Chaîne hôtelière

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 21 janvier 2009

N° de pourvoi : 07-18276

Non publié au bulletin

Rejet

M. Trédez (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

Me Le Prado, SCP Didier et Pinet, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 30 mai 2007), que la société Hôtelière Europarc, propriétaire à Lognes d’un hôtel exploité sous l’enseigne “Akena”, selon un concept standardisé d’hôtellerie en chaîne, en a confié la gestion à la société X... et M. Eric X..., par contrat de gérance-mandat du 1er février 2001 ; que la société X... a mis fin à ce contrat à compter du 1er juin ; que la société Hôtelière Europarc a saisi le tribunal de commerce, notamment pour voir juger que le contrat était de nature commerciale, alors que M. X... revendiquait le statut de salarié ;

Attendu que la société Hôtelière Europarc fait grief à l’arrêt d’avoir décidé que le contrat n’était pas de nature commerciale mais caractérisait un contrat de travail, alors, selon le moyen :

1°/ que l’existence d’une relation de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements ; qu’en se bornant à examiner les stipulations du contrat de location-gérance pour en déduire l’existence d’un lien de subordination sans vérifier les conditions de fait dans lesquelles les époux X... exerçaient leur activité et notamment s’ils étaient effectivement soumis aux ordres, aux directives et au contrôle de la société Hôtelière Europarc, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 121-1 du code du travail ;

2°/ que pour décider que l’autonomie du gérant mentionnée dans le contrat était de pure forme, la cour d’appel a retenu que l’intéressé devait respecter les normes et standard de l’entreprise, ainsi que les tarifs, les caractéristiques de service et les horaires pratiqués ; qu’en statuant ainsi quand les limites apportées à l’autonomie de gestion étaient inhérentes au contrat de gérance d’un hôtel appartenant à une chaîne hôtelière, la cour d’appel a violé l’article L. 121-1 du code du travail ;

3°/ que le pouvoir du gérant mandataire de recruter et de licencier le personnel de l’établissement qu’il gère, d’organiser et de définir ses horaires de travail sous son entière responsabilité juridique et financière, ainsi que de définir ses conditions d’exploitation, est incompatible avec l’existence d’un rapport de subordination ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a derechef violé l’article L. 121-1 du code du travail ;

Mais attendu qu’ayant relevé que le gérant-mandataire de la société X... devait impérativement respecter les normes et standards de la chaîne, selon un cahier des charges annexé au contrat, que ces normes portaient sur les caractéristiques du service, les prix et les horaires, que le mandant avait la faculté de visiter l’unité hôtelière à tout moment pour vérifier le respect des normes, qu’il était interdit au mandataire de souscrire des engagements ou d’effectuer un quelconque règlement pour le compte du mandant sauf accord préalable et formel de sa part, que la durée de ses congés était imposée au mandataire, qu’ainsi, le gérant-mandataire ne disposait d’aucun des éléments de la gestion courante d’une unité hôtelière, la cour d’appel a pu en déduire que la réalité des relations contractuelles était celle d’un lien de subordination ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Hôtelière Europarc aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Hôtelière Europarc à payer à M. et Mme X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Hôtelière Europarc ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP PARMENTIER et DIDIER, avocat aux Conseils pour la société Hôtelière Europarc

