et du Portugal au traité de la CEE en date du 12 juin 1985, 591 et 593, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Robert B... coupable de marchandage ;

” aux motifs qu’il est établi par les pièces de la procédure par l’enquête faite par le contrôleur du travail des Bouches-du-Rhône et les investigations diligentées dans le cadre de l’information que Robert B... s’est livré à une opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre qui a eu pour effet de causer un préjudice aux salariés portugais qu’elle concernait et d’éluder l’application des dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles ; que Robert B... ne saurait valablement prétendre qu’il s’agit de l’exécution par la société Interisa d’un marché dont elle avait acquis la sous-traitance alors qu’aucun contrat d’entreprise pour l’exécution d’une tâche déterminée moyennant un prix forfaitaire n’a été conclu entre les deux entreprises Interisa et DTB ;

que le contrat de bail produit s’est avéré n’avoir pas de réalité au vu des constats du contrôleur de travail et des déclarations de A... ; que les investigations diligentées telles que relatées précisément ont révélé que la société Interisa ne disposait d’aucun matériel et que le contrat de mise à disposition du matériel du 15 décembre 1989 précité est purement fictif quand l’on sait que les trancheuses Vermer étaient en réalité louées par la société CITP ce dont a convenu le prévenu qui a également reconnu, lors de son audition par le juge d’instruction, que la liste produite au contrôleur du travail faisant état du “ parc matériel, propriété de la SA Interisa “, en l’espèce huit trancheuses Vermer et un marteau Guillotine, signée par Robert B... à Lisbonne “ constituait uniquement un argument de vente vis-à-vis de la clientèle, pour montrer qu’Interisa était à la tête d’un parc de matériel important et qu’elle pouvait donc entreprendre des travaux d’envergure “ ; qu’en outre, l’entreprise Interisa apparaît comme n’ayant aucune spécificité propre ; qu’à cet égard, contrairement aux déclarations du prévenu qui a indiqué au juge d’instruction qu’Interisa avait “ pour objet exclusif le tranchage du sol “ et que, de ce fait, “ il était normal que DBT lui sous-traite le marché puisqu’il s’agissait uniquement d’un travail de tranchage “, il apparaît à la lecture du certificat d’inscription au registre du commerce de Lisbonne produit par le prévenu lui-même que la société Interisa dont le sigle signifie au demeurant Internationale Techonologie Industrie et Construction SA, avait, en réalité, pour objet, des activités multiples ; que l’activité de “ tranchage de sol “ n’est pas même mentionnée dans l’énumération des activités de la société Interisa ; que les investigations ont également démontré que les salariés portugais, au nombre de sept, n’avaient aucune qualification et ont été formés “ sur le tas “ à leur arrivée en France ;

qu’il convient de rappeler à cet égard qu’Antonio C..., employé, selon le registre unique du personnel expatrié de la société Interisa, en qualité de “ chef mécanicien-hydraulicien Vermer “ et mentionné comme “ technicien hautement qualifié “, a indiqué être maçon de profession et ne pas avoir le moindre diplôme de mécanicien ; que l’on peut mesurer la mauvaise foi du prévenu qui a signé le contrat de mise à disposition du matériel déjà mentionné faisant état de ce que le prix de la location comprend pour chaque matériel “ un opérateur hautement qualifié pour la conduite de notre trancheuse Vermer (Matériel très spécifique et particulier) “ et qui écrit le 3 juillet 1990 à l’inspection du travail que l’intervention pour le compte de l’entreprise D. T. B. oblige la société Interisa à se déplacer avec son propre matériel spécifique (trancheuses Vermet et marteau hydraulique automoteur) ainsi qu’avec le personnel de conduite et de maintenance de ces engins ;

