Transport de petits colis - messagerie - gérant succursale assujetti oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 4 décembre 2001

N° de pourvoi : 99-41265

Publié au bulletin

Rejet

Président : M. Sargos, président

Plusieurs conseillers rapporteurs :Mme Quenson., conseiller apporteur

Avocat général : M. Kehrig., avocat général

Avocats : la SCP Gatineau (arrêts n°s 1, 2 et 3), M. Garraud (arrêt n° 2)., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

ARRÊT N° 1

Attendu que M. Michel Z... a signé, le 3 novembre 1993, une convention pour la cession d’un contrat de franchise pour l’exploitation d’une tournée de distribution et de ramassage de colis avec le cédant, d’une part, et la société France acheminement en sa qualité de franchiseur d’autre part ; que, le 10 juillet 1996, la société a notifié à l’intéressé le non-renouvellement du contrat de franchise arrivant à son terme le 15 novembre 1996 ; qu’il a saisi le conseil de prud’hommes en requalification de la relation en contrat de travail, requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la société fait grief à l’arrêt attaqué (Montpellier, 6 janvier 1999) d’avoir déclaré fondé le contredit formé par M. Z... et de l’avoir condamnée à payer des indemnités compensatrices de congés payés et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1° qu’un salarié ne saurait être propriétaire de la clientèle de son employeur, sans perdre sa qualité de salarié ; que la possibilité de vendre sa clientèle est exclusive de la notion de lien de subordination ; qu’en l’espèce, la société France acheminement soutenait que M. Z... avait acquis de M. X... sa clientèle, qu’il en était ainsi le propriétaire et pouvait la vendre, empêchant ainsi la qualification de salariat ; que pour retenir la qualité de salarié de M. Z..., la cour d’appel s’est contentée de relever qu’il ne pouvait prospecter de nouveaux clients sans respecter des modèles de contrats établis par le franchiseur et devait transmettre copie des contrats signés à ce dernier ; qu’en s’abstenant ainsi de répondre au moyen développé par la société France acheminement, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2° qu’il incombe au juge de se prononcer, même sommairement, sur tous les documents régulièrement versés aux débats et soumis à son examen ; qu’en l’espèce, la société France acheminement soutenait qu’elle n’imposait nullement les prix à ses franchisés libres de les déterminer comme ils le voulaient, mais fixait seulement le pourcentage des royalties qui lui revenait sur le prix librement déterminé ; qu’ainsi, le franchisé devait procéder à une double facturation, l’une en son nom directement au client, l’autre à l’attention du franchiseur mentionnant la royaltie due à ce dernier ; qu’elle produisait à cette fin l’article F du contrat de franchise stipulant que “ le franchisé s’engage à transmettre au franchiseur les éléments de prix et tarifs applicables à chaque prestation ou type de prestation “ ; qu’elle produisait également les factures établies par le franchisé directement à son client ; qu’en affirmant néanmoins que les prix étaient imposés par le franchiseur au franchisé, sans nullement examiner, ne serait-ce que sommairement, les pièces produites par la société Franchiseur France acheminement au soutien de son moyen, la cour d’appel a violé les articles 1353 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3° que les dispositions du Code du travail sont applicables aux personnes dont la profession consiste à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d’une seule entreprise industrielle ou commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise ; qu’en l’espèce, M. Z..., en sa qualité de franchisé, n’exerçait son métier qu’en son propre nom, et ne transportait de colis que pour le compte de ses clients, et nullement pour le compte de la société Franchiseur France acheminement ; qu’en affirmant néanmoins que M. Z... devait bénéficier des dispositions du Code du travail, sans nullement rechercher ni établir qu’il transportait les colis pour le compte de la société France acheminement, la cour d’appel a violé l’article L. 781-2° du Code du travail ;

4° que le contrat de franchise se définit comme une technique contractuelle par laquelle une société franchiseur accorde à un travailleur indépendant, appelé franchisé, l’utilisation d’un nom ou d’une enseigne communs, une présentation uniforme des locaux et/ou moyens de transports visés au contrat, la communication d’un savoir-faire et la fourniture continue par le franchiseur au franchisé d’une assistance commerciale ou technique pendant la durée de l’accord ; qu’en l’espèce, la société France acheminement soutenait en ses conclusions que l’un des principes de son savoir-faire était précisément de rentabiliser chaque tournée des franchisés, selon un horaire et un itinéraire conseillé, afin de répondre aux besoins de ses expéditeurs ; qu’en se contentant d’affirmer que le respect d’un horaire et d’un itinéraire caractérisaient le lien de subordination, sans rechercher si ces éléments ne caractérisaient pas seulement le contrat de franchise, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1er et suivants de l’arrêté du 21 février 1991, et de l’article 1er b du règlement communautaire n° 4087/88/CEE du 30 novembre 1988 ;

