Rétroactivité non

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 13 octobre 2011

N° de pourvoi : 10-22868

Non publié au bulletin

Cassation partielle sans renvoi

M. Loriferne (président), président

SCP Delvolvé, SCP Gaschignard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Donne acte à la société Babou de son désistement à l’égard de la société X... affaires ;
Sur le troisième moyen qui est recevable :
Vu la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 abrogeant les dispositions de l’article L. 120-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 97-210 du 11 mars 1997 ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, qu’un contrôle du magasin exploité à Vénissieux sous l’enseigne Babou par la société X... affaires diligenté conjointement en juin 2000 par l’inspection du travail et l’URSSAF de Lyon devenue l’URSSAF du Rhône (l’URSSAF) a abouti le 19 février 2004 à la condamnation par arrêt de la cour d’appel de Lyon, désormais irrévocable, de M. Eric Z..., président-directeur général de la société Eurotextile, devenue société Babou (la société), pour avoir dissimulé des salariés de cette société sous le statut de gérants et de co-gérants de la société X... affaires ; qu’après mise en demeure, l’URSSAF a décerné une contrainte à l’encontre de la société pour avoir paiement des cotisations sociales de l’exercice 1999 afférentes aux salariés dissimulés ; que la société a frappé d’opposition cette contrainte devant une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que l’arrêt valide la contrainte litigieuse portant sur l’exercice 1999 ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la loi nouvelle, plus douce, étant immédiatement applicable, le recouvrement des cotisations dues par l’employeur n’était possible que pour la période postérieure à la requalification en emploi salarié de l’activité des mandataires sociaux de la société X... affaires et que la décision sur l’action publique ayant retenu que les charges sociales correspondant au statut de travailleur indépendant étaient réglées pour eux par la société jusqu’à la découverte de l’infraction de dissimulation d’emploi salarié, l’URSSAF ne pouvait plus recouvrer, au titre d’un emploi salarié, les cotisations sociales afférentes à l’exercice 1999, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Vu l’article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a validé, pour son montant, la contrainte signifiée le 5 juillet 2001, l’arrêt rendu le 8 juin 2010, entre les parties, par la cour d’appel de Riom ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi ;
Annule la contrainte décernée le 18 juin 2001 et signifiée le 5 juillet 2001 ;
Condamne l’URSSAF du Rhône aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils pour la société Babou
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué validé la contrainte délivrée le 5 juillet 2001 à la société Euro Textile, devenue Babou,
AUX MOTIFS QUE la cour d’appel de Lyon, statuant en matière correctionnelle, a condamné, par arrêt du 19 février 2004, M. Eric Z..., en sa qualité de président directeur général de la société Euro Textile, pour travail dissimulé ; qu’elle a retenu qu’il est « établi que, sous couvert de la convention de mandat conclu entre les deux sociétés, les gérants et co-gérants de la SARL X... affaires se trouvaient placés à l’égard de Eric Z..., président directeur général de la SARL Euro Textile dans une situation de dépendance économique caractérisant l’existence d’un contrat de travail, le montage juridique réalisé n’ayant d’autre but que d’éluder la législation sociale applicable aux travailleurs salariés » ; que le pourvoi en cassation formé contre cet arrêt a été rejeté par arrêt du 23 novembre 2004, que la décision est revêtue de l’autorité de la chose jugée et s’impose au juge civil ; que la société Babou ne saurait faire valoir que la société Euro Textile ne figurait pas dans la procédure ayant donné lieu à l’arrêt du 19 février 2004 ; que M. Z... ayant été condamné en sa qualité de représentant légal de la société Euro Textile, il ressort clairement de l’arrêt que cette dernière, représentée par M. Z... a été jugée comme étant l’employeur des co-gérants de la société X... affaires ;
