Mise à disposition illégale - emploi direct

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 14 février 2012

N° de pourvoi : 11-82949

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Louvel (président), président

Me Bouthors, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

 M. Jacky X...,

 M. Guy Y...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 1er mars 2011, qui a condamné le premier, pour travail dissimulé, emploi de travailleurs étrangers non munis d’un titre de travail, complicité de travail dissimulé et emploi de travailleurs étrangers non munis d’un titre de travail, à dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis, 237 amendes de 500 euros et un an d’interdiction de gérer, le second, pour travail dissimulé et emploi de travailleurs étrangers non munis d’un titre de travail, à dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis, 237 amendes de 800 euros et deux ans d’interdiction de gérer, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que des contrôles opérés entre novembre 2006 et mars 2007 dans des exploitations viticoles du Médoc mettaient en évidence qu’y travaillaient des personnes d’origine roumaine ; que des sociétés roumaines, French Wine club (FWC), Batim Europ ( BE) et Europ Workers interim (EWI), alléguaient avoir détaché ces personnes en France par l’intermédiaire d’une société française, Europ Workers, alors que la majorité de ces détachements allégués bénéficiait à la société Vinexpert ; qu’au terme des enquêtes diligentées, MM. X... et Y..., le premier en qualité de gérant de droit de la société Vinexpert et de gérant de fait de la société Euro Workers, et le second en qualité de gérant de fait de la société Vinexpert et de gérant de droit de la société Europ Workers, étaient poursuivis pour travail dissimulé et emploi de travailleurs étrangers non munis d’un titre de travail ; que le tribunal correctionnel les relaxait pour les faits concernant quatre salariés mais les déclarait coupables des autres faits, M. X... étant toutefois condamné, pour les faits concernant la société Europ Workers, non en qualité de gérant de fait mais comme complice des faits commis par son coprévenu en sa qualité de gérant de droit de ladite société ; que les prévenus et le procureur de la République ont interjeté appel ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 241-9 du code de commerce, L. 8221-3 et L. 8256-2, alinéa 1, du code du travail, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. Y... coupable, en sa qualité de gérant de fait de la SARL Vinexpert de travail dissimulé et emploi de salariés étrangers non munis d’autorisation ;

”aux motifs, repris des premiers juges, que l’audition des salariés roumains, de M. B... et des secrétaires d’EW et de Vinexpert permet d’établir :

 que M. Y... participe à l’encadrement quotidien des salariés, leur donne des directives et exercice le pouvoir disciplinaire, qu’il s’occupe de la prospection des clients et des relations clientèle, qu’il est le référent appelé lors des contrôles, désigné lors de ceux-ci par les salariés comme leur employeur, et qu’il est le seul connu des donneurs d’ordre,

 qu’il a signé la plupart des contrats de prestation et des courriers de confirmation d’intervention,

 qu’il fournissait le matériel et qu’il s’est reconnu pénalement responsable lors du contrôle effectué à Lamarque le 20 décembre 2006, - qu’il existe une véritable ingérence dans la gestion de cette société, où la répartition des rôles se fait en réalité par compétence professionnelle, et non par référence à la structure juridique,

 qu’EW et Vinexpert ont en commun, non seulement les locaux et le matériel de bureau, mais également des tâches réalisées par les secrétaires, sans qu’il y ait refacturation de services,

 que la comptabilité de Vinexpert est retrouvée sur l’ordinateur d’EW ;

”1) alors que la qualité de gérant de fait ne s’applique qu’à la personne qui a en fait exercé la direction ou la gestion d’une société par actions sous couvert de ses représentants légaux en toute souveraineté et indépendance et que la cour d’appel qui, par adoption des premiers juges, a retenu la qualité de gérant de fait de la SARL Vinexpert à l’encontre de M. Y... en se bornant à relever les tâches techniques qui, compte tenu de ses compétences, étaient les siennes au sein de ladite société sans qu’il résulte de ces motifs que M. Y... ait exercé un pouvoir de direction ou de gestion de la société Vinexpert en toute souveraineté et indépendance, a privé sa décision de base légale ;

”2) alors que les juges du fond, qui constataient expressément que la répartition des fonctions au sein de la société Vinexpert s’exerçait en fonction des compétences professionnelles et non par référence à la structure juridique excluant que M. Y... ait exercé en toute indépendance et souveraineté des fonctions de direction au sein de la société Vinexpert, ne pouvaient, sans se contredire, déduire de l’existence des tâches techniques exercées par lui, que celui-ci avait la qualité de gérant de fait de ladite société” ;

Attendu que, pour reconnaître à M. Y... la qualité de gérant de fait de la société Vinexpert, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, desquelles il résulte que le prévenu a personnellement participé à l’infraction en accomplissant des actes de gestion en toute indépendance et sous le couvert des organes statutaires de la société, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour M. X..., pris de la violation des articles L. 8221-3 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a jugé qu’était constituée l’infraction de dissimulation d’activité par la société Vinexpert au titre de l’activité de prestation de service agricole réalisée en France et condamné M. X... en répression à dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis, 237 amendes de 500 euros et une interdiction de gérer, diriger ou administrer toute entreprise commerciale ou artisanale ou personne morale pendant une durée de deux ans ;

