Non paiement des cotisations sociales - suite arrêt A-Rosa CJUE

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 9 mai 2018

N° de pourvoi : 16-25995

ECLI:FR:CCASS:2018:C200601

Non publié au bulletin

Cassation

Mme Flise (président), président

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que l’URSSAF de Midi-Pyrénées (l’URSSAF), lui ayant notifié à la suite du contrôle aux fins de recherche des infractions en matière de travail dissimulé, un redressement pour l’emploi sur des chantiers de travailleurs polonais, la société de droit polonais Krakbau (la société) a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Vu l’article 12 bis, point 1 bis, du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, et l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1408/71, dans leur version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, applicables jusqu’au 30 avril 2010, et les articles 5 et 15 du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, et 11 et 12 du règlement (CE) n° 883/2004, applicable depuis cette date ;

Attendu, pour la période antérieure au 1er mai 2010, qu’il résulte du premier de ces textes, tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne (arrêt du 27 avril 2017, A-Rosa Flussschiff, C-620/15), qu’un certificat E 101 délivré par l’institution désignée par l’autorité compétente d’un État membre, au titre du deuxième texte, lie tant les institutions de sécurité sociale de l’État membre dans lequel le travail est effectué que les juridictions de cet État membre, même lorsqu’il est constaté par celles-ci que les conditions de l’activité du travailleur concerné n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel de cette disposition du règlement n° 1408/71 ; que les institutions des États amenés à appliquer les règlements n° 1408/71 et 574/72, doivent, même dans une telle situation, suivre la procédure fixée par la Cour de justice en vue de résoudre les différends entre les institutions des États membres qui portent sur la validité ou l’exactitude d’un certificat E 101 ; qu’a compter du 1er mai 2010, les mêmes principes sont applicables en vertu des règlements (CE) n° 883/2004 et (CE) n° 987/2009 ;

Attendu que, pour rejeter le recours de la société, l’arrêt retient essentiellement que la présomption de rattachement à la sécurité sociale polonaise des salariés titulaires de l’attestation E 101 est une présomption simple de régularité du rattachement à la sécurité sociale polonaise pendant la durée de leur détachement et que s’agissant d’une présomption simple, la cour a examiné les demandes qualifiées de subsidiaires de la société Krakbau qui soutient qu’elle a parfaitement respecté les règles du détachement du droit communautaire, l’Urssaf contestant formellement ce point ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle ne pouvait elle-même remettre en cause la validité des certificats E 101 en constatant le défaut d’exercice, par les personnes employées par la société, d’une activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres, au sens de l’article 14, paragraphe 2, sous a), et qu’il incombait à l’Urssaf, qui éprouvait des doutes sur l’exactitude des faits mentionnés dans les certificats et invoqués au soutien de l’exception énoncée par cette disposition, d’en contester la validité auprès de l’institution polonaise qui les avait délivrés, et, en l’absence d’accord sur l’appréciation des faits litigieux, de saisir la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 16 septembre 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Pau ;

Condamne l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Midi-Pyrénées aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour la société Krakbau

