Gérant de station - service

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 22 septembre 2015

N° de pourvoi : 13-27742 13-28065

ECLI:FR:CCASS:2015:SO01468

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Frouin (président), président

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° Y 13-27.742 et Z 13-28.065 ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc., 11 janvier 2012, n° 10-23.821), que, le 6 août 1999, la société Total Raffinage Marketing, devenue Total marketing services, venant aux droits de la société Total France, elle-même venant aux droits de la société Elf Antar France (la société), a signé avec la société X... un contrat d’exploitation de station-service ; que considérant que leur situation réelle vis-à-vis de la société répondait aux dispositions de l’article L. 781 -1 du code du travail, devenu L. 7321-1 à L. 7321-3, M. et Mme X... ont saisi la juridiction prud’homale pour demander la condamnation de la société à leur payer diverses sommes ;

Sur le premier moyen du pourvoi de la société, qui est préalable :

Attendu que la société fait grief à l’arrêt de dire que M. et Mme X... devaient se voir appliquer les dispositions de l’article L.781-1, 2°, du code du travail et en conséquence du livre II du même code au titre de l’exploitation de la station-service Total du 1er octobre 1999 au 1er octobre 2002, selon l’ancienne codification du code du travail devenus les articles L.7321-1 et suivants du code du travail et de la condamner, au vu du rapport d’expertise en date du 26 octobre 2008, à payer à chacun des époux diverses sommes, alors, selon le moyen :

1°/ que l’article L. 7321-3, alinéa 1, du code du travail n’est applicable que dans l’hypothèse où le chef d’entreprise qui fournit les marchandises, a fixé les conditions de travail, de santé, et de sécurité du travail dans l’établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; que le gérant de succursales est assimilé à l’employeur quand il peut librement embaucher et licencier du personnel à l’égard duquel il exerce un pouvoir disciplinaire, et ne peut alors se prévaloir des dispositions du livre Ier de la troisième et de la quatrième partie du code du travail ; que la cour d’appel a constaté la liberté dont disposaient les gérants pour embaucher des salariés et fixer leurs conditions de travail ; que la société s’était prévalue d’une embauche de personnel par les époux X..., qui fixaient librement les conditions de l’activité de ces personnels ; qu’en retenant néanmoins une mise en oeuvre de l’article L. 7321-3, alinéa 1, du code du travail, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l’article précité ;

2°/ que l’article L. 7321-3, alinéa 1, du code du travail n’est applicable que dans l’hypothèse où le chef d’entreprise qui fournit les marchandises, a fixé les conditions de travail, de santé, et de sécurité du travail dans l’établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; que la société avait fait valoir dans ses conclusions d’appel que les gérants fixaient librement leurs périodes de congés ; qu’en énonçant que les gérants étaient privés de la liberté de fixer leurs horaires de travail et leurs temps de repos, sans vérifier si la libre fixation de leurs congés ne justifiait pas une exclusion de la mise en oeuvre de l’article L.7321-3, alinéa 1, du code du travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article précité ;

3°/ que l’article L. 7321-3, alinéa 1, du code du travail n’est applicable que dans l’hypothèse où le chef d’entreprise qui fournit les marchandises, a fixé les conditions de travail, de santé, et de sécurité du travail dans l’établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; que la société avait fait valoir dans ses conclusions d’appel que les conditions d’exploitation imposées par le fournisseur relatives aux modalités d’approvisionnement de la station service, à son fonctionnement horaire et à un objectif de vente minimum ne pouvaient lui être opposées pour affirmer la mise en oeuvre de l’article L. 7321-3, alinéa 1, du code du travail ; qu’en se référant aux conditions d’exploitation de la station-service et non aux conditions de travail, la cour d’appel a statué par un motif inopérant et violé l’article L. 7321-3 du code du travail ;

4°/ que l’article L. 7321-3, alinéa 1, du code du travail n’est applicable que dans l’hypothèse où le chef d’entreprise qui fournit les marchandises, a fixé les conditions de travail, de santé, et de sécurité du travail dans l’établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; que la société avait exposé dans ses conclusions d’appel qu’il convenait de procéder à une distinction entre la maîtrise des conditions d’exploitation des infrastructures qui dépendait d’elle, en sa qualité de propriétaire d’une installation classée, et la maîtrise des conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l’établissement, seuls les gérants, en leur qualité d’employeurs, pouvant en assurer la maîtrise ; qu’en se référant aux dispositions contractuelles qui concernaient la maîtrise du matériel d’infrastructures, la cour d’appel a statué par un motif inopérant et violé l’article L. 7321-3 du code du travail ;