”aux motifs que la société Vinexpert a effectué une activité économique entre le 23 avril 2007 et le 8 juin 2007, pour un total de 70 066 euros, cette activité ayant été réalisée, au vu des déclarations de détachement produites par l’ITEPSA avec des salariés détachés des sociétés roumaines ; que, cependant, la société Vinexpert a indiqué à la MSA, la date du 8 juin 2007 comme début d’activité ; que les prévenus ne peuvent invoquer leur bonne foi de ce chef alors que, par lettre du 4octobre 2007, la MSA a notifié à la société France des vins (nom commercial de la société Vinexpert) son inscription en qualité d’employeur de main-d’oeuvre agricole à compter du 1 août 2007 et que, par courrier du 31 octobre 2007, la MAS a notifié à M. X... son affiliation en qualité de chef d’exploitation à compter du 8 juin 2007, en précisant que celle-ci résulte de la prise en compte de la date réelle de début d’activité, en l’occurrence le 8 juin 2007 ; qu’en recevant ce courrier, les prévenus ne pouvaient ignorer que la date réelle de début de l’activité de la société Vinexpert était celle du 23 avril 2007 et qu’ils échappaient ainsi aux conséquences financières de l’affiliation à la MSA pour la période antérieure du 8 juin 2007 ; qu’il leur appartenait en qualité de gérant de droit et de gérant de fait de la société Vinexpert de déclarer l’activité effective et de veiller à l’exactitude de cette déclaration ; qu’ils ne peuvent, dans ces conditions, valablement invoquer leur bonne foi et d’autant plus qu’ils avaient dirigé préalablement d’autres entreprises, ce qui leur conférait une expérience dans la gestion administrative ; que le fait que la déclaration unique d’embauche concernant M. B... ait été adressée à l’URSSAF le 2 avril 2007 et que cet organisme a invité Vinexpert à prendre contact avec le CFE, pour prise compte d’un courrier du 30 avril 2007, est sans incidence sur la volonté de dissimulation d’activité dès lors que, en dépit de ces éléments et donc en toute connaissance de cause, aucune déclaration n’a été régularisée auprès de la MSA pour la période considérée ;

”1) alors que, le principe d’interprétation stricte de la loi pénale interdit au juge répressif d’étendre le texte d’incrimination pour en faire application à des hypothèses non prévues par la loi ; qu’il n’y a pas travail dissimulé par dissimulation d’activité lorsque la personne en cause a, d’une part, déclaré ab initio une reprise d’activité auprès du registre du commerce et des sociétés et, d’autre part, procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes fiscaux et de protection sociale en vertu des dispositions légales en vigueur ; que, dès lors qu’il était parfaitement établi que M. X... avait déclaré au CFE et aux organismes sociaux (MSA et URSSAF) une date de reprise d’activité au 20 mars 2007, la cour d’appel ne pouvait, sans violer les dispositions de l’article L. 8221-3 du code du travail, considérer que l’infraction était constituée ;

”2) alors qu’est entaché d’une contradiction de motifs l’arrêt qui affirme un fait se trouvant en contradiction avec ceux énoncés dans le document auquel il prétend l’emprunter ; qu’en retenant que « la société Vinexpert a indiqué à la MSA la date du 8 juin 2007 comme début d’activité », quand il résulte des termes clairs et précis du courrier de la MSA, en date du 31 octobre 2007, que M. X... avait, au contraire, indiqué que cette société avait débuté son activité le 20 avril 2007 et que c’est la MSA qui avait elle-même décidé de retenir la date du 8 juin 2007 comme correspondant à la date réelle de début d’activité, la cour a violé l’article 593 du code de procédure pénale” ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit de travail dissimulé dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles L. 8221-3 et 8256-2, alinéa 1, du code du travail, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. Y..., en sa qualité de gérant de droit de la société Europ Workers France coupable de travail dissimulé et d’emploi de salariés étrangers non munis d’autorisation ;

”aux motifs propres et repris des premiers juges, que MM. X... et Y... ont mis en place une structure complexe permettant de dissimuler le rôle réel de la société Europ Workers France qui gérait en France l’ensemble des contrats de travail des salariés roumains, lesquels n’étaient embauchés que pour travailler en France, essentiellement par l’intermédiaire de la société Vinexpert ; que l’entreprise française Europ Workers se présentait comme le représentant fiscal et commercial des trois entités roumaines et que la comptabilité de Vinexpert est retrouvée sur l’ordinateur d’Europ Workers ;

”1) alors qu’il ne résulte d’aucune constatation de l’arrêt attaqué que les salariés détachés par les entreprises roumaines French Wine Club, Batim Europ et Europ Workers Interim aient été embauchés par la société Europ Workers France ou employés pour son compte comme indiqué dans la prévention ;

