Commerce de détail non alimentaire

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 5 décembre 2001

N° de pourvoi : 98-22172

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. LE ROUX-COCHERIL conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société anonyme Eurotextile exerçant sous l’enseigne “Babou”, dont le siège est ...,

en cassation d’un arrêt rendu le 28 septembre 1998 par la cour d’appel de Lyon (chambre sociale), au profit :

1 / de l’union départementale CFDT, dont le siège est ...,

2 / du syndicat CFDT Commerce et Services, dont le siège est Place Guichard bourse du Travail, 69003 Lyon,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l’audience publique du 24 octobre 2001, où étaient présents : M. Le Roux-Cocheril, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président et rapporteur, M. Texier, Mme Quenson, conseillers, Mme Bourgeot, M. Besson, conseillers référendaires, M. Kehrig, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Le Roux-Cocheril, conseiller, les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de la société Eurotextile “Babou”, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de l’union départementale CFDT, du syndicat CFDT Commerce et Services, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur les deux moyens réunis :

Attendu que la société Eurotextile, propriétaire d’un fonds de commerce d’articles de confection et de bazar, de vêtements et de maroquinerie à Saint-Priest (Rhône) a confié aux époux X... et à M. Y... l’exploitation de ce fonds de commerce ; que le 1er septembre 1993 les trois exploitants ont constitué une société à responsabilité limitée dénommée IO Z... début d’exploitation le 1er juin 1993 dont ils étaient les cogérants associés ; qu’une convention de mandat de vente a été conclue le 1er juin 1993 entre la société Eurotextile et la société IOP aux termes de laquelle cette dernière devait vendre exclusivement les produits fournis par la société Eurotextile qui restaient la propriété de cette dernière ainsi que les recettes produites par leur vente, exercer son activité exclusivement dans le local mis à la disposition par la mandante, respecter les prix et méthodes de vente fixés par cette dernière, laquelle devait donner son accord préalable à toute modification d’horaires et de jours d’ouverture du magasin sous peine de résiliation du mandat ; que le 9 janvier 1994, l’inspection du travail a constaté que le magasin était ouvert au public le dimanche en violation des dispositions de l’arrêté préfectoral du 9 février 1984 ; que la société IOP a été dissoute le 30 septembre 1994 ; que l’Union départementale CFDT du Rhône et le syndicat CFDT commerce et services ont saisi le 8 mars 1996 le tribunal d’instance d’une demande de requalification du contrat de mandat entre la société IOP et la société Eurotextile en contrat de “gérant mandataire” liant directement la société Eurotextile aux trois

mandataires par application de l’article L 781-1 du Code du travail et en paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que la société Eurotextile fait grief à l’arrêt attaqué (Lyon, 28 septembre 1998) de l’avoir condamnée à payer aux deux syndicats une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon les moyens :

1 / qu’en se déterminant par des motifs qui ne caractérisent pas l’absence d’affectio societatis, partant la fictivité, de la société IOP, constituée entre trois associés et cogérants -à l’exclusion de la société anonyme Eurotextile- dans le but de prendre en gérance le fonds de celle-ci, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article1833 du Code civil ;

2 / qu’en se déterminant par un motif qui ne caractérise pas davantage une confusion de patrimoines, puisque les fonds déposés, aux termes de l’article 2.2.3. du mandat, sur un compte ouvert au nom d’Eurotextile, lui appartenaient effectivement, aux termes de l’article 2.2.1., tandis que la gérante percevait une rémunération mensuelle distincte, la cour d’appel a derechef privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

3 / qu’en énonçant que la société IOP “semble” avoir été constituée dans le seul but de contourner la législation sociale, la cour d’appel, qui s’est déterminée par un motif dubitatif, a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4 / qu’en se déterminant, en l’absence aux débats des trois associés et cogérants d’IOP, par des motifs qui ne caractérisent pas leur participation dans la fraude retenue, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1833 du Code civil ;

5 / que la société constituée sans objet licite doit être annulée ; que lorsque la nullité d’une société est prononcée, elle met fin sans rétroactivité à l’exécution du contrat ; que, par ailleurs, une société fictive est une société nulle et non inexistante ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté la fictivité et / ou l’objet illicite de la société à responsabilité limitée IOP constituée dans le but d’échapper à la législation sociale ; que la sanction de ces constatations ne pouvait être que la nullité, pour l’avenir de cette société qui n’en conservait pas moins une existence réelle le 9 janvier 1991, date à laquelle l’ouverture dominicale du magasin Babou avait été constatée ; que dès lors à cette date, l’article L. 781-1 du Code du travail, qui ne concerne pas les personnes morales, n’était pas applicable ; qu’en statuant comme elle l’a fait la cour d’appel, qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé ce texte, ensemble l’article 1844-15 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d’appel, dont les constatations ôtent tout caractère dubitatif au terme critiqué et abstraction faite de l’emploi de l’expression “société fictive” qui est erroné, appréciant souverainement l’intention frauduleuse de la société Eurotextile, seule concernée par le litige, a retenu que la société IOP avait été créée dans la seule intention évidente d’écarter l’application des dispositions d’ordre social relatives à l’interdiction d’ouverture dominicale du magasin ; qu’elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Eurotextile “Babou” aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Eurotextile “Babou” à payer à l’Union départementale CFDT et au syndicat CFDT Commerce et Services, chacun, la somme de 7 000 francs ou 1 067,14 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille un.

Décision attaquée : cour d’appel de Lyon (chambre sociale) du 28 septembre 1998