5°/ que l’article L. 7321-3, alinéa 1, du code du travail n’est applicable que dans l’hypothèse où le chef d’entreprise qui fournit les marchandises, a fixé les conditions de travail, de santé, et de sécurité du travail dans l’établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; qu’elle avait rappelé les termes de l’article 3.2 du contrat conclu entre le distributeur et le fournisseur, qui stipulait que tenue de gérer le fonds de commerce en bon père de famille, la société X... prendra seule les décisions concernant la gestion de son exploitation et, notamment en qualité de chef d’établissement, les décision relatives à son personnel et en particulier en matière de conditions de travail, d’hygiène et de sécurité ; qu’en se référant aux dispositions contractuelles qui concernaient seulement la maîtrise du matériel d’infrastructures, sans s’expliquer sur les dispositions précités confiant aux gérants toute décision en matière notamment, de conditions de travail, d’hygiène et de sécurité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 7321-3 du code du travail, ensemble de l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu que, devant, aux termes de l’article L. 7321-3 du code du travail, déterminer si la société avait fixé dans les faits les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans la station-service, la cour d’appel, par une appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, sans être tenue d’entrer dans le détail de l’argumentation des parties et sans omettre de prendre en considération l’engagement de personnel par M. et Mme X..., a retenu que l’entreprise fonctionnait sept jours sur sept, de 6 heures à 21 heures 30, avec un objectif minimum de ventes de 1560 m3 pour l’année, que la société avait conservé la maîtrise de l’infrastructure, et que les intéressés ne disposaient d’aucune autonomie de gestion, les clauses du contrat liant le fournisseur à la société chargée de la distribution des produits ne pouvant être opposées aux gérants agissant sur le fondement de l’article L. 7321-2 du code du travail ; qu’en l’état de ces constatations, elle a pu en déduire que les conditions d’application de l’article L. 7321-3 précité étaient satisfaites ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de ce pourvoi :

Attendu que la société fait grief à l’arrêt de dire que M. et Mme X... devaient se voir appliquer les dispositions de l’article L. 781-1, 2°, du code du travail et en conséquence du livre II du même code au titre de l’exploitation de la station-service Total du 1er octobre 1999 au 1er octobre 2002, selon l’ancienne codification (devenus les articles L. 7321-1 et suivants du code du travail) et de la condamner, au vu du rapport d’expertise, en date du 26 octobre 2008, à payer à chacun des époux diverses sommes, alors, selon le moyen :

1°/ que le bénéfice d’une indemnisation sur le fondement de l’article 1382 du code civil impose de constater l’existence d’une faute, en lien de causalité avec le préjudice dont la réparation est réclamée ; que ne peut être accueillie une demande indemnitaire fondée, sur la méconnaissance invoquée par le bénéficiaire des dispositions légales applicables aux gérants de succursales à l’encontre de son fournisseur, des obligations de ce dernier en matière d’organisation du temps de travail, de repos hebdomadaires, de congés annuels, de travail le dimanches et jours fériés et de la durée maximale autorisée du travail, que dans l’hypothèse où ce fournisseur aurait sciemment privé le distributeur des garanties attachées à la reconnaissance de ce statut ; que la société avait fait valoir dans ses conclusions d’appel qu’aucune faute ne pouvait lui être imputée au titre de la méconnaissance des obligations précitées, dès lors que le bénéfice des articles L. 7321-2 et suivants du code du travail n’est pas automatiquement accordé à celui qui le réclame ; qu’en faisant droit à la demande indemnitaire litigieuse sans constater que les gérants auraient été volontairement privés par la société du bénéfice des dispositions légales applicables aux gérants de succursales et des garanties qui peuvent y être attachées, la cour d’appel a violé les articles L. 7321-1 et suivants du code du travail, ensemble l’article 1382 du code civil ;

2°/ que la société avait fait valoir que les demandes indemnitaires des époux X... faisaient double emploi avec les demandes présentées au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur ; qu’en ne s’expliquant pas sur ce moyen, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’ayant retenu que les manquements de la société avaient eu un impact sur la vie privée de M. et Mme X... en ce qu’elle ne pouvait ignorer que les résultats procurés par l’activité qu’elle contrôlait ne permettaient pas à ces derniers de compenser par des embauches le temps démesuré qu’ils consacraient, en couple, à la bonne marche de l’entreprise, la cour d’appel, qui a caractérisé une faute ayant causé un préjudice indépendant des sommes allouées au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur et dont elle a apprécié le montant, a légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen de ce pourvoi :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen du pourvoi de M. et Mme X..., ci-après annexé :

Attendu que sous couvert d’un grief de violation de la loi, le moyen critique une omission de statuer sur un chef de demande ; que l’omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l’article 463 du code de procédure civile, le moyen n’est pas recevable ;

Sur le troisième moyen de ce pourvoi :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l’arrêt de les débouter de leur demande tendant à la condamnation de la société à les indemniser du préjudice né de leur défaut d’affiliation à l’assurance chômage, alors, selon le moyen :

1°/ qu’il résulte des dispositions combinées des articles L. 7321-1 et L. 5422-13 du code du travail que les gérants de succursales doivent être affiliés à l’assurance chômage par l’entreprise fournissant les marchandises distribuées ; que l’entreprise qui manque à cette obligation doit indemniser le gérant du préjudice en résultant ; qu’en déboutant les époux X... de leur demande d’indemnisation à ce titre au motif erroné que le bénéfice des dispositions de l’assurance chômage est lié à l’existence d’un contrat de travail, ce qui n’est pas le cas ici, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