qu’en outre, les salariés d’Interisa étaient placés sous les ordres de D. T. B. ou des donneurs d’ouvrage et étaient rémunérés pour certains par D. T. B. ; que le prévenu ne peut sérieusement prétendre qu’il réalisait lui-même l’encadrement des ouvriers portugais et “ qu’en son absence, ils n’étaient supervisés ou dirigés par personne “ ; que le prévenu ne saurait, sans contradiction, à la fois soutenir que le travail effectué par les salariés d’Interisa était spécifique et réalisé, ce qui justifiait une sous-traitance et que “ s’agissant simplement de location d’engins, les conducteurs devant suivre les instructions de la société-cliente “, il ne pouvait être reproché l’absence de personnel d’encadrement ; qu’il ne saurait pas davantage utilement avancer qu’en son absence, C... encadrait les salariés alors qu’il résulte des déclarations de celui-ci qu’il ne s’est jamais senti investi de telles responsabilités ; que l’opération de fourniture de main-d’oeuvre réalisée par Robert B... avait un but lucratif car elle a permis au prévenu d’éviter de nouvelles embauches en France ou un éventuel recours à l’emploi de travailleurs temporaires et ainsi une augmentation des charges salariales et de diminuer, par voie de conséquence, ses coûts ; que cette opération a, de même, permis d’éluder l’application des dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles du travail et a, à l’évidence, causé un préjudice certain aux ouvriers concernés, placés ainsi dans un total état de précarité et ne pouvant bénéficier des avantages de la législation du travail français et en particulier des primes de précarité d’emploi des ouvriers temporaires ou des indemnités compensatrices de congés payés versées dans le cadre de contrats à durée déterminée, ni des avantages sociaux qu’une entreprise importante offre nécessairement à ses propres salariés ; que l’enquête a démontré que les employés de Interisa travaillaient au-delà de 8 heures par jour, en l’espèce de 8 à 16 heures selon les déclarations de Joaquim A..., José X... Z... et José D... Y..., y compris pendant le week-end ; qu’il résulte également de l’enquête que les contrats de travail des salariés portugais d’Interisa étaient établis sur une base horaire de 183 heures mensuelles identique à celle des salariés des entreprises françaises de Robert B... et que ces contrats prévoyaient un salaire sensiblement inférieur à ceux des ouvriers français, les émoluments salariaux proprement dits s’élevant à environ 3 900 francs par mois, ce qui était inférieur au SMIC de l’époque, et ne comprenant pas le paiement majoré des heures supplémentaires entre 169 et 183 heures ; que ces divers éléments participent également au but lucratif de l’opération ;

” alors qu’il appartient aux juges du fond, saisis de poursuites contre un employeur du chef de marchandage en violation des dispositions du Code du travail, de rechercher, par l’analyse des éléments de la cause, la véritable nature des conventions intervenues entre les parties ; que, dans ses conclusions régulièrement déposées, le demandeur invoquait des circonstances précises d’où résultait la réalité de l’existence de la société Interisa, la réalité du contrat de location de matériel spécialisé par cette société à la société DTB, la réalité des embauches au Portugal par la société Interisa des travailleurs portugais, la réalité des qualifications de ce personnel résultant du registre du personnel expatrié en rapport avec le matériel loué, tous éléments démontrant à l’évidence l’existence d’une véritable prestation de service de la part de la société Interisa et qu’en omettant d’examiner ces arguments péremptoires, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

” alors que la réponse donnée par la Cour de justice des communautés européennes à une question préjudicielle posée par une juridiction nationale, en application de l’article 177 du Traité de Rome, a une portée telle qu’une autre juridiction nationale saisie d’une question similaire doit s’y référer et que dans l’affaire Rush Portuguesa LDA, la Cour de justice des communautés européennes, statuant sur une demande de décision préjudicielle, a jugé le 25 mars 1990 que les articles 59 et 60 du Traité CEE et les articles 215 et 216 de l’acte d’adhésion du Royaume d’Espagne et de la République portugaise doivent être interprétés en ce sens qu’une entreprise établie au Portugal qui fournit des prestations de service dans le secteur de la construction et des travaux publics dans un autre Etat membre peut se déplacer avec son propre personnel qu’elle fait venir du Portugal pour la durée des travaux concernés ;