1° ALORS QUE si les décisions de la justice pénale ont au civil l’autorité de chose jugée, la même autorité ne saurait s’attacher aux motifs relatifs à des tiers qui, n’étant pas en cause dans l’instance correctionnelle, n’ont eu ni la possibilité de se défendre, ni les moyens d’attaquer la décision par aucune voie de recours ; que la décision condamnant le dirigeant d’une personne morale pour une infraction qu’il est réputé avoir personnellement commise n’a pas autorité de chose jugée à l’égard de cette personne morale dans le procès civil qui fait suite au procès pénal auquel elle n’a pas été partie ; qu’en refusant d’examiner les moyens tirés de ce que la société Euro Textile n’était pas l’employeur des gérants et co-gérants de la société Coyer Affaires au motif que la juridiction répressive a définitivement tranché cette question dans le procès conduit contre Monsieur Z... et auquel la société Euro Textile, devenue Babou, n’avait pas été partie, la cour d’appel a violé, ensemble, l’article 1351 du Code civil et l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ;
2° ALORS OUE l’arrêt rendu le 19 février 2004 n’a pas jugé que la société Euro Textile, devenue Babou, était l’employeur des gérants et co-gérants de la SARL X... Affaires mais seulement que ceux-ci étaient dans un lien de subordination à l’égard de Monsieur Z... ; qu’en opposant à la société Euro Textile, qui n’était pas partie à cet arrêt, l’autorité de chose jugée qui s ÿ attache pour refuser d’examiner les moyens tirés de ce que la société Euro Textile n’était pas l’employeur des gérants et co-gérants de la société Coyer Affaires, la cour d’appel a violé l’article 1351 du Code civil et l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la demande de la société Babou tendant à voir déclarer nulle la procédure de contrôle et d’avoir validé la contrainte délivrée le 5 juillet 2001
AUX MOTIFS OUE la société Babou n’est pas fondée à soutenir que les dispositions de l’article R 243-59 du code de la sécurité sociale n’auraient pas été respectées au motif que les documents qui ont servi au redressement n’ont pas été obtenus de l’employeur, qu’aux termes de l’article R. 249-53 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, les employeurs sont tenus de présenter aux agents chargés du contrôle tout document et de permettre l’accès à tout support d’information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l’exercice du contrôle ; que l’alinéa 3 de ce même texte autorise les agents chargés du contrôle à interroger les personnes rémunérées pour connaître leurs nom et adresse ainsi que la nature des activités exercées et le montant des rémunérations y afférentes, y compris les avantages en nature, qu’en l’espèce, les services de l’inspection du travail du Rhône ont procédé à un contrôle dans le locaux exploités par la société X... affaires les 4, 18 et 19 juin 2000 ; qu’il ressort du procès-verbal des inspecteurs du travail qu’ils ont été accueillis, le 4 juin, par Madame Y... qui s’est présentée comme gérante de la société, qu’ils ont interrogé les personnes travaillant dans le magasin et que Madame Y... leur a présenté le registre unique du personnel, que le procès-verbal précise que les inspecteurs sont revenus le 18 juin, accompagnés d’inspecteurs de l’URSSAF du Rhône et qu’ils ont questionné chaque employé ; que le procès-verbal établi par les agents de l’URSSAF fait apparaître que ceux-ci ont consulté les statuts de la société, le registre des assemblées ainsi que le registre unique du personnel et le grand livre des comptes de l’exercice 1999 ; qu’il précise notamment que ce grand livre leur a été présenté par Madame X... ; que Madame Sandrine X..., gérante de la société X... affaires et, à ce titre seule à détenir les documents sociaux et comptables de la société, s’est présentée durant toute la durée du contrôle comme la représentante légale de la société ; que l’URSSAF pouvait légitimement considérer qu’elle était habilitée à leur présenter ces documents au nom de l’employeur, l’article R 243-59 n’exigeant pas la présence de ce dernier au cours des opérations de contrôle ; qu’il ne ressort pas en outre des éléments versés aux débats que les agents de l’URSSAF auraient eux-mêmes recherché les documents ; que par conséquent, même si les documents retenus par l’URSSAF ne lui ont pas été remis par la société Babou elle-même, les dispositions de l’article R 243-59 du code de la sécurité sociale ont été respectées et la demande en nullité de la procédure de contrôle doit être rejetée ;