”2) alors que les juges du fond, qui ne précisaient pas dans leur décision en quoi avait constitué la « gestion » par la société Europ Workers France des contrats de travail des salariés détachés par les entreprises roumaines auprès de la société Vinexpert et quelles étaient les obligations d’Europ Workers France au regard de la législation du travail, ne pouvaient légalement entrer en voie de condamnation à l’encontre de M. Y... pour travail dissimulé et emploi de salariés étrangers non munis d’autorisation” ;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 49 du Traité de l’Union européenne, L. 342-1, L. 342-2 et L. 342-3 ancien du code du travail, L. 1262-1, L. 1262-2 et L. 1262-3 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. Y..., tant en sa qualité de gérant de fait de la SARL Vinexpert qu’en sa qualité de gérant de droit de la société Europ Workers France, coupable de travail dissimulé et d’emploi de salariés étrangers non munis d’autorisation ;

”aux motifs qu’en application de l’article L. 342-1 ancien du code du travail applicable au présent litige, un employeur établi hors de France, peut détacher temporairement des salariés sur le territoire français à condition qu’il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement ; qu’une entreprise exerçant une activité de travail temporaire, établie hors de France, peut détacher temporairement des salariés auprès d’une entreprise utilisatrice établie ou exerçant sur le territoire français à condition qu’il existe un contrat de travail entre l’entreprise étrangère et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement ; qu’en application de l’article L. 342-2 ancien du code du travail est un salarié détaché au sens du présent chapitre tout salarié d’un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France et qui travaille habituellement pour le compte de celui-ci, exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le sol français, dans les conditions définies à l’article L. 342-1 ; qu’en application de l’article L. 342-4 ancien du code du travail, un employeur ne peut se prévaloir des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque son activité est entièrement orientée vers le territoire français ; qu’en ce qui concerne les sociétés roumaines FWC et BE, il ressort des éléments du dossier que celles-ci n’avaient pas d’activité effective en Roumanie, hors des tâches liées au recrutement de salariés roumains pour venir travailler en France ; que leurs bilans pour l’exercice 2007 mentionnent des immobilisations égales à zéro, ce qui exclut que FWC qui ne dispose d’immobilisations ni corporelles ni financières soit propriétaire par elle-même ou par une filiale d’un domaine agricole et même d’outils de production ; qu’il ne peut donc être soutenu que les salariés roumains détachés étaient amenés à exercer une activité agricole pour le compte de ces sociétés en Roumanie ; qu’ainsi, pour ces sociétés, les dispositions de l’article L. 342-4 ancien du code du travail ne sont pas respectées, ce qui exclut qu’elles puissent se prévaloir des dispositions applicables au détachement de salariés ; qu’en ce qui concerne les trois sociétés roumaines (FWC, BE et EWI), il ressort des auditions des salariés roumains en France que ceux-ci ne travaillaient pas habituellement pour le compte des sociétés roumaines, mais qu’ils étaient embauchés exclusivement pour venir travailler en France, sans autre lien avec les sociétés roumaines, ce qui est contraire aux règles de détachement posées par les articles L. 342-1 et L. 342-1 anciens du code du travail ; que M. E... a précisé qu’il ne travaillait pas en Roumanie, où il n’effectuait aucune mission ; qu’il ressort des éléments du dossier qu’il a été embauché le 7 avril 2007 par FWC pour travailler en France, suite à la parution d’une annonce dans les journaux et internet ; qu’entre avril et décembre 2007, il n’est rentré en Roumanie qu’en juillet et août ; qu’il précise ne pas y avoir travaillé car il était en vacances le 15 juillet 2007, tout en indiquant ensuite que, lorsqu’il repart en Roumanie, il travaille pour FWC dans un domaine agricole ; que, cependant, le bilan de cette société ne comprend pas d’immobilisations, comme relevé ci-avant, ce qui exclut la réalité d’un travail en Roumanie pour FWC ; que M. F..., détaché par EWI, a précisé avoir été recruté en Roumanie en janvier 2007 pour venir travailler en France, que son employeur était M. Y..., que, lorsqu’il rentrait en Roumanie il ne travaillait pas et n’y avait effectué aucune mission ; que M. G..., détaché par EWI, a également indiqué avoir été embauché en Roumanie pour venir travailler en France et n’avoir jamais travaillé pour EWI en Roumanie ; que M. H... a précisé avoir été recruté, courant avril 2007, en Roumanie par Mme I..., pour EWI, afin de venir travailler en France et avoir, lorsqu’il rentre en Roumanie, participé au recrutement d’éventuels salariés roumains pour être détachés ; que MM. J... et G... ont aussi déclaré n’avoir effectué aucune mission en Roumanie ; qu’en application de l’article L. 342-1 ancien du code du travail, la relation de travail doit subsister entre l’employeur établi hors de France et le salarié détaché pendant la période de détachement, ce qui implique le maintien du lien de subordination entre l’entreprise roumaine et le salarié roumain travaillant en France ; qu’il apparaît que les sociétés roumaines FWC, BE et EWI ont la même adresse (un appartement à Bucarest), sont gérées par MM. Y... et X..., et ont toutes deux la même directrice générale, chargée essentiellement de l’enregistrement du recrutement des salariés pour venir travailler en France ; que les sociétés BE et EWI ont été créées en 2007, soit concomitamment avec la société EW France et la société Vinexpert et que la société FWC, créée en 2000, n’a eu d’activité sensible qu’en 2007 ; qu’il existe une concomitance entre les dates d’embauche des salariés et les débuts de leur travail en France, ainsi qu’entre la date de création d’EW France, la date du premier détachement et les dates de création de EWI et BE et de prise d’activité effective de EWI ;