” alors que le préjudice causé au salarié est un élément constitutif du délit de marchandage ; que, selon la décision précitée de la Cour de justice des communautés européennes, lorsque les travailleurs d’un Etat membre se déplacent temporairement dans un autre Etat membre dans le cadre d’une prestation de service de leur employeur et retournent, comme en l’espèce, dans leur pays d’origine après l’accomplissement de leur mission sans accéder à aucun moment au marché de l’emploi de l’Etat membre d’accueil, ils sont soumis aux conditions de travail de leur Etat d’origine ; qu’en l’espèce, Robert B... faisait valoir dans ses conclusions régulièrement déposées devant la Cour que les travailleurs portugais embauchés par l’entreprise Interisa au Portugal étaient soumis à la convention collective de leur pays et recevaient un salaire supérieur à celui prévu pour les cadres supérieurs dans ladite convention collective, justifié par leur expatriement, et que, dès lors, ils ne subissaient aucun préjudice et qu’en cet état, l’arrêt attaqué qui n’a pas répondu à ce chef péremptoire des conclusions du demandeur et qui n’a pas constaté que les travailleurs portugais concernés titulaires de contrats de travail limités à trois mois conclus au Portugal avec un employeur portugais aient été soumis à des conditions de travail et de rémunération plus défavorables que les travailleurs placés dans la même situation dans leur pays d’origine, a privé sa décision de base légale au regard des

principes susvisés “ ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que Robert B..., gérant de la société DTB ayant son siège à Vitrolles, et dirigeant de la société Interisa, ayant son siège à Lisbonne, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, notamment du chef de marchandage ;

Attendu que, pour le déclarer coupable de ce délit, la cour d’appel retient que l’information a établi que les contrats de location de locaux et de matériel passés entre la société Interisa et la société DTB étaient fictifs, que l’activité de la société Interisa était inexistante et qu’aucun contrat de prestation de services n’avait été conclu ni réalisé, pour l’exécution d’une tâche déterminée, moyennant un prix forfaitaire ;

Que les juges relèvent que les ouvriers portugais, prêtendument salariés de la société Interisa travaillant à Vitrolles, avaient été recrutés par un salarié de la société DTB et qu’ils avaient été “ formés sur le tas “ après leur arrivée en France, étant placés sous le contrôle et les ordres du personnel d’encadrement de la société DTB ; qu’après avoir constaté qu’ils étaient rémunérés sur la base d’un salaire horaire inférieur à celui des salariés des entreprises françaises du groupe de Robert B..., et inférieur au SMIC, sans paiement majoré d’heures supplémentaires entre 169 et 183 heures alors qu’ils travaillaient au-delà de 8 heures par jour et pendant les fins de semaine, les juges énoncent que l’opération de fourniture de main-d’oeuvre ainsi mise en oeuvre a eu un but lucratif, en ce qu’elle a permis à Robert B... d’éviter les charges correspondant à l’embauche de salariés en France ou à l’emploi de travailleurs temporaires, et qu’elle a eu pour effet d’éluder l’application des dispositions législatives réglementaires ou conventionnelles du travail et de causer un préjudice aux salariés concernés ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, par des motifs exempts d’insuffisance ou de contradiction et procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d’appel, qui n’a délaissé aucun chef péremptoire des conclusions qui lui étaient soumises, a caractérisé en tous ses éléments le délit de marchandage reproché au prévenu ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Mais sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 341-2, L. 341-4 et L. 341-6 du Code du travail, 112-1 alinéa 3 du Code pénal, 59 et 60 du Traité de Rome, du règlement CEE n° 2194/ 91 du 25 juin 1991, des articles 216 et suivants de l’Acte d’adhésion de l’Espagne et du Portugal au Traité de la CEE en date du 12 juin 1985, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Robert B... coupable d’emploi d’étrangers non munis de titres les autorisant à exercer une activité salariée en France ;