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté la société Krakbau de sa demande tendant à voir la cour d’appel constater, dire et juger que les formulaires E 101 et A1 octroyés aux 81 salariés concernés emportent présomption de leur rattachement à la sécurité sociale polonaise pendant la durée de leur détachement et qu’elle n’est pas compétente pour remettre en cause la validité de ces formulaires, et partant, que le redressement notifié par l’Urssaf le 12 juillet 2011, qui était infondé, devait être annulé ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur le fond, la cour constate que la demande de la société Krakbau aux termes de laquelle elle demande à la cour de constater, dire et juger que les formulaires E 101/A1 octroyés aux 81 salariés concernés emportent présomption de leur rattachement à la sécurité sociale polonaise pendant la durée de leur détachement, et que la cour de céans n’est pas compétente pour remettre en cause la validité de ces formulaires n’est pas une exception d’incompétence au sens strict mais une demande au fond, la société Krakbau n’ayant pas demandé à la cour de renvoyer l’examen de cette demande devant une autre juridiction, de sorte qu’elle statuera au fond, en indiquant que cette présomption de rattachement des salariés titulaires d’attestation E 101 à la sécurité sociale polonaise est une présomption simple de régularité du rattachement à la sécurité sociale polonaise pendant la durée de leur détachement ; que s’agissant d’une présomption simple, la cour examinera les demandes qualifiées de subsidiaires de la société Krakbau qui soutient qu’elle a parfaitement respecté les règles du détachement du droit communautaire, l’Urssaf contestant formellement ce point ; qu’il est rappelé que le contrôle porte sur la période de juin 2008 à octobre 2010 et que la réglementation européenne en matière d’affiliation des salariés détachés à la sécurité sociale a été modifié le 1er mai 2010 ; qu’en effet, aux termes de l’article 14-1 a) du règlement CEE 1408/71, applicable jusqu’au 1er mai 2010, « la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un Etat membre au service d’une entreprise dont elle relève normalement et qui est détachée par cette entreprise sur le territoire d’un autre Etat membre afin d’y effectuer un travail pour le compte de celle-ci, demeure soumise à la législation du premier Etat membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n’excède pas douze mois et qu’elle ne soit pas envoyée en remplacement d’une autre personne parvenue au terme de la période de son détachement » ; que le point 10 de la décision 181 du décembre 2010 portant interprétation du règlement précité précise que les possibilités de détachement sont réservées aux entreprises qui exercent habituellement des activités significatives sur leur territoire d’origine ; que la règlementation suivante s’applique à compter du 1er mai 2010 : l’article 12 du règlement CEE n°883/2004 du 12 juin 2009 dispose : « La personne qui exerce une activité salariée dans un Etat membre pour le compte d’un employeur y exerçant normalement ses activités, et que cet employeur détache pour effectuer un travail pour son compte dans un autre Etat membre, demeure soumise à la législation du premier Etat membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n’excède pas vingt-quatre mois et que cette personne ne soit pas envoyée en remplacement d’un autre personne détachée » ; que ce dernier article a été interprété par l’article 14-2 du règlement 987/2009 aux termes duquel « y exerçant normalement ses activités » désignent un employeur qui exerce généralement des activités substantielles autres que des activités de pure administration interne sur le territoire de l’Etat membre dans lequel il est établi ; que les parties s’accordent également sur le fait que le maintien de l’affiliation du salarié détaché à la législation sociale de l’Etat membre dont relève normalement l’entreprise est encore soumise à la condition que le lien de subordination subsiste entre l’entreprise et le salarié détaché par-delà le détachement ; que la première condition posée par la règlementation communautaire relative à la durée du détachement du salarié en France par la société Krakbau qui ne doit pas excéder 12 mois jusqu’en mai 2010 et 24 mois à partir de mai 2010 n’est pas remplie puisqu’en effet la société Krakbau ne fournit aux débats aucune pièce justifiant la durée effective du détachement de chacun de ses salariés, l’Urssaf faisant justement valoir l’absence de production par la société Krakbau des contrats de mise à disposition du personnel auprès de son donneur d’ordre et d’aucune des pièces visés à l’annexe du contrat de sous-traitance produit par l’appelante ; que la condition relative à l’exercice par la société Krakbau d’une activité significative ou substantielle en Pologne conformément à la réglementation susvisée n’est pas plus remplie, comme l’a justement estimé le tribunal des affaires de sécurité sociale ; qu’en effet, les pièces comptables afférentes à la période litigieuse, à savoir 2008 à 2010, visées par ses seuls dirigeants et non certifiées par un expert-comptable indépendant, ne sont pas traduites ; que leur absence de visa par un comptable extérieur à l’entreprise ne permet pas de conférer une quelconque valeur probante à ces pièces établies par les représentants de l’appelante ; qu’il en est de même des factures versées aux débats en langue polonaise, non traduites en français qui ne permettent pas à la cour d’exercer son contrôle sur l’activité effectivement exercée en Pologne par la société Krakbau, à l’exception de la facture du 6 août 2009 qui établit la réalité de la facturation de travaux de construction en Pologne par la société Krakbau ; que seul le compte de résultat de l’exercice 2011 qui fait référence à l’exercice antérieur est traduit et, à lui seul, il ne peut faire la preuve d’une activité significative en Pologne pour l’année 2010, alors que le seul chiffre significatif d’activité est le poste intitulé : « produit net au titre de production vendue » qui s’élève pour la société polonaise à 8 250 813 zlotys alors que, pour