2°/ que les gérants de succursales doivent être affiliés à l’assurance chômage par l’entreprise fournissant les marchandises distribuées ; que l’entreprise qui manque à cette obligation doit indemniser le gérant du préjudice en résultant ; qu’en déboutant les époux X... de leur demande d’indemnisation à ce titre aux termes de motifs inopérants pris de ce que, comme pour l’affiliation au régime général de la sécurité sociale, il s’agirait d’une inscription rétroactive consécutive à un réexamen de la situation juridique des parties dans le cadre du présent litige sans caractériser une immatriculation antérieure à l’assurance chômage au titre de la même activité, la cour d’appel a violé derechef les textes susvisés ;

Mais attendu que si le statut social d’une personne est d’ordre public et s’impose de plein droit dès que sont réunies les conditions de son application, l’affiliation et le versement de cotisations du chef de la même activité à un autre régime de protection sociale s’opposent, quel qu’en soit le bien ou mal-fondé, à ce que l’assujettissement au régime général puisse mettre rétroactivement à néant les droits et obligations nés de l’affiliation antérieure ;

Et attendu que la cour d’appel, qui avait constaté l’adhésion de M. et Mme X..., pour la période en litige, au régime des travailleurs indépendants, ce dont il résultait qu’ils ne pouvaient être affiliés rétroactivement au régime général de la sécurité sociale et que l’employeur ne pouvait être tenu au paiement des cotisations sociales correspondantes, a, sans encourir les griefs du moyen, exactement décidé qu’aucune régularisation des cotisations chômage ne pouvait intervenir au regard du droit de la sécurité sociale ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen de ce pourvoi :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l’arrêt de les débouter de leur demande tendant à la condamnation de la société au paiement d’une indemnité pour travail dissimulé, alors, selon le moyen :

1°/ qu’il résulte des dispositions combinées des articles L. 7321-1 et L. 8221-5 du code du travail que les gérants de succursales doivent être déclarés aux organismes sociaux par l’entreprise fournissant les marchandises distribuées ; que l’entreprise qui manque intentionnellement à cette obligation est débitrice, lors de la rupture de la relation de travail, de l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L. 8223-1 du code du travail ; qu’en déboutant les époux X... de leur demande à ce titre au motif erroné que la sanction prévue par l’article L. 8223-1 du code du travail ne s’applique qu’en cas de rupture de la relation de travail alors qu’il vient d’être décidé que le contrat ayant existé entre les parties a généré un statut spécifique qui exclut l’existence d’un contrat de travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

2°/ que l’infraction de travail dissimulé est caractérisée dès qu’un donneur d’ordre a intentionnellement omis de déclarer une activité salariée exercée pour son compte ; que tel est le cas lorsqu’une entreprise a sciemment, et dans le but d’éluder ses obligations légales d’employeur, confié l’exploitation d’une succursale à une personne morale dans des conditions assurant l’exercice effectif de cette activité par la personne physique de ses gérants ; qu’en l’espèce, les époux X... avaient, dans leurs écritures devant la cour de renvoi, reproché à la société d’avoir volontairement imposé l’interposition entre eux de la société Larut Bravo afin de s’assurer l’exploitation par les époux X... personnellement, de la station service dans des conditions relevant des articles L. 7321-1 et suivants du code du travail tout en échappant à ses obligations d’employeur vis-à-vis, notamment, des organismes sociaux ; qu’en les déboutant de leur demande par un motif erroné, selon lequel le droit positif ne reconnaît pas le caractère intentionnel de l’infraction dans le recours à un contrat inapproprié sans rechercher, comme elle y était invitée si ce recours n’avait pas été motivé, en l’espèce, par la volonté de la société de se soustraire aux obligations résultant des conditions de fait d’exercice de leur activité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

Mais attendu que sous couvert d’un grief de manque de base légale le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine des juges du fond qui, ayant estimé que le recours à un contrat inapproprié ne caractérisait pas l’intention de recourir à un travail dissimulé, ont, par ce seul motif, légalement justifié leur décision ;

Mais sur le deuxième moyen de ce pourvoi :

Vu les articles L. 7321-1 et L. 7321-3 du code du travail ;