” aux motifs que, si les mesures transitoires à l’acte d’adhésion du Portugal à la Communauté économique européenne ont permis l’assimilation des ressortissants de ce pays aux ressortissants français pour l’application de l’article L. 341-6 du Code du travail, à compter du 1er janvier 1992, la disposition législative, support légal de l’incrimination d’emploi irrégulier d’étrangers en France n’ayant pas été modifiée, demeure applicable aux faits commis avant cette date, ce qui est le cas en l’espèce ;

” alors que, sauf prévisions contraires expresses, une loi nouvelle, qui abroge une incrimination ou qui comporte des dispositions plus favorables, s’applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés ; que l’acte d’adhésion du Portugal aux communautés européennes du 12 juin 1985 et le règlement n° 2194/ 91 du 25 juin 1991 du Conseil des communautés européennes assimilant depuis le 1er janvier 1992, des ressortissants portugais aux ressortissants français, les articles L. 341-6 et L. 364-2 du Code du travail, support légal des incriminations relatives à l’emploi irrégulier d’étrangers en France, ne pouvaient plus être appliqués à compter de la date précitée, aux employeurs de sociétés ayant leur siège en France, occupant des travailleurs portugais, y compris pour des faits commis avant cette date “ ;

Vu l’article 112-1, alinéa 3, du Code pénal, ensemble le traité d’adhésion du Portugal aux Communautés européennes et le règlement CEE n° 2194/ 91 du 25 juin 1991 ;

Attendu que le traité d’adhésion du Portugal aux Communautés européennes et le règlement CEE susvisé assimilant, depuis le 1er janvier 1992, les ressortissants portugais aux ressortissants français, les articles L. 341-6 et L. 364-2-1 du Code du travail incriminant l’emploi irrégulier d’étrangers en France, ne peuvent plus être appliqués, à compter de la date précitée, aux employeurs français occupant des travailleurs portugais, y compris pour des faits commis avant cette date ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que Robert B..., qui a été déclaré coupable du délit de marchandage, a, par ailleurs, été déclaré coupable d’avoir, courant 1989 et 1990, de façon directe ou par personne interposée, engagé et employé sept salariés portugais non munis d’un titre les autorisant à exercer une activité en France, délit prévu et réprimé par les articles L. 341-6 et L. 364-2-1 du Code du travail, dans leur rédaction issue de la loi du 10 juillet 1989 ; que la cour d’appel, après avoir constaté qu’à la date des faits, la peine la plus forte encourue était celle réprimant le délit d’emploi irrégulier d’étrangers, a condamné Robert B... au paiement de sept amendes de 15 000 francs, en application du dernier alinéa de l’article L. 364-2-1 précité ;

Mais attendu qu’en déclarant le prévenu coupable du délit d’emploi irrégulier d’étrangers en France et en le condamnant aux peines prévues de ce chef, la cour d’appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus rappelés ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, en date du 26 mars 1998, en ses seules dispositions concernant la déclaration de culpabilité du chef du délit d’emploi irrégulier d’étrangers et concernant la peine prononcée, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée, à ce designée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Simon conseiller rapporteur, M. Milleville conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Di Guardia ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE 7ème chambre , du 26 mars 1998

Titrages et résumés : (sur les 3 premiers moyens réunis) JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Exécution - Nullité de la procédure - Constatation - Qualité - Juge du fond - Saisie par ordonnance de renvoi du juge d’instruction (non).

null

(sur le cinquième moyen) TRAVAIL - Travailleurs étrangers - Emploi d’un étranger non muni d’un titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France - Traité d’adhésion du Portugal aux communautés européennes - Assimilation des ressortissants portugais aux ressortissants français - Poursuites en cours - Portée.

null

Textes appliqués :
• Code de procédure pénale 385 al. 1
• Code pénal 112-1 al. 3
• Règlement CEE n° 2194-91 1991-06-25