la succursale française, le même poste est fixé à la somme de 23 915, 66 zlotys, soit environ 3 fois le montant produit, selon cette pièce, par la société mère polonaise ; que la cour estime que l’analyse effectuée par l’organisme de sécurité sociale polonais dans sa lettre du 13 avril 2012 ne peut être considérée comme une pièce valant preuve de cette activité substantielle, s’agissant d’une analyse de situation effectuée par un organisme ayant intérêt à voir la société Krakbau payer ses cotisations sociales en Pologne ; qu’enfin, la société Krakbau ne produit qu’une attestation de salarié indiquant que, sur un chantier, son chef d’équipe était M. Y... mais ne rapporte qu’en France ses salariés se trouvaient sous sa subordination et qu’elle avait en charge l’encadrement et le suivi des travaux qu’elle réalisait, combien même l’embauche et le licenciement des salariés détachés étaient effectués par la société polonaise ; qu’elle ne justifie pas ainsi que les autre éléments caractérisant l’exercice du lien de subordination, à savoir l’encadrement, les directives le contrôle des travaux, étaient réunis en France et que ses cadres avaient été détachés pour ce faire et, une fois encore, l’analyse de l’organisme de sécurité sociale polonais sur ce point manque de pertinence et d’impartialité, s’agissant de l’exécution de travaux en France que cet organisme n’avait nullement les moyens de contrôler ; qu’il en résulte que la société Krakbau est mal fondée à contester le principe du paiement par elle des cotisations de sécurité sociale en France pendant la période litigieuse de ses salariés détachés en France ; qu’elle est également mal fondée à discuter le montant du redressement a motif qu’elle s’est déjà acquittée des cotisations sociales auprès de l’organisme polonais, en arguant de l’injustice à laquelle elle est confrontée alors qu’il lui appartenait de s’acquitter de ses cotisations sociales conformément à la réglementation communautaire et qu’elle était à même de s’informer du bénéficiaire de leur paiement, alors que la majeure partie de ses salariés est en situation de détachement ; qu’il lui appartiendra d’user de toute voie de droit pour voir régulariser cette situation ; qu’enfin, si le contrôle du 21 avril 2010 n’a porté que sur 19 salariés travaillant sur le chantier d’Auterive, il résulte des termes de la lettre d’observations que le contrôle a concerné 81 salariés détachés sur une pluralité de chantiers en France dont les noms et la rémunération figurent en annexe de la lettre d’observations du 8 avril 2011, étant rappelé que, conformément à l’article R 243-59 du code de la sécurité sociale, le périmètre du reclassement est déterminé par la lettre d’observations ; que de sorte que le jugement qui a débouté la société Krakbau de toutes ses demandes et validé le redressement pour la somme de 989 706 euros, outre majorations de retard complémentaire, sera confirmé, y compris sur l’article 700 du code de procédure civile ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE vu les articles 14-1 du règlement CEE 1408/71 applicable jusqu’au 1er mai 2010 ainsi que le point 10 de la décision 181 du 13 septembre 2010 portant interprétation du règlement précité opposable aux Etats membres ; que le 21 avril 2010, les agents de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Midi-Pyrénées ont constaté, lors d’un contrôle sur le chantier « Cité Bel Air », à Auterive, la présence de salariés polonais de la société Krakbau, lesquels réalisaient des travaux de maçonnerie ; que le contrôle de la société Krakbau établissait que celle-ci intervenait sur de nombreux chantiers en Haute-Garonne, de manière habituelle, stable et continue en France, par recours de 81 salariés polonais détachés de façon durable sur des postes permanents, non déclarés aux services de l’Urssaf ; qu’il n’est pas contesté que les salariés polonais concernés ont régulièrement cotisé au régime de sécurité sociale polonais et que la société Krakbau, qui reconnaît avoir « une activité partout en Europe », ne détache en France qu’environ 15% de son effectif ; que la présente juridiction n’est pas compétente rationae materiae pour apprécier la régularité des formulaires E 101 ; qu’en revanche, pour que les salariés détachés par une entreprise dépendant d’un Etat membre restent soumis au régime de sécurité sociale de cet Etat, il est exigé notamment que l’entreprise ait dans l’Etat d’origine une activité substantielle dans ce secteur, autre que son administration interne ; qu’en l’espèce, les chiffres d’affaires produits par la société Krakbau concernant la période litigieuse, soit de juin 2008 à octobre 2010, établissent au contraire que son activité en Pologne n’y est nullement substantielle dans le secteur de la maçonnerie, mais bien accessoire, la seule période où cette condition est remplie étant l’année 2012, postérieure au contrôle ; qu’au surplus, les pièces produites par la société Krakbau ne permettent ni d’établir la durée du détachement en France des salariés polonais concernés, ni leur remplacement d’autres détachés antérieurs, ni même leur exercice effectif de l’activité de maçonnerie en Pologne au sein de la société Krakbau ; qu’enfin, la société Krakbau n’établit pas davantage que parmi ses salariés envoyés en France se trouvent des cadres exerçant un pouvoir de direction et de contrôle sur les maçons polonais des chantiers contrôlés ; que par ailleurs, la présente juridiction n’est pas compétente rationae materiae pour constater, comme le demande la société Krakbau, que l’infraction de travail dissimulé n’est pas constituée ; que s’agissant des sommes réclamées par l’Urssaf, il y a lieu de relever que c’est à la suite du contrôle de 19 salariés polonais sur le chantier « Cité Bel Air » à Auterive en date du 21 avril 2010 qu’un contrôle plus large de l’activité de la société Krakbau en Haute-Garonne a été effectué sur la période de juin 2008 à octobre 2010, visant 81 salariés, d’où le bien fondé du montant du redressement litigieux sur l’ensemble de ces salariés, avec évaluation forfaitaire de l’assiette des cotisations et des cotisations et des contributions ;