”1) alors qu’en se fondant sur la seule interprétation des bilans des sociétés roumaines French Wine club et Batim Europ pour en déduire que ces sociétés n’avaient pas d’activité effective en Roumanie, la cour d’appel a statué par des motifs erronés dès lors que le seul mode d’exploitation en matière agricole n’est pas le faire-valoir direct impliquant la propriété des terres mais que l’exploitation peut avoir lieu dans le cadre de contrats de location excluant dans ce cas que les terres soient inscrites au bilan ;

”2) alors que contrairement, à ce qu’a encore décidé par des motifs erronés la cour d’appel, une exploitation agricole peut exister indépendamment de la possession de matériel à titre de propriétaire, le matériel pouvant être loué ou encore être la propriété d’une coopérative d’utilisation de matériel ;

”3) alors que, s’agissant du cas d’entreprises de travaux agricoles ayant pour objet la mise à la disposition de main-d’oeuvre qualifiée en vue d’effectuer des travaux agricoles pour le compte d’exploitants agricoles qui ont besoin d’une aide permanente ou ponctuelle, l’absence d’activité d’une telle entreprise ne saurait davantage se déduire de la seule absence de terres ou de la seule absence de matériel figurant à son bilan ;

”4) alors qu’en se fondant sur les motifs susvisés pour en déduire que les sociétés French Wine club et Batim Europ, dont M. Y... faisait expressément valoir dans ses conclusions qu’elles exploitaient des domaines agricoles en Roumanie et qu’elles avaient en outre une activité d’entreprise agricole, n’avaient pas d’activité en Roumanie hors des tâches liées au recrutement de salariés roumains pour venir travailler en France, l’arrêt attaqué a privé sa décision de base légale ;

”5) alors que la cour d’appel ne pouvait, sans se contredire, affirmer que French Wine club n’avait pas d’activité effective en Roumanie tandis qu’elle constatait expressément qu’en 2007, c’est-à-dire dans la période visée par la prévention, elle avait eu une « activité sensible » ;

”6) alors qu’il résulte de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme que les témoignages à décharge doivent être pris en considération par les juges correctionnels dans les mêmes conditions que les témoignages à charge et que dès lors la cour d’appel ne pouvait arbitrairement écarter comme non fondé le témoignage à décharge du salarié M. E... d’où il ressortait que celui-ci « lorsqu’il repart en Roumanie, travaille pour FWC dans un domaine agricole » impliquant le maintien de son lien de subordination avec la société roumaine susvisée, par le motif erroné que « cependant le bilan de cette société ne comprend pas d’immobilisation ce qui exclut la réalité d’un travail en Roumanie pour FWC », motif qui méconnaissait tant les notions d’exploitation agricole dans le cadre de terres données en location que la notion d’entreprise de travaux agricoles et contredisait la constatation selon laquelle la société FWC avait eu une activité sensible en 2007” ;

Sur le quatrième moyen de cassation, proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 49 du Traité de l’Union européenne, L. 342-1, L. 342-2 et L. 342-3 ancien du code du travail, L. 1262-1, L. 1262-2 et L. 1262-3 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. Y..., tant en sa qualité de gérant de fait de la SARL Vinexpert qu’en sa qualité de gérant de droit de la société Europ Workers France, coupable de travail dissimulé et d’emploi de salariés étrangers non munis d’autorisation ;

