Délivrance erronée

chambre civile 2

Audience publique du 17 janvier 2007

N° de pourvoi : 05-17302

Non publié au bulletin

Rejet

Président : Mme FAVRE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, (Aix-en-Provence, 5 avril 2005) que, du 1er novembre 1998 au 30 juin 1999, la Société niçoise d’exploitation balnéaire Casino-Ruhl (SNEB) a organisé dans ses locaux des spectacles de cabaret avec le concours d’artistes de nationalité sud-africaine et brésilienne mis à sa disposition par la société de droit italien Selection SRL dans le cadre d’un “contrat de cession de spectacle” ; qu’à la suite d’un contrôle de l’URSSAF, la caisse primaire d’assurance maladie a décidé leur assujettissement au régime général de sécurité sociale en qualité d’artistes du spectacle employés par la SNEB ;

Attendu que la SNEB fait grief à la cour d’appel d’avoir maintenu cette décision, alors, selon le moyen :

1 / qu’un Etat membre ne peut obliger un employeur établi dans un autre Etat membre et exécutant temporairement par le moyen de travailleurs ressortissants de pays tiers, des travaux dans le premier Etat, à verser la part patronale des cotisations de sécurité sociale du chef de ces travailleurs lorsque cet employeur est déjà redevable de cotisations comparables du chef des mêmes travailleurs et pour les mêmes périodes d’activité ; que la délivrance d’un formulaire E.101, dans la mesure où il crée une présomption de régularité de l’affiliation des travailleurs détachés au régime de sécurité sociale de l’Etat membre où est établie l’entreprise de leur employeur, s’impose à l’institution compétente de l’Etat membre dans lequel sont détachés ces travailleurs ; qu’en mettant dès lors à la charge de la SNEB le soin de démontrer que les salariés de la société Selection SRL détachés en France bénéficiaient bien d’une affiliation régulière au régime de sécurité sociale italien, lorsque, ayant constaté que des formulaires E.101 avaient été délivrés par les autorités italiennes pour chacun des salariés, présumant que ces derniers bénéficiaient bien des prestations de la sécurité sociale italienne, et qu’il incombait dès lors à la caisse

primaire d’assurance maladie de rapporter la preuve contraire, la cour d’appel a violé l’article 1315 du code civil ;

2 / qu’en se fondant en outre sur la circonstance inopérante qu’il n’était pas établi que les salariés étaient occupés de manière régulière et habituelle en Italie par la société italienne Selection SRL, pour approuver l’affiliation par la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes des artistes détachés temporairement par cette société en France, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 49 et 50 du traité instituant la Communauté européenne du 25 mars 1957 ;

3 / qu’il incombait à la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes de démontrer que les salariés n’étaient pas occupés en Italie par la société italienne Selection SRL ; qu’en faisant peser la charge de la preuve sur la société SNEB, la cour d’appel a violé l’article 1315 du code civil ;

4 / que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner l’exécution ; qu’il résultait des propres constatations de l’arrêt attaqué, que les artistes se produisaient dans le Casino géré par la SNEB dans le cadre de l’exécution d’un contrat de cession de spectacle en vertu duquel la société Selection SRL avait fourni à la SNEB un spectacle clés en mains, comportant la mise à disposition de ses artistes salariés, sur lesquels elle exerçait son pouvoir hiérarchique et disciplinaire, pour lesquels elle s’était engagée vis-à-vis de la SNEB à ce qu’ils exécutent la prestation chorégraphique convenue et respectent les règlements applicables au sein du Casino, et qu’elle rémunérait ; qu’en estimant néanmoins que la SNEB qui était simplement bénéficiaire de la prestation de services que lui avait vendu la société SERL était l’employeur des danseurs, pour mettre à sa charge les cotisations sociales assises sur leurs salaires, au seul motif que les danseurs s’étaient produits au sein du Casino et avaient été logés par la SNEB, la cour d’appel qui n’a nullement caractérisé un lien de subordination liant les artistes à la SNEB, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 311-2 et L. 311-3, 15 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu, d’abord, qu’au cours de la période litigieuse et par application de l’article 2 du Règlement n° 1408/71/CE du 14 juin 1971, seuls les ressortissants de l’un des Etats membres entraient dans le champ d’application de ce texte dont l’article 14 prévoit le détachement d’un travailleur salarié, de sorte que la SNEB ne saurait se prévaloir du certificat dit formulaire E.101, dont la délivrance n’est prévue par l’article 11 du Règlement d’application n° 574/72/CE du 21 mars 1972 qu’en cas de détachement d’un travailleur salarié dans les conditions de l’article 14 précité ;

Et attendu, ensuite, qu’après avoir justement rappelé les dispositions de l’article L. 762-1 du code du travail, selon lesquelles tout contrat par lequel une personne physique ou morale s’assure moyennant rémunération le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production est présumé être un contrat de travail, quels que soient le mode de rémunération ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties, la cour d’appel qui a relevé que les artistes intéressés s’étaient produits du 1er novembre 1998 au 30 juin 1999 dans des spectacles organisés par la SNEB et que celle-ci prenait en charge leur séjour et assurait le financement de leur rémunération, en a exactement déduit, sans avoir à caractériser l’existence d’un lien de subordination, que ces artistes devaient être affiliés pendant la même période au régime général de la sécurité sociale par application de l’article L. 311-3. 15 du code de la sécurité sociale ;

D’où il suit, qu’abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième et troisième branches du moyen, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société SNEB aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la société SNEB ; la condamne à payer à la CPAM des Alpes-Maritimes la somme de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille sept.

Décision attaquée : cour d’appel d’Aix-en-Provence (14e chambre civile) du 5 avril 2005