ALORS QU’en application du principe d’unicité de la législation en matière de sécurité sociale et des articles 13 du règlement (CEE) n°1408/71 du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent au sein de la Communauté et 11 du règlement (CE) n°883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale, les personnes auxquelles ces règlements sont applicables, ne sont soumises qu’à la législation d’un seul Etat membre ; que selon l’article 11 du règlement (CEE) n°574/72 du 21 mars 1972 fixant les modalités d’application du règlement (CEE) n°1408/71 en cas de détachement d’un travailleur salarié, l’institution désignée par l’autorité compétente de l’Etat membre dont la législation reste applicable, délivre un certificat (E 101) attestant que le travailleur salarié demeure soumis à cette législation ; que selon l’article 15 du règlement (CE) n°987/2009 du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) n°883/2004, cette même institution délivre une attestation (A1) établissant que sa législation est applicable ; qu’aussi longtemps que ce certificat E 101 et attestation A1 n’ont pas été retirés ou déclarés invalides, l’institution compétente de l’Etat membre dans lequel sont détachés les travailleurs doit tenir compte du fait que ces derniers sont déjà soumis à la législation de sécurité sociale de l’Etat où l’entreprise qui les emploie, est établie et cette institution ne saurait donc soumettre les travailleurs en question à son propre régime de sécurité sociale ; qu’une juridiction de l’Etat membre d’accueil n’est pas davantage habilitée à vérifier la validité des certificat et attestation en ce qui concerne les éléments sur la base desquels ils ont été délivrés ; qu’en décidant que la présomption de rattachement des salariés titulaires des formulaires E 101 et A1 à la sécurité sociale polonaise était une présomption simple de régularité du rattachement à la sécurité sociale polonaise des salariés détachés pendant la durée de leur détachement, laquelle n’empêchait pas le juge français d’examiner si la société Krakbau avait respecté les règles du détachement du droit européen, la cour d’appel a violé les articles 13-1 et a) du règlement (CEE) n°1408/71, 11 du règlement (CEE) n°574/72, 11 et 12 du règlement (CE) n°883/2004, 5 et 15 du règlement (CE) n°987/2009 du 16 septembre 2009.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté la société Krakbau de sa demande formulée à titre subsidiaire tendant à voir constater, dire et juger qu’elle avait parfaitement respecté les règles du détachement intracommunautaire, de sorte que 81 salariés concernés étaient légitimement rattachés à la sécurité sociale polonaise pendant la durée de leur détachement et d’avoir en conséquence validé le redressement litigieux pour la somme de 989 706 euros, outre majorations de retard complémentaires ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur le fond, la cour constate que la demande de la société Krakbau aux termes de laquelle elle demande à la cour de constater, dire et juger que les formulaires E 101/A1 octroyés aux 81 salariés concernés emportent présomption de leur rattachement à la sécurité sociale polonaise pendant la durée de leur détachement, et que la cour de céans n’est pas compétente pour remettre en cause la validité de ces formulaires n’est pas une exception d’incompétence au sens strict mais une demande au fond, la société Krakbau n’ayant pas demandé à la cour de renvoyer l’examen de cette demande devant une autre juridiction, de sorte qu’elle statuera au fond, en indiquant que cette présomption de rattachement des salariés titulaires d’attestation E 101 à la sécurité sociale polonaise est une présomption simple de régularité du rattachement à la sécurité sociale polonaise pendant la durée de leur détachement ; que s’agissant d’une présomption simple, la cour examinera les demandes qualifiées de subsidiaires de la société Krakbau qui soutient qu’elle a parfaitement respecté les règles du détachement du droit communautaire, l’Urssaf contestant formellement ce point ; qu’il est rappelé que le contrôle porte sur la période de juin 2008 à octobre 2010 et que la réglementation européenne en matière d’affiliation des salariés détachés à la sécurité sociale a été modifié le 1er mai 2010 ; qu’en effet, aux termes de l’article 14-1 a) du règlement CEE 1408/71, applicable jusqu’au 1er mai 2010, « la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un Etat membre au service d’une entreprise dont elle relève normalement et qui est détachée par cette entreprise sur le territoire d’un autre Etat membre afin d’y effectuer un travail pour le compte de celle-ci, demeure soumise à la législation du premier Etat membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n’excède pas douze mois et qu’elle ne soit pas envoyée en remplacement d’une autre personne parvenue au terme de la