”aux motifs qu’il ressort des éléments du dossier, notamment des auditions des salariés roumains, de Mme K..., secrétaire d’EW France, de Mme L..., secrétaire comptable de Vinexpert, de M. B..., qui encadrait les salariés roumains en France, que les décisions concernant le détachement des travailleurs roumains et celles concernant leurs lieux de travail étaient définies par les structures françaises EW et Vinexpert, en fonction des contacts commerciaux trouvés en France, que les voyages des salariés roumains en France étaient organisés pour le transport, le logement, la nourriture par EW France, que les directives étaient définies en France ainsi que l’organisation du travail (horaires-repos), que les rémunérations étaient formalisées dans les locaux des sociétés françaises à Mérignac et que les salariés rendaient compte de leur travail à MM. Y... et X... à Mérignac ; qu’ainsi, le lien de subordination avec les sociétés roumaines n’existait pas à l’égard des salariés roumains travaillant en France ; qu’il ne peut être considéré que le pouvoir hiérarchique de MM. Y... et X... s’exerçait dans le cadre de leur qualité de gérants des sociétés roumaines alors que ce pouvoir s’exerçait directement en France, depuis le siège des sociétés françaises installées à Mérignac, lesquelles géraient intégralement les conditions de travail, de vie et de transport des salariés roumains ; que la directrice des sociétés roumaines, Mme I..., avait un rôle limité à l’enregistrement des recrutements et au versement des soldes de salaires à l’aide des fonds virés depuis Mérignac, la comptabilité étant également effectuée en France, avec un tampon au nom de Mme I... ; qu’à défaut de lien de subordination existant entre les sociétés roumaines et les salariés travaillant en France, ceux-ci ne peuvent être considérés comme valablement détachés par les sociétés BE, FWC et EWI ; qu’il apparaît que les faux détachements étaient ainsi orchestrés par M. Y... en sa qualité de gérant de droit de la société EW et de gérant de fait de la société Vinexpert et par M. X... en sa qualité de gérant de droit pour la société Vinexpert, à compter du 2à mars 2007, et en sa qualité de complice des agissements de gérant de droit de M. Y... pour la société EW, pour l’ensemble de la durée de la prévention ; que les prévenus ne peuvent valablement invoquer une jurisprudence européenne relativement à la non nécessité pour les sociétés étrangères d’avoir des établissements en France pour y travailler alors qu’en l’espèce, ce sont les règles du détachement qui n‘ont pas été respectées à défaut d’activité effective en Roumanie (pour BE et FWC) de travail exécuté en Roumanie pour ces sociétés par les salariés roumains en cause et de lien de subordination subsistant entre les sociétés roumaines et les salariés roumains et ce, alors que le non-respect d’une seule de ces exigences exclut la validité d’un détachement ; que, de même, si une autorisation de travail n’était pas nécessaire en cas de détachement, cette règle est sans incidence en l’espèce, s’agissant de faux détachements ; que si les détachements sont possibles entre sociétés de même groupe, il s’avère que les sociétés roumaines et françaises ont les mêmes actionnaires, mais qu’il n’y a pas de lien capitalistique entre elles ; qu’en tout état de cause, l’appartenance à un groupe ne dispense pas l’employeur établi hors de France de respecter les conditions légales du détachement, notamment le maintien du lien de subordination et l’exercice d’une activité non entièrement orientée vers le territoire national ; qu’au de ces considérations, il s’avère que les salariés roumains ne peuvent être considérés comme détachés par les sociétés BE, FWC et EWI ; que ceux-ci, étant faussement détachés en France, l’intégralité des règles de droit français relatives aux conditions de travail, aux déclarations et formalités devant être faites aux organismes sociaux, à l’occasion de l’emploi de salariés en France, devait recevoir application, ainsi que les dispositions relatives à la nécessité de détenir un titre autorisant les salariés roumains à exercer une activité salariée en France ; que MM. Y... et X... ne peuvent valablement invoquer leur bonne foi alors qu’en leur qualité de dirigeants de plusieurs sociétés, ils ne pouvaient ignorer les règles précises du code du travail en matière de détachement ; qu’ils ont mis en place une structure complexe permettant de dissimuler le rôle réel de la société EW France qui gérait en France l’ensemble des contrats de travail des salariés roumains, lesquels n’étaient embauchés que pour travailler en France, essentiellement par l’intermédiaire de la société Vinexpert ;

”1) alors qu’il résulte des dispositions de l’article L. 1262-1 du code du travail que le détachement de salariés entre entreprises du même groupe est licite ; qu’il suffit pour qu’un groupe de sociétés existe que ces sociétés aient les mêmes dirigeant et un intérêt économique, social ou financier commun apprécié au regard d’une politique élaborée pour l’ensemble du groupe, ce qui était le cas des sociétés roumaines et françaises concernées selon les propres constatations de l’arrêt, peu important que ces sociétés n’aient pas de lien capitalistique entre elles ;

”2) alors que si le détachement implique le maintien du lien de subordination entre l’employeur qui met temporairement un salarié à la disposition d’une entreprise utilisatrice, il n’exclut aucunement l’exercice à l’égard du salarié détaché de la part des dirigeants de l’entreprise utilisatrice d’un pouvoir hiérarchique pendant la durée du détachement et que, dès lors, la cour d’appel ne pouvait déduire de la circonstance que l’organisation du travail était définie dans les locaux des sociétés françaises à Mérignac, que le lien de subordination des salariés n’existait pas à l’égard des sociétés roumaines ;

”3) alors que la cour d’appel, qui avait constaté liminairement que les trois sociétés roumaines ayant détaché des salariés en France étaient dirigées par MM. Y... et X... et qui constataient ensuite que les salariés leur rendaient compte, ne pouvait, sans se contredire, affirmer que le lien de subordination desdites sociétés n’existait pas à l’égard des travailleurs roumains détachés en France ;

”4) alors que la cour d’appel, qui constatait, par adoption des motifs des premiers juges, que la société EWF était le représentant fiscal et commercial des trois entités roumaines ne pouvait, sans se contredire, déduire de la circonstance que la gestion des salariés roumains était localisée à Mérignac, que le lien de subordination avec les sociétés roumaines n’existait pas à l’encontre des salariés roumains travaillant en France ;

Sur le second moyen de cassation, proposé pour M. X..., pris de la violation des anciens articles L. 341-1, 341-2 et 341-4 du code du travail, 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a jugé qu’étaient constituées les infractions de dissimulation de salarié et d’emploi d’étrangers sans titre de travail ;