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit que le contrat du 1er juin 2001 (lire 1er février 2001) conclu entre la société Hôtelière Europarc et la société X... n’a pas une nature commerciale mais caractérise un contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE par un contrat en date du 1er février 2001, la société Hôtelière Europarc a donné mandat à la société X... d’assurer la direction d’une unité d’hôtellerie sous l’enseigne Akena ; que ce contrat prévoyait la mise à disposition de Monsieur X... d’un logement (cf. arrêt p. 2, dernier §) ; qu’il convient de rechercher non seulement si le contrat rentre dans le cadre général défini par l’article L.146-1 du code du commerce, mais encore de quelle autonomie les intéressés disposaient pour accomplir leur tâche ; que le contrat en cause énonce que le mandataire gérant jouit d’une autonomie dans l’accomplissement de sa mission, qu’il aura toute faculté d’organiser et de définir les horaires de travail du personnel qu’il croirait devoir recruter sous son entière responsabilité juridique et financière et qu’il définira ses conditions d’exploitation ; que le contrat énonce également que « la spécificité des attributions et obligations du mandataire gérant découlent directement du fait que « hôtel Akena » est un concept nouveau d’hôtellerie standardisé et strictement défini par des normes et standards » qui doit être « impérativement respecté » ; que si le mandataire gérant conserve le pouvoir de définir ses propres conditions d’exploitation, celles-ci « devront impérativement respecter les standards de la chaîne selon cahier des charges », standards considérés comme « impératifs » ; que les standards ainsi évoqués portent sur les caractéristiques du service, sur les prix ainsi que sur les horaires ; qu’en outre, la possibilité d’une visite à tout moment de l’unité hôtelière par un préposé du concédant est prévue afin de vérifier « le respect des normes définies » par le contrat ; qu’il est encore interdit au mandataire de souscrire des engagements ou d’effectuer quelconque règlement pour le compte de la mandante sauf accord préalable et formel de sa part ; qu’enfin, il est précisé au contrat que « Monsieur X... pourra disposer de cinq semaines de congé » ; qu’il découle de ces stipulations contractuelles que l’exploitant qualifié de mandataire gérant ne dispose, contrairement aux termes du contrat, d’aucune autonomie de gestion sinon en ce qui concerne l’embauche de collaborateurs ; qu’en effet les éléments visés ci-dessus permettent d’établir qu’il doit respecter strictement les normes et standard de l’entreprise, énoncées sous formes d’ordres et de directives qui, pour être fixées une fois pour toutes dans le contrat n’en émanent pas moins de celui qui se présente comme mandant ; qu’il ne dispose d’aucun des éléments de la gestion courante d’une société hôtelière, comme les horaires, les caractéristiques du service et surtout les tarifs pratiqués ; que le « mandant » se réserve encore la possibilité de contrôler à tout moment la conformité de l’exploitation aux normes qu’il a lui-même définies et qu’il impose même la durée des congés du « mandataire gérant » ; que dès lors l’autonomie de ce dernier mentionnée au contrat est de pure forme et la réalité contractuelles est celle d’un lien de subordination ; qu’il convient en conséquence d’infirmer le jugement déféré ; qu’il convient de débouter la société Hôtelière Europarc de sa demande tendant à voir juger que le contrat en cause a une nature commerciale ; qu’il n’y a pas lieu de prendre acte d’un fait comme la résiliation dudit contrat ; qu’il n’y a pas lieu de se déclarer incompétent au profit du conseil des prud’hommes dans la mesure où aucune demande relevant de la compétence de cette juridiction n’est formulée devant cette cour et celui-ci étant saisi par ailleurs d’une demande au titre de la relation de travail sur laquelle il lui appartient de statuer (cf. arrêt p. 4 et 5) ;

1°) ALORS QUE l’existence d’une relation de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements ; qu’en se bornant à examiner les stipulations du contrat de location-gérance pour en déduire l’existence d’un lien de subordination sans vérifier les conditions de fait dans lesquelles les époux X... exerçaient leur activité et notamment s’ils étaient effectivement soumis aux ordres, aux directives et au contrôle de la société Hôtelière Europarc, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.121-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE pour décider que l’autonomie du gérant mentionnée dans le contrat était de pure forme, la cour d’appel a retenu que l’intéressé devait respecter les normes et standard de l’entreprise, ainsi que les tarifs, les caractéristiques de service et les horaires pratiqués ; qu’en statuant ainsi quand les limites apportées à l’autonomie de gestion étaient inhérentes au contrat de gérance d’un hôtel appartenant à une chaîne hôtelière, la cour d’appel a violé l’article L.121-1 du code du travail ;

3°) ALORS QUE le pouvoir du gérant mandataire de recruter et de licencier le personnel de l’établissement qu’il gère, d’organiser et de définir ses horaires de travail sous son entière responsabilité juridique et financière, ainsi que de définir ses conditions d’exploitation, est incompatible avec l’existence d’un rapport de subordination ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a derechef violé l’article L.121-1 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 30 mai 2007