période de son détachement » ; que le point 10 de la décision 181 du décembre 2010 portant interprétation du règlement précité précise que les possibilités de détachement sont réservées aux entreprises qui exercent habituellement des activités significatives sur leur territoire d’origine ; que la règlementation suivante s’applique à compter du 1er mai 2010 : l’article 12 du règlement CEE n°883/2004 du 12 juin 2009 dispose : « La personne qui exerce une activité salariée dans un Etat membre pour le compte d’un employeur y exerçant normalement ses activités, et que cet employeur détache pour effectuer un travail pour son compte dans un autre Etat membre, demeure soumise à la législation du premier Etat membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n’excède pas vingt-quatre mois et que cette personne ne soit pas envoyée en remplacement d’un autre personne détachée » ; que ce dernier article a été interprété par l’article 14-2 du règlement 987/2009 aux termes duquel « y exerçant normalement ses activités » désignent un employeur qui exerce généralement des activités substantielles autres que des activités de pure administration interne sur le territoire de l’Etat membre dans lequel il est établi ; que les parties s’accordent également sur le fait que le maintien de l’affiliation du salarié détaché à la législation sociale de l’Etat membre dont relève normalement l’entreprise est encore soumise à la condition que le lien de subordination subsiste entre l’entreprise et le salarié détaché par-delà le détachement ; que la première condition posée par la règlementation communautaire relative à la durée du détachement du salarié en France par la société Krakbau qui ne doit pas excéder 12 mois jusqu’en mai 2010 et 24 mois à partir de mai 2010 n’est pas remplie puisqu’en effet la société Krakbau ne fournit aux débats aucune pièce justifiant la durée effective du détachement de chacun de ses salariés, l’Urssaf faisant justement valoir l’absence de production par la société Krakbau des contrats de mise à disposition du personnel auprès de son donneur d’ordre et d’aucune des pièces visés à l’annexe du contrat de sous-traitance produit par l’appelante ; que la condition relative à l’exercice par la société Krakbau d’une activité significative ou substantielle en Pologne conformément à la réglementation susvisée n’est pas plus remplie, comme l’a justement estimé le tribunal des affaires de sécurité sociale ; qu’en effet, les pièces comptables afférentes à la période litigieuse, à savoir 2008 à 2010, visées par ses seuls dirigeants et non certifiées par un expert-comptable indépendant, ne sont pas traduites ; que leur absence de visa par un comptable extérieur à l’entreprise ne permet pas de conférer une quelconque valeur probante à ces pièces établies par les représentants de l’appelante ; qu’il en est de même des factures versées aux débats en langue polonaise, non traduites en français qui ne permettent pas à la cour d’exercer son contrôle sur l’activité effectivement exercée en Pologne par la société Krakbau, à l’exception de la facture du 6 août 2009 qui établit la réalité de la facturation de travaux de construction en Pologne par la société Krakbau ; que seul le compte de résultat de l’exercice 2011 qui fait référence à l’exercice antérieur est traduit et, à lui seul, il ne peut faire la preuve d’une activité significative en Pologne pour l’année 2010, alors que le seul chiffre significatif d’activité est le poste intitulé : « produit net au titre de production vendue » qui s’élève pour la société polonaise à 8 250 813 zlotys alors que, pour la succursale française, le même poste est fixé à la somme de 23 915, 66 zlotys, soit environ 3 fois le montant produit, selon cette pièce, par la société mère polonaise ; que la cour estime que l’analyse effectuée par l’organisme de sécurité sociale polonais dans sa lettre du 13 avril 2012 ne peut être considérée comme une pièce valant preuve de cette activité substantielle, s’agissant d’une analyse de situation effectuée par un organisme ayant intérêt à voir la société Krakbau payer ses cotisations sociales en Pologne ; qu’enfin, la société Krakbau ne produit qu’une attestation de salarié indiquant que, sur un chantier, son chef d’équipe était M. Y... mais ne rapporte qu’en France ses salariés se trouvaient sous sa subordination et qu’elle avait en charge l’encadrement et le suivi des travaux qu’elle réalisait, combien même l’embauche et le licenciement des salariés détachés étaient effectués par la société polonaise ; qu’elle ne justifie pas ainsi que les autre éléments caractérisant l’exercice du lien de subordination, à savoir l’encadrement, les directives le contrôle des travaux, étaient réunis en France et que ses cadres avaient été détachés pour ce faire et, une fois encore, l’analyse de l’organisme de sécurité sociale polonais sur ce point manque