Attendu que pour débouter M. et Mme X... de leurs demandes d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient qu’il vient de consacrer l’octroi à leur profit du statut propre aux gérants prévu par l’article L. 781-1, 2°, ancien du code du travail qui prévoit leur rattachement aux dispositions protectrices du droit du travail dans le domaine des heures supplémentaires, congés-payés afférents, repos compensateurs, congés annuels, congés hebdomadaires, temps de travail autorisé par semaine et jours fériés, que ces domaines sont propres à l’exécution d’un contrat de travail mais ne concernent pas la partie du code du travail qui traite de la rupture du contrat de travail, que le fait que les clauses du contrat passé avec la société X... ne puissent plus être opposées valablement à M. et Mme X... personnellement ne permet pas de considérer qu’il existe une novation des relations entre les co-gérants et le fournisseur, soit la société Total, en un contrat de travail, seul passible du mode de rupture invoqué ici au regard du fondement des demandes afférentes qui découlent strictement du droit du licenciement ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les règles gouvernant la rupture du contrat de travail sont applicables à la rupture de la relation de travail entre un gérant de succursale et l’entreprise fournissant les marchandises distribuées, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute M. et Mme X... de leurs demandes au titre de la rupture de la relation de travail, l’arrêt rendu le 22 octobre 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Total marketing services aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Total marketing services à payer à M. et Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi n° Y 13-27.742 par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour M. et Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR débouté les époux X... de leur demande, subsidiaire, tendant à voir la Société Total Marketing Services condamnée à indemniser le préjudice résultant de leur défaut d’affiliation au régime général de la sécurité sociale et aux régimes de retraite complémentaire et ordonner une expertise aux fins d’évaluer ce préjudice ;

AUX MOTIFS QU’ “en appel, les époux X... sollicitent la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a “ordonné leur immatriculation au régime général de la sécurité sociale ainsi qu’aux caisses et organismes obligatoires en application de la convention collective des industries du pétrole” ; qu’ils ajoutent une demande subsidiaire visant à faire désigner un expert afin de calculer le préjudice subi par les consorts X... du fait du retard ou de l’impossibilité de régulariser leur situation ; que la Société Total conclut au rejet de ces demandes ;

QUE s’il est exact que le statut conféré par les dispositions des articles L.781-1-2° du Code du travail ancien confère aux époux X... les droits des salariés en matière d’inscription obligatoire à la sécurité sociale, la Société Total n’apparaît pas ici comme étant l’employeur au sens des articles L.311-2 et R.312-4 du Code de la sécurité sociale qui aurait dû procéder lui-même à l’immatriculation des deux gérants au moment de la conclusion du contrat avec la SARL X... ; que la reconstitution de la relation juridique ayant existé entre les parties au regard du régime des gérants de succursales à travers le présent litige ne permet pas d’envisager une régularisation rétroactive de l’affiliation des époux X... au régime général des salariés ; qu’en effet, il est constant, comme le soutient la Société Total, que ceux-ci sont depuis l’origine des relations contractuelles inscrits au régime des travailleurs non salariés, situation qui fait ici, en raison des circonstances propres à ce dossier, obstacle à une immatriculation rétroactive au régime général, quand bien même une double affiliation ne serait pas, dans l’absolu, prohibée ; qu’il y a donc lieu de rejeter la demande d’affiliation au régime général de la sécurité sociale et aux régimes complémentaires obligatoires prévus par la convention collective applicable présentée par les époux X... (...)” (arrêt p.11 §.1er) ;

ALORS QUE le statut social d’une personne est d’ordre public et s’impose de plein droit dès que sont réunies les conditions de son application ; qu’il résulte des dispositions combinées des articles L.312-2 et R.312-4 du Code de la sécurité sociale que les gérants de succursales doivent être affiliés par l’employeur au régime général ; que l’employeur qui manque à cette obligation est responsable du préjudice en résultant ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel a retenu que l’affiliation à leur initiative et le versement par les époux X..., de cotisations du chef de la même activité au régime social des indépendants résultant des conditions de gestion imposées par Total s’opposaient à leur affiliation rétroactive au régime général ; qu’en les déboutant de leur demande tentant à voir nommer un expert pour évaluer le préjudice que leur avait nécessairement causé la carence de la Société Total dans l’exécution de son obligation légale, au motif erroné que cette société “n’apparaît pas ici comme étant l’employeur au sens des articles L.311-2 et R.312-4 du Code de la sécurité sociale qui aurait dû procéder lui-même à l’immatriculation¿” la Cour d’appel a violé les textes susvisés, ensemble l’article 1382 du Code civil ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté les époux X... de leurs demandes tendant à voir analyser la rupture de la relation de travail en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la Société Total Marketing Services au paiement d’indemnités de rupture et de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE “Sur la rupture de la relation contractuelle : la présente décision vient consacrer l’octroi aux époux X... du statut propre aux gérants prévu par l’article L.781-1 et 2° ancien du Code du travail qui prévoit leur rattachement aux dispositions protectrices du droit du travail dans le domaine des heures supplémentaires, congés payés y afférents, repos compensateurs, congés annuels, congés hebdomadaires, temps de travail autorisé par semaine et jours fériés ; que ces domaines sont propres à l’exécution d’un contrat de travail mais ne concernent pas la partie du Code du travail qui traite de la rupture du contrat de travail ; que c’est donc à tort que les époux X... forment désormais une demande nouvelle visant à indemniser la rupture de la relation contractuelle ayant existé avec la Société Total comme s’il s’agissait d’un licenciement à la fois irrégulier (exempt de toute procédure légale préalable) et illégitime (non motivé par une lettre recommandée) ; que le fait que les clauses du contrat passé avec la Société X... SARL ne puissent plus être opposées valablement aux époux X... personnellement ne permet pas de considérer qu’il existe une novation des relations entre les cogérants et le fournisseur, soit la Société Total, en contrat de travail seul passible du mode de rupture invoqué ici au regard du fondement des demandes afférentes qui découlent strictement du droit du licenciement (irrégularité de la procédure, indemnité conventionnelle de licenciement, dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse) ; que cette demande est donc rejetée ainsi que toutes les réclamations indemnitaires qui en découleraient (...)”