”aux motifs qu’en application de l’article L. 342-1 ancien du code du travail applicable au présent litige, un employeur établi hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire français à condition qu’il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement ; qu’une entreprise exerçant une activité de travail temporaire, établie hors de France, peut détacher temporairement des salariés auprès d’une entreprise utilisatrice établie ou exerçant sur le territoire français à condition qu’il existe un contrat de travail entre l’entreprise étrangère et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement ; qu’en application de l’article L. 342-2 ancien du code du travail, est un salarié détaché au sens du présent chapitre tout salarié d’un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France et qui travaille habituellement pour le compte de celui-ci, exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le sol français, dans les conditions définies à l’article L. 342-1 ; qu’en application de l’article L. 342-4 ancien du code du travail, un employeur ne peut se prévaloir des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque son activité est entièrement orientée vers le territoire français ; qu’en ce qui concerne les sociétés roumaines FWC et BE, il ressort des éléments du dossier que celles-ci n’avaient pas d’activité effective en Roumanie, hors des tâches liées au recrutement de salariés roumains pour venir travailler en France ; que leurs bilans pour l’exercice 2007 mentionnent des immobilisations égales à zéro, ce qui exclut que FWC qui ne dispose d’immobilisations ni corporelles ni financières soit propriétaires par elle-même ou par une filiale d’un domaine agricole et même d’outils de production ; qu’il ne peut donc être soutenu que les salariés roumains détachés étaient amenés à exercer une activité agricole pour le compte de ces sociétés en Roumanie ; qu’ainsi, pour ces sociétés, les dispositions de l’article L. 342-4 ancien du code du travail ne sont pas respectées, ce qui exclut qu’elles puissent se prévaloir des dispositions applicables au détachement de salariés ; qu’en ce qui concerne les trois sociétés roumaines (FWC, BE et EWI), il ressort des auditions des salariés roumains en France que ceux-ci ne travaillaient pas habituellement pour le compte des sociétés roumaines, mais qu’ils étaient embauchés exclusivement pour venir travailler en France, sans autre lien avec les sociétés roumaines, ce qui est contraire aux règles de détachement posées par les articles L. 342-1 et L. 342-(2) anciens du code du travail ; que M. E... a précisé qu’il ne travaillait pas en Roumanie, où il n’effectuait aucune mission ; qu’il ressort des éléments du dossier qu’il a été embauché le 7 avril 2007 par FWC pour travailler en France, suite à la parution d’une annonce dans les journaux et internet ; qu’entre avril et décembre 2007, il n’est rentré en Roumanie qu’en juillet et août et qu’il précise ne pas y avoir travaillé car il était en vacances le 15 juillet 2007, tout en indiquant ensuite que, lorsqu’il repart en Roumanie, il travaille pour FWC dans un domaine agricole ; que, cependant, le bilan de cette société ne comprend pas d’immobilisations, comme relevé ci-avant, ce qui exclut la réalité d’un travail en Roumanie pour FWC ; que M. F..., détaché par EWI, a précisé avoir été recruté en Roumanie en janvier 2007 pour venir travailler en France, que son employeur était M. Y..., que lorsqu’il rentrait en Roumanie il ne travaillait pas et n’y avait effectué aucune mission ; que M. G..., détaché par EWI, a également indiqué avoir été embauché en Roumanie pour venir travailler en France et n’avoir jamais travaillé pour EWI en Roumanie ; que M. H... a précisé avoir été recruté, courant avril 2007, en Roumanie par Mme I..., pour EWI, afin de venir travailler en France et avoir, lorsqu’il rentre en Roumanie, participé au recrutement d’éventuels salariés roumains pour être détachés ; que MM. J... et G... ont aussi déclaré n’avoir effectué aucune mission en Roumanie ; qu’en application de l’article L. 342-1 ancien du code du travail, la relation de travail doit subsister entre l’employeur établi hors de France et le salarié détaché pendant la période de détachement, ce qui implique le maintien du lien de subordination entre l’entreprise roumaine et le salarié roumain travaillant en France ; qu’il apparaît que les sociétés roumaines FWC, BE et EWI ont la même adresse (un appartement à Bucarest), sont gérées par MM. Y... et X... et ont toutes deux la même directrice générale, chargée essentiellement de l’enregistrement du recrutement des salariés pour venir travailler en France ; que les sociétés BE et EWI ont été créées en 2007, soit concomitamment avec la société EW France et la société Vinexpert et que la société FWC, créée en 2000, n’a eu d’activité sensible qu’en 2007 ; qu’il existe une concomitance entre les dates d’embauche des salariés et les débuts de leur travail en France, ainsi qu’entre la date de création d’EW France, la date du premier détachement