de pertinence et d’impartialité, s’agissant de l’exécution de travaux en France que cet organisme n’avait nullement les moyens de contrôler ; qu’il en résulte que la société Krakbau est mal fondée à contester le principe du paiement par elle des cotisations de sécurité sociale en France pendant la période litigieuse de ses salariés détachés en France ; qu’elle est également mal fondée à discuter le montant du redressement a motif qu’elle s’est déjà acquittée des cotisations sociales auprès de l’organisme polonais, en arguant de l’injustice à laquelle elle est confrontée alors qu’il lui appartenait de s’acquitter de ses cotisations sociales conformément à la réglementation communautaire et qu’elle était à même de s’informer du bénéficiaire de leur paiement, alors que la majeure partie de ses salariés est en situation de détachement ; qu’il lui appartiendra d’user de toute voie de droit pour voir régulariser cette situation ; qu’enfin, si le contrôle du 21 avril 2010 n’a porté que sur 19 salariés travaillant sur le chantier d’Auterive, il résulte des termes de la lettre d’observations que le contrôle a concerné 81 salariés détachés sur une pluralité de chantiers en France dont les noms et la rémunération figurent en annexe de la lettre d’observations du 8 avril 2011, étant rappelé que, conformément à l’article R 243-59 du code de la sécurité sociale, le périmètre du reclassement est déterminé par la lettre d’observations ; que de sorte que le jugement qui a débouté la société Krakbau de toutes ses demandes et validé le redressement pour la somme de 989 706 euros, outre majorations de retard complémentaire, sera confirmé, y compris sur l’article 700 du code de procédure civile ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE vu les articles 14-1 du règlement CEE 1408/71 applicable jusqu’au 1er mai 2010 ainsi que le point 10 de la décision 181 du 13 septembre 2010 portant interprétation du règlement précité opposable aux Etats membres ; que le 21 avril 2010, les agents de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Midi-Pyrénées ont constaté, lors d’un contrôle sur le chantier « Cité Bel Air », à Auterive, la présence de salariés polonais de la société Krakbau, lesquels réalisaient des travaux de maçonnerie ; que le contrôle de la société Krakbau établissait que celle-ci intervenait sur de nombreux chantiers en Haute-Garonne, de manière habituelle, stable et continue en France, par recours de 81 salariés polonais détachés de façon durable sur des postes permanents, non déclarés aux services de l’Urssaf ; qu’il n’est pas contesté que les salariés polonais concernés ont régulièrement cotisé au régime de sécurité sociale polonais et que la société Krakbau, qui reconnaît avoir « une activité partout en Europe », ne détache en France qu’environ 15% de son effectif ; que la présente juridiction n’est pas compétente rationae materiae pour apprécier la régularité des formulaires E 101 ; qu’en revanche, pour que les salariés détachés par une entreprise dépendant d’un Etat membre restent soumis au régime de sécurité sociale de cet Etat, il est exigé notamment que l’entreprise ait dans l’Etat d’origine une activité substantielle dans ce secteur, autre que son administration interne ; qu’en l’espèce, les chiffres d’affaires produits par la société Krakbau concernant la période litigieuse, soit de juin 2008 à octobre 2010, établissent au contraire que son activité en Pologne n’y est nullement substantielle dans le secteur de la maçonnerie, mais bien accessoire, la seule période où cette condition est remplie étant l’année 2012, postérieure au contrôle ; qu’au surplus, les pièces produites par la société Krakbau ne permettent ni d’établir la durée du détachement en France des salariés polonais concernés, ni leur remplacement d’autres détachés antérieurs, ni même leur exercice effectif de l’activité de maçonnerie en Pologne au sein de la société Krakbau ; qu’enfin, la société Krakbau n’établit pas davantage que parmi ses salariés envoyés en France se trouvent des cadres exerçant un pouvoir de direction et de contrôle sur les maçons polonais des chantiers contrôlés ; que par ailleurs, la présente juridiction n’est pas compétente rationae materiae pour constater, comme le demande la société Krakbau, que l’infraction de travail dissimulé n’est pas constituée ; que s’agissant des sommes réclamées par l’Urssaf, il y a lieu de relever que c’est à la suite du contrôle de 19 salariés polonais sur le chantier « Cité Bel Air » à Auterive en date du 21 avril 2010 qu’un contrôle plus large de l’activité de la société Krakbau en Haute-Garonne a été effectué sur la période de juin 2008 à octobre 2010, visant 81 salariés, d’où le bien fondé du montant du redressement litigieux sur l’ensemble de ces salariés, avec évaluation forfaitaire de l’assiette des cotisations et des cotisations et des contributions ;