(arrêt p.11 §.2) ;

ALORS QUE les règles gouvernant la rupture du contrat de travail sont applicables à la rupture de la relation de travail existant entre un gérant de succursale et l’entreprise fournissant les marchandises distribuées ; qu’en décidant, pour les débouter de leurs demandes d’indemnités de rupture et dommages et intérêts que “la partie du Code du travail qui traite de la rupture du contrat de travail¿” n’était pas applicable aux époux X... faute, pour eux, d’être liés par contrat de travail à la société Total, la Cour d’appel a violé les articles L.7321-1 et L.7321-3 du Code du travail ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté les époux X... de leur demande tendant à voir condamner la Société Total Marketing Services à les indemniser du préjudice consécutif à leur défaut d’affiliation à l’assurance chômage ;

AUX MOTIFS QUE “Les époux X... soutiennent que la Société Total aurait été tenue de les inscrire au régime de l’assurance chômage ; que cependant, comme pour l’affiliation au régime général de la sécurité sociale, il s’agirait d’une inscription rétroactive consécutive à un réexamen de la situation juridique des parties dans le cadre du présent litige ; que de plus, le bénéfice des dispositions de l’assurance chômage est lié à l’existence d’un contrat de travail dont la rupture est intervenue préalablement, ce qui n’est pas le cas ici comme il vient d’être décidé au précédent paragraphe ; que cette demande est rejetée” (arrêt p.11 §.3) ;

1°) ALORS QU’il résulte des dispositions combinées des articles L.7321-1 et L.5422-13 du Code du travail que les gérants de succursales doivent être affiliés à l’assurance chômage par l’entreprise fournissant les marchandises distribuées ; que l’entreprise qui manque à cette obligation doit indemniser le gérant du préjudice en résultant ; qu’en déboutant les époux X... de leur demande d’indemnisation à ce titre au motif erroné que “le bénéfice des dispositions de l’assurance chômage est lié à l’existence d’un contrat de travail, ce qui n’est pas le cas ici”, la Cour d’appel a violé les textes susvisés ;

2°) ALORS QUE les gérants de succursales doivent être affiliés à l’assurance chômage par l’entreprise fournissant les marchandises distribuées ; que l’entreprise qui manque à cette obligation doit indemniser le gérant du préjudice en résultant ; qu’en déboutant les époux X... de leur demande d’indemnisation à ce titre aux termes de motifs inopérants pris de ce que “comme pour l’affiliation au régime général de la sécurité sociale, il s’agirait d’une inscription rétroactive consécutive à un réexamen de la situation juridique des parties dans le cadre du présent litige” sans caractériser une immatriculation antérieure à l’assurance chômage au titre de la même activité, la Cour d’appel a violé derechef les textes susvisés ;

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté les époux X... de leur demande tendant à voir condamner la Société Total Marketing Services au paiement d’une indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE “les époux X..., invoquant les dispositions de l’article L.8221-5 du Code du travail, soutiennent que la Société Total s’est rendue coupable à leur égard de travail dissimulé ; que ce faisant, ils reprennent la thèse qui consiste à reprocher à la Société Total d’avoir sciemment organisé un dispositif contractuel inadapté visant à éluder l’application du droit du travail et à leur déléguer, sans réelle contrepartie pour eux, l’intégralité des risques de gestion de la station service soumise à la fourniture exclusive des produits par Total ;

QUE cependant, outre que le droit positif ne reconnaît pas le caractère intentionnel de l’infraction dans le recours à un contrat inapproprié, la sanction prévue par l’article L.8223-1 du Code du travail ne s’applique qu’en cas de “rupture de la relation de travail” alors qu’il vient d’être décidé que le contrat ayant existé entre les parties a généré un statut spécifique qui exclut l’existence d’un contrat de travail ; que cette demande est rejetée” (arrêt p.11 in fine, p.12 §.1er) ;

1°) ALORS QU’’il résulte des dispositions combinées des articles L.7321-1 et L.8221-5 du Code du travail que les gérants de succursales doivent être déclarés aux organismes sociaux par l’entreprise fournissant les marchandises distribuées ; que l’entreprise qui manque intentionnellement à cette obligation est débitrice, lors de la rupture de la relation de travail, de l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L.8223-1 ; qu’en déboutant les époux X... de leur demande à ce titre au motif erroné que “la sanction prévue par l’article L.8223-1 du Code du travail ne s’applique qu’en cas de “rupture de la relation de travail” alors qu’il vient d’être décidé que le contrat ayant existé entre les parties a généré un statut spécifique qui exclut l’existence d’un contrat de travail “, la Cour d’appel a violé les textes susvisés ;