5° que la présomption de non-salariat attachée aux personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés ne peut être renversée qu’à la condition que celles-ci se trouvent placées dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard du donneur d’ouvrage, lequel implique l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que pour qualifier M. Z... de salarié, la cour d’appel a relevé qu’il exerçait son activité dans le cadre d’un service organisé, selon des directives et un contrôle étroit du franchiseur, avec une rémunération dont les composantes relevaient largement de conditions imposées au franchisé ; qu’en se bornant à caractériser l’exercice par M. Z... de son activité au sein d’un ensemble organisé impropre à lui seul à établir l’existence d’une relation de travail en l’absence de tout pouvoir disciplinaire de la société France acheminement sur M. Z..., la cour d’appel a violé les articles L. 120-3, L. 121-5 et L. 511-1 du Code du travail ;

Mais attendu qu’aux termes de l’article L. 781-1.2° du Code du travail, les dispositions du Code du travail qui visent les apprentis, ouvriers, employés, travailleurs sont applicables aux personnes dont la profession consiste essentiellement à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d’une seule entreprise industrielle et commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise ; qu’il résulte de ce texte que dès lors que les conditions sus-énoncées sont, en fait, réunies, quelles que soient les énonciations du contrat, les dispositions du Code du travail sont applicables, sans qu’il soit besoin d’établir l’existence d’un lien de subordination ;

Et attendu que la cour d’appel, qui a relevé que M. Z... distribuait et ramassait des colis à partir d’un local dont la société France acheminement était locataire, que la distribution était soumise à des horaires et à un itinéraire imposés par la politique commerciale de la société, que les tarifs étaient imposés par cette dernière qui encaissait directement les factures de la clientèle, a fait ressortir que les conditions de l’article L. 781-1.2° étaient réunies et a, par ces seuls motifs, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ;

Qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident :

Attendu que M. Z... fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir débouté de sa demande de frais de déplacement et d’entretien de son véhicule, alors, selon le moyen :

1° que M. Z... qui effectuait ses tournées à l’aide de son véhicule personnel, qu’en retenant l’existence d’un contrat de travail, pour dire ensuite que M. Z... ne justifie pas d’un droit au remboursement de frais de déplacement et d’entretien de son véhicule par lui exposés en relation directe avec son activité et ce au vu des justificatifs versés régulièrement aux débats, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

2° que dans l’affaire opposant M. Y... à la société France acheminement, d’une part la cour d’appel de Grenoble faisait droit à la demande de remboursement de frais professionnels, d’autre part la Cour de Cassation confirmait le bien-fondé de la demande ;

Mais attendu qu’il peut être contractuellement prévu, sans méconnaître les dispositions du Code du travail, que les personnes visées à l’article L. 781-1 du Code du travail supportent la charge de leurs frais professionnels à la condition qu’elles perçoivent effectivement une contrepartie à leur prestations qui ne soit pas inférieure à un minimum garanti ;

Et attendu que le contrat prévoit expressément que l’intéressé assure les services prévus en utilisant le matériel dont il est propriétaire et en assure l’entretien ;

Attendu, enfin, que la cour d’appel a relevé que la rémunération perçue couvrait largement les dépenses ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi incident :

Attendu que M. Z... fait encore grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la société France acheminement ne devait pas le rembourser du droit d’entrée par lui versé à son prédécesseur franchisé, alors, selon le moyen :

1° que par ce système d’entrée/sortie, la société conserve de manière définitive le bénéfice de la somme remise à titre de droit d’entrée par son prédécesseur, et la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 781-1 du Code du travail ;

2° que la Cour de cassation a censuré la cour d’appel de Grenoble ayant débouté le salarié de sa demande en paiement du droit d’entrée ;

Mais attendu que M. Z... a soutenu devant la cour d’appel qu’il avait versé la somme à la société ;

Et attendu que la cour d’appel a constaté qu’elle avait été versée au franchisé précédent ;

Qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi .

Publication : Bulletin 2001 V N° 373 p. 298

Décision attaquée : Cour d’appel de Montpellier, du 6 janvier 1999