ALORS QU’en cas de contrôle, l’URSSAF ne peut obtenir la communication de documents qu’auprès de l’employeur ou de son représentant ; que les documents ayant servi de base au redressement de la société Babou ont été transmis à l’URSSAF par Madame X... en sa seule qualité de co-gérante de la société X... affaires, qu’en déclarant la procédure de contrôle valide au motif que l’URSSAF, qui agissait dans le cadre d’une recherche de travail dissimulé en vue d’établir que Madame X... et les autres co-gérants étaient salariés de la société Babou, pouvait légitimement croire que Madame X... était la représentante de la société Babou, la cour d’appel a violé l’article R 243-59 du code de sécurité sociale.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait. grief à l’arrêt attaqué d’avoir validé la contrainte délivrée le 5 juillet 2001
AUX MOTIFS QUE par arrêt du 19 février 2004, M. Eric Z..., en sa qualité de président directeur général de la société Euro Textile, pour travail dissimulé ; qu’elle a retenu qu’il est « établi que, sous couvert de la convention de mandat conclu entre les deux sociétés, les gérants et co-gérants de la SARL X... affaires se trouvaient placés à l’égard de Eric Z..., président directeur général de la SARL Euro Textile dans une situation de dépendance économique caractérisant l’existence d’un contrat de travail, le montage juridique réalisé n’ayant d’autre but que d’éluder la législation sociale applicable aux travailleurs salariés (...) ; que la société Babou n’est pas fondée a solliciter la compensation entre les sommes qui lui sont réclamées en qualité d’employeur et les cotisations d’allocation familiales qui ont été réclamées aux co-gérants de la société X... affaires par l’URSSAFf alors que ces cotisations n’ont pas été payées par elle ; que la société Coyer Affaires, qui estime avoir payé indûment des sommes à l’URSSAF du Rhône pour le compte des gérants, verse aux débats des copies d’avis d’échéance, de notification de situation, d’appels de cotisations, etc... ; qu’il résulte de ces pièces que la somme réclamée correspond à l’addition de sommes qui ont été réclamées non pas à la société Coyer Affaires mais aux gérants et co-gérants de cette dernière, qu’il s’agit de sommes réclamées pour certaines d’entre elles par l’URSSAF du Rhône mais aussi par l’URSSAF du Pas de Calais et par différents organismes (caisse ORGANIC, caisse d’assurance maladie des professions indépendantes du Rhône, caisse régionale des artisans et commerçants de Côte d’Azur, etc...) ;
ALORS QUE le paiement de rappel de cotisations qui avait été prévu à l’article L. 120-3 (ancien) du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 97-210 du 11 mars 1997 constituait une sanction dont l’objet était de pénaliser le travail dissimulé, dès lors qu’il ne s’agissait pas seulement de régulariser la situation d’un salarié ayant, pour la période expirée, déjà cotisé dans un régime indépendant ; que la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, d’application immédiate, a abrogé ces dispositions et fait interdiction aux URSSAF de réclamer pour le passé des cotisations afférentes à l’emploi de personnes ayant cotisé dans un régime indépendant et dont l’emploi viendrait à être requalifié en emploi salarié, qu’en validant la contrainte litigieuse tout en constatant que les gérants et co-gérants de la SARL X... Affaires étaient précédemment immatriculés au régime des travailleurs indépendants et que des cotisations avaient été acquittées au titre des années litigieuses, la cour d’appel a violé l’article 23 de la loi précitée du 1er août 2003, ensemble l’article L. 8221-6 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date de sa décision.
Décision attaquée : Cour d’appel de Riom du 8 juin 2010