1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer luimême le principe de la contradiction ; qu’il ne peut écarter une demande d’une partie motif pris que des pièces ne figurent pas à son dossier, sans inviter les parties à s’expliquer sur l’absence au dossier de ces pièces qui figurent sur le bordereau de pièces annexé aux dernières conclusions, et dont la communication n’a pas été contestée ; qu’en retenant que la société Krakbau ne fournissait aux débats aucune pièce justifiant la durée effective du détachement de chacun de ses salariés, sans inviter celle-ci à s’expliquer sur l’absence au dossier du courrier de l’Urssaf du 8 avril 2011 mentionné au bordereau de communication des pièces de la société Krakbau en pièce n° 5 et des formulaires E 101 mentionnés également au bordereau de communication des pièces en pièce n° 2 bis, dont la communication n’avait pas été contestée par l’Urssaf, et qui établissaient expressément que la durée de détachement des salariés n’excédait pas douze mois jusqu’au 30 avril 2010 et vingt-quatre mois à partir du 1er mai 2010, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE pour déterminer si un employeur exerce une activité significative sur le territoire de l’Etat membre où il est établi, de sorte que la législation en matière de sécurité sociale de cet Etat membre demeure applicable aux salariés détachés sur le territoire d’un autre Etat membre, il doit être tenu compte d’une liste non exhaustive de critères, tels notamment du lieu du siège de l’entreprise et de son administration et de l’effectif du personnel administratif travaillant respectivement dans l’Etat membre d’établissement et dans l’autre Etat membre ; qu’en se bornant à comparer, pour dire que la société Krakbau n’exerçait pas une activité significative en Pologne, les résultats comptables de la société Krakbau et de sa succursale en France sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si eu égard au lieu du siège social de la société Krakbau situé en Pologne, à l’absence de personnalité morale de la succursale en France, au faible nombre de personnes occupées en France à des tâches administratives et au faible pourcentage de salariés détachés en France, il en résultait que la société Krakbau exerçait bien une activité significative en Pologne, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 14 du règlement (CEE) n°1408/71 et 12 du règlement (CE) n°883 /2004 ;