2°) ALORS QUE l’infraction de travail dissimulé est caractérisée dès qu’un donneur d’ordre a intentionnellement omis de déclarer une activité salariée exercée pour son compte ; que tel est le cas lorsqu’une entreprise a sciemment, et dans le but d’éluder ses obligations légales d’employeur, confié l’exploitation d’une succursale à une personne morale dans des conditions assurant l’exercice effectif de cette activité par la personne physique de ses gérants ; qu’en l’espèce, les époux X... avaient, dans leurs écritures devant la cour de renvoi, reproché à Total d’avoir volontairement imposé l’interposition entre eux de la SARL X... Bravo afin de s’assurer l’exploitation par les époux X... personnellement, de la station service dans des conditions relevant des articles L.7321-1 et suivants du Code du travail tout en échappant à ses obligations d’employeur vis à vis, notamment, des organismes sociaux ; qu’en les déboutant de leur demande par un motif erroné, selon lequel “ le droit positif ne reconnaît pas le caractère intentionnel de l’infraction dans le recours à un contrat inapproprié “ sans rechercher, comme elle y était invitée si ce recours n’avait pas été motivé, en l’espèce, par la volonté de Total de se soustraire aux obligations résultant des conditions de fait d’exercice de leur activité, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.8221-5 et L.8223-1 du Code du travail.

Moyens produits au pourvoi n° Z 13-28.065 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Total marketing services

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que M. et Mme X... devaient se voir appliquer les dispositions de l’article L.781-1 2° du code du travail et en conséquence du livre II du même code au titre de l’exploitation de la station-service Total du 1er octobre 1999 au 1er octobre 2002, selon l’ancienne codification du code du travail (devenus les articles L.7321-1 et suivants du code du travail) ; et d’avoir condamné la société Total Marketing Services, au vu du rapport d’expertise en date du 26 octobre 2008, à payer à chacun des époux diverses sommes à titre de salaires, d’heures supplémentaires, de valorisation des dimanches et jours fériés, de repos compensateur, de congés payés afférents et au titre des fruits de l’expansion et de dommages et intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire, du congé annuel et de la durée légale hebdomadaire, ainsi qu’une somme de 15.000 euros à chacun d’eux pour avoir été exposés pendant trois ans à des substances dangereuses ;

AUX MOTIFS QUE ce sont les dispositions de l’article L.781-1 du code du travail (ancien) qui étaient applicables, à l’époque, à la situation de M. et Mme X... ; que ceux-ci avaient la qualité de gérants de succursale en ce qu’ils vendaient des marchandises, en l’occurrence des hydrocarbures, qui leur étaient fournies exclusivement par une seule entreprise, à savoir, en dernier lieu, la société Total ; que dans ce cadre spécifique, l’article susvisé fait dépendre l’application des dispositions du Livre II du code du travail (ancien), relatives aux heures supplémentaires, aux congés-payés afférents, aux repos compensateurs, au respect des congés annuels, des congés hebdomadaires, du temps de travail autorisé par semaine, des jours fériés à la démonstration par le gérant que les conditions de travail dans l’établissement considéré ont été fixées par le chef d’entreprise ou soumises à son agrément ; que M. et Mme X... font valoir que la station-service qu’ils ont géré pour le compte de la société Total, après avoir créé une société à responsabilité limitée comme support, était approvisionnée de manière constante par Total pour chacune de ses activités ; qu’ils expliquent, sans être contredits, que l’entreprise fonctionnait sans interruption sept jours sur sept, de 6 heures à 21 heures 30, avec un objectif minimum de ventes de 1 560 m3 pour l’année ; que par ailleurs, le premier juge relève de manière pertinente que la société Total, en vertu des articles 7-1 à 7-3 du contrat signé avec la Sart X... , s’assurait, pendant toute la durée de ce contrat de la maîtrise du matériel et des infrastructures de la station-service ; que de ce fait, même si les gérants disposaient de la liberté d’embaucher des salariés en fixant leurs conditions de travail, ils étaient pour leur part privés objectivement de la liberté de fixer leurs horaires de travail et leurs temps de repos puisqu’il ne disposaient d’aucune autonomie réelle de gestion ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE ainsi que le soulignent les époux X..., la société Total s’était en outre assuré pendant le fonctionnement du contrat de la maîtrise du matériel d’infrastructures (articles 7.1 à 7.3) de sorte que l’exploitant ne disposait d’aucune autonomie réelle de gestion sur la station-service ; que de plus s’agissant d’un établissement classé dépendant de Total, aucune délégation de pouvoir ne pouvait être valablement donnée aux gérants concernant l’hygiène et la sécurité compte-tenu de la complexité de la législation en la matière, de leur dépendance et de leur absence de qualification pour une telle mission ;