et les dates de création de EWI et BE et de prise d’activité effective de EWI ; qu’il ressort des éléments du dossier, notamment des auditions des salariés roumains, de Mme K..., secrétaire d’EW France, de Mme L..., secrétaire comptable de Vinexpert, de M. B..., qui encadrait les salariés roumains en France, que les décisions concernant le détachement des travailleurs roumains et celles concernant leurs lieux de travail étaient définies par les structures françaises EW et Vinexpert, en fonction des contacts commerciaux trouvés en France, que les voyages des salariés roumains en France étaient organisés pour le transport, le logement, la nourriture, par EW France, que les directives étaient définies en France ainsi que l’organisation du travail (horaires-repos), que les rémunérations étaient formalisées dans les locaux des sociétés françaises à Mérignac et que les salariés rendaient compte de leur travail à MM. Y... et X... à Mérignac ; qu’ainsi le lien de subordination avec les sociétés roumaines n’existait pas à l’égard des salariés roumains travaillant en France ; qu’il ne peut être considéré que le pouvoir hiérarchique de MM. Y... et X... s’exerçait dans le cadre de leur qualité de gérants des sociétés roumaines alors que ce pouvoir s’exerçait directement en France, depuis le siège des sociétés françaises installées à Mérignac, lesquelles géraient intégralement les conditions de travail, de vie et de transport des salariés roumains ; que la directrice des sociétés roumaines, Mme I..., avait un rôle limité à l’enregistrement des recrutements et au versement des soldes de salaires à l’aide des fonds virés depuis Mérignac, la comptabilité étant également effectuée en France, avec un tampon au nom de Mme I... ; qu’à défaut de lien de subordination existant entre les sociétés roumaines et les salariés travaillant en France, ceux-ci ne peuvent être considérés comme valablement détachés par les sociétés BE, FWC et EWI ; qu’il apparaît que les faux détachements étaient ainsi orchestrés par M. Y... en sa qualité de gérant de droit de la société EW et de gérant de fait de la société Vinexpert et par M. X... en sa qualité de gérant de droit pour la société Vinexpert, à compter du 20 mars 2007, et en sa qualité de complice des agissements de gérant de droit de M. Y... pour la société EW, pour l’ensemble de la durée de la prévention ; que les prévenus ne peuvent valablement inovoquer une jurisprudence européenne relativement à la non-nécessité pour les sociétés étrangères d’avoir des établissements en France pour y travailler alors qu’en l’espèce, ce sont les règles du détachement qui n’ont pas été respectées à défaut d’activité effective en Roumanie (pour BE et FWC), de travail exécuté en Roumanie pour ces sociétés par les salariés roumains en cause et de lien de subordination subsistant entre les sociétés roumaines et les salariés roumains et ce, alors que le non- respect d’une seule de ces exigences exclut la validité d’un détachement ; que, de même, si une autorisation de travail n’était pas nécessaire en cas de détachement, cette règle est sans incidence en l’espèce, s’agissant de faux détachements ; que, si les détachements sont possibles entres sociétés de même groupe, il s’avère que les sociétés roumaines et françaises ont les mêmes actionnaires, mais qu’il n’y a pas de lien capitalistique entre elles ; qu’en tout état de cause, l’appartenance à un groupe ne dispense pas l’employeur établi hors de France de respecter les conditions légales du détachement, notamment le maintien du lien de subordination et l’exercice d’une activité non entièrement orientée vers le territoire national ; qu’au vu de ces considérations, il s’avère que les salariés roumains ne peuvent être considérés comme détachés par les sociétés BE, FWC et EWI ; que ceux-ci, étant faussement détachés en France, l’intégralité des règles de droit français relatives aux conditions de travail, aux déclarations et formalités devant être faites aux organismes sociaux, à l’occasion de l’emploi de salariés en France, devait recevoir application, ainsi que les dispositions relatives à la nécessité de détenir un titre autorisant les salariés roumains à exercer une activité salariée en France ; que MM. X... et Y... ne peuvent valablement invoquer leur bonne foi alors qu’en leur qualité de dirigeants de plusieurs sociétés, ils ne pouvaient ignorer les règles précises du code du travail en matière de détachement ; qu’ils ont mis en place une structure complexe permettant de dissimuler le rôle réel de la société EW France qui gérait en France l’ensemble des contrats de travail des salariés roumains, lesquels n’étaient embauchés que pour travailler en France, essentiellement par l’intermédiaire de la société Vinexpert ; qu’il convient, en conséquence, de les retenir dans les liens de la prévention pour 237 salariés faussement détachés, avec requalification telle qu’effectuée par les premiers juges, et à compter du 20 mars 2007 en ce qui concerne la qualité de gérant de droit de M. X... de la société Vinexpert ;