3°) ALORS QUE les faits juridiques se prouvent par tous moyens ; que pour démontrer qu’elle exerçait une activité significative en Pologne, la société Krakbau produisait ses résultats comptables et ceux de sa succursale française pour les années 2008 à 2010 ; qu’en retenant, pour les écarter, que ces pièces comptables étaient visées par ses seuls dirigeants et n’étaient pas certifiées par un expert-comptable, la cour d’appel a méconnu l’article 9 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE pour démontrer qu’elle exerçait une activité significative en Pologne, la société Krakbau produisait une lettre de l’organisme de sécurité sociale polonais adressée à l’Urssaf établissant qu’elle exerçait une activité substantielle en Pologne ; qu’en jugeant que cette pièce n’établissait pas cette activité substantielle motif pris qu’il s’agissait « d’une analyse de situation effectuée par un organisme ayant intérêt à voir la société Krakbau payer ses cotisations sociales en Pologne », la cour d’appel s’est prononcée par un motif impropre à établir le caractère mensonger des informations contenues dans ce courrier et violé les articles 14 du règlement (CEE) n°1408/71 et 12 du règlement (CE) n°883 /2004 ;

5°) ALORS QUE pour établir l’existence d’un lien organique entre des salariés détachés en France et l’entreprise dont elle relève normalement, il y a lieu de prendre en compte un faisceau d’éléments, notamment la responsabilité en matière de recrutement, de contrat de travail, de rémunération et de licenciement ; qu’en retenant que la société Krakbau ne démontrait pas l’existence d’un lien de subordination des salariés détachés en France avec l’entité polonaise, tout en constatant que l’embauche et le licenciement des salariés détachés étaient effectués par la société polonaise, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 14 du règlement (CEE) n°1408/71 et 12 du règlement (CE) n°883 /2004 ;

6°) ALORS QUE pour établir l’existence d’un lien organique avec les salariés détachés en France, la société Krakbau faisait encore valoir que l’entité polonaise rémunérait ces salariés ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen opérant, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

7°) ALORS QUE pour établir l’existence d’un lien organique avec les salariés détachés en France, la société Krakbau produisait enfin une lettre adressée par l’organisme de sécurité sociale polonais à l’Urssaf établissant que les salariés détachés en France se trouvaient sous son autorité directe ; qu’en écartant cette pièce motif pris que l’analyse de l’organisme de sécurité sociale polonais sur ce point manque de pertinence et d’impartialité, s’agissant de l’exécution de travaux en France que cet organisme n’avait nullement les moyens de contrôler, la cour d’appel s’est prononcée par un motif impropre à établir le caractère mensonger des informations contenues dans ce courrier, en violation des articles 14 du règlement (CEE) n°1408/71 et 12 du règlement (CE) n°883

Décision attaquée : Cour d’appel de Toulouse , du 16 septembre 2016