1/ ALORS QUE l’article L.7321-3 alinéa 1 du code du travail n’est applicable que dans l’hypothèse où le chef d’entreprise qui fournit les marchandises, a fixé les conditions de travail, de santé, et de sécurité du travail dans l’établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; que le gérant de succursales est assimilé à l’employeur quand il peut librement embaucher et licencier du personnel à l’égard duquel il exerce un pouvoir disciplinaire, et ne peut alors se prévaloir des dispositions du livre Ier de la 3ème et de la 4ème partie du code du travail ; que la cour d’appel a constaté la liberté dont disposaient les gérants pour embaucher des salariés et fixer leurs conditions de travail ; que la société Total Marketing Services s’était prévalue d’une embauche de personnel par les époux X..., qui fixaient librement les conditions de l’activité de ces personnels ; qu’en retenant néanmoins une mise en oeuvre de l’article L.7321-3 alinéa 1 du code du travail, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l’article précité ;

2/ ALORS QUE l’article L.7321-3 alinéa 1 du code du travail n’est applicable que dans l’hypothèse où le chef d’entreprise qui fournit les marchandises, a fixé les conditions de travail, de santé, et de sécurité du travail dans l’établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; que la société Total Marketing Services avait fait valoir dans ses conclusions d’appel que les gérants fixaient librement leurs périodes de congés ; qu’en énonçant que les gérants étaient privés de la liberté de fixer leurs horaires de travail et leurs temps de repos, sans vérifier si la libre fixation de leurs congés ne justifiait pas une exclusion de la mise en oeuvre de l’article L.7321-3 alinéa 1 du code du travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article précité ;

3/ ALORS QUE l’article L.7321-3 alinéa 1 du code du travail n’est applicable que dans l’hypothèse où le chef d’entreprise qui fournit les marchandises, a fixé les conditions de travail, de santé, et de sécurité du travail dans l’établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; que la société Total Marketing Services avait fait valoir dans ses conclusions d’appel que les conditions d’exploitation imposées par le fournisseur relatives aux modalités d’approvisionnement de la station-service, à son fonctionnement horaire et à un objectif de vente minimum ne pouvaient lui être opposées pour affirmer la mise en oeuvre de l’article L.7321-3 alinéa 1 du code du travail ; qu’en se référant aux conditions d’exploitation de la station-service et non aux conditions de travail, la cour d’appel a statué par un motif inopérant et violé l’article L.7321-3 du code du travail ;

4/ ALORS QUE l’article L.7321-3 alinéa 1 du code du travail n’est applicable que dans l’hypothèse où le chef d’entreprise qui fournit les marchandises, a fixé les conditions de travail, de santé, et de sécurité du travail dans l’établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; que la société Total Marketing Service avait exposé dans ses conclusions d’appel qu’il convenait de procéder à une distinction entre la maîtrise des conditions d’exploitation des infrastructures qui dépendait d’elle, en sa qualité de propriétaire d’une installation classée, et la maîtrise des conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l’établissement, seuls les gérants, en leur qualité d’employeurs, pouvant en assurer la maîtrise ; qu’en se référant aux dispositions contractuelles qui concernaient la maîtrise du matériel d’infrastructures, la cour d’appel a statué par un motif inopérant et violé l’article L.7321-3 du code du travail ;

5/ ALORS QUE l’article L.7321-3 alinéa 1 du code du travail n’est applicable que dans l’hypothèse où le chef d’entreprise qui fournit les marchandises, a fixé les conditions de travail, de santé, et de sécurité du travail dans l’établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; qu’elle avait rappelé les termes de l’article 3.2 du contrat conclu entre le distributeur et le fournisseur, qui stipulait que tenue de gérer le fonds de commerce en bon père de famille, la Sarl X... prendra seule les décisions concernant la gestion de son exploitation et, notamment en qualité de chef d’établissement, les décision relatives à son personnel et en particulier en matière de conditions de travail, d’hygiène et de sécurité ; qu’en se référant aux dispositions contractuelles qui concernaient seulement la maîtrise du matériel d’infrastructures, sans s’expliquer sur les dispositions précités confiant aux gérants toute décision en matière notamment, de conditions de travail, d’hygiène et de sécurité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.7321-3 du code du travail, ensemble de l’article 1134 du code civil ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que M. et Mme X... devaient se voir appliquer les dispositions de l’article L.781-1 2° du code du travail et en conséquence du livre II du même code au titre de l’exploitation de la station-service Total du 1er octobre 1999 au 1er octobre 2002, selon l’ancienne codification (devenus les articles L.7321-1 et suivants du code du travail) ; et d’avoir condamné la société Total Marketing Services, au vu du rapport d’expertise en date du 26 octobre 2008, à payer à chacun des époux diverses sommes à titre de salaires, d’heures supplémentaires, de valorisation des dimanches et jours fériés, de repos compensateur, de congés payés afférents et au titre des fruits de l’expansion et de dommages et intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire, du congé annuel et de la durée légale hebdomadaire ;