”1) alors que les dispositions applicables au détachement de salariés sont écartées lorsque l’activité de l’employeur est entièrement orientée vers le territoire national ; qu’en écartant les dispositions applicables au détachement au motif inopérant que six des 237 salariés roumains en cause n’avaient effectué aucune mission en Roumanie, quand c’est le lieu d’exercice de l’activité de l’employeur qui doit seul être pris en compte par le juge pour déterminer si l’« activité est entièrement orientée vers le territoire national », la cour d’appel a violé les dispositions de l’ancien article L. 342-4 du code du travail ;

”2) alors qu’une entreprise établie hors du territoire national peut valablement détacher temporairement des salariés auprès d’une entreprise utilisatrice établie sur le territoire national à la double condition qu’il existe un contrat de travail entre l’entreprise étrangère et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement ; que l’autorité de l’employeur sur son salarié pendant le détachement n’est pas exclusive de directives données par la société utilisatrice lorsqu’elles sont nécessaires pour l’exécution des missions arrêtées par l’employeur ; qu’en affirmant qu’il n’y avait pas de lien de subordination entre les employeurs roumains et les salariés roumains détachés en France, sans rechercher s’il ne résultait pas des contrats de travail de droit roumain conclus par chacun des salariés que le travail effectué par ces derniers au profit des sociétés utilisatrices respectait strictement les prescriptions de l’employeur telles qu’elles résultaient du contrat de mission, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’ancien article L. 342-1 du code du travail” ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour confirmer le jugement attaqué, l’arrêt énonce que les sociétés roumaines FWC, BE et EWI ont la même adresse à Bucarest, sont gérées par MM. Y... et X..., et ont toutes deux la même directrice générale, chargée essentiellement de l’enregistrement du recrutement des salariés pour venir travailler en France ; que les juges ajoutent qu’à défaut de lien de subordination existant entre les sociétés roumaines et les salariés travaillant en France, ceux-ci ne peuvent être considérés comme valablement détachés par lesdites sociétés et que les faux détachements étaient ainsi orchestrés par M. Y... en sa qualité de gérant de droit de la société EW et de gérant de fait de la société Vinexpert et par M. X... en sa qualité de gérant de droit pour la société Vinexpert et comme complice des agissements de M. Y..., gérant de droit de la société EW, pour l’ensemble de la durée de la prévention ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, d’où il résulte que les détachements allégués n’avaient pas été réalisés par des sociétés justifiant d’une activité réelle dans leur pays d’origine et ayant la qualité d’employeurs des salariés concernés, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le cinquième moyen de cassation, proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

”en ce que l’arrêt attaqué a prononcé à l’encontre de M. Y... deux cent trente sept amendes délictuelles de 800 euros ;

”alors que, lorsqu’en matière délictuelle, le texte de la répression prévoit l’application d’autant de peines d’amende que de salariés concernés, les juges correctionnels ne peuvent, sans priver leur décision de base légale et méconnaître, ce faisant, le principe du procès équitable, prononcer une multitude de peines d’amende sans s’être préalablement expliqués, par des motifs suffisants, sur la situation individuelle de chacun des salariés concernés et que la cour d’appel, qui a prononcé à l’encontre de M. Y... deux cent trente sept amendes de 800 euros en ne s’expliquant que sur la seule situation de six salariés, n’a pas légalement justifié sa décision” ;

Attendu qu’après avoir déclaré M. Y... coupable de l’emploi de 237 étrangers non munis de l’autorisation de travail requise, la cour d’appel l’a condamné à 237 amendes de 800 euros ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a fait l’exacte application de l’alinéa 3 de l’article 364-3 du code du travail, en vigueur à la date des faits, et devenu l’article 8256-2 du code du travail ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le sixième moyen de cassation, proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 111-4, 131-27 et 131-28 du code pénal, L. 364-8 ancien du code du travail et L. 8256-3 du même code, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir ;

”en ce que l’arrêt attaqué a prononcé à l’encontre de M. Y... une interdiction générale de gérer, diriger ou administrer, en droit ou en fait, toute entreprise commerciale ou artisanale ou personne morale pour une durée de deux ans ;

”alors que les juridictions correctionnelles ne peuvent prononcer que les peines expressément prévues par la loi ; qu’il résulte sans ambiguïté des textes susvisés que, pour les infractions retenues par l’arrêt attaqué, la cour d’appel ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, prononcer comme elle l’a fait, une interdiction générale de gérer, diriger ou administrer en droit ou en fait, toute entreprise commerciale ou artisanale ou personne morale pour une durée de deux ans et qu’elle devait, à tout le moins, limiter cette interdiction au seul secteur d’activité économique concerné par la commission des infractions” ;

Et sur le moyen relevé d’office au profit de M. X..., pris de la violation des articles L. 362-4 et 364-8 du code du travail, en vigueur au moment des faits ;

Les moyens étant réunis ;

Vu les articles L. 362-4 et L. 364-8 du code du travail, en vigueur à la date des faits ;

Attendu qu’il résulte des articles susvisés que les personnes déclarées coupables de travail dissimulé ou d’emploi de travailleurs étrangers non munis d’un titre de travail encouraient l’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer directement ou par personne interposée l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction avait été commise, selon les modalités prévues par l’article131-27 du code pénal ;

Attendu qu’après avoir déclaré MM. X... et Y... coupables de travail dissimulé et d’emploi de travailleurs étrangers non munis d’un titre de travail, l’arrêt prononce à l’encontre de chacun d’eux l’interdiction de gérer, diriger ou administrer, en droit ou en fait, toute entreprise commerciale ou artisanale ou personne morale ;

Mais attendu qu’en prononçant une interdiction de gérer de portée générale, la cour d’appel a violé les articles susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Bordeaux, en date du 1er mars 2011, mais en ses seules dispositions relatives aux interdictions de gérer, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Bordeaux, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Guérin conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Bordeaux du 1 mars 2011