AUX MOTIFS QUE sur les demandes de dommages et intérêts en raison du non-respect par la société Total de ses obligations en matière d’organisation du temps de travail, des repos hebdomadaires, des congés annuels, des dimanches et jours fériés et de la durée maximale autorisée du travail : ¿ ; que les dommages et intérêts visant à réparer les fautes ainsi commises par la société Total ont été pris en compte par le premier juge à hauteur de 10.000 euros pour chacun des co-gérants ; que la cour estime qu’en considérant que les manquements de la société Total ont eu un impact sur la vie privée des époux X... en ce qu’elle ne pouvait ignorer que les résultats procurés par l’activité qu’elle contrôlait ne permettaient pas à ces derniers de compenser par des embauches le temps démesuré qu’ils consacraient, en couple, à la bonne marche de l’entreprise ; que cependant, au vu des dispositions prises pour rétablir les époux X... dans leurs droits au regard des règles du droit du travail qui leur étaient applicables, il apparaît que les dommages et intérêts alloués par le premier juge sont justifiés, toutes causes de préjudices confondues au sens de ceux répertoriés ci-dessus, et qu’il convient de confirmer le jugement déféré sur ce point, les demandes de dommages et intérêts recensés au présent paragraphe se trouvant ainsi globalisés.

1/ ALORS QUE le bénéfice d’une indemnisation sur le fondement de l’article 1382 du code civil impose de constater l’existence d’une faute, en lien de causalité avec le préjudice dont la réparation est réclamée ; que ne peut être accueillie une demande indemnitaire fondée, sur la méconnaissance invoquée par le bénéficiaire des dispositions légales applicables aux gérants de succursales à l’encontre de son fournisseur, des obligations de ce dernier en matière d’organisation du temps de travail, de repos hebdomadaires, de congés annuels, de travail le dimanches et jours fériés et de la durée maximale autorisée du travail, que dans l’hypothèse où ce fournisseur aurait sciemment privé le distributeur des garanties attachées à la reconnaissance de ce statut ; que la société Total Marketing Services avait fait valoir dans ses conclusions d’appel qu’aucune faute ne pouvait lui être imputée au titre de la méconnaissance des obligations précitées, dès lors que le bénéfice des articles L.7321-2 et suivants du code du travail n’est pas automatiquement accordé à celui qui le réclame (conclusions d’appel, p.24) ; qu’en faisant droit à la demande indemnitaire litigieuse sans constater que les gérants auraient été volontairement privés par la société Total Marketing Services du bénéfices des dispositions légales applicables aux gérants de succursales et des garanties qui peuvent y être attachées, la cour d’appel a violé les articles L.7321-1 et suivants du code du travail, ensemble l’article 1382 du code civil ;

2/ ALORS QUE la société Total Marketing Services avait fait valoir que les demandes indemnitaires des époux X... faisaient double emploi avec les demandes présentées au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur (conclusions d’appel, p. 24) ; qu’en ne s’expliquant pas sur ce moyen, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que M. et Mme X... devaient se voir appliquer les dispositions de l’article L.781-1 2° du code du travail et en conséquence du livre II du même code au titre de l’exploitation de la station-service Total du 1er octobre 1999 au 1er octobre 2002, selon l’ancienne codification (devenus les articles L.7321-1 et suivants du code du travail) ; et d’avoir condamné la société Total Marketing Services, au vu du rapport d’expertise en date du 26 octobre 2008, à payer à chacun des époux une somme de 15.000 euros pour avoir été exposés pendant trois ans à des substances dangereuses ;

AUX MOTIFS QUE les époux X... sollicitent la réformation partielle du jugement entrepris sur ce point, en soutenant qu’il y a lieu de condamner la société Total à leur payer, pour chacun d’eux, la somme de 35.970 euros, correspondant à 1.090 jours d’exposition au risque, à raison de 30 euros par jour ; qu’il est constant que la société Total, qui soutient que le statut n’est pas applicable à ses gérants et que c’est une personne morale qui est leur seul cocontractant, dénie l’application du statut au sens de l’article L.781-1 ancien du code du travail, sollicite le rejet de ces demandes non fondées ; qu’elle ne s’explique donc en aucune manière sur les précautions prises au regard de son obligation générale de sécurité, étant relevé que les époux X... ont résidé sur place et subi les nuisances inhérentes à l’activité d’une station-service sans contrôle de leur état de santé et sans aménagements spécifiques ; que cette situation illicite est nécessairement génératrice d’un préjudice qui, en l’état des éléments recueillis dans ce dossier, sera réparé par l’octroi à chacun des époux X... d’une somme de 15.000 euros, en raison de l’exposition prolongée à des substances dangereuses sur trois ans, à temps plein, liée à l’obligation de résider sur place, le jugement étant partiellement réformé sur ce point ;

ALORS QUE la société Total Marketing Services avait fait valoir dans ses conclusions d’appel que la station-service était équipée de dispositifs de récupération des vapeurs d’hydrocarbures (conclusions d’appel, p. 25, § 1) ; qu’en ne s’expliquant sur ce moyen excluant toute exposition des époux X... à des substances dangereuses, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 22 octobre 2013